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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4004/2016

ATA/20/2018 du 09.01.2018 sur JTAPI/420/2017 ( LCI ) , REJETE

Parties : STEINER Philippe / DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE - OAC, URBAN PROJECT SA, ROSETABOR VI SA ET URBAN PROJECT SA
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4004/2016-LCI ATA/20/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 janvier 2018

3ème section

 

dans la cause

 

Monsieur Philippe STEINER

contre

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE

et

ROSETABOR VI SA

URBAN PROJECT SA

représentées par Me Dominique Burger, avocate

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 avril 2017 (JTAPI/420/2017)


EN FAIT

1) Rosetabor VI SA (ci-après : Rostabor VI) est propriétaire des parcelles nos 6'460 et 6'461, feuille 34 de la commune de Collonge-Bellerive, à l’adresse 5, chemin du Vieux-Vésenaz et 36, route de Thonon.

Monsieur Philippe STEINER est propriétaire de la parcelle no 1'897 du cadastre de la même commune, à l’adresse 14, chemin du Vieux-Vésenaz, soit en face de la parcelle no 6'461.

2) Privera Construction Management SA, devenue depuis lors Urban Project SA (ci-après : Urban Project), a obtenu du département de l’aménagement, du logement et de l’énergie (ci-après : DALE ou le département), le 17 octobre 2012, d’une part une autorisation préalable de construire un immeuble de logements et de bureaux avec garages souterrains sur les parcelles nos 6'460 et 6'461 (DP 18'379) et, d’autre part, une autorisation de démolir les bâtiments se trouvant sur ces mêmes parcelles, ainsi que sur la parcelle no 7'687 appartenant à Monsieur Michel CERUTTI (M 6'598).

Ces autorisations ont fait l’objet de recours, lesquels ont été retirés. Elles sont entrées en force.

3) Le 14 avril 2015, le département a délivré à Urban Project une autorisation préalable de construire lui permettant d’édifier un immeuble de logements, commerces et bureaux avec garages souterrains et d’agrandir un magasin et un garage sur les parcelles nos 6'460, 6'461, 7'687 et 9'346, feuille 34 de la commune de Collonge-Bellerive (DP 18'561).

Cette autorisation préalable de construire a fait l’objet d’un recours de diverses personnes, notamment de M. STEINER (cause A/1747/2015). Ce recours a été rejeté par jugement du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) du 13 juillet 2016 (JTAPI/737/2016) puis par arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) du 22 août 2017 (ATA/1187/2017). Cet arrêt n’ayant pas été porté devant le Tribunal fédéral, l’autorisation préalable DP 18'561 est ainsi entrée en force.

4) Le 15 septembre 2015, les architectes du projet ont sollicité la prolongation des autorisations DP 18'379 et M 6'598.

Par décisions publiées dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 25 octobre 2016, ces autorisations ont été prolongées jusqu’au 4 novembre 2017.

5) Le 21 novembre 2016, M. STEINER a saisi le TAPI d’un recours contre la prolongation de l’autorisation préalable de construire no DP 18'379 et celle de démolir no M 6'598, publiées dans la FAO le 25 octobre 2016, concluant à leur annulation.

Il reprenait les éléments développés dans le recours à la chambre administrative visant l’autorisation préalable DP 18'561 dans la cause A/1747/2015.

Ce recours a été enregistré sous le numéro de cause A/4004/2016 et fait l’objet du présent arrêt.

6) Après avoir reçu les observations de Rostabor VI, d’Urban Project et du département ainsi qu’un complément de recours de M. STEINER le 19 janvier 2017, le TAPI a rejeté le recours par jugement du 26 avril 2017.

En substance, les éléments mis en avant par M. STEINER avaient déjà fait l’objet de recours (causes A/3490/2012 et A/3517/2012), lesquels avaient été retirés. Les motifs invoqués par M. STEINER en lien avec les recommandations fédérales ISOS auraient parfaitement pu être invoquées à l’époque.

La prolongation des autorisations avait été sollicitée plus d’un mois avant l’échéance de leur validité et ces autorisations n’avaient pas été prolongées plus de deux fois.

De plus, l’autorisation préalable no DP 18'379 n’était pas devenue sans objet du fait du dépôt de l’autorisation de la requête d’autorisation préalable n° DP 18'561, les projets étant différents.

7) Le 30 mai 2017, M. STEINER a saisi la chambre administrative d’un recours contre le jugement précité, reprenant les éléments qu’il avait exposés au TAPI. La commission des monuments et des sites, ou son secrétariat, voire une de ses sous-commissions, n’avait pas respecté les dispositions du recensement fédéral ISOS et des recommandations officielles y relatives. Il constatait « avec désarroi, torpeur et consternation » que le TAPI, en ne prenant pas en compte les éléments évoqués dans son recours, entérinait la prolongation d’une autorisation préalable de construire potentiellement entachée d’une violation des dispositions fédérales.

De plus, le géomètre qu’il avait mandaté, n’avait pas trouvé dans les dossiers de rapport géotechnique, bien qu’un tel document eut dû être produit.

8) Le 1er juin 2017, le TAPI a transmis son dossier, sans émettre d’observations.

9) Le 21 juin 2017, Urban Project et Rosetabor VI ont conclu au rejet du recours.

La prolongation des autorisations litigieuses respectait les dispositions légales en vigueur. Les questions liées à la délivrance initiale de l’autorisation de construire ne pouvaient être remises en question dans le cadre de la procédure de prolongation. L’inventaire ISOS, selon la jurisprudence, n’était utilisé que pour interpréter les principes juridiques indéterminés du droit des constructions lors de l’analyse d’un cas concret et non dans l’hypothèse de la prolongation d’une autorisation de construire.

De même, le rapport géotechnique mentionné par M. STEINER n’était d’aucune utilité dans le cadre de la procédure de prolongation des autorisations concernées.

10) Le 28 juin 2017, le département a aussi conclu au rejet du recours, reprenant et développant son argumentation antérieure.

11) Le 15 août 2017, M. STEINER a exercé son droit à la réplique. L’autorisation préalable no DP 18'379 avait été remplacée par l’autorisation préalable no DP 18'561, et n’avait donc plus d’objet. Les dispositions du droit fédéral en lien avec l’inventaire fédéral ISOS n’étaient pas respectées.

Dans l’hypothèse où la prolongation de cette demande préalable serait confirmée, il y aurait lieu d’ordonner la production de rapports géotechniques, d’un complément de ces derniers s’ils existaient, d’un rapport d’impact architectural du projet effectué par un architecte indépendant, d’un transport sur place et du remboursement des frais de géomètre engagés par M. STEINER.

12) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. L’objet du litige est principalement défini par l’objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu’il invoque. L’objet du litige correspond objectivement à l’objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5). La contestation ne peut excéder l’objet de la décision attaquée, c’est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l’autorité inférieure s’est prononcée ou aurait dû se prononcer. L’objet d’une procédure administrative ne peut donc pas s’étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/907/2016 du 25 octobre 2016 ; ATA/74/2016 du 26 janvier 2016 et les références citées).

b. En l’espèce, le litige concerne uniquement les décisions prolongeant les autorisations nos DP 18'379 et M 6'598. Il ne peut dès lors entraîner la remise en question desdites autorisations, sauf dans le cadre restreint de leurs prolongations.

Le fait que le recourant n’ait pas recouru à l’époque contre ces autorisations ne modifie en rien ce qui précède : il ne peut élargir le litige à des questions qui ont été tranchées définitivement.

Les éléments qui précèdent s’appliquent aussi aux griefs élevés dans la réplique du recourant du 15 août 2017, griefs qui en tout état seraient tardifs.

3) a. Une autorisation de construire est caduque si les travaux ne sont pas entrepris dans les deux ans qui suivent sa publication dans la FAO. En cas de recours, le délai est suspendu pendant la durée comprise entre cette publication et la fin de la procédure, y compris une éventuelle instance devant une juridiction fédérale (art. 4 al. 5 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 - LCI - L 5 05). Lorsque la demande est présentée un mois au moins avant l’échéance du délai de deux ans, le département peut prolonger d’une année la validité de l’autorisation de construire (art. 4 al. 7 LCI). Sous réserve de circonstances exceptionnelles, l'autorisation ne peut être prolongée que deux fois (art. 4 al. 8 LCI).

b. Selon la doctrine, pour des motifs de stabilisation juridique, les législations prévoient souvent un délai dans lequel le permis de construire doit être utilisé (un an à Genève) ; il s'agit d'éviter qu'un propriétaire ne puisse indéfiniment opposer l'autorisation qu'il a reçue à un changement de réglementation. De plus, le juge doit examiner d'office si ce droit est périmé (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3e éd., 2011, p. 102-104).

c. Dans une cause vaudoise, le Tribunal fédéral a précisé que, même si l'autorité jouissait d'un large pouvoir d'appréciation lorsqu'elle statuait sur une demande de prolongation, il était toutefois moins grand que lorsqu'elle prenait la première décision, sans pour autant que soient applicables les règles sur la révocation. Elle devait en particulier respecter le principe de la bonne foi (arrêt du Tribunal fédéral 1C_150/2008 du 8 juillet 2008 consid. 4.2).

Selon la jurisprudence de la chambre de céans, le département a la faculté de ne pas prolonger la validité d'une autorisation de construire pour des motifs objectifs et pertinents. Le pouvoir de l'administration n'est pas sans limite et si la situation au moment de la demande de prolongation est identique à celle qui a prévalu au moment de la demande initiale, il ne serait pas compris que la première autorisation ne fût prolongée (ATA/539/2012 du 21 août 2012 ; SJ 1982 331 ; RDAF 1980 p. 329).

4) En l’espèce, le recourant ne soutient pas, à juste titre, que le cadre légal des circonstances locales se serait modifié depuis la délivrance des autorisations nos DP 18'379 et M 6'598. Bien au contraire, il expose que, de son point de vue, lesdites autorisations n’auraient pas dû être délivrées dès l’origine. Or, il s’agit précisément de griefs qu’il devait faire valoir en saisissant les autorités de recours à l’époque de la délivrance desdites autorisations, ce qu’il n’a pas fait.

De plus, ainsi que l’a retenu l’autorité judiciaire de première instance, les autorisations en question n’ont pas perdu leur objet du fait du dépôt et de l’obtention d’une autre autorisation, le requérant gardant la possibilité de réaliser l’un ou l’autre des projets, lesquels ne sont pas semblables.

En dernier lieu, la chambre administrative constate que, en acceptant de prolonger les autorisations préalables, le département est resté dans le cadre de l’exercice de son pouvoir d’appréciation, aucun élément ne permettant de refuser la prolongation requise.

5) En conséquence, le recours sera rejeté. Vu cette issue, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 mai 2017 par Monsieur Philippe STEINER contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 avril 2017 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur Philippe STEINER un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur Philippe STEINER, à Me Dominique Burger, avocate des intimées, au département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu’à l’office fédéral du développement territorial.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Rodriguez Ellwanger

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :