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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4342/2011

ATA/344/2013 du 04.06.2013 sur JTAPI/1148/2012 ( LCI ) , ADMIS

Descripteurs : ; PERMIS DE CONSTRUIRE ; DÉLAI LÉGAL ; AUTORISATION DÉROGATOIRE(PERMIS DE CONSTRUIRE)
Normes : LAT.22.al2 ; LAT.25.al2 ; LCI.4.al1 ; LCI.4 ; LCI.59
Parties : GEBBO SA / COOSEMANS Mathieu, COOSEMANS Danielle et Mathieu, DEPARTEMENT DE L'INTERIEUR, DE LA MOBILITE ET DE L'ENVIRONNEMENT, DEPARTEMENT DE L'URBANISME, COMMUNE DE VERNIER
Résumé : La seule interprétation des art. 4 al 1 et 4 LCI compatible avec le droit fédéral est celle qui prévoit que le droit de commencer le chantier en exécution des plans déposés n'a pas valeur d'autorisation de construire. Examen de la compatibilité d'un projet au regard de nouvelles dispositions entrées en vigueur pendant la procédure de recours.
En fait
En droit

 

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4342/2011-LCI ATA/344/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 juin 2013

en section

 

dans la cause

GEBBO S.A.
représentée par Me Stéphane Piletta-Zanin, avocat

contre

Madame Danielle et Monsieur Mathieu COOSEMANS
représentés par Me Yves Bonard, avocat
et
COMMUNE DE VERNIER
représentée par Me David Lachat, avocat
et
DéPARTEMENT DE L'URBANISME
et
DéPARTEMENT DE L'INTéRIEUR, DE LA MOBILITé ET DE L'ENVIRONNEMENT

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 septembre 2012 (JTAPI/1148/2012)


EN FAIT

1) Gebbo S.A. (ci-après : Gebbo) est une société anonyme sise à Genève, inscrite au registre du commerce depuis le 9 février 2010. Elle a pour buts statutaires l'achat, la vente, le conseil, le courtage, la gestion, l'expertise, la rénovation, le « home-staging », le pilotage et la promotion dans le domaine immobilier ; l'achat, la vente et l'expertise de biens mobiliers, antiquités et objets de deuxième main notamment dans le cadre de faillites, succession et déménagement ; ainsi que le service, l'organisation, la gestion, l'achat, la vente, la distribution, la recherche, l'enseignement et le développement de thérapies et techniques de développement personnel dans le domaine de la santé et de l'éducation. Elle a pour administrateur unique, avec signature individuelle, Me Stéphane Piletta-Zanin, avocat, et est domiciliée chez ce dernier.

Gebbo est propriétaire de la parcelle n° 5'148, feuille 31 de la commune de Vernier (ci-après : la commune), sise à l'adresse 27, chemin des Bois-Jacquet, d'une surface totale de 3'057 m2, dont 1'207 m2 en 5ème zone et 1'850 m2 en zone de bois et forêt. Cette parcelle est située au bord du Rhône. Deux bâtiments, l'un de 33 m2 (2'900) et l'autre de 17 m2 (B474) sont construits sur la parcelle, ce dernier dans la forêt.

Gebbo est également propriétaire de la parcelle n° 3'153 adjacente.

2) Le 23 décembre 2010, Gebbo a déposé auprès du département des constructions et des technologies de l'information, devenu depuis lors le département de l'urbanisme (ci-après : DU) une requête en autorisation de construire deux villas jumelles de standard énergétique « Minergie », correspondant à un standard de haute performance énergétique, selon le formulaire standard EN-GE1 inclus dans la demande.

Le projet prévoyait, selon les plans visés ne varietur par le département le 10 novembre 2011, la construction de deux villas jumelles, formant un bloc carré dont la surface habitable serait de 89 m2 au rez inférieur. Ce dernier accueillerait également deux garages et des entrées couvertes pour une surface de 67,2 m2 ; le rez supérieur serait de 133,60 m2 et le 1er étage de 109,20 m2, soit 331,80 m2 de surface habitable au total pour les deux villas, ce qui représentait un taux d'occupation du sol de 27,48 %.

En lien avec le projet, Gebbo a soumis au département de l'intérieur et de la mobilité, devenu depuis le département de l'intérieur, de la mobilité et de l'environnement (ci-après : DIME) une requête d'abattage visant trois arbres.

3) Lors de l'instruction de la requête, les préavis suivants ont été recueillis par le département :

a. Le 2 mars 2011, la sous-commission nature et sites de la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : SCNS et CMNS) a préavisé défavorablement le projet. La « surdensification » du secteur mettait en péril l'écosystème des bords du Rhône.

b. Le 8 mars 2011, la commission d'architecture a préavisé favorablement le projet et la dérogation nécessaire au taux d'occupation du sol prévu, de 20 % à 27,5 %.

c. Le 9 mars 2011, la commune a préavisé défavorablement le projet dérogeant au rapport des surfaces. Dite dérogation était contraire au plan directeur communal (ci-après : PDC).

d. Le 14 mars 2011, le service de conservation de la nature et du paysage, soit pour lui la sous-commission de la flore de la commission consultative de la diversité biologique, a préavisé défavorablement le projet. « Il n'y avait pas matière à dérogation ».

e. Le 18 mars 2011, la direction générale de l'eau a préavisé favorablement le projet sous conditions et charges.

f. Le 5 avril 2011, la direction générale de la nature et du paysage (ci- après : DGNP) du DIME a demandé qu'un plan soit établi par un géomètre indiquant le relevé de toute la végétation située dans le périmètre des travaux envisagés et mentionnant les arbres à abattre, à conserver, et à replanter ainsi que l'implantation de la construction. Le chêne situé sur la parcelle voisine devait également figurer sur le même plan.

g. Le 10 mai 2011, la SCNS a effectué une visite sur place et le 18 mai 2011, elle a maintenu son préavis défavorable pour les motifs déjà retenus dans son préavis du 2 mars 2011.

h. Le 30 mai 2011, la DGNP a transmis un préavis favorable sous réserve des conditions mises à l'autorisation d'abattage et à la prise, lors de la création de l'accès, de toutes les précautions nécessaires afin de préserver valablement le système racinaire du chêne situé sur la parcelle voisine et de l'inscription d'une mention au registre foncier portant sur la création d'une bande de prairie extensive de 6 m de large en bordure de la lisière forestière.

i. Par un avis non daté, le service de l'énergie a préavisé favorablement le projet, sous conditions standard.

4) Par envoi recommandé délivré le 9 septembre 2011, Gebbo a avisé le DU qu'en application de l'art. 4 al. 4 loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), elle pouvait procéder à l'exécution de son projet de construction, le délai de réponse de soixante jours prévu par l'art. 4 al. 1 LCI étant écoulé, sans que le département n'ait rendu de décision.

Le DU n'a pas réagi à ce courrier dans les dix jours, institué par l'art. 4 al. 4 LCI.

5) a. Le 10 novembre 2011, la DGNP a accordé l'autorisation d'abattre des arbres selon le plan annexé à la requête, à la condition que des arbres pour un montant d'au moins CHF 4'400.- soient replantés et qu'un projet chiffré de replantation mentionnant essentiellement des arbres fruitiers ou indigènes soit fourni pour accord préalable avant l'abattage (n° 20'110'830-0).

b. Le 10 novembre 2011, le DU a délivré l'autorisation de construire (DD 104'135-3) aux conditions fixées dans les préavis.

Ces décisions ont été publiées dans la Feuille d'avis officielle de la République et Canton de Genève (ci-après : FAO) du 16 novembre 2011.

6) Le 15 décembre 2011, la commune a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) (enregistré sous numéro de cause A/4342/2011) contre l'autorisation de construire DD 104'135-3 en concluant à son annulation.

a. La décision d'autorisation violait l'art. 11 de la loi sur les forêts du 20 mai 1999 (LForêts - M 5 10). Les constructions projetées étaient situées à moins de 20 m de la zone bois et forêts. L'autorisation avait donc été délivrée en dérogation à la limite de 30 m prévue par la loi, sans que cette dérogation soit mentionnée dans l'autorisation, ni que l'autorisation n'indique de laquelle des possibilités de dérogation le département avait fait usage, ni même s'il avait fait usage de l'une d'elles.

b. Le département s'était écarté, sans motif prépondérant et dûment établi, du préavis défavorable de la CMNS. En cas de préavis divergents, la jurisprudence reconnaissait une prééminence à celui de la CMNS. Tant la SCNS que la sous-commission de la flore et la commune avaient préavisé défavorablement le projet, et la décision du département était muette sur les motifs en vertu desquels ces préavis avaient été écartés.

c. L'art. 59 al. 4 let. a LCI était violé. Le rapport des surfaces excédait la limite autorisée par la disposition précitée si l'on tenait compte des constructions déjà existantes sur la parcelle. En outre, la LCI imposait le refus de l'autorisation lorsque la mesure dérogatoire envisagée n'était pas compatible avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier. Le PDC prévoyait qu'une densification pouvait être admise sur l'ensemble des zones de villas communales, mais qu'une attention particulière devait être portée aux secteurs exposés du point de vue paysager, soit notamment ceux en bordure du Rhône.

Le département avait abusé de son pouvoir d'appréciation en accordant l'autorisation dérogatoire au rapport des surfaces en s'écartant des préavis défavorables.

7) Le 15 décembre 2011, Madame Danielle et Monsieur Mathieu Coosemans, co-propriétaires de la parcelle n° 5'147, adjacente à la parcelle n° 5'148 et située entre cette dernière et le chemin des Bois-Jacquet, ont recouru contre l'autorisation de construire et l'autorisation d'abattage d'arbres en concluant auprès du TAPI à leur annulation (cause n° A/4364/2011).

Gebbo avait procédé à des travaux d'agrandissement non autorisés sur les bâtiments construits sur la parcelle n° 5'148 ainsi que sur la parcelle n° 3'153, voisine. Divers arbres avaient également été abattus, déplaçant ainsi la lisière de la forêt. Le département avait été averti par courriers des 10 mars, 10 juin et 16 septembre 2011 restés sans réponse.

a. Trois préavis étaient défavorables au projet mais le département avait préféré prendre uniquement en compte celui, favorable, de la commission d'architecture, alors que ce dernier ne comportait aucune motivation concernant la compatibilité du projet avec la spécificité du site. Aucune circonstance particulière ne permettait au département d'octroyer une dérogation au taux d'occupation du sol.

b. La loi prévoyait que les constructions en ordre contigu pouvaient être interdites lorsque par leur échelle, leur importance ou leur esthétique, elles nuisaient au caractère du quartier ou du site, ce qui était le cas en l'espèce.

c. De par sa dimension et sa proximité avec la lisière de la forêt et les bords du Rhône, le projet nuisait au caractère naturel du site.

d. La dérogation octroyée sur la base de l'art. 11 LForêts était infondée. La limite forestière avait été modifiée avant le dépôt de la requête. La dérogation était fondée sur l'alignement avec la construction n° 2'900 qui avait été agrandie sans autorisation. En outre, une autorisation de démolition, concernant le même bâtiment, avait été délivrée le 13 décembre 2011, ce qui était contradictoire.

8) Le 20 janvier 2012, Gebbo a conclu au rejet du recours des époux Coosemans.

Elle avait écrit le 19 janvier 2012 au département pour signaler que dix jours après réception de son envoi recommandé le 9 septembre 2011, elle disposerait de par la loi de l'autorisation de construire selon les plans déposés, de telle sorte que l'autorisation elle-même ne pouvait plus être délivrée. Elle sollicitait une décision du TAPI portant sur la constatation que la procédure de recours était nulle de plein droit. Alternativement, le TAPI devait constater la nullité de l'autorisation de construire délivrée et constater qu'elle-même était en droit de démarrer les travaux dès le 19 septembre 2011 conformément aux plans déposés.

Elle avait conclu un contrat d'entreprise générale en vue de la réalisation de son projet avec un entrepreneur basé hors canton. Or, le 20 octobre 2011, un huissier avait constaté que les époux Coosemans avaient rendu impossible l'accès à la parcelle par leurs constructions diverses, faites sans autorisation, sur l'assiette de la servitude d'accès à pied et par tous véhicules grevant à son profit le fonds des époux Coosemans. A cette occasion, elle leur avait signalé que chaque jour de retard pris dans la construction des villas causait un dommage minimum de CHF 500.-. Ainsi, bien qu'elle soit en droit de commencer les travaux, elle ne pouvait le faire qu'avec des moyens légers du fait de l'obstruction des époux Coosemans.

9) Le 31 janvier 2012, la DGNP, au nom du DIME, s'est déterminée sur le recours des époux Coosemans en concluant à son rejet et à la confirmation de l'autorisation d'abattage d'arbres du 10 novembre 2011.

Le projet de construction ne se trouvait pas à l'intérieur du périmètre de protection des rives du Rhône.

L'alignement des constructions avait été réalisé sur la base d'un relevé de la lisière de la forêt établi avant les travaux d'abattage, en mars 2010, alors que les coupes et éclaircies avaient été entreprises par Gebbo en 2011. Ces dernières avaient été autorisées par le service des forêts. Quant à l'alignement sur le bâtiment 2'900 dont la démolition avait été demandée, il n'était pas déterminant puisque l'alignement retenu était en forme de demi-cercle entre le bâtiment B469 sur la parcelle n° 4'409, et les bâtiments B1'943 et B1'708 sur la parcelle n° 3'153. Ce type d'alignement permettait d'octroyer une dérogation à la distance de construction par rapport à la lisière de la forêt. En outre, les voisins n'avaient pas qualité pour invoquer une violation de l'art. 11 LForêts.

S'agissant de l'atteinte alléguée à la valeur biologique de la lisière, l'inspecteur cantonal des forêts, dans son complément au préavis du 30 mai 2011, avait rappelé que la DGNP considérait que la situation actuelle était susceptible d'être améliorée par le projet et que des travaux de régénération de la lisière avaient d'ores et déjà été entrepris par Gebbo en exécution du permis de coupe n° 2'011-002 du 12 janvier 2011. Ces travaux avaient pour but de permettre de recréer une lisière forestière sur le haut de la zone forestière de la parcelle n° 5'148, d'entretenir et de mettre en valeur le rajeunissement de nombreux néfliers poussant en sous-étage et d'effectuer une sélection pour la mise en valeur des arbres. Les travaux avaient été autorisés à la condition notamment d'effectuer de nouvelles plantations d'arbustes forestiers indigènes.

Le TAPI n'était pas compétent pour apprécier l'opportunité de la dérogation de distance à la lisière, aucun abus ou excès du pouvoir d'appréciation n'étant démontré.

10) Le 2 février 2012, le TAPI a ordonné la jonction des causes nos A/4364/2011/ et A/4342/2011, sous ce dernier numéro.

11) Le 20 février 2011, l'office de l'urbanisme, pour le DU, a conclu au rejet des recours en se référant aux écritures du DIME pour tous les griefs se rapportant à la LForêts.

a. L'indice d'utilisation du sol (ci-après : IUS) ne devait pas tenir compte des constructions de peu d'importance comme l'étaient les bâtiments 2'900 et B474. L'indice atteint par le projet était de 27,48 % conformément à la limite autorisée par la loi, pour une construction à haut standard énergétique.

b. La commission d'architecture devait se prononcer sur la compatibilité du projet en relation avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier. Son préavis faisait suite à un examen attentif du projet et il n'avait pas nécessairement à être détaillé, puisque favorable.

c. Le PDC constituait un outil de travail liant les autorités entre elles et ne pouvant être invoqué par des tiers. Il n'avait pas force obligatoire pour les administrés. La pratique constant du DU était d'entrer en matière sur des demandes de constructions de villas jumelles lorsque l'IUS atteignait le taux de 25 %.

d. L'autorisation de construire avait été délivrée dans le strict respect du devoir de motivation et du droit d'être entendu.

e. L'ensemble des décisions nécessaires au projet avaient été délivrées le même jour en respect du principe de coordination. La démolition du bâtiment 2'900 n'était pas nécessaire pour permettre la réalisation du projet et avait été traitée comme un objet différent (M 6'688). Lors de l'instruction de cette demande de démolition, tous les préavis recueillis étaient favorables et l'autorisation était en force.

12) Le 22 février 2012, la commune a répliqué.

Elle persistait intégralement dans les termes de son recours. L'art. 4 al. 4 LCI n'avait pas pour effet de supprimer le droit de recours des tiers et la procédure en cours ne saurait être nulle comme le soutenait Gebbo.

Elle produisait un courrier de Gebbo, daté du 2 décembre 2011, faisant suite à un entretien fait à la requête de la commune visant à faire diminuer l'IUS du projet pour qu'il soit conforme au PDC. Gebbo donnait son accord à un IUS de 24 % pour autant qu'il n'y ait aucune « obstruction LCI » formée par des tiers ou la commune en relation avec le projet actuel. Dans ce cas, Gebbo pourrait déposer une demande d'autorisation en procédure accélérée pour modifier son projet en début d'année 2012.

13) Le 24 février 2012, Gebbo a dupliqué. Elle n'avait pas renoncé à l'application de l'art. 4 al. 4 LCI.

14) Le 13 mars 2011, le DU a indiqué que Gebbo s'était acquittée de l'émolument administratif relatif à l'autorisation DD 104'135-3 à laquelle elle n'avait fait aucune opposition. Par conséquent, il fallait considérer qu'il n'était plus question d'entrer en matière sur l'application de l'art. 4 al. 4 LCI.

15) Le 30 mars 2012, les époux Coosemans ont persisté dans leurs conclusions.

16) Le 26 avril 2012, en dehors de la procédure judiciaire, le DU a prié Gebbo de se déterminer par rapport aux faits constatés lors d'un contrôle effectué par un inspecteur de la direction des autorisations de construire le 20 avril 2012 à l'adresse 25, chemin des Bois-Jacquet. Le chemin d'accès était terreux sur une longueur d'environ 30 m et avait vraisemblablement été décapé récemment sur une épaisseur de 10 à 20 cm. En prolongement du chemin, une portion rectangulaire de la parcelle n° 5'148 avait été décapée dans l'épaisseur de la terre végétale en suivant la pente naturelle du terrain sur une surface d'environ 300 à 350 m2, avec formation de deux remblais. Au surplus, un trou de terrassement d'environ 10 m2 de surface avec une hauteur d'environ 1 m à 1,5 m avait aussi été exécuté. Ces travaux avaient été entrepris alors qu'un recours était pendant contre l'autorisation de construire DD 104'135-3. Cet état de fait était susceptible de constituer une infraction à l'art. 1 LCI.

17) Le 21 mai 2012, Gebbo a répondu au DU concernant le constat d'infraction.

L'autorisation délivrée le 10 novembre 2011 était nulle de plein droit, le DU ne pouvant plus prendre de décision suite à l'échéance du délai de dix jours après la mise en demeure du 9 septembre 2011. Elle était en droit de procéder à l'exécution des plans et de commencer les travaux.

18) Le 28 juin 2012, le DU a ordonné l'arrêt du chantier à l'encontre de Gebbo, vu le constat d'infraction du 20 avril 2012. L'art. 4 al. 4 LCI ne dispensait pas le requérant d'obtenir une décision formelle du DU sur sa requête en autorisation de construire. Si le requérant pouvait ouvrir son chantier, dans la mesure où il n'avait pas obtenu de réponse dans les dix jours suivant sa lettre, il le faisait à ses risques et périls. L'autorisation de construire DD 104'135-3 était bien valable, de même que les procédures de recours subséquentes, lesdits recours ayant effet suspensif.

19) Le 20 juillet 2012, Gebbo a requis du DU l'autorisation de pouvoir continuer les travaux déjà entrepris afin de terminer les travaux de soutènement.

Par acte, déposé le 23 juillet 2012, Gebbo a recouru auprès du TAPI (cause n° A/2259/2012) contre l'ordre d'arrêt de chantier en concluant à son annulation et préalablement à la restitution de l'effet suspensif.

20) Le 24 juillet 2012, le DU a autorisé Gebbo à procéder aux travaux de mise en sécurité, à savoir le remblayage du mur de soutènement uniquement.

21) Le 6 août 2012, le TAPI a demandé à Gebbo la production des plans détaillés des constructions projetées, précisant pièce par pièce les surfaces incluses dans le calcul des surfaces brutes de plancher ou exclues dudit calcul.

Par décision du même jour, le TAPI a rejeté la requête en restitution de l'effet suspensif du recours déposé à l'encontre de l'ordre d'arrêt de chantier (cause n° A/2259/2012).

22) Le 16 août 2012, Gebbo a produit les plans demandés, desquels il ressort qu'au rez inférieur, sont pris en compte pour chaque villa, une cuisine de 9,75 m2 et un séjour-salle à manger de 34,78 m2, soit 44,53 m2 au total. Etaient exclus du calcul de l'IUS les surfaces de la buanderie de 13 m2, d'un abri de 13 m2 et d'un dégagement de 8,1 m2, situées en sous-sol.

Au rez supérieur, étaient pris en compte au total 66,795 m2 représentés par le hall, l'escalier, le dégagement, le local douche, la salle de bains et deux chambres. Etaient exclus l'entrée couverte de 13,8 m2 et le garage de 19,8 m2, formant la partie avant de la maison.

A l'étage, un total de 54,604 m2 constitué des escaliers, d'un dégagement, de deux chambres, d'un local douche et d'une salle de bains étaient exclus, de même que la terrasse de 44,5 m2.

La surface totale des deux villas représentait 331,858 m2.

23) Le 20 septembre 2012, le TAPI a admis les recours des époux Coosemans et de la commune. Il a annulé l'autorisation de construire DD 104'135-3 dans la cause n° A/4342/2011.

L'art. 4 LCI ne donnait pas un blanc-seing au requérant quant au respect ou non des normes légales en matière de construction, notamment en ce qu'elles touchaient également des tiers. Cet article se comprenait essentiellement comme un moyen d'accélérer la délivrance de l'autorisation de construire, mais ne saurait déployer des effets plus radicaux que ne le ferait la procédure de recours en déni de justice. L'autorisation de construire délivrée le 10 novembre 2011 n'était pas nulle.

La dérogation obtenue pour un rapport des surfaces de 27,5 % ne correspondait pas aux prescriptions légales, compte tenu des particularités de la zone, des avis négatifs exprimés par les trois instances et autorités de préavis et des principes du PDC liant l'autorité cantonale.

En outre, les surfaces des garages et des entrées couvertes devaient faire partie du calcul des surfaces compte tenu de leurs dimensions, totalisant 67,2 m2 pour les deux villas. La possibilité donnée par la LCI de ne pas prendre en compte des garages de dimensions modestes dépendait du fait que cette mesure soit compatible avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier. En l'espèce, les spécificités commandaient au contraire d'éviter l'application d'une telle mesure. De la sorte, l'IUS de 27,5 % n'était pas respecté.

Les autres griefs soulevés par la commune ou les époux Coosemans devaient être écartés.

24) Le 20 septembre 2012, le TAPI a déclaré irrecevable, faute d'intérêt actuel, le recours déposé le 23 juillet 2012 par Gebbo contre l'ordre d'arrêt de chantier (cause n°A/2259/2012).

Compte tenu de l'annulation de l'autorisation de construire par jugement du même jour, la contestation de l'arrêt de chantier perdait toute actualité, Gebbo ne disposant plus d'aucune autorisation pour poursuivre les travaux.

25) Par acte posté le 11 octobre 2013, Gebbo a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité du 20 septembre 2012 (cause n° A/2259/2012), reçu le 1er octobre 2012 (déclarant irrecevable son recours contre la décision d'arrêt de chantier), en concluant à son annulation ainsi qu'à celle de la décision d'arrêt de chantier et, préalablement, à la restitution de l'effet suspensif. Elle concluait également au versement d'une indemnité de procédure.

Sur la restitution de l'effet suspensif, Gebbo soutenait que l'art. 4 LCI lui donnait non seulement le droit de commencer les travaux mais également de terminer l'ouvrage, dans un délai raisonnable. Le retard pris dans l'exécution de ceux-ci engendrait des coûts importants et risquait de faire perdre la vente de l'une des maisons, vente en l'état non définitivement acquise.

Sur le fond, elle n'avait commis aucune infraction puisque le droit de commencer les travaux valait délivrance d'une autorisation de construire. Le DU n'avait pas à délivrer d'autorisation ultérieure et n'était pas en mesure de lui signifier un refus d'autorisation.

26) Le 19 octobre 2012, le TAPI a déposé son dossier (A/2259/2012).

27) Le 24 octobre 2012, le DU s'est prononcé sur la demande de restitution de l'effet suspensif.

Celle-ci rendrait illusoire le contrôle judiciaire de la conformité de la construction aux dispositions légales.

28) Par envoi du 31 octobre 2012, Gebbo a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement du TAPI du 20 septembre 2012 (cause n° A/4342/2011), reçu le 1er octobre 2012, en concluant préalablement à la jonction des causes et à la « restitution de l'effet suspensif ».

Elle concluait principalement à la constatation de la nullité de plein droit de la procédure, plus aucune autorisation de construire ne pouvant être délivrée au vu de la mise en demeure du DU qu'elle avait faite le 9 septembre 2011. Elle était en droit de démarrer ses travaux et de poursuivre la construction de l'ouvrage. Elle concluait également au versement d'une indemnité de procédure.

Elle produisait un avis de droit rédigé par le professeur François Bellanger qui concluait que l'art. 4 al. 4 LCI permettait de considérer que le droit du requérant de commencer les travaux valait délivrance d'une autorisation de construire. En conséquence aucune autre décision subséquente n'était possible, ni a fortiori une décision d'arrêt de chantier. Les décisions rendues devaient être considérées comme nulles de plein droit.

En outre, l'art. 33A al. 2 du règlement d'application de la LCI du 27 février 1978 (RCI - L 5 05.01) précisait que les travaux devaient être exécutés sans interruption notable et menés à bien dans un délai raisonnable. Le législateur avait voulu un système qui sanctionnait l'Etat en l'absence de réaction de sa part dans le délai de dix jours de l'art. 4 al. 4 LCI et fondait le droit du requérant d'ouvrir son chantier, de procéder à l'exécution de son projet et de ses plans. L'Etat était alors seul responsable des éventuelles conséquences que cela impliquait, tant à l'encontre des tiers que du requérant.

Subsidiairement, Gebbo concluait à l'annulation du jugement du TAPI. En substance, elle reprochait à ce dernier d'avoir mal interprété les conditions d'admissibilité de la dérogation de l'art. 59 LCI au taux de densification, notamment en surestimant l'impact sur l'environnement provoqué par les constructions, en sous-estimant les compensations consenties et en omettant le fait qu'il n'existait aucune harmonie du quartier puisque les constructions sur place étaient très hétéroclites, notamment s'agissant des toitures et des matériaux. L'interprétation faite par le TAPI de la situation de la parcelle conduisait à la conclusion que toute construction dans ce secteur était malvenue.

Le TAPI avait tenu compte des surfaces des garages pour calculer l'IUS, contrairement à la pratique en la matière.

29) Le 12 novembre 2012, la chambre administrative a joint les procédures nos A/2259/2012 et A/4342/2011 sous ce dernier numéro.

30) Le 12 novembre 2012, le TAPI a déposé son dossier sans observations.

31) a. Le 15 novembre 2012, le DU s'est opposé à la requête de levée de l'effet suspensif et le même jour, la DGNP pour le DIME s'est ralliée aux conclusions du DU, la procédure directrice étant celle relative aux autorisations de construire.

Le 20 novembre 2012, les époux Coosemans se sont également opposés à la restitution de l'effet suspensif, de même que la commune le 23 novembre 2012.

b. Par décision du 14 décembre 2012, la présidente de la chambre administrative a refusé de restituer l'effet suspensif aux recours et d'octroyer des mesures provisionnelles (ATA/833/2012).

32) Par envoi du 13 décembre 2012, la DGNP au nom du DIME a exposé que l'autorisation d'abattage d'arbres n'avait été annulée que parce qu'elle était liée au projet de construction litigieux.

En conséquence, elle se ralliait aux conclusions prises par le DU.

33) Le 14 décembre 2012, la commune a conclu au rejet des recours.

La LCI ne prévoyait pas que l'art. 4 LCI puisse priver une commune de tout moyen de droit contre un projet de construction. L'avis de droit sollicité par Gebbo arrivait d'ailleurs à la même conclusion, à savoir que « la procédure cantonale devait permettre aux tiers d'exercer le droit de recours qui est le leur ».

La dérogation au rapport des surfaces ne se justifiait pas, compte tenu notamment du préavis défavorable de la SCNS, confirmé après son transport sur place. L'intérêt public à densifier la 5ème zone en observant des standards minimaux en matière d'occupation de l'espace, la nécessité de protéger les rives du Rhône ainsi que les préavis majoritairement négatifs récoltés par le projet imposaient de refuser la dérogation du rapport des surfaces.

Quant à la dérogation fondée sur l'art. 11 al. 2 LForêts, la prééminence du préavis de la CMNS devait être reconnue et le DU n'avait pas indiqué les motifs en vertu desquels il s'en écartait pour délivrer l'autorisation de construire.

34) Par pli du 14 décembre 2012, les époux Coosemans ont conclu au rejet des recours ainsi qu'au versement d'une indemnité de procédure.

La pesée des intérêts en présence, soit celui, public, au maintien et à la préservation de la forêt et des abords du Rhône ainsi que celui, privé, lié à un gain financier plus important pour la recourante, impliquait que la dérogation pour un rapport des surfaces de 27,5 % n'était pas compatible avec le caractère naturel du site, nécessitant une protection particulière.

Il fallait prendre en compte dans le calcul du rapport des surfaces les deux garages et les entrées couvertes qui dépassaient la limite de 50 m2 telle que prévue à l'art. 3 al. 3 RCI pour les constructions de peu d'importance. De plus, le bâtiment B474 devait également être inclus dans ce calcul.

35) Le 14 décembre 2012, le DU a conclu à l'admission du recours et à l'annulation du jugement du TAPI.

La mise en demeure faite en vertu de l'art. 4 al. 4 LCI ne le privait pas de rendre une décision conformément à l'art. 1 al. 1 LCI et ne le contraignait pas à rendre une décision favorable. Cette disposition avait pour seul conséquence de permettre au requérant de commencer les travaux, soit d'ouvrir le chantier, mais ne valait pas autorisation de construire.

Le projet se situait à l'extérieur du périmètre protégé des rives du Rhône ainsi que du périmètre inconstructible fixé par la loi sur les eaux du 5 juillet 1961 (L 2 05 - LEaux-GE).

Les conditions d'octroi d'une dérogation en vertu de l'art. 11 al. 2 let. c LForêts étaient remplies.

Le PDC ne prévoyait pas une protection particulière ou un secteur plus étendu que celui prévu par la loi sur la protection générale des rives du Rhône du 27 janvier 1989 (LPRRhône - L 4 13).

Le préavis de la commission d'architecture était prépondérant dans le cadre de l'application de l'art. 59 LCI et de l'octroi de la dérogation au rapport des surfaces.

Le préavis de la commission consultative de la diversité biologique du 14 mars 2011 avait été écarté car non motivé. Il ne permettait pas au département de fixer des conditions particulières à respecter.

Le projet visait bien la construction de deux maisons réunies par un mur mitoyen, il s'agissait dès lors d'une construction en ordre contigu. Les deux garages et entrées couvertes étaient des constructions de peu d'importance. Afin d'améliorer leur intégration dans le site, le projet prévoyait leur construction de manière groupée et dans cette mesure, la surface des constructions de peu d'importance pouvait être de plus de 50 m2 en application de l'art. 3 al. 3 RCI. La limite maximale de 100 m2 était respectée ainsi que celle de 8 % de la surface totale de la parcelle. L'IUS était bien de 27,5 %.

36) Le 29 janvier 2013, Gebbo s'est prévalue de modifications législatives visant les zones villa, fixant notamment une augmentation du coefficient d'utilisation du sol (ci-après : CUS), applicable à tout projet.

37) Le 12 février 2013, la commune a rappelé que le projet litigieux nécessitait l'obtention d'une dérogation au sens de l'art. 11 LForêts. Or, les conditions présidant à l'octroi de cette dérogation n'étaient pas réunies.

La prise en compte du nouveau droit nécessiterait un renvoi de la cause au TAPI afin de respecter le double degré de juridiction.

38) Le 7 mars 2013, le DU a indiqué ne pas avoir de requête complémentaire à formuler et le 8 mars 2013, le DIME en a fait de même.

39) Le 8 mars 2013, les époux Coosemans ont fait valoir que le nouveau taux à prendre en compte dans le calcul de rapport des surfaces était passé de 27,5 à 44 % pour les constructions à standard de haute performance énergétique. Ces nouvelles normes ne pouvaient être appliquées, aucun intérêt public important ne le justifiant. L'intérêt public de ladite modification, soit l'acceptation d'une densification raisonnable de la zone villas dans le but de parer à la pénurie de logements, ne trouvait pas application, le projet consistant en la construction de deux villas jumelles. Le taux supérieur ne bénéficierait qu'à l'intérêt privé de Gebbo et non à celui, public, précité. Si ces dispositions devaient être appliquées, encore faudrait-il que la dérogation soit compatible avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier. Le maintien et la préservation de la forêt et des abords du Rhône primant incontestablement l'intérêt privé de Gebbo.

40) Le 22 avril 2013, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjetés en temps utile devant la juridiction compétente, les recours sont recevables (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 60 et 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10). La recourante conservant un intérêt actuel du recours, s'agissant de l'ordre d'arrêt de chantier, lié au recours concernant l'autorisation de construire.

2) La recourante conclut en premier lieu à la constatation de la nullité de l'autorisation de construire délivrée par le DU le 10 novembre 2011. Une autorisation de construire existait déjà, en application de l'art. 4 al. 4 LCI, suite à la mise en demeure faite le 9 septembre 2011.

a. La loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin l979 (LAT - RS 700) prévoit que les cantons règlent la compétence et la procédure en matière d'autorisation de construire, requise pour toute création ou transformation d'une construction ou d'une installation (art. 22 al. 1 et 25 al. 1 LAT). L'autorisation est délivrée si la construction est conforme à l'affectation de la zone et le terrain équipé (art. 22 al. 2 LAT).

Les cantons impartissent des délais dont ils règlent les effets dans toutes les procédures requises pour implanter, transformer ou changer d'affectation les constructions et installations (art. 25 al. 2 LAT, entré en vigueur le 1er janvier 1997).

b. S'agissant des délais fixés sur la base de l'art. 25 al. 2 LAT, le Conseil fédéral, dans son message concernant cette modification de la LAT, ainsi que la doctrine, estiment qu'il est incompatible avec l'art. 22 al. 2 LAT de prévoir qu'une autorisation de construire est accordée si aucune décision n'a été rendue dans le délai prescrit par le droit cantonal, tout comme il serait également inadmissible d'obliger une autorité à rendre une réponse sur la base d'un dossier ou d'un examen incomplet. Aucune sanction juridique efficace ne semble être attachée à la violation de ces délais (FF 1994 III 1070 ; B. WALDMANN/P. HÄNNI, Raumplanungsgesetz, 2006, p. 665 ; P. ZEN-RUFFINEN/C. GUY-ECABERT, Aménagement du territoire, construction, expropriation, 2001, p. 405 ; A. RUCH, Commentaire de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, 1999, art. 25 n. 24, p. 11).

c. En droit genevois, sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé, élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment une villa (art. 1 al. 1 let. a LCI).

Les demandes d'autorisation sont adressées au département (art. 2 al. 1 LCI). Le délai de réponse à toute demande d'autorisation est de soixante jours à compter de la date d'enregistrement de la demande (art. 4 al. 1 LCI). Lorsque le département demande des pièces ou renseignements complémentaires nécessaires, le délai est suspendu jusqu'à réception des documents. Le requérant en est avisé par écrit (art. 4 al. 3 LCI). S'il n'a pas reçu de réponse dans le délai, il peut aviser le département, par lettre recommandée, qu'il va procéder à l'exécution de ses plans. A défaut de notification de la décision dans un nouveau délai de dix jours à compter de la réception de cet avis, le requérant est en droit de commencer les travaux (art. 4 al. 4 LCI).

Ces dispositions n'ont pas été adoptées en application de l'art. 25 al. 2 LAT, mais préexistaient dans la législation genevoise applicable aux constructions depuis 1918, sous une forme différente et avec d'autres délais (art. 77 de la loi du 6 avril 1918 - Mémorial des séances du Grand Conseil 1918, annexe, p. 312), et ont subsisté au gré des modifications de la législation.

Lors de débats parlementaires relatifs à une proposition de modification de l'art. 4 al. 1 LCI (PL 7099), le Président alors en charge du département a précisé que l'art. 4 al. 4 LCI prévoyait simplement que lorsque le requérant n'obtenait pas de réponse du département, il pouvait commencer les travaux à ses risques et périls, car une décision de refus pouvait lui être notifiée ultérieurement. Les auteurs du projet voulaient introduire comme conséquence de l'inaction du département la délivrance automatique de l'autorisation sollicitée. A contrario, cela indiquait que cet effet n'existait ainsi pas dans la loi, ce que la commission LCI du Grand Conseil a constaté. Cette dernière a alors proposé que le dépassement du délai conduise au refus de l'autorisation, plutôt qu'à la délivrance de celle-ci. Finalement, le parlement n'est pas entré en matière sur ces propositions de modification de l'art. 4 al. 4 LCI (Mémorial du Grand Conseil 1994 III p. 2215, séance 21 du 16 juin 1994, 1996 I p. 335, séance 3/I du 26 janvier et 2006-2007 VI, p. 2194, séance 28 du 23 mars 2007 et annexes p. 4332).

d. La LAT exige également que le droit cantonal prévoie au moins une voie de recours contre les décisions et les plans d'affectation fondés sur la LAT et sur les dispositions cantonales et fédérales d'exécution (art. 33 al. 2 LAT). En procédure genevoise, les requêtes et les autorisations de construire sont publiée dans la FAO. Il est fait mention, le cas échéant, des dérogations accordées (art. 3 al. 5 LCI).

e. La seule interprétation des art. 4 al. 1 et 4 LCI qui soit compatible avec le droit fédéral est celle qui prévoit que le droit de commencer le chantier en exécution des plans déposés n'a pas valeur d'autorisation de construire au sens de l'art. 22 al. 2 LAT. Cette interprétation est également la seule qui permette de sauvegarder les droits de recours des tiers qui, en l'absence de publication de la décision d'autorisation, se verraient dans l'incapacité de recourir. En effet, une décision prise en l'absence de publicité violerait l'art. 33 al. 3 let. a LAT (ATF 120 Ib 48 consid 2b = JdT 1996 I 562 ; P. ZEN-RUFFINEN, La qualité pour recourir des tiers dans la gestion de l'espace, in T. TANQUEREL/ F. BELLANGER [éd.], Les tiers dans la procédure administrative, 2004, p. 173).

En conséquence, la conclusion de la recourante visant à la constatation de la nullité de l'autorisation de construire délivrée et de la procédure de recours subséquente, en raison de l'existence d'une autorisation antérieure, doit être rejetée.

3) Subsidiairement, la recourante conclut à l'annulation du jugement du TAPI en raison d'une mauvaise application de l'art. 59 al. 4 let. a LCI et d'un calcul erroné du rapport des surfaces relatif au projet litigieux.

a. Selon la doctrine et la jurisprudence, en droit de la construction, la loi applicable est celle en vigueur au moment où statue la dernière instance saisie du litige. Si l'affaire est traitée par plusieurs autorités, sont déterminantes en principe les prescriptions en force lorsque la dernière juridiction statue. La jurisprudence admet ainsi d'une façon générale qu'une demande d'autorisation de bâtir déposée sous l'empire du droit ancien est examinée en fonction des dispositions en vigueur au moment où l'autorité statue sur cette demande, même si aucune disposition légale ou réglementaire ne le prévoit : les particuliers doivent en effet toujours s'attendre à un changement de réglementation (ATF 101 1b 299 ; ATA/56/2013 du 29 janvier 2013). En statuant sur une demande d'autorisation suivant des prescriptions devenues obligatoires après son dépôt, le juge ne tombe pas dans l'arbitraire ni ne viole une disposition impérative, pas plus que la garantie de la propriété (ATF 107 1b 138 ; ATA/56/2013 précité ; ATA/22/2009 du 13 janvier 2009 ; ATA/792/2004 du 19 octobre 2004 ; ATA/541/2002 du 10 septembre 2002 ; P. MOOR/A. FLÜCKIGER/V. MARTENET, Droit administratif, vol. I, Les fondements, 3ème éd., 2012, pp. 194-195 ; A. KÖLZ, Intertemporales Verwaltungsrecht, RDS 1983, p. 191 ; M. BORGHI, Il diritto amministrativo intertemporale, RDS 1983, p. 485 ; A. GRISEL, L'application du droit public dans le temps, ZBl 1974, pp. 251-252).

b. En l'état actuel du droit, la surface de la construction, exprimée en m2 de plancher, ne doit pas excéder 25 % de la surface de la parcelle. Cette surface peut être portée à 27,5 % lorsque la construction est conforme à un standard de haute performance énergétique (art. 59 al. 1 LCI). Par surface de plancher prise en considération dans le calcul du rapport des surfaces, il faut entendre la surface brute de plancher de la totalité de la construction hors sol (art. 59 al. 2 LCI). La teneur de cette disposition est entrée en vigueur le 25 janvier 2013. Auparavant, les pourcentages prévus étaient respectivement de 20 et 22 %.

Lorsque les circonstances le justifient et que cette mesure est compatible avec le caractère l'harmonie et l'aménagement du quartier, de département peut autoriser, après consultation de la commune et de la commission d'architecture, un projet de construction en ordre contigu ou sous forme d'habitat groupé dont la surface de plancher habitable n'excède pas 40 % de la surface du terrain, et 44 % lorsque la construction est conforme à un standard de haute performance énergétique (art. 59 al. 4 let. a LCI). Cette disposition est également entrée en vigueur le 25 janvier 2013 ; auparavant, la dérogation au rapport des surfaces fixé à l'alinéa 1 prévoyait, aux mêmes conditions qu'aujourd'hui, de porter le rapport des surfaces respectivement à 25 et 27,5 %.

Le projet litigieux devra donc être examiné au vu de la nouvelle teneur de l'art. 59 al. 1 et 4 let. a LCI.

c. La surface des constructions, selon les dispositions des art. 59 et 62 LCI, comprend les constructions annexes faisant corps avec le bâtiment principal, à l'exclusion de celles qui seraient admises comme constructions de peu d'importance (art. 29 RCI).

d. Les constructions de peu d'importance ne sont pas prises en considération pour le calcul du rapport des surfaces (art. 59 al. 7 LCI).

e. Sont réputées constructions de peu d'importance, à la condition qu'elles ne servent ni à l'habitation, ni à l'exercice d'une activité commerciale, industrielle ou artisanale, celles dont la surface n'excède pas 50 m2 et qui s'inscrivent dans un certain gabarit. Toutefois, dans le cadre d'un projet de construction en ordre contigu ou sous forme d'habitat groupé, et afin d'améliorer l'insertion dans le site et pour autant qu'il n'en résulte pas de gêne pour le voisinage, le département peut autoriser, après consultation de la commission d'architecture, des constructions de peu d'importance groupées d'une surface de plus de 50 m2 au total. Dans tous les cas, la surface totale des constructions de peu d'importance ne doit pas excéder 8 % de la surface de la parcelle et au maximum 100 m2 (art. 3 al. 3 LCI).

En l'espèce, le DU a exclu les surfaces des deux garages et des entrées couvertes totalisant 67,2 m2. S'agissant de constructions de peu d'importance groupées et compte tenu du préavis favorable de la commission d'architecture, prépondérant en la matière, c'est à juste titre que ces surfaces ont été exclues du calcul du rapport des surfaces, pour aboutir à un taux de 27,5 %, les maxima de 100 m2 et de 8 % étant également respectés, même en incluant le bâtiment B474.

Vu les modifications législatives entrées en vigueur le 25 janvier 2013, applicables en l'espèce, et les villas projetées étant de haut standard énergétique, un tel rapport des surfaces ne nécessite plus de dérogation au sens de l'art. 59 al. 4 let. a LCI ; partant, il est conforme aux exigences de l'art. 59 al. 1 LCI. Il n'existe donc plus d'intérêt à examiner les différents griefs relatifs à cette dérogation et aux préavis délivrés en lien avec cette dernière.

4) Reste à examiner si l'autorisation a été délivrée en conformité avec les autres dispositions légales applicables, ce que les époux Coosemans et la commune contestent.

a. Les intimés allèguent une violation de l'art. 11 al. 1 LForêts, la construction projetée étant à moins de 20 m de la lisière de la forêt.

L'implantation de constructions à moins de 30 m de la lisière de la forêt est interdite (art. 11 al. 1 LForêts). En revanche, le département peut, après consultation du département, de la commune, de la CMNS et de la commission consultative de la diversité biologique, accorder des dérogations notamment pour des constructions respectant l'alignement fixé par un plan d'affectation du sol, un plan d'alignement, ou s'inscrivant dans un alignement de constructions existantes, pour autant que la construction nouvelle soit réalisée sur un terrain en zone à bâtir et située à 10 m au moins de la lisière de la forêt et qu'elle ne porte pas atteinte à la valeur biologique de la lisière (art. 11 al. 2 let. c LForêts).

L'octroi de dérogations est subordonné aux intérêts de la conservation de la forêt et de sa gestion, au bien-être des habitants, ainsi qu'à la sécurité de ces derniers et des installations ; ces dérogations peuvent être assorties de conditions relatives à l'entretien de la lisière et à des compensations, au sens des art. 8 et 9 LForêts (art. 11 al. 3 LForêts).

En l'espèce, la DGNP a exposé que l'alignement des constructions avait été réalisé sur la base d'un relevé de la lisière établi en mars 2010, soit avant les travaux d'abattage en forêt autorisés le 12 janvier 2011 et entrepris début 2011. Il découle des plans qu'il existe un alignement avec les bâtiments construits sur les parcelles situées de part et d'autre des villas projetées.

La décision a été prise après que les préavis nécessaires ont été récoltés. Le préavis de la commission de la diversité biologique n'est pas motivé, indiquant simplement qu'il n'y avait pas matière à dérogation, et la SCNS ne s'est pas prononcée spécifiquement au sujet de la dérogation de distance, mais a uniquement préavisé défavorablement l'ensemble du projet pour des motifs de densification, ce qu'a également fait la commune. Le DIME, soit pour lui la DGNP, s'est prononcée en faveur de la dérogation de distance en raison de l'alignement créé et des travaux entrepris pour améliorer la situation du point de vue forestier, notamment par la régénération de la lisière forestière.

En conséquence, en se fondant sur ces derniers arguments, le DU n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation, découlant de l'art. 11 LForêts, en octroyant cette dérogation de distance et en écartant les préavis défavorables mais non motivés sur la question spécifique de la protection et de la gestion de la forêt.

b. Les différents arguments des intimés relatifs à la situation du projet à proximité des rives du Rhône mais en dehors du périmètre de protection de celles-ci doivent également être examinés en tenant compte de la modification législative qui porte le rapport des surfaces admis usuellement en zone villas à 27,5 % pour les constructions de haute valeur énergétique.

Ainsi, l'argument selon lequel le projet serait contraire à la densification prévue par son PDC n'est plus pertinent. Le projet étant situé en zone villas, la densité usuelle prévue par la loi doit pouvoir s'appliquer, le PDC ne pouvant y déroger, sans entrer en contradiction avec l'art. 22 al. 2 LAT.

En outre, le projet est prévu en dehors du périmètre protégé par la LPRRhône et de celui prévu par la LEaux-GE. Il ne saurait dès lors avoir d'impact négatif significatif sur les rives et le cours d'eau protégés, toujours dans la mesure où aucune dérogation au rapport des surfaces n'est nécessaire.

En conséquence, l'autorisation de construire délivrée le 10 novembre 2011 étant conforme au droit, le recours sera admis. Le jugement du TAPI sera annulé et l'autorisation de construire, ainsi que celle d'abattage d'arbres qui lui est liée, seront rétablies.

5) S'agissant de la décision d'arrêt de chantier du 28 juin 2012, contre laquelle la recourante a vainement interjeté recours auprès du TAPI, elle deviendra sans effet dès l'entrée en force du présent arrêt confirmant l'autorisation de construire. Elle sera donc annulée.

6) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la commune - qui ne défend pas sa propre décision dans la présente procédure - et un émolument de CHF 500.- à celle des époux Coosemans (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à la recourante, à la charge des époux Coosemans pour moitié et à celle de la commune pour moitié (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable les recours interjetés les 11 et 31 octobre 2012 par Gebbo S.A. contre les jugements du Tribunal administratif de première instance du 20 septembre 2012 ;

au fond :

les admet ;

annule les jugements du Tribunal administratif de première instance du 20 septembre 2012 ;

rétablit l'autorisation de construire DD 104'135-3 et l'autorisation d'abattage d'arbres n° 20'110'830-0 du 10 novembre 2011 ;

annule l'ordre d'arrêt de chantier du 28 juin 2012 ;

met à la charge de la commune de Vernier un émolument de CHF 500.- ;

met à la charge des époux Coosemans un émolument de CHF 500.- ;

alloue à Gebbo S.A. une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de la commune de Vernier pour CHF 500.- et à celle des époux Coosemans à raison de CHF 500.- ;

dit que, conformément aux art. 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Stéphane Piletta-Zanin, avocat de la recourante, à Me Yves Bonard, avocat des époux Coosemans, à Me David Lachat, avocat de la commune de Vernier, au département de l'urbanisme, au département de l'intérieur, de la mobilité et de l'environnement ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance .

Siégeants : Mme Hurni, MM. Dumartheray et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastianelli

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :