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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3486/2006

ATA/408/2007 du 28.08.2007 ( CE ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : ; AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ; PLAN D'AFFECTATION SPÉCIAL ; ACTE DE RECOURS ; CONDITION DE RECEVABILITÉ ; FORMALISME EXCESSIF
Normes : LaLAT.35
Parties : BOYER DE BOUILLANE A. et T. et autres, BOYER DE BOUILLANE Tristan, PAVILLARD Nicole et Philippe, PAVILLARD Philippe, TURBOTT Janette et Geoffrey, TURBOTT Geoffrey, DELLA SALA Stefano, CHEHAB Issam, FORBES Dianne et Gregor, FORBES Gregor / CONSEIL D'ETAT, ZINGGELER Jacqueline, BOZONET Bernard
Résumé : Irrecevabilité d'un recours contre un projet de PLQ. La seule écriture ayant été remise par les recourants au Conseil d'Etat dans le délai d'opposition désignait clairement et sans équivoque le projet de loi de modification de zone uniquement et non le projet de PLQ. Le recours auprès du Tribunal administratif est irrecevable, les recourants n'ayant pas épuisé la voie de l'opposition.
En fait
En droit

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3486/2006-CE ATA/408/2007

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 28 août 2007

 

dans la cause

 

Madame Alexandra et Monsieur Tristan BOYER DE BOUILLANE
Madame Nicole et Monsieur Philippe PAVILLARD
Madame Janette et Monsieur Geoffrey TURBOTT
Monsieur Stefano DELLA SALA
Monsieur Issam CHEHAB
Madame Dianne et Monsieur Gregor FORBES

représentés par Me Bruno Mégevand, avocat

contre

CONSEIL D'éTAT

et

Monsieur Bernard BOZONET
Madame Jacqueline ZINGGELER
appelés en cause, représentés par la Régie du Centre S.A.



EN FAIT

1. Les parcelles nos 5735, 5736 et 7137, feuille 40, de la commune de Collonge-Bellerive, d'une superficie totale d'environ 3'633 m2, situées à proximité de la route de Thonon, sont sises en cinquième zone de construction au sens de l’article 19 alinéa 3 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30).

2. Le 26 mai 2004, le département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (devenu depuis le département des constructions et des technologies de l'information - ci-après : le département) a répondu favorablement à une demande de renseignement, enregistrée sous n° 17585, déposée le 7 juin 2002, ayant pour objet la réalisation sur les parcelles susmentionnées de quatre immeubles de logement avec garage souterrain et parking.

3. En vue de permettre la réalisation de ces constructions, le département a élaboré deux projets de plans d'affectation du sol portant précisément sur ces trois parcelles, à savoir :

a. - un projet de plan de zone n° 29'387-515, créant une zone 4B de développement à la sortie du village de Vésenaz en direction de la douane de Corsier;

b. - un projet de plan localisé de quartier (ci-après : PLQ) n° 29'388-515 prévoyant l'édification de quatre immeubles de gabarits R + 2, R + 2 + S et R + 3, accompagnés d'un parking en sous-sol, implantés perpendiculairement à la route de Thonon, et d'une surface de plancher d'environ 2'640 m2, garantissant environ 24 logements et près de 130 m2 affectés à des commerces, au rez.

4. Ces deux projets de plans on été soumis à des enquêtes publiques simultanées (nos 1441 et 1442) qui se sont déroulées du 5 septembre au 4 octobre 2005.

5. Par courrier unique du 4 octobre 2005 adressé au département, Madame Alexandra et Monsieur Tristan Boyer de Bouillane, propriétaires de la parcelle n° 6341, Madame Nicole et Monsieur Philippe Pavillard, propriétaires de la parcelle n° 9037, Madame Janette et Monsieur Geoffrey Turbott, propriétaires de la parcelle n° 9038, Monsieur Stefano Della Sala, propriétaire de la parcelle n° 9039, Monsieur Issam Chehab, propriétaire de la parcelle n° 9040, Madame Dianne et Monsieur Gregor Forbes, propriétaires de la parcelle n° 9041 (ci-après : Mme et M. Boyer de Bouillane et consorts), ont formulés leurs observations au sujet du projet de PLQ, en indiquant qu'ils s'opposaient au projet de réalisation immobilière.

Les parcelles dont ils étaient propriétaires se trouvaient toutes en cinquième zone de construction et étaient situées en limite du périmètre concerné par le PLQ. Sur leurs parcelles, quatre villas contiguës et une villa individuelle avaient été construites en 2003-2004 ainsi qu'une sixième maison individuelle modifiée en 2004-2005.

Ils exposaient divers griefs à l'encontre de la procédure suivie dans l'élaboration du projet de déclassement et de PLQ, notamment celui de n'avoir pas été consultés par les architectes. L'orientation des bâtiments, leur gabarit et l'emplacement de la rampe d'accès créeraient de forts inconvénients pour leur propriété. La densification du secteur entraînerait inévitablement des nuisances supplémentaires, notamment au niveau du trafic.

6. Le 14 novembre 2005, par deux arrêtés séparés, le Conseil municipal de la commune de Collonge-Bellerive a délivré un préavis favorable aux deux projets de plan.

7. Le 11 janvier 2006, le Conseil d'Etat a déposé sur le bureau du Grand Conseil le projet de loi n° 9764, visant la création d'une zone de développement 4B, à Vésenaz, route de Thonon.

8. Le 20 janvier 2006, Mme et M. Boyer de Bouillane et consorts ont informé la commune de Collonge-Bellerive de leur "opposition déjà signifiée au département" en date du 4 octobre 2005. Ce courrier portait l'en-tête : "Avis d'enquête 1441 et 1442" et indiquait en pied de page : "Opposition". Les propriétaires concernés y indiquaient qu'ils s'étaient opposés au projet de loi de déclassement et au projet immobilier déposés au département conformément aux avis d'enquêtes 1441 et 1442.

9. Le 23 janvier 2006, le département chargé de l'aménagement du territoire a informé la commune de Collonge-Bellerive de l'ouverture de la procédure d'opposition relative au projet de loi n° 9764 ainsi qu'au projet de PLQ n° 29'388-515, en la priant de bien vouloir procéder à l'affichage.

10. Les procédures d'opposition au projet de loi n° 9764 et au projet de PLQ n° 29'388-515 ont été ouvertes du 25 janvier au 23 février 2006 et publiées dans la Feuille d'avis officielle (FAO) du 25 janvier 2006 par deux avis figurant sur la même page.

11. Le 17 février 2006, Mme et M. Boyer de Bouillane et consorts se sont opposés au projet de loi n° 9764, auprès du Conseil d'Etat, par un courrier portant les indications : "Dossier 29387-515" et "Opposition" ainsi que "Groupement des propriétaires concernés par le projet de loi de déclassement de zone".

Ils faisaient valoir qu'ils étaient opposés au projet de déclassement des terrains en zone 4B présenté dans le projet de loi. Ils étaient déjà fortement pénalisés du fait de la réalisation du PLQ n° 29103 situé de l'autre côté de la route de Thonon à proximité de leurs parcelles. De ce fait, les incidences sur les espaces verts, le bruit du trafic routier, la perte d'ensoleillement et l'aspect privatif des parcelles seraient doublées par la construction ultérieure de quatre immeubles contre lesquels ils s'étaient également opposés auprès du département en date du 4 octobre 2005, suite à l'avis d'enquête préalable.

12. Le 27 février 2006, la commune de Collonge-Bellerive a informé le département de l'affichage au pilier public pendant un mois des dossiers concernant les plans nos 29387-515 et 29388-515. Elle joignait copie du courrier reçu le 20 janvier 2006 "des propriétaires des parcelles avoisinantes qui faisaient valoir leur droit d'opposition".

13. Le 19 mai 2006, le Grand Conseil a adopté la loi n° 9764 et son plan n  29387-515. L'opposition formée par Mme et M. Boyer de Bouillane et consorts ainsi que celle formée par deux autres résidents voisins, Madame Tatiana et Monsieur Yves Chatillon, ayant été rejetée. Promulguée par arrêté du 26 juillet 2006 et parue dans la FAO du 31 juillet 2006, la loi n'a pas fait l'objet de recours.

14. Par arrêt du 22 août 2006, paru dans la FAO du 25 août 2006, le Conseil d'Etat a adopté le PLQ n° 29'388-515. Par arrêté séparé du même jour, il a rejeté l'unique opposition formée par Mme et M. Chatillon.

15. Par acte reçu le 26 septembre 2006, Mme et M. Boyer de Bouillane et consorts, sous la plume d'un mandataire, ont déposé un recours au Tribunal administratif contre le PLQ, en concluant à son annulation et à l'octroi de dépens.

La procédure d'opposition au projet de PLQ, contrairement à celle au projet de loi de déclassement, n'avait pas fait l'objet d'un affichage à Collonge-Bellerive, mais uniquement d'une publication dans la FAO. De ce fait, ils ne s'étaient pas rendu compte que les deux projets faisaient l'objet de procédures distinctes et ne s'étaient pas manifestés dans la procédure d'opposition relative au PLQ. Bien que la procédure en matière d'adoption des PLQ prévoie une opposition préalable au recours au Tribunal administratif, la simultanéité des premières enquêtes publiques d'une part puis de celles d'opposition et la non publication par voie d'affichage d'autre part, avaient fait qu'ils ne s'étaient pas manifestés à nouveau auprès de l'autorité compétente dans le délai d'opposition. Les arguments formulés dans leur opposition du 17 février 2006 étaient les mêmes que ceux développés auparavant dans leurs observations/opposition déposées au département le 4 octobre 2005 et qui portaient sur les deux projets. Ce serait faire preuve de formalisme excessif que de leur dénier le droit de former recours au motif qu'ils n'avaient pas utilisé la voie de l'opposition durant le délai fixé.

Le PLQ n'était pas conforme au plan directeur cantonal dans la mesure où il prévoyait un indice d'utilisation du sol (IUS) trop élevé. En zone 4B, la densité moyenne devait être de 0,4 à 0,6 selon le plan directeur. Selon les indications portées par le plan litigieux, l'IUS était de 0,85, soit largement supérieur à la fourchette prévue, sans que le Conseil d'Etat n'apporte aucune justification à ce dépassement. Le taux de 0,85 était plus proche de l'indice applicable en zone de développement 3 que de celui admissible en zone villas.

Les bâtiments prévus étaient d'un gabarit excessif. La commission d'aménagement avait rappelé que dans le périmètre déclassé, il y avait lieu de s'en tenir à un gabarit strictement identique à celui prévalant en zone villas, à savoir 10 mètres à la corniche. Or le plan litigieux prévoyait que la hauteur maximale au-dessus du terrain naturel était de 12 mètres selon les déclarations faites par le Conseil d'Etat, parues dans la FAO du 25 août 2006.

L'implantation inopportune des bâtiments, perpendiculairement à la route de Thonon, induisait un aspect visuel inesthétique, mais aussi susceptible de réfléchir le bruit du trafic de la route en direction de leurs villas. Il s'agissait d'inconvénients graves au sens des articles 14 lettre a et 15 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05).

L'implantation de la rampe d'accès au parking du sous-sol en limite du périmètre se trouvait à proximité immédiate de deux parcelles (nos 9037 et 9038) ce qui engendrerait un accroissement notable du bruit induit par la circulation des véhicules. Le projet prévoyait une cinquantaine de place de stationnement en sous-sol. Aucun obstacle n'empêchait l'implantation de la rampe d'accès entre les bâtiments A et D.

Pour toutes ces raisons, le PLQ devait être annulé.

16. Le 21 novembre 2006, sur délégation du Conseil d'Etat, le Conseiller d'Etat en charge du département du territoire a répondu au recours en concluant principalement à son irrecevabilité et subsidiairement à son rejet.

Les recourants n'avaient pas utilisé la voie de l'opposition au projet de PLQ. Conformément à l'article 35 LaLAT, leur recours devait être déclaré irrecevable.

Concernant l'affichage des avis d'ouverture de la procédure d'opposition, le Conseil d'Etat produisait une lettre de la commune du 23 octobre 2006 confirmant avoir procédé à l'affichage. La secrétaire-réceptionniste de la commune attestait pas sa signature avoir remis à l'employé en charge de l'affichage les avis informant la population de l'ouverture des procédures d'opposition simultanées, le 24 janvier 2006. Une copie de la main courante indiquait que l'employé en charge de l'affichage y avait procédé le même jour. Hormis l'affirmation non étayée des recourants, rien ne permettait de penser que la commune avait omis de procéder dans les règles à l'affichage requis par la loi.

Pour le surplus, le PLQ était conforme au plan directeur cantonal dans la mesure où il était normal que des instruments de planification postérieurs rétroagissent sur ce dernier. L'IUS de 0,85 restait en outre bien inférieur à celui d'une zone de développement 3. Aucun élément sérieux et suffisamment pertinent ne permettait de s'écarter du préavis de la commission d'urbanisme. Le PLQ résultait d'une réflexion approfondie et portant sur la continuité entre la zone de développement 4B existante tout en définissant la fin de la limite densifiée du village de Vésenaz, il tenait compte de l'environnement constitué par les parcelles voisines situées en zone 5.

L'édification d'une construction qui respectait les distances et gabarits légaux, ne saurait constituer un inconvénient grave pour le voisinage. Les deux immeubles dont l'implantation avait été prévue proche des villas propriété des recourants avaient un gabarit de 10m, usuel en zone 4B. Il ne pouvait se poser de problème d'ensoleillement. Seul l'immeuble de R + 3, situé à proximité de la route de Thonon, atteignait 12m à la corniche en faisant usage de la possibilité dérogatoire prévue par l'article 32 alinéa 3 LCI. Cet immeuble s'élevait dans le prolongement d'autres immeubles de gabarits semblables ou plus élevés. Il était séparé du tissu de villas par les deux immeubles de R + 2 et n'était pas susceptible de provoquer de graves pertes d'ensoleillement pour ceux-ci.

S'agissant de l'esthétique des constructions projetées, les instances spécialisées avaient toutes délivrées des préavis favorables au PLQ litigieux, en particulier la commission d'urbanisme, l'office des transports et de la circulation ainsi que le service cantonal de protection contre le bruit et les rayonnements non ionisants. Concernant le bruit, une étude complémentaire avait été réalisée sur demande par le service compétent. Celle-ci démontrait que, non seulement les nouvelles constructions ne détérioreraient pas la situation, mais au contraire, elles l'amélioreraient globalement et ceci de manière substantielle. Les réflexions des façades de nouveaux immeubles ne se feraient sentir que sur la parcelle n° 9037, qui perdra le bénéfice de l'effet d'écran de l'immeuble A par rapport au trafic de la route de Thonon. Pour ce terrain, l'exposition au bruit routier devrait rester identique à celle qui prévalait, sous réserve d'une amélioration ultérieure de la situation due à la végétation prévue par le PLQ. Pour les autres terrains, l'amélioration sera comprise entre 1,5 dB(A) et 2,7 dB(A), donc clairement perceptible.

17. Le 24 novembre 2006, Madame Jacqueline Zinggeler et Monsieur Bernard Bozonet, propriétaires de la parcelle n° 5735 comprise à l'intérieur du périmètre du PLQ, ont demandé à intervenir dans la procédure.

Le 23 mars 2007, ils ont versés à la procédure un courrier de leur architecte adressé au département, daté du 20 mars 2007, dans laquelle il était précisé notamment que selon la requête en autorisation de construire déposée, conforme au PLQ, la rampe d'accès au parking serait couverte par une dalle en béton dont la surface était végétalisée. Un mur formant écran de protection était prévu jusqu'au trottoir du côté de la parcelle n° 9037. Les parois du parking étaient à une certaine distance de la limite de propriété et seraient protégées par des panneaux de drainage pouvant absorber d'éventuelles vibrations. Le passage sur la rampe serait peu fréquent, le parking étant réservé uniquement aux habitants des immeubles. Une nouvelle haie était prévue à la limite de propriété, dont la hauteur pourrait être définie conjointement avec les propriétaires voisins. De plus, l'espace entre la limite de propriété et les parois du parking laissait la possibilité de planter en pleine terre des arbres à haute tige pouvant former un écran de végétation, à définir d'un commun accord. Les exigences complémentaires au projet demandées par les propriétaires voisins feraient l'objet d'une participation financière.

18. Invitées à s'exprimer à ce sujet, les parties n'ont fait valoir aucune opposition à l'appel en cause des propriétaires de la parcelle n° 5735.

Sur quoi, le 19 avril 2007, une décision d'appel en cause de Mme Zinggeler et M. Bozonet a été rendue par le tribunal de céans.

19. Le 3 mai 2007, Mme Zinggeler et M. Bozonet se sont ralliés aux conclusions prises par l'autorité intimée et n'ont pas sollicité d'indemnité de procédure.

20. Les parties ont été informées le 3 août 2007 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Le recours contre l'adoption d'un PLQ est régi par l'article 35 LaLAT. Selon cette disposition, la décision par laquelle le Conseil d'Etat adopte un PLQ au sens de l'article 13 alinéa 1 lettre a LaLAT peut faire l'objet d'un recours au Tribunal administratif (al. 1). Le délai de recours est de trente jours dès la publication de la décision dans la FAO pour les plans visés à l'article 13 LaLAT (al. 2). Le recours n'est recevable que si la voie de l'opposition au sens de l'article 6 alinéa 8 de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35) a préalablement été épuisée (al. 4). Pour le surplus, la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) est applicable (al. 5).

2. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est, à cet égard, recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05).

En outre, en tant que propriétaires voisins dont les biens-fonds sont situés à proximité immédiate de la zone considérée, les recourants ont qualité pour agir, conformément aux articles 33 alinéa 3 lettre a de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin l979 (LAT - RS 700) et 60 LPA (ATF 121 II 171 consid. 2b p. 174; ATA/101/2006 du 7 mars 2006).

Reste à examiner si les recourants ont épuisé la voie de l'opposition et si la procédure suivie pour l'adoption du PLQ s'est déroulée conformément aux exigences légales.

3. a. A teneur de l'article 6 LGZD, le projet de PLQ est soumis à une enquête publique annoncée par voie de publication dans la FAO et d'affichage dans la commune. Pendant la durée de l'enquête publique, chacun peut prendre connaissance du projet à la mairie et au département et adresser à ce dernier ses observations (al. 2).

Simultanément à l'ouverture de l'enquête publique, le département transmet à la commune le projet de PLQ pour qu'il soit porté à l'ordre du jour du conseil municipal. A l'issue de l'enquête, le département transmet à la commune les observations reçues qui doit alors communiquer son préavis, soumis au référendum communal (al. 3).

A l'issue du délai référendaire, le PLQ, si le département n'a pas dû lui apporter des modifications essentielles, fait l'objet d'une publication dans la FAO et d'affichage dans la commune (al. 7). Pendant un délai de trente jours à compter de la première publication, toute personne, organisation ou autorité qui dispose de la qualité pour recourir contre le PLQ peut déclarer son opposition, par acte écrit et motivé, au Conseil d'Etat (al. 8).

Le Conseil d'Etat statue sur les oppositions, le cas échéant modifie le projet et adopte ensuite le PLQ. S'il a apporté des modifications à celui-ci, il examine préalablement s'il y a lieu de rouvrir tout ou partie de la procédure prévue (art. 6 al. 9 LGZD).

b. L'opposition permet aux tiers intéressés de demander à l'autorité compétente de modifier une décision projetée. Elle présuppose une enquête publique. Elle s'en distingue toutefois, car seules les personnes, organisation ou autorité qui disposent de la qualité pour recourir contre le plan peuvent déposer une opposition. Selon le Tribunal fédéral, l'opposition vaut voie de recours parce que l'autorité doit l'examiner au fond et statuer. L'opposant acquiert la qualité de partie à la procédure. Ainsi, bien que l'opposition ne s'adresse pas à une autorité de recours, il faut la considérer comme un moyen de droit (T. TANQUEREL, Le Contentieux de l'aménagement du territoire, journée du droit de la propriété 2000, p. 9; La participation de la population à l'aménagement du territoire, 1988 p. 94).

4. S'agissant de la publication du projet de PLQ, l'autorité intimée soutient, contrairement aux affirmations des recourants, que la commune a procédé à l'affichage de l'original de l'annonce à paraître dans la FAO. Selon les pièces versées à la procédure, la commune confirme y avoir procédé, ce fait étant attesté par les déclarations de ses employés et la main courante.

En revanche, aucun élément ne vient étayer l'allégation des recourants affirmant avoir été empêchés de faire opposition. A cet égard, le tribunal relèvera également qu'une opposition au PLQ a été déposée par d'autres personnes dans le délai légal.

Au vu de ce qui précède et compte tenu du fait que la LGZD fait dépendre le début du délai d'opposition de la première publication dans la FAO uniquement (art. 6 al. 7 et 8 LGZD), le respect de la procédure de publication prévue par la LGZD doit être considéré comme établi.

5. L'autorité intimée a retenu que les recourants n'avaient pas formé opposition au projet de PLQ.

Pendant le délai d'opposition au PLQ qui coïncidait avec celui concernant le projet de loi n° 9764 modifiant les limites de zones, les recourants ont toutefois adressé une opposition formelle à ce dernier projet.

Au vu des pièces figurant au dossier, il apparaît que cette opposition a été clairement formulée contre le projet de modification de zone de développement uniquement. Rien dans l'intitulé du courrier n'indique qu'il pourrait s'agir d'une opposition conjointe concernant également le PLQ, seul est mentionné le n° 29'387-515, correspondant au plan de modification de régime de zone. Le PLQ n'est pas mentionné dans le corps de la lettre mais une indication est faite concernant "l'Opposition" faite au cours de "l'enquête préalable".

En dépit de ces faits, les recourants estiment que ce serait faire preuve de formalisme excessif que de leur dénier le droit de recourir, compte tenu de la simultanéité des procédures. Ils entendent également tirer argument du fait que les critiques émises dans leur opposition au projet de loi sont semblables à celles qu'ils avaient formulées dans leurs observations faites au cours des enquêtes publiques qui concernaient également le PLQ.

a. Le tribunal de céans a déjà relevé que la distinction entre l'enquête publique dans laquelle n'importe quelle personne ayant des remarques à faire au sujet du plan et la voie de l'opposition, réservée aux seules personnes ayant qualité pour agir, ne peut être considérée comme du formalisme excessif. Le fait que les recourants soient intervenus au cours de l'enquête publique, au même titre que n'importe quelle personne, ne permet pas d'admettre qu'ils ont épuisé la voie de l'opposition. Les observations faites au cours de l'enquête publique sont adressées au département, alors que les oppositions doivent être formulées par écrit devant le Conseil d'Etat : le fait qu'il y ait deux destinataires empêche d'assimiler un courrier rédigé dans le cadre de l'enquête publique à une opposition (ATA B. du 9 novembre 1999, s'agissant d'un plan de site, ATA SI du 9 décembre 1997).

b. La jurisprudence a tiré de l’article 29 alinéa 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101). et de l’obligation d’agir de bonne foi à l’égard des justiciables (art. 5 et 9 Cst), le principe de l’interdiction du déni de justice formel qui comprend la prohibition de tout formalisme excessif. Un tel formalisme existe lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique sans raison objective la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.507/2002 du 31 mars 2004, consid. 5.2 et références citées ; Arrêt du Tribunal fédéral 1P.109/2004 du 10 mars 2004, consid. 2.1 et références citées). C’est en particulier le cas lorsque la violation d’une règle de forme de peu d’importance entraîne une sanction grave et disproportionnée, telle par exemple une décision d’irrecevabilité. En règle générale, il y a formalisme excessif lorsque, au lieu de déclarer l'acte irrecevable, l'autorité aurait pu aviser facilement l'intéressé et que le vice aurait pu alors être aisément corrigé ou lorsque, de toute autre manière, le vice n'a pas de conséquence sur l'ordre de la procédure ni sur la régularité de la décision à prendre (ATA/473/2004 du 25 mai 2004 ; ATA/561/2003 du 23 juillet 2003 ; P. MOOR, Droit administratif, vol. II, Berne 2002, p. 230 et ss n. 2.24.6 et références citées).

Ainsi, en cours de procédure, une déclaration adressée à l'autorité doit être comprise selon le sens que, de bonne foi, son destinataire doit lui prêter. L'administration étant davantage versée dans les matières qu'elle doit habituellement traiter, du moins formellement, on peut attendre de sa part une diligence accrue dans l'examen des actes qui lui sont soumis, notamment lorsqu'ils sont rédigés par des profanes, afin de leur donner un sens raisonnable, sans avoir à s'en tenir aux expressions inexactes utilisées" (J.-F. EGLI, La protection de la bonne foi dans le procès, quelques applications dans la jurisprudence, in Juridiction constitutionnelle et Juridiction administratif, Recueil de travaux publié sous l'égide de la Ire Cour de droit public du Tribunal fédéral suisse, Zurich 1992, p. 236).

c. En matière de recours, des exigences minimales, tels que la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant, découlent de l'article 65 alinéa 1 LPA. Les exigences formelles posées par le législateur n’ont d’autre but que de permettre de déterminer l’objet du litige soumis et de donner l’occasion à la partie intimée de répondre aux griefs formulés à son encontre (ATA/587/2006 du 7 novembre 2006 ; ATA/251/2004 du 23 mars 2004).

Les exigences liées à la motivation du recours, notamment, valent en principe aussi lorsque celui-ci est intenté par un particulier qui ne dispose pas d'une formation juridique. S'agissant des conclusions, la jurisprudence admet que ces exigences puissent être assouplies en pareil cas, pour autant que l'atteinte à un droit ou à un principe constitutionnel se déduise de la motivation, même brève et maladroite, de l'acte de recours (Arrêt du Tribunal fédéral 1P.141/2004 du 10 mai 2004 consid. 2).

En l'espèce, les recourants ne peuvent se prévaloir, pour justifier s'être valablement opposés au projet de PLQ, ni des observations envoyées au département le 4 octobre 2005 ni du courrier du 20 janvier 2006, adressé à la commune de Collonge-Bellerive. En effet, les deux écritures indiquent clairement dans leurs en-têtes qu'elles sont faites dans le cadre des enquêtes publiques et cela malgré le terme "Opposition" figurant en bas de page. Les deux écritures sont de plus antérieures à l'ouverture de la procédure d'opposition.

En outre, le Conseil d'Etat pouvait, sans faire preuve de formalisme excessif, se fonder sur la désignation claire et sans équivoque de l'acte unique attaqué par l'opposition déposée contre le projet de loi. Cette écriture comporte dans l'en-tête de chaque page la mention "Dossier 29387-515".

En effet, bien que les procédures d'adoption de la loi de modification du régime des zones et du PLQ aient été simultanées, ce que la loi envisage expressément (art. 6 al 12 LGZD) et que la possibilité de former opposition par un seul acte à l'encontre de la loi et du PLQ conjointement soit envisageable, il n'en reste pas moins que l'acte ou les actes attaqués doivent être reconnaissables. Il n'est pas possible de déduire implicitement d'une opposition au projet de loi celle au PLQ, sauf à nier l'existence de deux procédures distinctes aboutissant à deux décisions distinctes.

A cela s'ajoute que, même dans l'exposé des griefs, rien ne permettait à l'autorité d'inférer qu'il s'agissait d'une opposition conjointe visant également le projet de PLQ. A cet égard, si la volonté des recourants de s'opposer au projet de PLQ ressort des courriers adressés au département et à la commune pendant l'enquête publique, elle ne s'est pas exprimée dans le seul acte rédigé par les recourants dans le délai légal d'opposition. La seule référence à la procédure d'enquête publique et aux observations faites, dans ce cadre, contre le PLQ n'est pas suffisamment explicite et ne pouvait permettre à l'autorité destinataire de reconnaître la volonté de s'opposer formellement au PLQ.

Ainsi, ne pouvant pas non plus se prévaloir de l'opposition déposée dans la procédure concernant le projet de loi n° 9764, force est de constater que les recourants n'ont pas épuisé la voie de l'opposition.

6. En conséquence, le recours sera déclaré irrecevable.

Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement (art. 87 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée aux appelés en cause qui n'y concluent pas.

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

déclare irrecevable le recours interjeté le 26 septembre 2006 par Madame Alexandra et Monsieur Tristan Boyer de Bouillane, Madame Nicole et Monsieur Philippe Pavillard, Madame Janette et Monsieur Geoffrey Turbott, Monsieur Stefano Della Sala, Monsieur Issam Chehab, Madame Diane et Monsieur Gregor Forbes contre la décision du Conseil d'Etat du 22 août 2006 ;

met à la charge des recourants pris conjointement et solidairement un émolument de CHF 1'500.- ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Bruno Mégevand, avocat des recourants ainsi qu’à la régie du Centre représentant Monsieur Bernard Bozonet et Mme Jacqueline Zinggeler, appelés en cause et au Conseil d'Etat.

Siégeants : M. Paychère, président, Mmes Bovy et Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. a.i. :

 

 

P. Pensa

 

le président :

 

 

F. Paychère

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :