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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/600/2018

ATA/323/2019 du 26.03.2019 sur JTAPI/780/2018 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR ; VOISIN ; PRINCIPE DE LA BONNE FOI ; ABUS DE DROIT ; CONSTRUCTION ET INSTALLATION ; BRUIT ; EXPERTISE ; AÉRONEF;INTERDICTION DE L'ARBITRAIRE
Normes : LPA.60.leta; LPA.60.letb; LPA.61; Cst.9; Cst.5.al3; LAT.22.al2; LAT.22.al3; LPE.22.al1; LPE.22.al2; OPB.1.al1; OPB.31a; OPB.38.al2; OPB.annexe 5
Parties : BÜHLMANN Victor, ERNST Josette et Jean, LOPES FRANCO Maria et Manuel, CHAUVET Philippe, ERNST Jean, CHAUVET Ioana-Cristina et Philippe, DESTOUCHES Philippe, KELLER Martine, PENNEVEYRE Florian, PENNEVEYRE Béatrice et Florian, WUILLEMIN Maurice, LOPES FRANCO Manuel, VENKATRAM Sudha et Venkateswaran, BÜHLMANN Rita et Victor, VENKATRAM Venkateswaran, SUTER Josée, ALAM Shahidul / AC IMMO SA, REYNAUD Serge, REYNAUD Michelle et Serge, DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC
Résumé : C'est ainsi, conformément au droit dans sa teneur actuelle, que le SABRA n'a pas tenu compte de la réverbération du bruit des avions sur les façades du projet querellé et a préavisé favorablement le projet en relevant que les VLI de l'annexe 5 de l'OPB correspondant au degré de sensibilité DS III étaient respectées. Quant à l'autorité, elle n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation en délivrant l'autorisation de construire querellée sur la base notamment de ce préavis, dont la teneur a encore été confirmée par les récentes conclusions des derniers rapports d'experts, étant encore précisé que la nouvelle construction n'aura pas d'influence sur les bâtiments directement voisins et que les matériaux utilisés pour les façades du nouvel hôtel devraient aider à réduire la réflexion du bruit en absorbant ce dernier.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/600/2018-LCI ATA/323/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 mars 2019

3ème section

 

dans la cause

 

Monsieur Shahidul ALAM

Madame Rita et Monsieur Victor BÜHLMANN

Madame Iona et Monsieur Philippe CHAUVET

Monsieur Philippe DESTOUCHES

Madame Josette et Monsieur Jean ERNST

Madame Martine KELLER

Madame Marie et Monsieur Manuel LOPES FRANCO

Madame Béatrice et Monsieur Florian PENNEVEYRE

Monsieur Robert STEINER

Madame Josée SUTER

Madame Sudha et Monsieur Venkateswaran VENKATRAM

Monsieur Maurice WUILLEMIN

 

contre

 

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE

 

 

et

AC IMMO SA
représentée par Me Robert Hensler, avocat

________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 août 2018 (JTAPI/780/2018)



EN FAIT

1.1) AC Immo SA (ci-après : AC Immo) est propriétaire des parcelles nos 13'351 et 13'352 du cadastre de Meyrin, sur lesquelles le plan localisé de quartier n 29'906-526 (ci-après : PLQ), adopté par arrêté du Conseil d'État du 13 mai 2015, publié dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 19 mai 2015, prévoit la réalisation d'un hôtel dont la partie haute, de onze étages sur rez-de-chaussée, culminerait à 47 m.


Ces terrains sont délimités au sud par la route de Meyrin, à l'est par le chemin de l'Étang (en giratoire), au nord-est par le chemin du Ruisseau et à l'ouest par une forêt bordant l'autoroute.

Suite à des recours de voisins, ce plan localisé de quartier a été confirmé par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) par arrêt du 31 mai 2016 (ATA/450/2016).

2.2) Le 17 novembre 2016, l'État de Genève a confié à EcoAcoustique SA
(ci-après : EcoAcoustique) un mandat ayant pour objet d'étudier le bruit des avions dans le cadre du grand projet de nouveau quartier
Vernier-Meyrin-Aéroport.

3.3) Le 20 décembre 2016, AC Immo a déposé une requête en autorisation de construire un hôtel, sur ses parcelles. Cette demande a été enregistrée sous le n° DD 109'834.

4.4) Dans le cadre de l'instruction de cette requête, plusieurs préavis ont été requis, dont notamment celui du service de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA), qui, le 19 juillet 2017, s'est favorablement prononcé sous conditions.

Le PLQ no 29'906 attribuait le degré de sensibilité DS III à la parcelle concernée. S'agissant d'une zone à bâtir existante, l'exigence principale de protection contre le bruit était le respect des valeurs limites d'immissions (ci-après : VLI) à l'endroit où pourraient être érigés des bâtiments comportant des « locaux sensibles au bruit ».

Selon le cadastre des immissions du bruit du trafic aérien, élaboré par l'office fédéral de l'aviation civile (OFAC - mars 2009), les valeurs d'exposition au bruit, à la hauteur du projet, respectaient les VLI de l'annexe 5 de l'ordonnance sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986 (OPB - RS 814.41) correspondant au degré de sensibilité DS III.

5.5) Le 18 janvier 2018, le département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, devenu depuis lors le département du territoire (ci-après : le département) a délivré à AC Immo l'autorisation d'édifier le bâtiment en question.

6.6) Par acte du 15 février 2018, l'Association Cointrin-Ouest (ci-après : l'ACO) a formé recours contre cette autorisation auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant à son annulation.

a. Le recours était signé par son président, Monsieur Serge REYNAUD et sa secrétaire, Madame Michelle REYNAUD, ainsi que par plusieurs membres, agissant en noms propres, soit notamment Monsieur Shahidul ALAM, Madame Rita et Monsieur Victor BÜHLMANN, Madame Iona et Monsieur Philippe CHAUVET, Monsieur Philippe DESTOUCHES, Madame Josette et Monsieur Jean ERNST, Madame Martine KELLER, Madame Marie et Monsieur Manuel LOPES FRANCO, Madame Béatrice et Monsieur Florian PENNEVEYRE, Monsieur Robert STEINER, Madame Josée SUTER, Madame Sudha et Monsieur Venkateswaran VENKATRAM et Monsieur Maurice WUILLEMIN (ci-après : les recourants).

La construction litigieuse engendrerait une réverbération très importante du bruit des avions sur leurs parcelles. La décision d'accorder l'autorisation de construire querellée était prématurée, car l'estimation des perturbations acoustiques liées aux réverbérations était encore à l'étude.

Des mesures de réverbérations avaient été réalisées à l'aéroport de Schiphol (Amsterdam) en avril 2016 montrant une amplification du bruit de 27dB en valeur de pic. Ils avaient présenté ces résultats au département lors d'une réunion le 2 décembre 2016. Il avait alors été convenu de confier un mandat à des acousticiens experts, soit à EcoAcoustique, auquel M. REYNAUD, ingénieur retraité du CERN, pouvait participer, afin qu'ils effectuent des travaux sur le premier trimestre 2017, dans le but de mesurer scientifiquement l'impact des réflexions du bruit des avions et d'étudier des possibilités d'aménagement.

Le SABRA n'avait pas tenu compte des conclusions de cette étude puisqu'il avait rendu son préavis avant leur présentation. Quoi qu'il en soit, ils les contestaient dès lors qu'elles ne tenaient pas compte des réverbérations projetées par les façades de l'hôtel. De plus, les mesures de celles-ci avaient dû être interrompues pour des raisons météorologiques et n'avaient jamais été terminées. En l'absence de données scientifiques quant aux effets des réverbérations, aucune démarche ayant pour but un changement législatif n'avait pu être encore entreprise.

Enfin, même si un bruit fort était entendu sur une courte durée seulement, il suffisait à entraîner des perturbations pathologiques sur la santé des riverains.

b. Plusieurs pièces ont été versées à la procédure, dont notamment :

- une « expertise » réalisée par M. REYNAUD, selon laquelle les constructions aux abords des aéroports pouvaient induire une amplification des nuisances sonores. Ce dernier s'était basé sur l'étude acoustique réalisée en 2016 à l'aéroport de Schiphol (Inter-Noise 2016, An experimental study on the shielding performance of buildings exposed to aircraft noise comparing measurements near front and rear facades ; ci-après : l'étude Schiphol).

- un courriel du directeur du SABRA du 2 décembre 2016 confirmant qu'à l'issue de la rencontre s'étant déroulée le jour même, il avait été convenu qu'en fonction des résultats de l'étude précitée, une démarche pourrait être entreprise auprès de la Confédération pour demander une modification du contexte légal ou un amendement aux applications de la détermination du bruit aérien réalisées selon l'annexe 5 OPB ;

- le rapport final d'EcoAcoustique, qui concluait que l'effet d'écran des bâtiments était en moyenne plus important que celui de réflexion. La densification allait globalement dans le sens d'une réduction des niveaux sonores par rapport à une situation actuelle avec une densité relativement faible. Différentes dispositions architecturales et urbaines permettaient de limiter les effets indésirables des réflexions. Enfin, par rapport au cadastre des immissions du bruit du trafic aérien élaboré par l'OFAC, la prise en compte des bâtiments avait plutôt tendance à diminuer les niveaux sonores. En résumé, cette étude avait permis de vérifier que la densification prévue dans le secteur du grand projet Vernier-Meyrin-Aéroport n'allait pas augmenter de manière significative les nuisances sonores et que pour les situations spécifiques où une augmentation de bruit pourrait se produire, des mesures étaient possibles afin de limiter ces effets.

Sous chiffre 4.2.3, le rapport contient une vue détaillée des niveaux sonores moyens actuels et tenant compte des projets approuvés. On constate une augmentation du bruit sur les deux façades de l'hôtel faisant face à l'aéroport. Celle-ci ne touche pas les maisons des recourants.

7.7) a. Le 29 mars 2018, AC Immo a conclu à l'irrecevabilité du recours d'ACO, au fond au rejet des recours.

b. Parmi les pièces produites figurait une expertise réalisée par Architecture & Acoustique visant à déterminer l'impact de l'hôtel projeté sur l'exposition du voisinage au bruit des avions.

Les résultats obtenus montraient que, de manière générale, l'influence du projet était principalement localisée autour de l'hôtel avec le constat suivant :

- une augmentation du bruit côté piste, due aux réflexions de bruit sur les façades de l'hôtel, dans un secteur majoritairement non bâti ;

- une diminution de l'exposition côté opposé à la piste avec une protection apportée par la nouvelle construction.

Plus localement au niveau des façades des villas :

- chemin de Joinville 10C, la construction de l'hôtel entraînait en moyenne une augmentation de 1,5 dB(A) de l'exposition au bruit des avions contre la façade sud-est. Il s'agissait toutefois de la façade la moins exposée et le niveau sonore restait inférieur de 10dB(A) à l'exposition des autres façades, pour lesquelles le projet n'avait pas d'influence ;

- chemin de l'Avanchet 11, la construction de l'hôtel n'avait pas d'effet sur l'exposition au bruit des façades.

8.8) Le 20 avril 2018, le département a conclu au rejet du recours.

9.9) Le 10 juillet 2018, à la demande du TAPI, le département lui a transmis le rapport réalisé par EcoAcoustique.

L'étude avait permis de vérifier que la densification prévue dans le secteur du Grand Projet Vernier-Meyrin-Aéroport (GP VMA) n'allait pas augmenter de manière significative les nuisances sonores (de manière générale, la densification du secteur permettait plutôt de diminuer les niveaux de bruit) et que, pour les situations spécifiques où une augmentation de bruit pourrait se produire (par effet de réflexion du bruit contre les nouveaux bâtiments), des mesures étaient possibles afin de limiter ces effets.

2.10) Par jugement du 16 août 2018, le TAPI a déclaré irrecevable le recours interjeté le 15 février 2018 par l'ACO et rejeté en tant qu'il était recevable le recours interjeté le 15 février 2018 par les autres recourants, confirmant ainsi l'autorisation de construire litigieuse.

La question de la qualité pour agir des voisins était laissée ouverte. Le projet étant conforme à la législation en vigueur, le recours devait en tout état être rejeté.

Le degré de sensibilité DS III avait été attribué à la parcelle de l'intimée concernée, en vertu du PLQ n° 29'906. S'agissant d'une zone à bâtir existante, l'exigence principale de protection contre le bruit (art. 31 et 39 OPB) était le respect des VLI fixées dans l'OPB (annexe 3 et 5) à l'endroit où pourraient être érigés des bâtiments comportant des locaux « sensibles au bruit » (art. 2 al. 6 OPB), selon le cadastre des immissions du bruit du trafic aérien élaboré par l'OFAC en mars 2009.

Le SABRA, qui était à Genève le service spécialisé en matière de protection contre le bruit, avait préavisé favorablement le projet querellé, relevant que selon ledit cadastre, les VLI de l'OPB (annexe 5) correspondant au degré de sensibilité DS III étaient respectées.

Il n'avait pas à prendre en compte le paramètre lié à la réverbération du bruit des avions sur les façades du futur hôtel, dans la mesure où ce dernier n'était pas pertinent pour le calcul de la charge sonore aérienne admissible selon l'annexe 5 OPB, ni ne ressortait des dispositions légales topiques applicables.

L'étude d'EcoAcoustique, respectivement celle réalisée par M. REYNAUD, se basant sur l'étude Schiphol, n'y changeaient rien, dans la mesure où ces études n'avaient modifié ni la législation applicable ni la méthode de détermination du bruit aérien réalisée selon l'annexe 5 OPB.

Partant et dès lors que le département avait forgé sa décision sur la base du préavis favorable de l'instance compétente, le TAPI ne se substituait pas à son appréciation. L'autorité avait correctement appliqué le droit et n'avait pas abusé de son pouvoir d'appréciation en délivrant l'autorisation de construire querellée.

11.11) En date du 14 septembre 2018, M. ALAM, Mme et M. BÜHLMANN, Mme et M. CHAUVET, M. DESTOUCHES, Mme et M. ERNST, Mme KELLER, Mme et M. LOPES FRANCO, Mme et M. PENNEVEYRE, M. STEINER, Mme SUTER, Mme et M. VENKATRAM, M. WUILLEMIN (ci-après : les recourants) ont saisi la chambre administrative d'un recours contre le jugement précité, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif et principalement à l'annulation du jugement du TAPI et de l'autorisation de construire DD 109'834 et à ce qu'ils soit ordonné au département de l'environnement, des transports et de l'agriculture, devenu depuis lors le département des infrastructures de reprendre et poursuivre les mesurages entrepris en mai 2017 aux fins de demander une modification législative. Les conclusions étaient prises sous suite de frais et dépens.

La législation écartait deux éléments importants pour évaluer le niveau des nuisances sonores aériennes, soit le pic sonore et les réverbérations acoustiques sur les façades des bâtiments. Celles-ci ne pouvaient être écartées sous prétexte que leurs mesures dépassaient les capacités des logiciels actuels.

Les mesurages effectués, bien que partiels, démontraient que des valeurs pic dépassaient de 10 dB celles mesurées sans réverbération, confirmant ainsi les observations faite à Schiphol. Le TAPI aurait dû en tenir compte.

Lors de l'adoption du PLQ et des autorisations de construire, les autorités s'étaient engagées à étudier ces problèmes. Elles l'avaient fait, mais de manière arbitraire. Ils s'estimaient ainsi victimes d'un « abus de confiance ».

Tous les documents du mandat d'EcoAcoustique n'avaient pas été transmis au TAPI. Seul le rapport final ne contenant que les calculs avait été envoyé.

12.12) Le 20 septembre 2018, le TAPI a transmis le dossier sans formuler d'observations.

13.13) Le 18 octobre 2018, AC Immo a conclu à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet du recours. Le département a conclu à son rejet.

14.14) Par décision sur effet suspensif du 29 octobre 2018, la présidente de la chambre administrative a refusé de restituer l'effet suspensif et réservé le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond.

15.15) Dans leurs observations du 30 novembre 2018, les recourants ont persisté dans leurs conclusions.

16.16) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1.1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26  septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. À teneur de l'art. 60 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir (ATA 1006/2015 du 29 septembre 2015 ; ATA/199/2013 du 26 mars 2013 ; ATA/343/2012 du 5 juin 2012 et les références citées).

b. Le voisin direct de la construction ou de l'installation litigieuse a en principe la qualité pour recourir. La proximité avec l'objet du litige ne suffit toutefois pas à elle seule à conférer la qualité pour recourir contre l'octroi d'une autorisation de construire. Les voisins doivent en outre retirer un avantage pratique de l'annulation ou de la modification de la décision contestée qui permette d'admettre qu'ils sont touchés dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l'intérêt général des autres habitants de la collectivité concernée de manière à exclure l'action populaire. Dans des régions très habitées, la qualité pour recourir peut être reconnue à plusieurs personnes, sans que cela ne soit assimilé à une action populaire. Une atteinte particulière est reconnue lorsqu'il faut notamment s'attendre avec certitude ou avec une grande vraisemblance à des immissions bruits, poussières, vibrations, lumières ou autres - touchant spécialement les voisins, même situés à quelque distance, et ces derniers peuvent aussi se voir reconnaître la vocation pour recourir (ATF 141 II 50 consid. 2.1 ; ATF  137  II 30 consid. 2.2.3 ; ATF 136 II 281 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C 243/2015 consid. 5.1.1 et 5.2.2 ; 1C_152/2012 consid. 2.1 ; ATA 577/2014 du 29 juillet 2014).

c. En l'espèce, la qualité pour recourir des voisins est subordonnée à l'augmentation du bruit du trafic aérien en raison de la construction projetée, bruit qu'ils subissent déjà en l'état. Par conséquent, ce grief doit être tranché avant la recevabilité. Vu l'issue du litige, cette question souffrira finalement de rester ouverte.

3.3) Selon l'art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (al. 1 let. a). Les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

Selon une jurisprudence bien établie, la chambre administrative observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l'autorité suive l'avis de celles-ci. Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/281/2016 du 5 avril 2016 et les arrêts cités).

4.4) Une décision est arbitraire au sens de l'art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) lorsqu'elle est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou encore lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. L'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable (ATF  142  V  512 consid. 4.2 ; 141 I 49 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_897/2017 du 31 janvier 2018 consid. 2.1). De plus, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 141 I 49 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_759/2017 du 16 mai 2018 consid. 6.1).

5.5) Le principe de la bonne foi entre administration et administré, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst. exige que l'une et l'autre se comportent réciproquement de manière loyale (Jacques DUBEY, Droits fondamentaux, vol. 2, 2018, p. 642 n.  3454). En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_227/2015 du 31 mai 2016 consid. 7 ; ATA/728/2018 du 10  juillet 2018 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, p. 203 n. 568 ; Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit  administratif général, 2014, p. 254 n. 716 et 717 et p. 256 n. 726).

6.6) a. La loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin l979
(LAT - RS 700) soumet l'octroi d'une autorisation de construire à la condition que la construction ou l'installation soit conforme à la zone et que le terrain soit équipé (art. 22 al. 2 LAT). Elle réserve par ailleurs les autres conditions posées par le droit fédéral et le droit cantonal (art. 22 al. 3 LAT).

b. La législation fédérale sur la protection de l'environnement fixe des conditions supplémentaires à l'octroi d'une autorisation de construire dans les zones affectées par le bruit. Selon l'art. 22 al. 1 de la loi fédérale sur la protection de l'environnement du 7 octobre 1983 (loi sur la protection de l'environnement, LPE - RS 814.01), les permis de construire de nouveaux immeubles destinés au séjour prolongé de personnes ne seront délivrés, sous réserve de l'al. 2, que si les VLI ne sont pas dépassées. Dans le cas contraire, les permis de construire ne seront délivrés que si les pièces ont été judicieusement disposées et si les mesures complémentaires de lutte contre le bruit qui pourraient encore être nécessaires ont été prises (art. 22 al. 2 LPE).

7.7) a. L'OPB a pour but de protéger contre le bruit nuisible ou incommodant (art.  1 al. 1 OPB).

Elle régit à son chapitre 5 les exigences posées aux zones à bâtir et aux permis de construire dans des secteurs exposés au bruit.

b. Conformément à l'art. 31a OPB, pour les aéroports où circulent de grands avions, les valeurs limites de planification et les VLI sont fixées dans l'annexe  5 OPB.

c. Les immissions de bruit des avions sont en principe déterminées par des calculs effectués conformément à l'état admis de la technique. L'Office fédéral de l'environnement recommande des méthodes de calcul appropriées (art. 38 al.  2  OPB).

d. Le Manuel du Bruit aérien coédité en 2016 par l'office fédéral de l'environnement (ci-après : OFEV), l'OFAC et le Secrétariat général DDPS concrétise les exigences générales de l'OPB concernant les méthodes de calcul du bruit du trafic aérien.

En début d'ouvrage, il est précisé que la publication est une aide à l'exécution, élaborée conjointement par l'OFEV, en sa qualité d'autorité spécialisée de la Confédération dans le domaine du bruit, et par l'OFAC et le DDPS, autorités directrices des aérodromes civils et militaires, appelées aussi à mettre en oeuvre des dispositions du droit environnemental. Elle concrétise des notions juridiques indéterminées contenues dans des lois et des ordonnances et favorise ainsi une application uniforme de la législation. Si les autorités d'exécution la suivent, elles peuvent partir du principe que leurs décisions seront conformes au droit fédéral.

Au chiffre 3.3.2 page 25, il est précisé que « les réflexions et les atténuations dues aux bâtiments n'ont en général, pour le bruit des avions non terrestre, guère d'effet sur les résultats des calculs, vu que le bruit est émis par des sources se déplaçant dans les airs. A fortiori pour prendre en compte tous les objets des zones habitées survolées, le calcul déjà complexe pour le bruit aérien deviendrait trop compliqué pour être encore faisable. Il n'existe actuellement aucun programme de calcul du bruit aérien qui tienne compte des bâtiments. Cette exigence ne correspond donc pas (encore) à l'état de la technique. Pour les motifs exposés ici, le calcul de l'effet des bâtiments n'est pas exigible ».

8.8) a. En l'espèce, les recourants se plaignent du fait que la construction litigieuse engendrera une réverbération très importante du bruit des avions sur leurs parcelles et que, dans le cadre de son examen, le SABRA n'aurait, à tort, pas pris en compte le paramètre lié à la réverbération du bruit des avions sur les façades du futur hôtel, de même que du pic sonore pour évaluer le niveau de nuisance.

Toutefois, selon l'art. 38 al. 2 OPB, les immissions de bruit des avions sont en principe déterminées par calculs, qui doivent être effectués conformément à l'état admis de la technique. Or, selon le Manuel du bruit aérien, il n'existe aucun programme de calcul de ce dernier qui tient compte des bâtiments.

La législation actuelle tient compte des données récentes. Le Manuel du bruit aérien, élaboré par des autorités spécialisées, est paru en 2016. Quant à l'OPB, si elle est entrée en vigueur le 1er avril 1987, elle a subi des modifications récentes, soit en avril 2018, qui n'ont pas concerné l'annexe 5.

Selon le chiffre 3.3.2, p. 25 de ce manuel, les réflexions et les atténuations dues aux bâtiments n'ont en général guère d'effet sur les résultats des calculs du bruit des avions, la source du bruit se déplaçant dans les airs. Les conclusions du rapport final d'EcoAcoustique confirment également que les bâtiments n'ont guère d'effet de réflexion. Au contraire, la densification engendre globalement une réduction des niveaux sonores et par rapport au cadastre des immissions du bruit du trafic aérien, élaboré par l'OFAC, la prise en compte des bâtiments a plutôt tendance à diminuer les niveaux sonores.

Quant au pic sonore, les recourants n'ont pas démontré que ces nuisances, qu'ils subissent déjà en l'état, seraient aggravées par le projet litigieux.

Au contraire, on constate à la lecture du chiffre 4.2.3 du rapport d'EcoAcoustique que les augmentations du bruit qui pourraient être enregistrées à proximité du nouvel hôtel ne concernent pas les parcelles des recourants.

Le rapport d'EcoAcoutique précise également sous chiffre 6.2 que tant les formes des bâtiments que la matérialité des façades peuvent efficacement absorber et ainsi réduire le bruit des avions.

C'est ainsi, conformément au droit dans sa teneur actuelle, que le SABRA n'a pas tenu compte de la réverbération du bruit des avions sur les façades du projet querellé et a préavisé favorablement le projet en relevant que les VLI de l'annexe 5 de l'OPB correspondant au degré de sensibilité DS III étaient respectées. Quant à l'autorité, elle n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation en délivrant l'autorisation de construire querellée sur la base notamment de ce préavis, dont la teneur a encore été confirmée par les récentes conclusions des derniers rapports d'experts, étant encore précisé que la nouvelle construction n'aura pas d'influence sur les bâtiments directement voisins et que les matériaux utilisés pour les façades du nouvel hôtel devraient aider à réduire la réflexion du bruit en absorbant ce dernier, selon les indications figurant dans le rapport d' EcoAcoutique.

Par conséquent, ce grief sera écarté.

b. Il ne peut être reproché à l'autorité un comportement arbitraire ou abusif. Elle a au contraire respecté ses engagements. En effet, et conformément au courriel du directeur du SABRA du 2 décembre 2016, en fonction des résultats de l'étude précitée, elle s'était engagée à entreprendre une démarche auprès de la Confédération pour demander une modification du contexte légal. Toutefois, les résultats de l'étude d'EcoAcoustique n'en ont pas démontré la nécessité. Quant au TAPI, il a rendu son jugement en tenant compte de toutes les pièces versées au dossier et notamment des résultats de l'étude précitée.

Les résultats de l'expertise réalisée par M. REYNAUD se fondent sur des données récoltées à l'aéroport de Schiphol à Amsterdam. Celles-ci ne sauraient être appliquées sans restriction à la situation de l'aéroport de Genève, dont la configuration et la distance à la ville sont différentes. De plus, les deux études récentes versées au dossier, soit le Manuel du bruit aérien et les résultats d'EcoAcoustique, ne confirment pas l'applicabilité des résultats de l'expertise réalisée à Schiphol au cas d'espèce.

En conséquence, ces griefs seront écartés.

9) Pour ces motifs, le recours sera rejeté.

10.10) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge des recourants, pris solidairement (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à AC IMMO SA, à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté le 14 septembre 2018 par Monsieur Shahidul ALAM, Madame Rita et Monsieur Victor BÜHLMANN, Madame Iona et Monsieur Philippe CHAUVET, Monsieur Philippe DESTOUCHES, Madame Josette et Monsieur ERNST, Madame Martine KELLER, Madame Marie et Monsieur Manuel LOPES FRANCO, Madame Béatrice et Monsieur Florian PENNEVEYRE, Monsieur Robert STEINER, Madame Josée SUTER, Madame Sudha et Monsieur Venkateswaran VENKATRAM, Monsieur Maurice WUILLEMIN contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 août 2018 ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge des recourants pris conjointement et solidairement ;

alloue à AC IMMO SA une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge conjointe et solidaire des recourants ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt, incident, peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur Shahidul ALAM, Madame Rita et Monsieur Victor BÜHLMANN, Madame Iona et Monsieur Philippe CHAUVET, Monsieur Philippe DESTOUCHES, Madame Josette et Monsieur ERNST, Madame Martine KELLER, Madame Marie et Monsieur Manuel LOPES FRANCO, Madame Béatrice et Monsieur Florian PENNEVEYRE, Monsieur Robert STEINER, Madame Josée SUTER, Madame Sudha et Monsieur Venkateswaran VENKATRAM, Monsieur Maurice WUILLEMIN, à Me Robert Hensler, avocat d'AC Immo SA, au département du territoire, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : M. Thélin, président, Mme Krauskopf, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :