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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3546/2015

ATA/908/2016 du 25.10.2016 sur JTAPI/443/2016 ( ICCIFD ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 06.12.2016, rendu le 23.02.2017, ADMIS, 2C_1110/2016, 2C_1111/2016
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3546/2015-ICCIFD ATA/908/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 25 octobre 2016

4ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Moore Stephens Refidar SA, mandataire

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 mai 2016 (JTAPI/443/2016)


EN FAIT

1. Monsieur A______, (ci-après : le contribuable), est domicilié à Veyrier, dans le canton de Genève. Au 31 décembre 2013, année fiscale litigieuse, il était séparé de son épouse. Il exerçait la profession de mécanicien sur vélos auprès de la société B______(ci-après : B______) dont il est l’administrateur.

2. B______ est une société anonyme de droit suisse au capital social de CHF 100'000.- libéré à concurrence de CHF 75'000.-, composé de 100 actions de CHF 1'000.-. Elle a pour but social « commerce, location, distribution, réparation et entretien de cycles et motocycles, ainsi que de produits et accessoires dans ce domaine ».

3. Le 10 juillet 2014, le contribuable a fait parvenir sa déclaration fiscale 2013 à l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE).

4. Il a déclaré un revenu brut d’un montant de CHF 132'878.-, dont CHF 105'000.- provenaient de son salaire, versé par B______. Il a déclaré une fortune totale brut de CHF 871'225.-, composée d’une fortune mobilière de CHF 867'956.-, une fortune immobilière de CHF 551'634.-, ainsi que la valeur de rachat d’une assurance-vie en CHF 52'235.-. Il a fait état de dettes chirographaires et hypothécaires pour un montant de CHF 853'455.-. Compte tenu de la déduction sociale sur la fortune autorisée, il n’avait pas de fortune imposable.

Parmi ses dettes, il déclaré une dette vis-à-vis de B______ d’un montant de CHF 196'580.-, contractée le 31 décembre 2013, et pour laquelle il s’était acquitté d’un montant de CHF 2'143.- d’intérêts.

Il a déclaré des dettes hypothécaires pour un montant de CHF 656'875.-, mais fourni une attestation bancaire à teneur de laquelle la totalité des crédits hypothécaires dont il était débiteur avec une autre personne s’élevait au double, soit CHF 1'313'750.-.

Dans les pièces annexées à sa déclaration fiscale, figurait un certificat de salaire délivré par B______ pour l’année 2013, signé par lui-même.

Dans le formulaire F3 de sa déclaration fiscale, le contribuable a mentionné détenir 50 % du capital social de B______ pour une valeur imposable au 31 décembre 2013 de CHF 261'875.-.

5. a. Dans le cadre de la procédure de taxation ordinaire de B______, l’AFC-GE lui a adressé une demande de renseignements le 4 septembre 2014. Elle désirait connaître l’identité et le domicile du bénéficiaire du prêt à un tiers figurant à l’actif du bilan 2013 pour un montant de CHF 196'581.-, ainsi que la position dudit bénéficiaire par rapport à cette société. Elle voulait obtenir l’identité et le domicile de tous les détenteurs de droits de participation, actionnaires ou associés de la société, avec la précision du pourcentage de leur participation. En outre, l’AFC-GE demandait des informations au sujet des conditions du contrat de prêt, la preuve de la solvabilité de l’emprunteur et de sa capacité de rembourser si celui-ci était une personne physique, en donnant un certain nombre de précisions sur la situation personnelle, et financière de revenu et de fortune de son groupe familial. Elle a également demandé des renseignements au sujet des montants des intérêts comptabilisés pour l’exercice courant, et si ceux-ci avaient été effectivement comptabilisés ou portés en compte. Elle voulait savoir si la société avait accordé un tel prêt à un tiers aux mêmes conditions.

b. B______ a répondu par l’intermédiaire de la société fiduciaire qui révisait ses comptes. L’avance en compte courant avait été octroyée à M. A______, actionnaire à 50 % de la société. L’avance lui avait été concédée dans le cadre de la mise à disposition d’une limite de crédit maximale de CHF 380'000.-, pour permettre l’exécution d’une convention conclue le 9 mai 2011 entre M. A______ et B______, dont le premier terme d’échéance était le 10 janvier 2015. Le taux d’intérêt prévu était de 1.5 % et les intérêts seraient portés en compte avec paiement à l’échéance. Un remboursement était prévu courant 2015. Concernant la notion de solvabilité de M. A______, notion subjective en l’espèce, il était renvoyé à la lecture de la déclaration fiscale de celui-ci.

c. Par décision de taxation définitive du 17 décembre 2014, l’AFC-GE a notifié à B______ des bordereaux pour l’impôt cantonal et communal (ci-après : ICC), ainsi que pour l’impôt fédéral direct (ci-après : IFD) 2013. Elle retenait une perte pour l’exercice 2013 de CHF 104'494.- sur une perte déclarée de CHF 104'494.-, ainsi qu’un capital propre total de CHF 307'330.- sur un capital propre annoncé de CHF 503'911.-, compte tenu d’un bénéfice reporté de CHF 329'911.-. Elle réduisait en effet les fonds propres de la société du montant de CHF  196'581.-, correspondant à une créance portée au bilan au titre de prêt à l’actionnaire, qu’elle considérait comme simulé. De même, elle a ajouté aux revenus de la société un montant de CHF 2'144.- d’intérêts sur ledit prêt.

d. Le 23 février 2015, l’AFC-GE a déclaré irrecevables les réclamations que B______ avait déposées contre les décisions de taxation relatives à l’ICC et à l’IFD. B______ n’avait pas d’intérêt digne de protection à les contester, car l’éventuelle annulation ou réduction des corrections querellées n’impliquerait pas une diminution des impôts dus. Cette décision n’a pas fait l’objet d’un recours.

6. Le 29 juin 2015, l’AFC-GE a notifié à M. A______ deux bordereaux ICC et IFD 2013, de montants respectifs de CHF 60'060.95 pour l’ICC et de CHF 19'376.95 pour l’IFD.

Pour l’ICC, elle retenait un revenu brut du contribuable de CHF 329'459.- incluant un revenu mobilier non soumis à l’impôt anticipé de CHF 196'583.-. Il s’agissait d’une prestation appréciable en argent accordée par B______ à son actionnaire. Concernant la fortune du contribuable, elle était de 805'800.- compte tenu d’une valeur des actions de B______ arrêtée à CHF 196'450.-, mais aussi d’une dette chirographaire de CHF 196'580.-.

Après déduction des dettes chirographaires et hypothécaires, ainsi que de la déduction sociale sur la fortune, la fortune du contribuable était nulle.

Pour l’IFD, l’AFC-GE retenait également un revenu mobilier non soumis à l’impôt de CHF 196'583.-.

7. Le 29 juillet 2015, M. A______ a formé une réclamation contre les décisions de taxation ICC et IFD 2013 du 29 juin 2015. Il rappelait que l’AFC-GE avait, dans le cadre de la taxation de B______, imputé une réserve latente imposée de CHF 196'581.-, des fonds propres de la société et refusé de prendre en considération un intérêt de CHF 2'144.- calculé sur le prêt à M. A______.

Les conditions qui permettaient de retenir une prestation appréciable en argent en faveur de l’actionnaire n’étaient pas réalisées. Le réclamant n’était pas dans une situation financière précaire lors de la période fiscale 2013. Le prêt avait été financé au moyen des fonds propres de la société et ne la mettait pas dans l’embarras pour faire face à des engagements qu’elle devrait rembourser à des tierces personnes avec les fonds prêtés à l’actionnaire. L’activité de celle-ci se poursuivait. Il n’y avait aucunement simulation du prêt en question et l’octroi d’un prêt par une société à son actionnaire n’était pas interdit. Le prêt était comptabilisé et ne constituait pas un prêt fictif. Il y avait dès lors lieu d’admettre son existence. Il avait dûment déclaré ledit prêt et l’AFC-GE, admettait que ses intérêts, en CHF 2'143.- étaient déductibles du revenu dans ses décisions de taxation. Le montant du prêt, en CHF 196'580.- ne constituait pas une prestation appréciable en argent et devait être ainsi déduit de la fortune imposable.

8. Le 11 septembre 2015, par deux décisions distinctes, l’une prise pour l’ICC, l’autre pour l’IFD, l’AFC-GE a rejeté la réclamation et maintenu ses taxations. Le revenu mobilier non soumis à l’impôt anticipé de CHF 196'580.- correspondait au prêt accordé au cours de l’exercice commercial 2013 par B______. Ce prêt devait être qualifié de prestation appréciable en argent en raison de son caractère simulé. Il était dès lors imposable en tant que revenu du contribuable.

9. Le 8 octobre 2015, M. A______ a interjeté un recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre les deux décisions sur réclamations du 11 septembre 2011 précitées, en concluant à leur annulation. Le prêt comptabilisé dans les comptes ne constituait pas un prêt fictif. Il ne pouvait être qualifié de prestation appréciable en argent chez l’actionnaire. Il ne devait être pris en considération, ainsi que l’avait d’ailleurs fait l’AFC-GE dans sa décision du 29 juin 2015 uniquement comme montant venant diminuer la fortune imposable du contribuable et le montant de l’intérêt comme montant venant diminuer celui de son revenu imposable.

Les différentes conditions permettant d’admettre une prestation appréciable en argent à l’actionnaire n’étaient pas réalisées. Le contribuable n’était pas dans une situation financière précaire en 2013 et possédait des revenus réguliers suffisants pour faire face au paiement des intérêts. La société avait financé le prêt à l’aide de fonds propres qui représentaient le 74 % du bilan au 31 décembre 2013 : ce prêt ne la mettait donc pas en péril.

Ainsi que B______ l’avait déjà indiqué à l’AFC-GE dans le cadre de sa propre taxation, le prêt avait été accordé au contribuable pour financer l’acquisition à terme du 50 % des actions de la société B______ détenues par un autre actionnaire sortant, Monsieur C______, avec un transfert de la totalité des titres dans les dix jours suivant le paiement de la dernière tranche. Le prêt était inscrit dans les livres de B______. Ce contrat, conclu le 9 mai 2011, était bien réel et conforme au droit.

Le prêt consenti à l’actionnaire existait déjà à la clôture de l’exercice commercial 2012. Or, ni la société B______, ni le recourant n’avaient fait l’objet d’un redressement pour cet exercice fiscal. À cette occasion, s’agissant du contribuable, le prêt avait été admis comme déductible de sa fortune et les intérêts avaient été normalement déduits de son revenu imposable. Selon la jurisprudence, pour être tenu pour fictif le prêt devait l’être depuis l’origine. Il ne pouvait y avoir apparition d’une prestation appréciable en argent ultérieurement à l’octroi du prêt que lorsque le pourvoyeur du crédit envisageait et procédait après coup à l’amortissement de sa créance envers l’emprunteur, afin de lui permettre d’assainir sa situation. Ce n’était qu’au moment d’un tel amortissement que pouvait être retenue l’existence d’une prestation appréciable en argent.

Avec son recours, le contribuable a produit une copie du contrat de cession d’actions. Le contribuable et B______ y figuraient comme acquéreurs et l’autre actionnaire comme vendeur.

Le préambule du contrat de cession d’actions rappelait que MM. C______ et A______ étaient tous deux détenteurs du capital-actions de B______, mais étaient en conflit. Dès lors, le contribuable et la société rachetaient au vendeur sa part du capital-actions pour un prix de CHF 380'000.- dont le paiement devait intervenir par tranches entre le 20 mai 2011 et le 31 décembre 2014. Les actions cédées devenaient la propriété des acheteurs dès l’instant du paiement au prorata de celui-ci, mais le vendeur avait droit de les détenir en gage jusqu’à complète exécution. La remise du certificat d’actions aux acheteurs devait intervenir dans les dix jours suivants le dernier versement, soit au plus tard le 10 janvier 2015. Le contrat de cession faisait référence à un procès-verbal de conciliation du 1er avril 2011 dont l’objet était de mettre fin à un litige entre les parties dont l’enjeu était la dissolution de B______.

Avec son recours, le contribuable a également transmis une copie de la déclaration fiscale 2012 de B______ dans laquelle figurait déjà une créance vis-à-vis d’un actionnaire de CHF 104'437.- et un rendement comptabilisé de CHF 842.-.

Il a également transmis une copie des bordereaux ICC et IFD 2012 le concernant, par lesquels il avait été taxé sur un revenu de CHF 42'942.- et une fortune de CHF 0.-, prenant en considération au titre de déduction du revenu, des intérêts chirographaires de CHF 842.- et, dans sa fortune, une dette chirographaire de CHF 104'437.-.

10. Le 12 janvier 2016, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Les actes juridiques conclus entre les sociétés de capitaux et ses actionnaires étaient valables juridiquement. Les sociétés pouvaient notamment consentir des prêts à leurs actionnaires. Toutefois, ces prêts devaient respecter les prix de pleine concurrence. Si tel n’était pas le cas, le prêt était considéré fiscalement comme un acte fictif de la société et qualifié de prêt simulé, tenu en réalité pour une distribution dissimulée de bénéfices imposables chez son bénéficiaire en tant que revenu de participation. Une telle libéralité existait dans la mesure où le prêt n’aurait pas été accordé à un tiers non intéressé. Dans ce cadre, la situation financière du bénéficiaire du crédit devait être examinée, de même que le rapport entre le montant avancé et les actifs de la société. Le caractère du prêt devait être examiné chaque année, un prêt initialement admis comme non simulé pouvant le devenir, en fonction de l’évolution de la situation des parties au prêt.

En l’espèce, les conditions pour retenir l’existence d’un prêt simulé étaient réunies au sein de la société. Cela avait nécessité, au plan fiscal, que son bilan soit repris par l’ajout d’un montant de CHF 196'581.- au titre de réserve latente. Les bordereaux de taxation ICC et IFD 2013 la concernant étaient entrés en force.

Le caractère simulé du prêt résultait de plusieurs facteurs. Le prêt n’aurait manifestement pas été octroyé à des tiers dans des circonstances identiques. Les garanties existantes sur le remboursement du prêt étaient insuffisantes, voire nulles. Il n’y avait pas de plan de remboursement prévu. Le contribuable n’avait pas produit le contrat de prêt permettant de vérifier les modalités exactes de ce plan. La solvabilité, ainsi que la possibilité de remboursement de l’emprunteur n’avaient pas été démontrées.

En particulier, force était de constater que le recourant n’avait pas commencé à rembourser le prêt, ainsi qu’il l’admettait dans son recours. Par ailleurs, selon le bilan 2014 de la société, le prêt avait augmenté de CHF 196'581.- à CHF 248'415.- à la fin de l’exercice 2014.

Concernant les possibilités concrètes de remboursement, les revenus bruts de l’intéressé s’élevaient en 2013 à CHF 135'667.-. Ils étaient inférieurs au montant annuel théorique à rembourser en tenant compte d’un plan de remboursement de six ans. Entre les amortissements des différents prêts qu’il avait contractés et les intérêts à payer, le recourant devait annuellement s’acquitter d’un montant de CHF 63'079.-, alors que ses revenus disponibles étaient de CHF 37'142.-. En outre, le montant de l’emprunt était supérieur à la fortune nette imposable du contribuable. Le caractère simulé d’un prêt était d’autant plus vraisemblable, dès lors que cette avance n’était pas en rapport avec l’activité économique du prêteur.

11. Le 18 mars 2016, le recourant a répliqué. Il contestait que le prêt n’ait pas de rapport avec l’activité économique du prêteur. Il transmettait en complément à son recours une copie du procès-verbal de conciliation No 40, relatif à l’audience du 1er avril 2011 du Tribunal de première instance dans une cause civile C/31035/10-JC prononçant la dissolution de B______, dont le siège était au______, rue D______. Il était évident qu’il avait utilisé le prêt accordé pour payer le solde du prix de vente des actions et éviter la dissolution de B______. Cette avance était dès lors parfaitement en rapport avec l’activité économique du prêteur. Cela excluait la notion de prêt simulé.

12. Le 18 avril 2016, le recourant a transmis au TAPI qui le lui avait demandé les bilans de B______ pour les exercices comptables 2011 et 2012. Il en ressortait que le prêt à l’actionnaire, dont le montant comptabilisé de CHF 18'595.07 en 2011, était passé à CHF 104'437.07 en 2012, puis de CHF 196'581 en 2013. L’annexe aux comptes 2011 mentionnait que la société avait acquis 10 titres pour un montant de CHF 76'000.-. Ces données n’avaient pas varié jusqu’au 31 décembre 2013. La valeur d’une action était de CHF 7'600.-.

13. Par jugement du 2 mai 2016, le TAPI a rejeté le recours de M. A______. B______ n’avait aucunement pour vocation d’octroyer des prêts, puisqu’elle était active dans le commerce et la réparation des cycles et motocycles. Aucun contrat n’avait été établi entre les parties stipulant les garanties, les intérêts, ainsi que l’amortissement du prêt en question. Selon les bilans de B______ 2012 et 2013, le prêt au recourant avait augmenté d’un montant de CHF 92'143.-. En 2013, le total des débiteurs était de CHF 227'340.- et excédait donc de CHF 84'180.- le montant des créanciers et fournisseurs. Les liquidités de CHF 11'233.- couvraient à peine ce manque. L’augmentation du prêt représentait un risque pour la société, étant donné qu’en cas de défaut de paiement du recourant, celle-ci ne serait peut-être pas en mesure de rembourser ses dettes envers ses créanciers et fournisseurs.

Le contribuable n’avait pas démontré que sa capacité de remboursement avait été examinée par la société au moment de l’octroi du prêt, ni au cours des années subséquentes lorsque le crédit avait augmenté. L’examen de la solvabilité du recourant s’agissant de l’augmentation du prêt en 2013 n’avait pu s’effectuer sur la base de la déclaration fiscale 2013 de l’intéressé, puisqu’elle n’avait été établie que le 8 juillet 2014. L’absence d’un tel examen constituait un fait insolite faisant pencher pour un prêt simulé, au motif qu’un tiers étranger n’aurait jamais pu obtenir un tel prêt, ou une augmentation de celui-ci dans les mêmes conditions que le recourant. Dès lors que le prêt en cause constituait une prestation appréciable en argent, la question de savoir s’il était en réalité simulé faute de volonté de remboursement initiale n’avait pas besoin d’être tranchée.

14. Par acte posté le 1er juin 2016, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI du 2 mai 2016 précité, qu’il avait reçu le 4 mai 2016. Il concluait à son annulation. Le prêt consenti n’appauvrissait pas B______ « au sens des comptes annuels au 31 décembre 2013 ». Les circonstances dans lesquelles le prêt avait été contracté par l’actionnaire, ressortaient du procès-verbal de conciliation du 1er avril 2011 et de la convention de cession des actions qui révélaient que ce prêt avait un lien économique direct avec l’activité de B______, dès lors qu’il permettait le maintien et la poursuite de l’activité du prêteur. Le prêt n’était pas fictif et ne constituait en aucun cas une prestation appréciable en argent chez l’actionnaire.

Pour le surplus, le recourant contestait que le prêt ne soit pas couvert par les moyens à disposition de B______. Cette dernière avait pu mettre à disposition le prêt sans mette en péril la poursuite de ses activités. Le prêt permettait au contraire le maintien des activités, du fait du rachat des actions détenues par M. C______. En outre, l’opération de rachat d’actions permettait non seulement d’éviter la dissolution de la société, mais avait permis le rachat de ses propres actions, à concurrence du 10 % du capital, ainsi qu’en attestait le bilan au 31 décembre 2013, comme mentionné par le jugement. Par la conclusion du prêt, B______ n’avait en évidence pas été appauvrie. En outre, pour qu’un prêt puisse être considéré comme fictif, il devait l’être dès l’origine.

15. Le 2 août 2016, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours en reprenant l’argumentation développée devant le TAPI. En particulier, M. A______ faisait une confusion. Ce n’était pas B______ qui devait être solvable, mais lui-même en tant que débiteur du prêt, ce qui n’était pas le cas. Il n’avait en effet aucune capacité de rembourser le prêt consenti par la société, et ses revenus disponibles étaient inférieurs au montant annuel théorique à rembourser.

16. Le 8 juillet 2016, une lettre de clôture avec possibilité de droit de réplique pour le recourant a été adressée aux parties.

17. La cause a été gardée à juger le 5 août 2016, sans que celles-ci aient utilisé cette faculté.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. a. En vertu des art. 20 al. 1 let. c de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) et 22 al. 1 de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), est imposable le rendement des participations, en particulier les dividendes, les parts de bénéfice, les excédents de liquidation et tous autres avantages appréciables en argent provenant de participations de tout genre.

b. Selon le Tribunal fédéral, font partie des avantages appréciables en argent au sens de l’art. 20 al. 1 let. c LIFD, les distributions dissimulées de bénéfice (art. 58 al. 1 let. b LIFD), soit des attributions de la société aux détenteurs de parts auxquelles ne correspond aucune contre-prestation ou une contre-prestation insuffisante et qui ne seraient pas effectuées ou dans une moindre mesure en faveur d’un tiers non participant (ATF 138 II 57 consid. 2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_605/2014 et 2C_ 606/2014 du 25 février 2015 consid. 6). Sont ainsi imposables, à titre de revenus, les prestations appréciables en argent, à savoir les avantages accordés par la société aux actionnaires ou à leurs proches sans contre-prestation et qui ne s’expliquent qu’en raison du rapport de participation, dès lors que la société ne les aurait pas faites dans les mêmes circonstances, à des tiers non participants (ATF 119 Ib 116 consid. 2 ; ATA/724/2015 précité ; Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 4ème éd., 2012, p. 138 n. 139).

En raison du contenu similaire de l’art. 20 al. 1 let. c LIFD et de l’art. 22 al. 1 let. c LIPP, cette jurisprudence peut également s’appliquer à l’ICC, dans la mesure où le droit cantonal genevois comporte, à l’art. 12 de la loi sur l’imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM - D 3 15) en particulier en sa lettre h, une disposition équivalente à l’art. 58 al. 1 let. b LIFD (ATA/594/2015 du 9 juin 2015).

c. De jurisprudence constante, il y a distribution dissimulée de bénéfice et, partant, avantage appréciable en argent pour son bénéficiaire, si 1) la société fait une prestation sans obtenir de contre-prestation correspondante ; 2) cette prestation est accordée à un actionnaire ou à une personne le ou la touchant de près ; 3) elle n'aurait pas été accordée à de telles conditions à un tiers ; 4) la disproportion entre la prestation et la contre-prestation est manifeste, de telle sorte que les organes de la société savaient ou auraient pu se rendre compte de l'avantage qu'ils accordaient (ATF 140 II 88 consid. 4.1 ; 138 II 57 consid. 2.2 ; 131 II 593 consid. 5.1 ; 119 Ib 116 consid. 2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1082/2013 du 14 janvier 2015 consid. 4.2 ; 2C_589/2013 et 2C_590/2013 du 17 janvier 2014 consid. 7.2). L'évaluation de la prestation se mesure par comparaison avec une transaction qui aurait été effectuée entre parties non liées et en tenant compte de toutes les circonstances concrètes du cas d'espèce (principe du « Dealing at arm's length » ; ATF 140 II 88 consid. 4.1 ; 138 II 545 consid. 3.2 ; 138 II 57 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_927/2013 du 21 mai 2014 consid. 5.1).

d. Selon la jurisprudence, une société anonyme est libre d'accorder un prêt même à son actionnaire, dans la mesure et aux conditions à la jouissance duquel un tiers non participant pourrait accéder dans les mêmes circonstances. Une prestation appréciable en argent est néanmoins réalisée dans la mesure où l'opération s'écarte des usages et des affaires habituelles conformes au marché (ATF 138 II 57 consid. 3.1, in RDAF 2012 II 299 p. 303).

e. Le Tribunal fédéral a développé un certain nombre de critères dont la réalisation permet de conclure qu'un prêt à l'actionnaire constitue une prestation appréciable en argent. Tel est notamment le cas lorsque le prêt octroyé par la société n'est pas couvert par le but social, ou qu'il s'avère inhabituel dans la structure globale du bilan (autrement dit, lorsque le prêt ne peut pas être couvert par les moyens existants de la société, ou qu'il apparaît excessivement élevé en comparaison avec les autres actifs et qu'il génère ainsi un gros risque). Ensuite, en cas de doutes sérieux sur la solvabilité du débiteur, ou lorsqu'aucune garantie n'est prévue et qu'il n'existe aucune obligation de remboursement, que les intérêts ne sont pas payés mais qu'ils sont portés constamment en augmentation du compte d'emprunt et qu'il n'existe pas de convention écrite (ATF 138 II 57 précité consid. 3.2 et 5.1 à 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_589/2013 du 17 janvier 2014 consid 7.2).

f. Dans l’appréciation des circonstances du prêt à l’actionnaire en vue de déterminer s’il s’agit pour son bénéficiaire d’une prestation appréciable en argent, les critères précités peuvent être d’une signification d’importance variable. L'absence de contrat écrit n'est pas en soi déterminante, puisqu'elle peut reposer sur d'autres raisons qu'une intention de simulation. En revanche, le fait que le prêt ne figure pas au bilan de la créancière (et, le cas échéant, à celui du débiteur) et que ce dernier ne revendique aucune déduction d'intérêts passifs, peut signifier que les intéressés eux-mêmes admettent l'inexistence d'un prêt (ATF 138 II 57 consid. 5.1.1 p. 63 et les références citées). Le fait que le but statutaire de la société prêteuse ne comprenne pas l'octroi de crédits ne permet pas de conclure sans autre à l'existence d'une simulation. Il faut en revanche admettre que le prêt a été simulé lorsqu'il a permis à son bénéficiaire de financer dans une large mesure son train de vie ou de rembourser des dettes privées (ATF 138 II 57 consid. 5.1.2 p. 63 et les références citées). La situation financière respective des parties doit également être examinée. Un prêt dont le montant est inhabituellement élevé par rapport à la fortune de la société prêteuse peut paraître insolite en comparaison avec des tiers, en particulier si celui-ci représente le seul actif notable de la société, ou qu'il dépasse le capital propre existant, mais ne permet pas encore de conclure qu'il ne faut pas compter avec le remboursement du prêt. La situation doit être appréciée différemment si la société n'a pas les fonds propres suffisants pour octroyer le prêt, de sorte qu'elle doit elle-même se procurer ces moyens auprès d'un tiers. Il y a par ailleurs clairement simulation lorsque le débiteur se trouve dans une situation financière délicate et qu'il n'est pas en mesure d'exécuter dans la durée et par ses propres moyens les obligations découlant du prêt, soit le paiement des intérêts et de l'amortissement (ATF 138 II 57 consid. 5.1.3 p. 63 s. et les références citées et consid. 7.4.3 p. 68).

3. Dans le domaine des prestations appréciables en argent, les autorités fiscales doivent apporter la preuve que la société a fourni une prestation et qu'elle n'a pas obtenu de contre-prestation ou une contre-prestation insuffisante (ATF 138 II 57 consid. 7.1 p. 66; 133 II 153 consid. 4.3 p. 158). Si les preuves recueillies par l'autorité fiscale fournissent suffisamment d'indices révélant l'existence d'une telle disproportion, il appartient alors au contribuable d'établir l'exactitude de ses allégations (arrêts 2C_554/2013 du 30 janvier 2014 consid. 2.2; 2C_644/2013 du 21 octobre 2013 consid. 3.2; 2C_797/2012 du 31 juillet 2013 consid. 2.2 et 2.2.1, in StE 2013 B 72.14.2 Nr. 41). Il en va de même lorsque la présentation des faits par l'autorité est vraisemblable selon l'expérience de la vie. Dans ces situations, le fardeau de la preuve des allégations contraires à celles de l'administration repose alors sur le contribuable (arrêts 2C_818/2012 du 21 mars 2013 consid. 6.2; 2C_199/2009 du 14 septembre 2009 consid. 3.1). Dans le contexte de la simulation, le Tribunal fédéral a souligné que l'absence de volonté de rembourser représente un élément subjectif, dont l'existence se déduit sur la base de l'examen de l'ensemble des circonstances extérieures et que, constituant un fait générateur d'imposition, la preuve en incombe à l'autorité fiscale (ATF 138 II 57 consid. 7.1 p. 66).

4. En l’occurrence, le recourant, qui allègue l’existence d’un prêt, ne soumet aucun document établissant la date à laquelle celui-ci a été contracté, la date de son échéance, le taux d’intérêt convenu et ses modalités de remboursement. À lire l’acte de cession d’action qu’il a produit, ledit prêt servirait à rembourser le vendeur des titres de la société au fur et à mesure de l’exigibilité des paiements partiels. Il s’apparente donc à une ligne de crédit consentie par la société, dont on ne connaît pas le montant exact, sauf à se fier aux déclarations du recourant, bénéficiaire du prêt, mais également actionnaire de la société et administrateur de celle-ci. Le recourant ne produit en outre aucune pièce établissant la façon dont les paiements au vendeur sont intervenus en exécution de la convention. Cette absence totale de pièces justificatives laisse planer un doute sur la fonction exacte dont la dette alléguée a été contractée et pourrait déjà suffire à valider les reprises que l’administration fiscale a effectuées sur les revenus du recourant.

Au-delà de cela, il sera retenu que la société du recourant n’a pas comme but social de prêter de l’argent et que le montant des intérêts comptabilisés que celui-ci a déclaré avoir payé (CHF 2'143.- pour une dette de CHF 196'850.-) révèle la pratique d’un taux de 1.1 % inférieur au taux minimal de 2¼ %, déterminant pour le calcul des prestations en argent retenu dans la circulaire no 3 de l’administration fiscale fédérale du 27 janvier 2007, applicable également pour l’ICC selon la lettre-information de l’AFC-GE du 7 février 2007.

En outre, ainsi que le TAPI l’a retenu à juste titre, il n’est pas établi que le recourant ait la capacité financière de rembourser la dette à l’échéance du prêt, ne serait-ce qu’à son montant actuel, dans le délai de six semaines prévu par l’art. 318 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220), applicable en l’absence de toute échéance fixée conventionnellement. Si la société se trouvait dans cette nécessité, le recourant se devrait d’appliquer ce délai à lui-même, en tant qu’administrateur dirigeant. À ce sujet, force est de constater, à lire les pièces figurant dans la déclaration fiscale de l’intéressé, qu’il est endetté de manière importante sur le plan hypothécaire, en rapport avec un bien immobilier dont on ignore la valeur, et qu’il ne détient pas d’autre fortune lui permettant de faire face à un remboursement inopiné du prêt.

5. Dans ces circonstances, c’est à juste titre que l’AFC-GE a considéré que le prêt consenti par la société à son administrateur et actionnaire constituait une prestation appréciable en argent venant s’ajouter aux revenus du contribuable, sans qu’il y ait besoin de déterminer si ledit prêt a un caractère simulé (arrêt du Tribunal fédéral 2C-927/2013 consid. 7.2).

6. Il reste cependant à déterminer le montant exact de la prestation appréciable en argent pouvant faire l’objet d’une reprise pour l’exercice fiscal 2013. En effet, il ressort des pièces produites que les avances consenties par la société auraient débuté en 2011, le montant du prêt augmentant en 2012, puis en 2013. En matière fiscale, un revenu est réalisé et donc est imposable, lorsque la recette est encaissée, voire lorsque la prétention ferme à son versement est acquise par le contribuable (Yves NOËL in commentaire romand, impôt fédéral direct, 2008, ad. art. 16 n. 32). En l’espèce, sur le montant du prêt consenti par la société, seul est imposable au titre de revenu le montant perçu en 2013, soit un montant de CHF 92'144.- (CHF 196'581.- ./. CHF 104'437.-), que ce soit au plan de l’IFD ou de l’ICC.

Si, sur le principe de l’imposition, le jugement du TAPI doit être confirmé, tel n’est pas le cas, s’agissant du montant de la reprise. Le recours sera partiellement admis dans le sens précité et pour les mêmes raisons, les décisions sur réclamation du 11 septembre 2015 relatives à l’ICC et à l’IFD seront partiellement annulées.

7. Vu l’issue du recours, un émolument réduit de CHF 500.- sera mis à la charge de M. A______ et aucun émolument ne sera mis à la charge de l’AFC-GE (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure réduite de CHF 500.- sera allouée au recourant, qui sera mise à la charge de l’État de Genève.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er juin 2016 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 mai 2016 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule le jugement en tant qu’il confirme l’imposition supplémentaire en 2013 d’un montant de CHF 196'581.- au titre de prestations appréciables en argent, tant pour l’ICC que pour L’IFD ;

le confirme pour le surplus ;

réduit pour l’exercice fiscal 2013, tant pour l’IFD que pour l’ICC le montant de ladite prestation appréciable en argent à CHF 92'143.- ;

annule partiellement les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale du 11 septembre 2015 au sens des considérants ;

retourne la cause à l’administration fiscale cantonale pour nouvelle décision de taxation ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Monsieur A______ ;

alloue à Monsieur A______ une indemnité de procédure de CHF 500.- qui sera mise à la charge de l’État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Moore Stephens Refidar SA, mandataire de Monsieur A______, à l’administration fiscale cantonale, à l’administration fédérale des contributions, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Junod, M. Dumartheray, juges

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :