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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1020/2017

ATA/299/2019 du 19.03.2019 sur JTAPI/273/2018 ( ICCIFD ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1020/2017-ICCIFD ATA/299/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 mars 2019

4ème section

 

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

A______ SA
représentée par Duchosal Berney SA, mandataire

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 mars 2018 (JTAPI/273/2018)


EN FAIT

1) A______ SA (ci-après : A______) est une société anonyme sise à Genève, et inscrite au registre du commerce (ci-après : RC) de ce canton depuis le 14 décembre 2012. Elle a pour buts statutaires le développement et la commercialisation de logiciels informatiques et de sites Internet, ainsi que toutes activités y relatives, telles que la publication, le graphisme, la publicité et le conseil. Son capital-actions s'élève à CHF 100'000.-.

2) Le 25 septembre 2013, A______ a renvoyé à l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) sa déclaration fiscale 2012, mentionnant que le premier bouclement de comptes serait opéré le 31 décembre 2013.

3) Le 31 juillet 2014, elle a renvoyé sa déclaration fiscale 2013. En annexe, elle a produit ses comptes commerciaux 2013, présentant une perte de CHF 4'216.-. Un prêt à « B______ » y figurait pour un montant de CHF 153'187.10, sur des actifs totalisant CHF 260'502.-.

4) Par courrier du 2 octobre 2014, l'AFC-GE a demandé des renseignements à A______ relatifs à ce prêt, notamment l'identité et le domicile du bénéficiaire et de tous les détenteurs de droits de participation de sa société avec mention du pourcentage du capital-actions ou du capital social détenu par chacun de ceux-ci, une copie du contrat de prêt, une preuve de la solvabilité de l'emprunteur et de sa capacité de remboursement, les intérêts comptabilisés sur le prêt et la possibilité de l'octroi d'un tel prêt à un tiers aux mêmes conditions.

5) A______ a répondu par courrier du 31 octobre 2014. Elle était une start-up ayant pour but de soutenir le développement d'un logiciel informatique de nouvelle génération. Ce projet était mené par Monsieur C______, actionnaire possédant 51 % de ses actions, via sa raison individuelle, D______ . Ce projet n'était plus en mesure de progresser par manque de moyen de la raison individuelle.

À terme, son but était de s'occuper de l'exploitation et de la commercialisation de ce logiciel. Dans cette phase intermédiaire entre la poursuite du développement et la signature d'un contrat de commercialisation, son choix s'était porté sur le financement par des prêts plutôt que par la reprise du projet non abouti. Cette situation était provisoire, les démarches de commercialisation étant en bonne voie, entre autres avec une importante société chinoise. Elle aurait accordé le prêt à un tiers aux mêmes conditions si celui-ci était venu avec un projet digne d'intérêt.

6) Par bordereaux du 26 novembre 2014, l'AFC-GE a taxé A______ SA pour l'année 2013, sur un bénéfice de CHF 0.- et un capital de CHF 100'000.-.

Selon l'avis de taxation, le résultat de l'exercice était une perte de CHF 4'216.-. Un montant de CHF 1'213.- venait diminuer cette perte, pour la ramener à CHF 3'003.-. Il s'agissait d'intérêts insuffisants sur prêt octroyé aux actionnaires et personnes proches.

7) Par bordereaux du 29 octobre 2015, l'AFC-GE a taxé d'office A______ pour l'année 2014, sur un bénéfice de CHF 1'000.- et un capital propre de CHF 100'000.-.

La société n'avait pas retourné sa déclaration fiscale ni ses comptes, malgré la sommation du 12 août 2015. L'avis de taxation mentionnait la prise en compte d'un bénéfice net de CHF 4'003.-, la déduction de pertes reportables de CHF 3'003.-, aboutissant au bénéfice imposé de CHF 1'000.-.

8) Le 26 août 2016, A______ a transmis sa déclaration fiscale 2015 à l'AFC-GE.

Dans les comptes y annexés, l'actif du bilan comportait un poste « Autres créances à court terme » de CHF 0.-. Selon l'annexe au bilan, ce poste regroupait un prêt à B______ de CHF 382'996.- et des avances fournisseurs de CHF 102'800.-. Le montant total de ces créances de CHF 485'796.- avait fait l'objet d'une provision pour perte sur créance.

9) Par demande de renseignements du 13 septembre 2016, l'AFC-GE a sollicité de la contribuable qu'elle lui indique le détail et la justification de deux postes de provision, à savoir : la provision litigieuse de CHF 382'996.- comptabilisée sur le prêt du même montant en faveur de B______, avec indication des procédures entreprises en vue de recouvrir cette créance, la manière dont elle avait calculé la provision et enfin, à quelle date le risque de perte couvert par la provision avait pris naissance ; ainsi que la provision de CHF 102'800.- sur « avances aux fournisseurs ».

10) Par courriel du 21 octobre 2016, la contribuable a répondu à cette demande de renseignements.

S'agissant de la provision de CHF 382'996.- seule litigieuse, aucune procédure n'avait été intentée pour l'instant, D______ étant en sommeil, car une procédure aurait irrémédiablement conduit à sa faillite. Ses administrateurs espéraient que le titulaire de la raison individuelle puisse à nouveau générer des revenus en relation avec un algorithme développé et ainsi pouvoir rembourser son dû. La provision se montait à 100 % de la créance, ce pourcentage correspondant au risque lié au recouvrement de celle-ci. Elle avait provisionné ce montant dans le courant de l'année 2015.

11) Par bordereaux ICC et IFD séparés du 24 novembre 2016, l'AFC-GE a taxé A______ pour l'année 2015 sur un bénéfice de CHF 290'288.- et un capital propre pour l'ICC de CHF 100'000.-.

La perte selon le compte de résultat s'élevait à CHF 82'827.-. Une reprise de CHF 382'996.- était opérée au titre de « provision non autorisée par l'usage commercial ». Une autre reprise - non contestée - de CHF 8'346.- d'intérêts non admis (sur les dettes envers actionnaires et proches), avait été opérée, aboutissant à un bénéfice total de CHF 308'515.-. Un montant de CHF 18'227.- était déduit de ce total au titre de « intérêts sur prêt considéré comme simulé », abaissant le bénéfice imposable à CHF 290'288.-.

Le prêt de CHF 382'996.- consenti par la contribuable à son actionnaire devait être considéré comme un prêt simulé constituant une prestation appréciable en argent et une distribution dissimulée de bénéfice, la preuve de la solvabilité de l'emprunteur ainsi que de sa capacité de remboursement lors de l'octroi de ce prêt n'ayant pas pu être apportée valablement. Ce prêt n'aurait pas été octroyé à des tiers dans des circonstances identiques. Le fait de comptabiliser à charge du compte de résultat de l'exercice courant un amortissement ou une provision sur un prêt admis antérieurement avait pour conséquence que les indices de simulation prenaient une densité telle qu'ils constituaient une preuve manifeste de la nature simulée de ce prêt. En conséquence, la provision comptabilisée sur ce prêt n'était pas admise et compensait totalement dans le bilan fiscal la réserve négative résultant de la distribution dissimulée de bénéfice.

12) Le 23 décembre 2016, A______ a élevé réclamation contre ces bordereaux.

Elle avait octroyé ce prêt non pas à un actionnaire mais à une raison individuelle « D______ », développant pour son compte un algorithme informatique censé générer des revenus. Cette entreprise était en sommeil dans l'attente de la signature de développements, d'exploitation ou de licence dudit algorithme en cours de négociation.

C'était pour des raisons essentiellement juridiques liées au droit de la société anonyme que ses administrateurs avaient dû provisionner sa créance de la raison individuelle au 31 décembre 2015 et obtenir, dans le même temps, la postposition des créances de ses actionnaires et des déclarations de soutien complémentaires. Elle n'avait jamais abandonné les montants dus par la raison individuelle.

13) Par décisions sur réclamation ICC et IFD du 15 février 2017, l'AFC-GE a rejeté la réclamation.

Les états financiers de la société faisaient état d'un prêt octroyé à l'un des actionnaires de CHF 382'996.-. L'actionnariat était composé de M. C______ (51 % d'actions), Madame E______ (20 % d'actions) et de Monsieur F______ (29 % d'actions). Les divers indices permettant de conclure à l'existence d'un actif fictif tels que découlant de la jurisprudence étaient rappelés. Le prêt représentait le 99,97 % du total de l'actif de la société, ce prêt n'était pas garanti, il n'existait pas de plan de remboursement et les intérêts n'étaient pas versés. Le prêt, se montant à CHF 153'178.- à fin 2013 avait été porté à CHF 361'969.- à fin 2014, soit une augmentation significative. Le prêt existant à fin 2015 devait être considéré comme intégralement simulé.

14) Le 20 mars 2017, A______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre les décisions précitées, concluant à leur annulation.

Le prêt accordé à la raison individuelle ne constituait pas une distribution dissimulée de bénéfice, la provision constituée sur les exercices 2014 et 2015 de CHF 382'996.- justifiée par l'usage commercial devait être acceptée et les reprises y relatives supprimées. La taxation devait ainsi être effectuée sur la base de la déclaration fiscale déposée.

Elle ne contestait pas avoir accordé un prêt à la raison individuelle de l'un de ses actionnaires. Ce prêt ne devait pas être assimilé à un prêt simulé et donc à une distribution dissimulée de bénéfice. Les avances successives à ladite raison individuelle avaient eu pour but exclusif de financer les travaux de développement d'un algorithme informatique pour son compte et de payer les salaires des développeurs. Elle renvoyait à sa lettre à l'AFC-GE du 31 octobre 2014 s'agissant de la situation particulière de la raison individuelle. C'était pour des raisons juridiques liées au droit de la SA qu'elle avait dû provisionner la créance de la raison individuelle au 31 décembre 2014 puis la compléter. La provision comptabilisée à charge de l'exercice 2015 sur le prêt susmentionné s'élevait à CHF 21'027.- seulement, la reprise effectuée par l'AFC-GE étant excessive. Elle reprenait pour le surplus l'argumentation développée dans sa réclamation.

15) Par jugement du 19 mars 2018, le TAPI a admis (recte : admis partiellement) le recours et renvoyé le dossier à l'AFC-GE pour nouvelles décisions de taxation dans le sens des considérants.

L'octroi du prêt litigieux par A______ n'entrait aucunement dans son but social. Ledit prêt avait augmenté de manière importante entre 2013 et 2015, soit de plus de 236 %. Il était excessivement élevé par rapport à l'actif global de la société, et ainsi largement non couvert par les fonds disponibles et représentant un risque important pour elle. L'octroi de ce prêt se révélait d'autant plus insolite que le titulaire de la raison individuelle bénéficiaire était M. C______, actionnaire principal de A______. Les affirmations de cette dernière figurant au dossier démontraient qu'elle connaissait l'insolvabilité du débiteur. Le prêt avait en outre été octroyé sans garantie et sans plan de remboursement, et les intérêts n'avaient pas été versés. Un tiers indépendant n'aurait ainsi en aucune manière pu bénéficier d'un pareil avantage. C'était dès lors à juste titre que l'AFC-GE avait estimé que le prêt devait être considéré comme une distribution dissimulée de bénéfice.

Cela étant et conformément au principe de l'étanchéité des exercices, l'AFC-GE ne pouvait opérer une reprise sur l'intégralité du prêt et de la provision comptabilisés au 31 décembre 2016, mais n'était légitimée à imposer A______ en 2015 que sur l'augmentation de prêt simulée intervenue en 2015, augmentation correspondant au montant provisionné durant la même année fiscale.

16) Par acte déposé le 27 avril 2018, l'AFC-GE a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation (sic) et à la confirmation (recte : au rétablissement) de sa propre décision du 15 février 2017.

Le TAPI avait, à juste titre, conclu à l'existence d'une prestation appréciable en argent. Toutefois, en contradiction avec la jurisprudence du Tribunal fédéral et le principe de réalisation, il avait conclu que ce n'était pas la totalité du prêt qui pouvait être considérée comme prestation appréciable en argent pour l'exercice fiscal 2015.

Dans sa jurisprudence, le Tribunal fédéral retenait qu'il ne fallait pas se fonder sur les règles ordinaires relatives à la réalisation du revenu imposable, mais qu'il fallait tenir compte des particularités de la réalisation des prestations appréciables en argent. S'agissant des prestations appréciables en argent faites par une société aux détenteurs de droits de participation, le moment où les moyens financiers étaient prélevés ne pouvait en règle générale pas être déterminé selon le critère du droit ferme à les recevoir, et il fallait se fonder sur le moment où le détenteur d'une participation exprimait clairement sa volonté de retirer tout ou partie de la substance de la société, soit sur le moment où cette intention était reconnaissable pour les autorités.

En l'espèce, ce n'était que lors de la remise de la déclaration fiscale 2015 que l'AFC-GE avait constaté la création d'une provision, et observé une augmentation manifeste du prêt de 236 % entre 2013 et 2015 (A______ n'ayant pas déposé ses comptes 2014 et ayant été taxée d'office pour cette année-là), ce qui avait permis de déceler la prestation appréciable en argent en faveur de l'actionnaire. Il était ainsi légitime, selon la jurisprudence, de reprendre la totalité du prêt, et non pas seulement le montant de l'augmentation de celui-ci entre 2014 et 2015.

17) Le 9 mai 2018, le TAPI a communiqué son dossier sans formuler d'observations.

18) Le 15 juin 2018, A______ a conclu à ce que la provision qu'elle avait créée soit acceptée, maintenant « la position qu'elle avait toujours défendue, soit que le prêt accordé à la raison individuelle D______ n'était pas à considérer comme une distribution dissimulée de bénéfice ».

19) Le 4 juillet 2018, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 17 août 2018 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

20) Le 23 juillet 2018, l'AFC-GE a persisté dans ses conclusions. En l'absence de recours de la part de A______, et la procédure administrative genevoise ne connaissant pas l'institution du recours joint, les conclusions de A______ étaient irrecevables.

21) A______ ne s'est quant à elle pas manifestée.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17).

2) a. L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. Il correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible. La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/854/2018 du 21 août 2018 consid. 2a ; ATA/603/2018 du 12 juin 2018).

b. En l'espèce, le litige porte désormais uniquement, malgré la conclusion de la recourante en annulation complète du jugement du TAPI, sur le motif de l'admission partielle du recours par ce dernier, à savoir la possibilité ou non de reprise, pour l'année 2015, de la totalité du prêt qualifié de simulé et donc de prestation appréciable en argent. Les autres éléments du jugement du TAPI, en particulier la qualification du prêt en tant que prestation appréciable en argent et sujette à reprise ne peuvent plus être remis en question à ce stade, la société intimée n'ayant pas recouru contre le jugement du TAPI et la procédure administrative genevoise ne connaissant pas le recours joint. Dans ce cadre, les conclusions et griefs formulés à l'encontre de celui-ci dans la réponse de la contribuable sont irrecevables.

3) En vertu des principes de l'étanchéité des exercices et de la périodicité de l'impôt, chaque exercice est considéré comme un tout autonome sans que le résultat d'un exercice puisse avoir une influence sur les suivants, et le contribuable ne saurait choisir au cours de quelle année fiscale il fait valoir les déductions autorisées (ATA/1470/2017 du 14 novembre 2017 consid. 5d ; ATA/14/2015 du 6 janvier 2015 consid. 5 ; ATA/959/2014 du 2 décembre 2014 consid. 12b). Les déductions doivent être demandées dans la déclaration d'impôts de l'année au cours de laquelle les faits justifiant l'octroi des déductions se sont produits (ATA/547/2012 du 21 août 2012 consid. 6) ; plus généralement, les deux principes précités impliquent que tous les revenus effectivement réalisés, ainsi que tous les frais engagés durant la période fiscale en cause sont déterminants pour la taxation de cette période (arrêt du Tribunal fédéral 2C_87/2015 du 23 octobre 2015 consid. 8.1.2 et les références citées).

4) a. Le TAPI a - matériellement du moins - appliqué dans le jugement attaqué les mêmes principes que dans l'ATA/908/2016 du 25 octobre 2016 consid. 6, qui retenait - également à propos d'un prêt simulé - qu'« il rest[ait] cependant à déterminer le montant exact de la prestation appréciable en argent pouvant faire l'objet d'une reprise pour l'exercice fiscal 2013. En effet, il ressort[ait] des pièces produites que les avances consenties par la société auraient débuté en 2011, le montant du prêt augmentant en 2012, puis en 2013. En matière fiscale, un revenu est réalisé et donc est imposable lorsque la recette est encaissée, voire lorsque la prétention ferme à son versement est acquise par le contribuable (...). En l'espèce, sur le montant du prêt consenti par la société, seul [était] imposable au titre de revenu le montant perçu en 2013 ».

b. Or cet arrêt a été porté devant le Tribunal fédéral, qui l'a annulé pour les motifs suivants : « Dans l'arrêt attaqué, l'instance précédente s'est fondée sur les règles ordinaires relatives à la réalisation du revenu imposable et a omis de tenir compte des particularités qui concernent la réalisation des prestations appréciables en argent. En effet, selon une jurisprudence bien établie, on tient un revenu pour réalisé en principe durant la période de calcul au cours de laquelle des prestations parviennent au contribuable ou au cours de laquelle celui-ci acquiert un droit ferme à les recevoir, dont il peut disposer effectivement. S'agissant des prestations appréciables en argent faites par une société aux détenteurs de droits de participation, le moment où les moyens financiers sont prélevés de la société ne peut en règle générale pas être déterminé selon le critère du droit ferme à les recevoir. On se fonde dès lors sur le moment où le détenteur d'une participation exprime clairement sa volonté de retirer tout ou partie de la substance de la société, soit sur le moment où cette intention est reconnaissable pour les autorités » (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1110/2016 du 23 février 2017 consid. 5.2 et les arrêts cités).

Le Tribunal fédéral en a conclu, dans le cas qu'il avait à juger, que ce n'était qu'en procédure de taxation de la période fiscale 2013 que l'AFC-GE, prenant en considération l'ensemble des circonstances qui entouraient les relations entre l'actionnaire et la société, avait pu reconnaître la véritable intention de l'intéressé de retirer une partie de la substance de la société durant les années 2011 à 2013, en d'autres termes l'existence d'une prestation appréciable en argent ; a contrario, cela signifiait, d'une part, que les montants prêtés en 2011 et 2012, dont la qualification de prestation appréciable en argent n'était pas encore reconnaissable à l'époque, n'étaient ni réalisés ni imposables durant ces périodes-là et, d'autre part, que c'était bien au moment où la prestation appréciable en argent avait été reconnue, soit pendant la période fiscale 2013, que l'intégralité du montant prêté avait été requalifié en prêt simulé, avait été réalisé et devait être imposé au titre de prestation appréciable en argent auprès du contribuable, et non pas uniquement la part du prêt avancée en 2013 (ibid., consid. 5.3).

5) Le cas d'espèce est très similaire. En effet, durant les exercices fiscaux 2013 (où le prêt était certes déjà enregistré dans les comptes, mais pour un montant inférieur et dans un rapport moins déséquilibré avec les actifs) et 2014 (pour lequel la société intimée n'a pas remis de comptes et s'est fait taxer d'office), la recourante n'était pas encore en mesure de reconnaître de manière indubitable la présence d'une prestation appréciable en argent sous la forme d'un prêt simulé.

Ce n'est ainsi que dans le cadre de la taxation 2015 que la recourante a constaté la création d'une provision, et observé une augmentation manifeste du prêt de 236 % entre 2013 et 2015, ce qui lui a permis de déceler la prestation appréciable en argent en faveur de la raison individuelle de l'actionnaire majoritaire.

Ainsi, en application de l'arrêt du Tribunal fédéral précité, c'est bien au moment où la prestation appréciable en argent a été reconnue, soit pendant la période fiscale 2015, que l'intégralité du montant prêté a été requalifié en prêt simulé, et devait être imposé au titre de prestation appréciable en argent auprès du contribuable, et non pas uniquement l'augmentation du prêt accordée en 2015.

Il découle de ce qui précède que le recours doit être admis. Le jugement du TAPI sera annulé sur ce point, et les décisions sur réclamation de la recourante, du 15 février 2017, seront rétablies.

6) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la société intimée, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 avril 2018 par l'administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 mars 2018 ;

au fond :

l'admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 mars 2018 en ce qu'il retient que l'AFC-GE ne pouvait opérer une reprise sur l'intégralité du prêt et de la provision comptabilisés au 31 décembre 2016 ;

le confirme pour le surplus ;

rétablit les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 15 février 2017 ;

met à la charge de A______ SA un émolument de CHF 500.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à l'administration fiscale cantonale, à Duchosal Berney SA, mandataire de la société intimée, à l'administration fédérale des contributions, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, MM. Pagan et Verniory, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :