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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2188/2004

ATA/367/2005 du 24.05.2005 ( JPT ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2188/2004-JPT ATA/367/2005

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 24 mai 2005

dans la cause

 

Monsieur D.__________
représenté par Me Jean-Marie Faivre, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE JUSTICE, POLICE ET SÉCURITÉ


 


1. Monsieur D.__________, né le 26 juillet 1974, a été engagé en qualité d’agent de sécurité par l’entreprise S.__________ au bénéfice d’une autorisation valable jusqu’au 11 décembre 2004, délivrée le 12 décembre 2000 par le département de justice et police et des transports, devenu depuis lors de le département de justice, police et sécurité (ci-après : le département).

2. Le 23 juillet 2004, l’entreprise F.__________S.A. (ci-après : F.__________) a sollicité du département l’autorisation d’engager M. D.__________ en qualité d’agent de sécurité, porteur d’une arme. A cette requête était joint un extrait de casier judiciaire dont il résulte que l’intéressé avait été condamné le 8 juillet 2002, par le juge d’instruction du Nord Vaudois, à une amende de CHF 900.- et à huit jours d’emprisonnement avec sursis pendant deux ans, pour violation des règles de la circulation routière et conduite en état d’ivresse.

3. A la demande du département, le bureau des armes a rédigé un rapport le 22 septembre 2004, selon lequel M. D.__________ avait également été condamné par le Procureur général de Genève à une amende CHF 1'200.- pour ivresse au volant, le 22 mars 1996. En outre, il avait été arrêté pour trafic et consommation de haschisch en 1993. En 1992, il avait été condamné par le tribunal de la jeunesse à une amende de CHF 300.- pour vol d’usage de motocycle et conduite sans permis. Pour le bureau des armes, M. D.__________ ne remplissait pas les conditions d’engagement prévues par l’article 9 lettre du concordat sur les entreprises de sécurité du 18 octobre 1996 (I 2 14 – ci-après : le concordat).

4. Par décision du 22 octobre 2004, le département a refusé l’autorisation sollicitée, au vu des condamnations dont l’intéressé avait fait l’objet et des renseignements de police le concernant.

5. Le 26 octobre 2004, le Tribunal administratif a été saisi d’un recours, sur papier à lettres de F.__________ et signé tant par l’entreprise que par M. D.__________. Ce dernier avait été engagé le 1er août 2004 comme agent de sécurité et avait fait preuve de sérieux et d’application dans les tâches qui lui avaient été confiées.

Le 29 octobre suivant, F.__________ a précisé que seul M. D.__________ était recourant.

6. Le 23 novembre 2004, M. D.__________, agissant par la plume d’un avocat, a confirmé et motivé son recours. La condamnation du tribunal de la jeunesse remontait à plus de dix ans et ne trahissait guère qu’une erreur ponctuelle, survenue dans le parcours d’un adolescent. Les deux condamnations pour ivresse étaient distantes de plus de six ans et ne révélaient pas un éthylisme chronique. Le principe de la proportionnalité était violé, puisque le département aurait pu se limiter à conditionner l’octroi de l’autorisation à l’obligation pour l’intéressé de s’abstenir de toute consommation d’alcool pendant l’exercice de sa fonction, ce qui allait de soi.

7. Le 20 décembre 2004, le département s’est opposé au recours. M. D.__________ ne remplissait pas les conditions d’honorabilité exigées pour les agents de sécurité.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Touché par la décision attaquée, le recourant a qualité pour agir. Le Tribunal administratif a admis cette qualité dans des affaires semblables, dans lesquelles l’employeur requérant n’avait pas recouru (ATA/686/2004 du 31 août 2004 ; ATA/613/2004 du 5 août 2004 et ATA/229/2004 du 16 mars 2004).

3. Le concordat a été modifié par la convention portant révision du concordat, du 3 juillet 2003 (ci-après : la convention). Le Grand Conseil a adopté, le 11 juin 2004, une loi modifiant la loi concernant le concordat du 2 décembre 1999 (Loi sur le concordat - I 2 14.0). Ce texte autorise le Conseil d’Etat à adhérer à la convention. Il contient une disposition transitoire, selon laquelle les procédures administratives et judiciaires pendantes à l’entrée en vigueur de la convention sont régies par le nouveau droit.

Dès lors, la présente affaire est soumise aux nouvelles dispositions.

4. A l'instar de l'ancienne loi cantonale sur la profession d'agent de sécurité privée du 15 mars 1985, le concordat a pour but de fixer les règles communes régissant l'activité des entreprises de sécurité et de leurs agents et d'assurer la validité inter-cantonale des autorisations accordées par les cantons (art. 2 du concordat; MGC, 1999, IX, p. 9051).

5. L’ancien article 9 alinéa 1er lettre c du concordat prévoyait que l'autorisation d'engager du personnel n'était accordée que si l'agent de sécurité n'avait pas été condamné, dans les dix ans précédant la requête, pour des actes incompatibles avec la sphère d'activité professionnelle envisagée.

Cette disposition qui limitait le libre accès à la profession d'agent de sécurité constituait une restriction à la liberté économique dont la conformité à l'article 36 alinéa 2 de la Constitution fédérale du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) avait déjà été admise par le tribunal de céans (ATA/695/2001 du 6 novembre 2001).

Dans l'exposé des motifs accompagnant le projet d'adhésion à la première version du concordat, il avait été indiqué que certains actes de violence, l'abus de confiance et le vol comptaient, par exemple, au nombre des infractions jugées incompatibles avec la sphère d'activité professionnelle envisagée (MGC, 1998, VI, p. 5197).

Après la révision du concordat, l’article 9 alinéa 1er lettre c a maintenant une teneur nouvelle, selon laquelle : « L’autorisation d’engager du personnel n’est accordée que si l’agent de sécurité (…) offre par ses antécédents, par son caractère et son comportement toute garantie d’honorabilité concernant la sphère d’activité envisagée ».

Selon l’exposé des motifs accompagnant le projet de loi, la nouvelle exigence d’honorabilité, critère figurant déjà dans l’ancienne législation genevoise sur les entreprises de sécurité, devait permettre d’examiner si le comportement de l’intéressé était encore compatible avec l’activité dont l’autorisation était requise, même si le candidat concerné n’avait pas été condamné pénalement (http://www.geneve.ch/grandconseil/memorial/data/550309/48/550309_48_partie5.asp au 10 mai 2005).

6. a. La notion d'actes incompatibles avec la sphère d'activité envisagée ou d'honorabilité fait régulièrement l'objet d'arrêts du tribunal de céans, récemment rappelée presque exhaustivement (ATA/894/2004 du 16 novembre 2004). En substance, le Tribunal administratif tient compte, à cet égard, de l’importance des infractions commises, cas échéant des actes litigieux, de la nature de l’atteinte portée et de la sphère d’intérêts touchée. En règle générale, le fait de commettre des actes de violence justifie le refus d’autorisation de travailler en qualité d’agent de sécurité privée ou le retrait de l’autorisation déjà délivrée. Seules des circonstances particulières, comme une activité professionnelle sans reproche pendant de nombreuses années, peuvent permettre de s’écarter de cette règle. L’analyse de la jurisprudence du Tribunal administratif montre aussi qu’il a tenu compte de la répétition éventuelle des faits reprochés à l’intéressé.

b. S’agissant de la condamnation prononcée par le tribunal de la jeunesse, le Tribunal administratif a considéré, dans une jurisprudence récente, que les éventuelles inscriptions au casier judiciaire relatives à des délits commis par un adolescent doivent d’emblée être traitées comme si elles étaient radiées, c’est-à-dire que l’autorité intimée ne devrait pas y avoir accès, sous réserve de l’accord de la personne concernée (ATA/118/2005 du 8 mars 2005 ; ATA/11/2005 du 11 janvier 2005 ; ATA/68/2004 du 20 janvier 2004).

c. Il résulte du dossier que, contrairement à ce que soutient le département, M. D.__________ n’a jamais été arrêté pour trafic de stupéfiants, ni condamné pour un tel motif. Les pièces produites font en effet état d’une convocation – et non d’une arrestation - l’intéressé ayant été entendu par la police dans une affaire de drogue impliquant une de ses connaissances. La lecture des déclarations permet d’ailleurs de constater que le seul reproche fait à M. D.__________ était d’avoir su qu’un tiers cherchait de la cocaïne et d’avoir autorisé une autre personne, à la recherche de la même substance, à téléphoner depuis son raccordement.

d. Restent les deux condamnations pour conduite en état d’ivresse, prononcées respectivement en 1996 par le Procureur général de Genève et en 2002 par le juge d’instruction du nord vaudois, à Yverdon.

La conduite en état d’ivresse à deux reprises et à six ans d’intervalle – dont la dernière fois plus de deux ans avant le dépôt de la demande d’autorisation concordataire – ne peut, à elle seule, remettre en cause l’honorabilité du requérant, surtout lorsque ce dernier a, comme en l’espèce, exercé la fonction d’agent de sécurité pendant plusieurs mois, à la pleine satisfaction de son employeur.

7. Au vu de ce qui précède, le recours sera admis, et la décision litigieuse annulée. Le dossier sera retourné au département, afin qu’il délivre l’autorisation sollicitée, si les autres conditions prévues par la loi sont remplies.

Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu. Une indemnité de procédure, en CHF 1'000.-, sera allouée à M. D.__________, à la charge de l’Etat de Genève.

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 octobre 2004 par Monsieur D.__________ et F.__________ S.A. contre la décision du département de justice, police et sécurité du 22 octobre 2004 ;

au fond :

l’admet ;

annule la décision du département de justice, police et sécurité du 22 octobre 2004 ;

renvoie le dossier au département de justice, police et sécurité au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue au recourant une indemnité de CHF 1'000.-, à la charge de l’Etat de Genève ;

communique le présent arrêt à Me Jean-Marie Faivre, avocat de Monsieur D.__________, ainsi qu’à F.__________ S.A. et au département de justice, police et sécurité.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :