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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1145/2005

ATA/297/2006 du 30.05.2006 ( FIN ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 11.07.2006, rendu le 28.11.2006, ADMIS, 2P.181/2006
Descripteurs : LICENCIEMENT ADMINISTRATIF; RÉSILIATION; DROIT D'ÊTRE ENTENDU; EMPLOYÉ PUBLIC ; ARBITRAIRE DANS L'APPLICATION DU DROIT
Normes : Cst.29.al2 ; LPAC.21.al1
Résumé : Licenciement de la recourante annulé, les faits reprochés étant antérieurs à son engagement et n'étant pas suffisants pour pouvoir être considérés comme de nature à rompre les liens de confiance.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1145/2005-FIN ATA/297/2006

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 30 mai 2006

dans la cause

 

Madame T_______
représentée par Me Yves Bertossa, avocat

contre

OFFICE DU PERSONNEL DE L'ÉTAT


 


1. a. Madame T_______, née le ______ 1969, a été engagée comme collaboratrice scientifique par le département de l’action sociale et de la santé, devenu depuis lors le département de l’économie et de la santé (ci-après  : le département), à partir du 1er août 2003, avec un taux d'activité de 70 %. Le poste était rattaché à la direction générale de la santé (ci-après : DGS), section des programmes de prévention et de promotion de la santé, sous la responsabilité de Monsieur Jean Simos, directeur adjoint de la DGS. Le salaire était de CHF 97'910.- par an, soit CHF 8'159,20 par mois.

La fonction de Mme T_______ a été réévaluée le 22 mars 2004 et le salaire a été fixé à CHF 111'728.- par an, soit CHF 9'310,70 par mois, avec effet rétroactif au 1er août 2003.

b. Selon la description de poste, le but de celui-ci était en particulier :

- la participation à l'élaboration et à la mise en oeuvre d'une politique de promotion de la santé et de prévention des maladies et des accidents, en collaboration avec les milieux intéressés ;

- la mise en œuvre et le suivi des procédures d'études d'impact sur la santé au sein de l'administration cantonale ;

- le développement et la gestion d'un réseau de collaborations cantonales, régionales et internationales dans le domaine de l'impact sur la santé et de la promotion de la santé ;

- la conduite, la coordination ou la collaboration à la mise en œuvre de projets en relation avec la promotion de la santé, le développement durable ou d'autres projets en relation avec les unités de la DGS.

2. L'analyse des prestations de Mme T_______ après les trois premiers mois d'activité a retenu une rédaction de très haut niveau, des compétences techniques très solides et de bonnes facultés d’adaptation et d’intégration dans l’équipe de la DGS. Restaient encore à améliorer la communication orale et la prise en compte des contraintes politico-institutionnelles.

3. a. Dans le cadre de l'examen du budget 2005 et de la priorisation des projets, Mme T_______ a préconisé un "brassage d'idées collectif" et a exprimé, par courriel du 21 septembre 2004, différentes réflexions dont certaines, précisait-elle, pouvaient être cyniques ou illustrer une connaissance imparfaite des projets. Au nombre de celles-ci, figuraient notamment "près de 2 millions pour _____ … le couple n’a pas de soucis à se faire!", "220'000 CHF pour proPos. Pour quels résultats ? Au moins ça fait vivre une ex-collègue et son chef…".

Ce message a été envoyé à M. Simos et, en copie, à six autres collaborateurs de la DGS, dont Monsieur Jean-Marc Guinchard, directeur de la DGS.

b. Le 22 septembre 2004, M. Guinchard a relevé la pertinence de la réflexion de Mme T_______. La remise en cause à intervalles réguliers du travail effectué et des moyens mis en œuvre était salutaire.

4. Sur demande de M. Guinchard, Mme T_______ a préparé, en automne 2004, un aperçu de la situation relative à la prévention du tabagisme passif en Europe et en Suisse.

5. a. Le 3 janvier 2005, Mme T_______ a rencontré M. Simos et Madame Christine Zoells-Kessner, cheffe du service du personnel du département. Ceux-ci lui ont soumis un courriel du 6 février 2003 qu'elle avait adressé au Professeur R_______ et dont la teneur était la suivante  :

"Cher ____,

Je suis heureuse de recevoir un message de toi, même si les nouvelles ne sont pas très bonnes. Je suis scandalisée par le communiqué de l'Université. Cette sombre histoire a fait beaucoup de tort à deux personnes que j'apprécie beaucoup et je suis déçue par cette démagogie et cette absence d'honnêteté intellectuelle. Mais face à la vague médiatique orchestrée par les deux "tordus", il est bien difficile de faire face et même dans les conversations avec mes collègues, j'ai du mal à faire passer le message…

J'espère que cela n'affecte quand même pas trop ta qualité de vie et que le climat intellectuel est plus doux en Suède qu'ici…

Moi, c'est plutôt dur au niveau professionnel. Je n'ai de nouveau aucune certitude quant à mon avenir l'an prochain (je n'ai même pas encore signé le contrat pour cette année) et quand je vois les erreurs et les magouilles politiques, ça me dégoûte… En fait, on travaille sans politique de santé, sans priorités, sans critères de qualité, dans le cadre de contrats foireux avec la DGS qui est de plus en plus désorganisée. Je suis assez fâchée contre ____, qui ne nous écoute pas et qui nous demande beaucoup trop de travail, sans discernement.

Heureusement que j'ai un mari patient et compréhensif et une merveilleuse petite X____, qui a eu deux ans hier. Elle est belle comme un cœur, elle parle très bien et est très vive. Donc fatigante !!!

J'espère que ta petite famille va bien et que tes deux adolescentes ne te causent pas trop de soucis. Mais tu as déjà vécu l'expérience, n'est-ce pas ?

A bientôt peut-être, Amitiés".

b. Ce courriel se réfère à "l'affaire R_______" qui a éclaté en 2001, suite à un communiqué de presse de Monsieur Ri_______ et de Monsieur D_______, du 29 mars 2001, intitulé "Genève, plate-forme d'une fraude scientifique sans précédent : des documents nominatifs accablants sur les activités du professeur « genevois » R_______". Dans cet article, MM. Ri_______ et D_______, responsables respectivement du C_______ et de O_______, ont contesté l'objectivité des travaux du professeur R_______ en lien avec le tabagisme passif car celui-ci était secrètement employé par P______ dont il était l'un des consultants les plus grassement payés. Le professeur R_______ a déposé plainte pénale, le 18 avril 2001, contre ces deux représentants d'associations de prévention du tabagisme, pour diffamation voire calomnie.

Par jugement du 24 mai 2002, le Tribunal de police du canton de Genève a condamné MM. D_______ et Ri_______ pour diffamation à CHF 4'000.- d'amende chacun. Le 13 janvier 2003, la Chambre pénale de la Cour de Justice a partiellement admis les appels interjetés par MM. D_______ et Ri_______. Considérant que les propos tenus étaient attentatoires à l'honneur, elle a tenu pour établi le fait que le professeur R_______ était secrètement employé par P______ et qu'il avait été l'un des consultants les plus grassement payés. En revanche, elle n'a pas considéré comme prouvée sa participation à une "fraude scientifique sans précédent". Compte tenu de l'absence de preuve pour cette affirmation attentatoire à l'honneur, elle a maintenu le verdict de culpabilité, réduisant le montant des amendes infligées en première instance à CHF 1'000.- pour chacun des condamnés.

c. Selon le compte-rendu de l'entretien du 3 janvier 2005, le courriel de Mme T_______ avait été porté à la connaissance de M. Pierre-François Unger, Président du département. Une demande de licenciement dans les délais légaux était envisagée, compte tenu de la rupture des liens de confiance au vu de la gravité des faits, à savoir :

- lorsque Mme T_______ avait expédié ce courriel, elle travaillait indirectement pour le compte du département, dont les fonds servaient à payer entièrement son salaire ;

- elle traitait de "tordus" les deux défenseurs genevois de la lutte contre le tabagisme, partenaires du département, qui avaient pris le risque de dénoncer les liens occultes du professeur R_______ et leurs incidences sur ses travaux scientifiques ;

- il n’était pas acceptable de la part d’une personne censée défendre les intérêts de l’Etat de qualifier de "démagogie" et d’"absence d’honnêteté intellectuelle" la position prise par l’Université et, par extension, par les autorités et le monde associatif genevois ;

- qualifier l’action du département de "magouilles politiques", de surcroît mettre par écrit cette qualification et l’adresser à une personne soupçonnée, à ce moment-là, de collusion avec l’industrie du tabac était répréhensible ;

- le "message à faire passer" n'était pas explicite et laissait la porte ouverte à toutes sortes de spéculations que des tiers pourraient exploiter pour détruire la bonne image de la DGS et du département ;

- lors de l'engagement de Mme T_______, sa collaboration avec le professeur R_______, à une époque où il était honorablement connu et représentait même l'institut de médecine sociale et préventive (ci-après  : IMSP), était connue de la directrice, en poste à l'époque, et de ses collaborateurs. En revanche, Mme T_______ ne les avait pas informés avoir maintenu des liens personnels avec le professeur R_______ et l'avoir soutenu dans sa démarche contre MM. Ri_______ et D_______. Or, cette situation particulière contenait les risques d’un préjudice éventuel pour la DGS et le département ;

- l'observation de Mme T_______, dans le courriel interne du 21 septembre 2004, diffusé à plusieurs collaborateurs de la DGS, au sujet du couple ______ démontrait la persistance dans son attitude visant manifestement à nuire aux responsables genevois de la lutte contre le tabagisme et qui se trouvaient être des partenaires essentiels de la DGS ;

- en dépit de la position qui apparaissait être la sienne sur les acteurs de la prévention du tabagisme à Genève et leurs méthodes, elle avait accepté de s'occuper d'une étude d'impact sur la santé concernant le tabagisme passif, sans attirer l'attention du directeur sur les risques que comportait pour la DGS son implication directe dans cette thématique, ni évoquer ses liens avec le professeur R_______ et son soutien pendant l’action en justice contre les partenaires institutionnels du département.

d. Mme T_______ a confirmé avoir rédigé le message électronique du 6 février 2003 et a demandé un délai pour faire part de ses observations, délai qui lui a été accordé au 12 juin 2005.

Elle a tout de même relevé que sa collaboration passée avec le professeur R_______ était connue de tous et qu'elle était restée loyale envers lui. Elle n'avait pas travaillé dans le domaine du tabac et, à l’époque du courriel incriminé, elle ne pensait pas travailler à la DGS. Il n'y avait pas eu rupture du lien de confiance avec la DGS car celui-ci avait été établi après l’envoi du message incriminé et, depuis, elle avait montré du respect pour la DGS.

6. Mme T_______ a été en arrêt de travail à raison de 50 % du 8 au 27 janvier 2005 puis à 100 % du 28 janvier au 28 février 2005.

7. Le 12 janvier 2005, par l’intermédiaire du Syndicat des Services Publics, Mme T_______ a contesté la sanction envisagée. Elle avait été convoquée à l’entretien du 3 janvier 2005 par un message oral de M. Simos le matin même, sans aucune information complémentaire.

Entre 1999 et 2002, elle avait été engagée par quatre contrats de travail successifs à la planification sanitaire qualitative (ci-après : PSQ). Dès le 1er janvier 2003, elle avait travaillé avec l’association E_______ avec la promesse d'un contrat de travail qui n'était toujours pas formalisé en février 2003. De plus, à cette époque, la PSQ avait été réorganisée et intégrée au sein de la DGS. Les anciens collaborateurs, dont elle faisait partie, avaient été imposés aux associations mandatées pour reprendre les projets. Le contexte professionnel n'était donc pas favorable à une attitude d’identification à la DGS.

Elle connaissait le professeur R_______ depuis janvier 1996, et avait accompli, sous sa responsabilité, dans le cadre de l’unité de médecine de l’environnement de l'IMSP, son stage de DESS, sur le thème du lien entre le magnésium dans l’eau potable et les risques cardio-vasculaires. Suite à ce stage, elle avait encore effectué des missions à l’IMSP, en partie sous la supervision du professeur R_______. Elle avait conservé avec ce dernier des relations d’amitié, ce qui expliquait qu’en 2003, elle avait trouvé injustes les méthodes employées contre celui-ci et ses activités. En février 2003, le professeur R_______ n’avait pas été jugé, il faisait l’objet d’accusations qui n’avaient pas encore été prouvées. Lors des discussions avec ses collègues, elle l’avait effectivement défendu, n’imaginant pas que ce qui lui était reproché pouvait être vrai. Le message adressé au professeur R_______ était personnel et n'était donc pas amené à être diffusé. Le terme de "tordus" était effectivement offensant aujourd’hui mais, à l’époque, elle-même avait été choquée par les méthodes utilisées, eu égard à ce qu’elle connaissait de la personnalité du professeur R_______.

Lors de son engagement à la DGS, il n’était pas question de missions en lien avec le tabagisme. De toute manière, elle n'avait jamais travaillé dans le domaine du tabagisme et n'avait pas soutenu le professeur R_______ dans ses batailles juridiques. Elle n’avait ainsi absolument aucune raison de mentionner qu'elle était restée en contact avec lui. De plus, lors de l’entretien d’embauche, les personnes présentes savaient qu'elle avait travaillé avec le professeur R_______ avec lequel elle avait sympathisé.

En ce qui concernait l’étude d’impact sur la santé, elle avait rédigé, en collaboration avec Mme De_______, conseillère scientifique en charge des dossiers tabac, et en toute bonne foi, une note qui devait être signée par M. Guinchard et qui était destinée à M. Unger.

8. M. Guinchard a requis de Mme Zoells-Kessner, le 19 janvier 2005, de procéder au licenciement de Mme T_______ dans les délais légaux.

Des faits graves concernant le comportement de cette employée avaient été portés à la connaissance du Président du département et la poursuite de la collaboration ne pouvait plus être envisagée, compte tenu de la rupture du lien de confiance entre cette personne et le département et de celui imposé par les besoins de son poste avec les associations travaillant dans le domaine de la santé publique. La lecture de la réponse de Mme T_______ n’apportait pas d’éléments nouveaux par rapport aux griefs reprochés.

9. Le 24 janvier 2005, l’office du personnel de l’Etat (ci-après  : l'OPE) a informé Mme T_______ que le département avait demandé de procéder à la résiliation des rapports de service. Compte tenu de son incapacité de travail, le congé lui serait signifié en temps opportun.

10. A la même date, Mme Zoells-Kessner a informé Mme T_______ qu'elle était libérée de l'obligation de travailler, dès ce jour et jusqu'au terme de son contrat.

11. Un entretien avec M. Guinchard, M. Simos, M. Bouchardy, Mme Zoells-Kessner et Mme T_______ devait avoir lieu le 31 janvier 2005 mais a été reporté au 14 mars 2005, vu l'incapacité de travail de cette dernière.

12. Le 16 mars 2005, l'OPE a confirmé la fin des rapports de service pour le 30 juin 2005. L’attitude de Mme T_______ était de nature à porter préjudice à l’image du service ainsi qu’aux relations que ce dernier se devait d’entretenir avec ses partenaires associatifs. La poursuite des rapports de service ne saurait être exigée, selon les règles de la bonne foi, d’aucune des parties. La voie et le délai de recours étaient indiqués.

13. Mme T_______ a interjeté recours contre cette décision, le 18 avril 2005, auprès du Tribunal administratif. Elle conclut à l’annulation du licenciement et à sa réintégration ainsi qu’au versement de son traitement avec effet au 1er juillet 2005. Subsidiairement, elle réclame une indemnité équivalente à 18 mois de traitement brut, soit la somme de CHF 118’318, 50 avec intérêt à 5 % dès le 1er juillet 2005.

Le licenciement était exclusivement motivé par le contenu du courrier électronique du 6 février 2003 adressé au professeur R_______. Or, ce courriel était strictement privé et avait été subtilisé par des tiers en violation des droits de sa personnalité. De plus, ce courriel était antérieur à son engagement et devait être replacé dans son contexte. Depuis son engagement, elle avait démontré son indépendance d'esprit et sa loyauté envers le département. Le licenciement était dès lors abusif, contraire à la loi et disproportionné.

14. Le 31 mai 2005, le département s’est opposé au recours.

Le congé respectait le délai légal et Mme T_______ avait pu s'expliquer, oralement, lors des entretiens des 3 janvier et 14 mars 2005 et, par écrit, le 12 janvier 2005.

Un journaliste suédois qui préparait un livre sur "l'affaire R_______" avait eu accès, comme cela était autorisé en Suède, à tous les courriers considérés comme officiels de M. R_______, ce qui était le cas du courrier adressé à l'Université. M. D_______ ainsi que M. Ri_______ avaient apporté leur aide pour la lecture du courrier rédigé en français. Le message de Mme T_______ du 6 février 2003 avait attiré leur attention par le caractère particulier de son contenu. En faisant une recherche sur Internet, ils avaient constaté qu'elle avait collaboré avec M. R_______ dans le cadre d'études sur le magnésium dans l'eau. Or, bien que ces études n'aient pas été exploitées devant les tribunaux, elles étaient mentionnées dans le rapport d'enquête de l'Université. MM. D_______ et Ri_______ avaient alors décidé de porter le message de Mme T_______ à la connaissance du Président du département. Le courriel du 6 février 2003 était ainsi parvenu au département en toute légalité.

Suite à la refonte de la PSQ, Mme T_______ avait été engagée par l'association E_______ dans le cadre d'un contrat de partenariat qui liait cette association au département pour assurer la poursuite de certains projets. Lors de l'envoi du courriel incriminé, Mme T_______ travaillait donc indirectement pour le compte du département qui payait entièrement son salaire. Il n'était dès lors pas acceptable qu'elle traite de "tordus" deux défenseurs genevois de la lutte contre le tabagisme et qu'elle prenne fait et cause, sans retenue, pour la partie adverse. De plus, les termes utilisés étaient injurieux vis-à-vis de partenaires avec lesquels la DGS entretenait des relations régulières et constructives et à qui elle confiait des mandats importants dans le domaine de la lutte contre le tabac. Or, il était impératif que les collaborateurs de la DGS ne fassent l'objet d'aucun soupçon pouvant porter atteinte à l'image de probité et de neutralité que se devait de donner un service de l'Etat.

Dans son courrier électronique du 21 septembre 2004, les remarques relatives au couple _______ témoignaient de la persistance de cette attitude visant à nuire à des partenaires essentiels de la DGS. Cela était d'autant plus inadmissible que ce courriel avait été diffusé au sein de la DGS. D'ailleurs, M. Simos avait fait part de son mécontentement.

Enfin, Mme T_______ avait accepté, en octobre 2004, la proposition du directeur de la DGS de réaliser, dans le domaine du tabagisme passif, une étude d'impact sur la santé. Or, la condamnation du professeur R_______ était intervenue depuis lors et le directeur de la DGS ignorait les liens qu'elle avait tissés avec celui-ci. Ce comportement était d'autant plus répréhensible qu'elle occupait une position de cadre intermédiaire.

Au-delà de la rupture du rapport de confiance causée par l'accumulation et l'importance des faits, l'attitude de Mme T_______ avait été particulièrement préjudiciable aux relations de la DGS avec les responsables du C_______. Ainsi, la décision de licenciement était dénuée d'arbitraire. Pour le surplus, en tant qu'employée, Mme T_______ n'avait pas le droit à une indemnité.

15. Une comparution personnelle des parties a eu lieu le 29 juin 2005.

a. M. Guinchard avait eu connaissance du courriel litigieux entre le 10 et le 15 décembre 2004. Celui-ci lui avait été transmis par le Président du département, lequel l'avait acquis de M. Ri_______, responsable du C_______, très actif dans la lutte contre le tabagisme et de M. D_______, responsable d’O_______ également très actif dans ce domaine. Ces personnes avaient été étonnées qu’une étude d’impact sur la santé en relation avec le tabagisme passif ait été confiée à Mme T_______ vu ses liens avec le professeur R_______.

Le C_______ était le partenaire unique du département dans les actions de prévention et de lutte contre le tabac. Il travaillait en étroite collaboration avec O_______ et touchait une subvention de l’ordre d’un million par année.

M. Guinchard était arrivé à la DGS, au mois d’août 2004, en pleine période de restriction budgétaire et de réexamen des subventions et mandats. Suite à la découverte par MM. D_______ et Ri_______ des relations entre Mme T_______ et le professeur R_______ et de la réalisation par cette dernière de l’étude d’impact, ceux-ci étaient remontés et furieux contre lui et un climat malsain, de méfiance, s'était installé. Ni M. D_______, ni M. Ri_______ ne connaissait Mme T_______. Le climat négatif qui s’était instauré commençait à se résorber. Il était important d'entretenir de bons contacts car le département ne disposait pas de toutes les "compétences métiers" pour ses actions de promotion et prévention et était amené à les déléguer à des associations à même de fournir les prestations souhaitées.

S’agissant des qualités professionnelles de Mme T_______, il n’avait pas eu à les mettre en cause durant la période de leur collaboration. Après le 15 décembre 2004, il avait entendu des critiques, émises par M. Ri_______ et répercutées par le Président du département, relatives à des publications de Mme T_______ qui remontaient à l’époque où elle travaillait avec l’IMSP.

Pour lui, le lien de confiance avait été rompu car Mme T_______ ne lui avait pas parlé de ses liens avec le professeur R_______ dans le contexte politique du moment alors même qu’il entendait lui confier une étude d’impact en relation avec le tabagisme. S’il avait été au courant de ces contacts, il ne lui aurait pas attribué cette étude, pour des raisons d’opportunité.

Il n’avait pas reçu d'instruction du Président du département et avait pris seul la décision de demander le licenciement de Mme T_______, au mois de décembre 2004. Toutefois, il avait décidé de ne pas l'en informer avant les fêtes. Lors d'un entretien avec M. Simos, Mme Zoells-Kessner et son administrateur, le 22 décembre 2004, il avait été convenu qu' il n’y avait pas lieu de faire durer les choses. Lui-même étant en vacances début janvier, M. Simos avait assuré l’entretien de licenciement avec Mme T_______.

b. Mme T_______ a expliqué être rentrée, le 3 janvier 2005, de quinze jours de vacances et avoir appris par le réceptionniste que son supérieur hiérarchique l’attendait dans son bureau. D’entrée de cause, il lui avait été dit que des faits très graves lui étaient reprochés et que son licenciement était envisagé. Elle n’avait pas compris ce qui lui arrivait. Le choc avait été très violent et elle avait été atteinte dans sa santé, sous forme de dépression. L’entretien avait duré un peu plus d’une heure. Il lui avait été demandé si elle était bien l’auteur du courriel du 6 février 2003 et surtout de s’expliquer sur son message du 21 septembre 2004. Aucune question sur ses relations avec le professeur R_______, ni sur ses publications antérieures ne lui avait été posée. Aucune critique sur son travail en cours n'avait été formulée. Elle connaissait MM. D_______ et Ri_______ de nom mais ne les avaient jamais rencontrés.

Il lui avait également été reproché d’avoir accepté l’étude d’impact sur la santé concernant le tabagisme passif alors qu’elle avait eu des liens avec le professeur R_______. Personne n'avait cherché à savoir si elle avait toujours des contacts avec le professeur R_______ et à connaître leur intensité. Dans le cours de l’entretien, elle avait mentionné qu’elle avait été loyale vis-à-vis de celui-ci parce qu’au cours de leurs années de collaboration, elle avait développé des relations d’amitié. Quand "l'affaire R_______" avait éclaté, il était en Suède et elle avait peut-être deux contacts avec lui par année. Elle n’avait jamais eu l’occasion de travailler sur le tabagisme passif, même avec le professeur R_______. Il ne lui avait pas été demandé si elle avait un avis sur le sujet. Mme T_______ a précisé ne pas avoir participé à l’étude sur l’alimentation et les modes de vie mentionnée sur le site de l'IMSP. Si son nom apparaissait c’est parce qu'il s'agissait d'une petite équipe. De même, elle n’avait pas participé à l’étude sur l’habitat.

c. Sur question du conseil de Mme T_______, M. Guinchard a précisé qu’il avait pris seul la décision de licencier Mme T_______ parce qu’il s’était senti trahi. Il n’avait pas eu d’entretien avec elle sur les éléments qui lui étaient reprochés avant de prendre sa décision.

16. Une nouvelle audience de comparution personnelle a eu lieu le 18 août 2005.

Mme T_______ avait collaboré de janvier à juillet 2003 avec l’association E_______ sur la base d’un contrat de droit privé. Son emploi précédent dans le cadre de la PSQ était également régi par le droit privé et son interlocuteur était l'IMSP.

Lors de son engagement à la DGS, elle avait été reçue en particulier par la directrice de l’époque et par M. Simos. Tout deux étaient au courant de sa collaboration passée avec le professeur R_______. S’agissant de cette collaboration, elle avait tout d’abord effectué son stage de diplôme dans le cadre de l'IMSP puis avait collaboré à plusieurs mandats dont certains émanaient de la DGS.

17. Une audience de comparution personnelle et d’enquêtes a eu lieu le 6 octobre 2005.

a. M. Simos était à la DGS depuis février 1992. Il avait eu des contacts par courriels avec Mme T_______ en 1995 ou 1996. Il l’avait introduite auprès de l’IMSP à Genève mais ne se souvenait plus s'il l’avait dirigée vers le directeur de l’IMSP ou vers le professeur R_______. Par la suite, il avait eu l’occasion de la côtoyer dans le cadre de son stage et de ses activités ultérieures ainsi qu’à titre amical. Il l’avait certainement rencontrée avec le professeur R_______, puisqu’à l’époque, celui-ci était un partenaire du département.

Le problème du professeur R_______ avait été discuté avec l’ensemble des collaborateurs de l’IMSP y compris Mme T_______. Lors de la procédure d’engagement de Mme T_______, il n’avait pas été question du professeur R_______ puisque les activités de Mme T_______ avec ce dernier portait sur une période antérieure aux éléments qui avaient été révélés par la suite, période durant laquelle le professeur R_______ était un partenaire non suspect du département.

M. Simos était l'auteur de l’évaluation de Mme T_______. La prise en compte des contraintes politico-institutionnelles consistait à être à même d’identifier les blocages lors de la mise en œuvre d’une action de prévention. Cela impliquait une bonne connaissance de l’organisation interne de l’administration cantonale mais également du fonctionnement des partenaires externes et de la manière dont ceux-ci travaillaient. Pour sa part, il avait toujours été satisfait du travail de Mme T_______.

S’agissant de l’étude d’impact sur la santé relative à l’interdiction du tabagisme dans les lieux publics, lorsque M. Guinchard lui en avait parlé, il ne savait pas qu’elle serait confiée à Mme T_______. Même s’il en avait été informé, il n’aurait pas attiré l’attention de M. Guinchard sur les liens de Mme T_______ avec le professeur R_______ pour les raisons précédemment mentionnées, et également parce qu'à ce moment-là, il ignorait que Mme T_______ avait encore des contacts avec ce dernier.

M. Guinchard lui avait demandé d’être présent à une séance le 17 décembre 2004 avec Mme Zoells-Kessner. Lors de cette séance, M. Guinchard les avait informés vouloir requérir le licenciement de Mme T_______ pour rupture du lien de confiance.

C’était lui-même qui avait eu l'entretien avec Mme T_______, le 3 janvier 2005, et qui avait rédigé le compte rendu, daté du même jour. Les points reprochés correspondaient aux éléments retenus à charge de Mme T_______ lors de la séance du 17 décembre 2004. Par rapport à ces griefs, même si elle n’était pas formellement employée de l’Etat, Mme T_______ travaillait pour une association qui était liée par un partenariat à l’Etat. Selon leur appréciation, cela impliquait qu’elle ait vis-à-vis de l’Etat les mêmes obligations qu’un employé de ce dernier. Quant à la position prise par l’Université, le communiqué de l’Université reflétait non seulement la position de cette institution mais également celle des autorités du monde associatif genevois. A ses yeux, le contenu du courriel du 6 février 2003 posait problème par rapport à l’obligation de réserve d’une personne indirectement employée par l’Etat.

M. Simos a encore indiqué avoir eu des discussions informelles avec M. Ri_______ et M. D_______ qui avaient été très choqués d’apprendre les éléments relatifs à Mme T_______ et qui pensaient même qu’il s’agissait d’une tentative d’infiltration du professeur R_______. Cette crainte d’infiltration paraissait largement exagérée à la DGS, mais, sur le plan subjectif, les éléments mis à jour étaient de nature à rompre le lien de confiance externe entre le département et ses partenaires institutionnels. D'ailleurs, pour cette raison, l’accès informatique de Mme T_______ avait été coupé dès le 3 janvier au matin. Toutefois, suite à la séance du 3 janvier 2005, Mme Zoells-Kessner avait indiqué que cette mesure n’était pas possible en l’absence de décision formelle de licenciement. Le rétablissement de l’accès informatique avait donc été demandé.

Sur question du conseil de Mme T_______, M. Simos a expliqué qu'il y avait eu rupture du lien de confiance avec Mme T_______ vu sa prise de position, le 6 février 2003, alors qu’elle était indirectement au service de l’Etat, vu son silence sur ses relations et sa position vis-à-vis du professeur R_______ au moment de son engagement à la DGS et lorsqu’il avait été question de l’étude d’impact sur l’interdiction du tabac dans les lieux publics et, enfin, vu la perte de confiance des partenaires institutionnels. Il a encore précisé que la question de la diminution de la subvention au C_______, de l'ordre de 5 %, se posait régulièrement depuis 3 ans lors de l’établissement du budget et que la décision finale relevait de la présidence du département. Le cas du C_______ n’était pas particulier par rapport aux autres institutions subventionnées.

b. Mme Zoells-Kessner a expliqué avoir pris connaissance du message du 6 février 2003 ainsi que de l'observation formulée par Mme T_______ au mois de septembre 2004 à propos du projet de budget et de la subvention accordée au C_______, lors de la réunion du 17 décembre 2004. M. Guinchard estimait qu’il n’était plus possible de collaborer avec Mme T_______ qui avait, en outre, accepté une étude sur le tabagisme passif sans évoquer ses liens avec le professeur R_______. Elle partageait cet avis. Elle était présente lors de l’entretien du 3 janvier 2005.

Lors d'un entretien qui avait eu lieu le 14 mars 2005, sans compte rendu écrit, Mme T_______ avait réclamé une indemnité et avait menacé de prendre un avocat et de déposer une plainte pénale pour utilisation abusive de mail. Elle avait indiqué que cela ne serait pas très bon pour le Président du département en période préélectorale et que tout cela pouvait être évité si elle touchait une indemnité.

c. Mme T_______ a confirmé avoir demandé une indemnité et avoir mentionné qu’elle allait se défendre en s’opposant au licenciement voire éventuellement en posant une plainte pénale. Elle avait effectivement précisé que le Président du département pouvait être amené à témoigner, car c'était à lui que le document avait été apporté.

d. Mme D_______ avait participé à la rédaction de la note sur le tabagisme avec Mme T_______. Elle savait que Mme T_______ avait travaillé avec le professeur R_______, ce qui ne lui avait pas posé de problèmes dès lors qu’elle était engagée à la DGS. Elle n’avait pas constaté de préjugés de Mme T_______ sur le sujet. M. Simos était au courant de l'attribution de cette tâche à Mme T_______.

18. Mme T_______ a déposé des conclusions après enquêtes le 22 novembre 2005. Elle persiste dans sa position.

Il ressortait du témoignage de M. Guinchard que le réel motif de licenciement était d'avoir accepté de réaliser une étude d'impact sur le tabagisme passif sans signaler sa collaboration passée avec le professeur R_______. Or, ce motif était totalement infondé car tout le monde savait qu'elle avait eu des liens avec le professeur R_______, à l'exception de M. Guinchard qui n'avait pas pris la peine de consulter les dossiers administratifs de ses collaborateurs. Elle n'avait jamais tenté de dissimuler ce fait. Il n'était également pas sérieux de retenir ses propos tenus à l'endroit du couple " _______" comme pouvant justifier ou même appuyer la décision de licenciement, M. Guinchard ayant lui-même estimé lesdits propos comme pertinents. Fondé sur une correspondance privée, subtilisée par des tiers en violation de ses droits de la personnalité, son licenciement était manifestement abusif et contraire à la loi. La liberté d'opinion était garantie par la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) prévoyait expressément que la personnalité du personnel devait être protégée.

19. Le département, dans ses conclusions après enquêtes du 15 novembre 2005, maintient sa position.

Les enquêtes avaient démontré que Mme T_______ avait trahi la confiance de sa hiérarchie et que son attitude avait porté un sérieux préjudice aux relations de la DGS avec ses partenaires institutionnels qu'étaient le C_______ et O_______. Le licenciement était ainsi justifié.

20. Le tribunal retiendra encore les faits suivants :

- le curriculum vitae de Mme T_______, qui comporte diverses annotations manuscrites, contient une énumération de ses expériences professionnelles avec des précisions sur les activités déployées ainsi qu'une liste des mémoires, rapports et publications auxquels elle a participé ;

- le rapport d'enquête de la commission d'établissement des faits de l'Université du 6 septembre 2004 a relevé que les liens du professeur R_______ avec l'industrie du tabac remontaient aux années soixante. Ce professeur jouissait d'une très bonne réputation de chercheur productif et d'enseignant apprécié. Son charisme personnel et l'ascendant qu'il exerçait sur les personnes travaillant avec lui avaient contribué à lui donner une très grande liberté d'action dans le cadre de l'IMSP. Parallèlement à une étude sur les habitudes alimentaires de femmes non-fumeuses vivant avec des fumeurs ou des non-fumeurs, le professeur R_______ avait mis en place une étude sur le contenu en magnésium de l'eau potable, dans l'idée de démontrer que les fumeurs passifs étaient exposés à d'autres facteurs de risque que la fumée du tabac ;

- dans le cadre de la procédure pénale, le Tribunal fédéral a, le 17 avril 2003, annulé la décision de la Chambre pénale du 13 janvier 2003, la motivation n'étant pas compréhensible. Par arrêt du 15 décembre 2003, cette dernière instance a acquitté les deux accusés, soit M. Ri_______ et M. D_______.

21. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 31 al. 1 de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 - LPAC - B 5 05 ; art. 56B al. 4 de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. La LPAC distingue les employés des fonctionnaires (art. 4 LPAC). Sont ainsi des employés, les membres du personnel régulier qui accomplissent une période probatoire au terme de laquelle ils peuvent être nommés fonctionnaires (art. 5 et 6 al. 1 LPAC).

Dans le cas d’espèce, engagée à partir du 1er août 2003, la recourante a été licenciée pour le 30 juin 2005. Elle se trouvait ainsi en période probatoire lors de son licenciement. Seules sont donc applicables les dispositions relatives aux employés.

3. a. Pendant la période probatoire, chacune des parties peut mettre fin aux rapports de service en respectant le délai de résiliation ; l’employé est entendu par l’autorité compétente ; il peut demander que le motif de sa résiliation lui soit communiqué (art. 21 al. 1 LPAC). Lorsque les rapports de service ont duré plus d’une année, le délai de résiliation est de 3 mois pour la fin d’un mois (art. 20 al. 3 LPAC).

La loi ne prévoit pas d'autres conditions pour le licenciement d'employés. En particulier, contrairement aux fonctionnaires, elle ne prévoit pas l’existence d'un motif objectivement fondé, dûment constaté, démontrant que la poursuite des rapports de service est rendue difficile en raison de l'insuffisance des prestations, du manquement grave ou répété aux devoirs de service ou de l'inaptitude à remplir les exigences du poste (art. 22 LPAC).

b. Les rapports de service sont régis par des dispositions statutaires (art. 3 al. 4 LPAC) et le Code des obligations ne s'applique plus à titre de droit public supplétif à la question de la fin des rapports de service (Mémorial des séances du Grand-Conseil, 1996, VI, p. 6360). Le licenciement d'un employé est donc uniquement soumis au droit public et doit respecter les droits et principes constitutionnels, tels que le droit d'être entendu, l'égalité de traitement, l'interdiction de l'arbitraire et la proportionnalité (eodem loco p. 6351 et les réf. citées ; ATA/204/2005 du 12 avril 2005 ; ATA/915/2004 du 23 novembre 2004).

En l'espèce, la recourante a été informée, le 24 janvier 2005, que son licenciement avait été demandé et que, compte tenu de son incapacité de travail, il lui serait signifié en temps opportun. Le 16 mars 2005, l'intimé a confirmé la fin des rapports de service pour le 30 juin 2005. La recourante n'étant plus en arrêt de travail lors de la notification du congé, le délai légal a été respecté.

4. a. Tel qu’il est garanti par l’article 29 alinéa 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.77/2003 du 9 juillet 2003 consid. 2.1 et les arrêts cités ; ATA/311/2005 du 26 avril 2005).

b. Le droit d’être entendu est une garantie à caractère formel dont la violation doit en principe entraîner l’annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances du recourant sur le fond (ATF 119 Ia 136 consid. 2b). Cette violation peut être réparée devant l’instance de recours si celle-ci jouit du même pouvoir d’examen des questions litigieuses que l’autorité intimée et si l’examen de ces questions ne relève pas de l’opportunité, car l’autorité de recours ne peut alors substituer son pouvoir d’examen à celui de l’autorité de première instance (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.30/2003 du 2 juin 2003 consid. 2.4 et les arrêts cités ; ATA/703/2002 du 19 novembre 2002). En l'occurrence, les éléments d’une décision de licenciement relèvent de l’opportunité et échappent à l'examen du Tribunal administratif (art. 61 al. 2 LPA). Une éventuelle méconnaissance du droit d’être entendu de la recourante ne peut dès lors être réparée en procédure de recours (ATA/196/2006 du 4 avril 2006 ; ATA/73/2005 du 15 février 2005).

Dans le cas d'espèce, la recourante a été informée des faits qui lui étaient reprochés par son supérieur hiérarchique et par la cheffe du service du personnel, le 5 janvier 2005. Elle a pu s'exprimer oralement et a obtenu un délai pour exposer sa version par écrit. Par la suite, une entrevue a encore eu lieu le 14 mars 2005. Formellement, la décision respecte ainsi le droit d'être entendu de la recourante.

5. La recourante invoque le caractère abusif et disproportionné de son licenciement.

6. Une décision est arbitraire au sens de l’article 9 Cst. lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. À cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si elle apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision critiquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 119 Ia 113 consid. 3a p. 117 et 433 consid. 4 p. 439, 118 Ia 20 consid. 5a p. 26, 28 consid. 1b p. 30, 129 consid. 2 p. 130, 497 consid. 2a p. 499). Appelé à examiner le caractère arbitraire d’une décision, le Tribunal administratif suit le raisonnement du Tribunal fédéral en la matière (ATA/79/2006 du 9 février 2006).

7. L'intimé fonde la décision de licenciement sur l'attitude de la recourante qui est de nature à porter préjudice à l'image du service ainsi qu'aux relations que ce dernier se doit d'entretenir avec les partenaires associatifs. Il invoque pour cela les courriels du 6 février 2003 et du 21 septembre 2004. Par ailleurs, il est fait grief à la recourante de ne pas avoir parlé de ses relations avec le professeur R_______ ni lors de son engagement, ni, en octobre 2004, lorsque le directeur de la DGS lui a confié un travail sur la fumée passive.

8. En 1996, la recourante a effectué un stage à l'unité de médecine de l'IMSP, sous la direction du professeur R_______, en vue de l'obtention d'un DESS. Dans le cadre de ses missions ultérieures, elle a également été amenée à travailler pour l'IMSP et le professeur R_______. Cette situation était connue, en particulier de son supérieur hiérarchique direct qui avait lui-même contribué à la rencontre entre ces deux personnes.

A aucun moment, la recourante n'a participé aux travaux sur la fumée passive. Il est exact qu'elle a analysé le lien entre le magnésium et les risques cardio-vasculaires et que le rapport de l'Université relève que le professeur R_______ a étudié le contenu en magnésium de l'eau potable pour relativiser la nocivité de la fumée passive. Aucune critique sur le travail et sur l'objectivité de la recourante n'a toutefois été émise et aucun élément ne permet de lui reprocher d'avoir contribué à des travaux falsifiés.

On ne peut dès lors reprocher à la recourante d'avoir, durant ces années, tissé et maintenu des liens avec le professeur R_______, décrit comme une personne ayant du charisme et qui, comme l'a relevé M. Simos, était alors honorablement connu. D'ailleurs, il n'est nullement établi que la nature et l'intensité de ces liens étaient incompatibles avec la fonction occupée par la recourante.

9. La recourante a réagi aux accusations proférées à l'encontre du professeur R_______ dans un courriel du 6 février 2003. Toutefois, il s'agit du seul message expédié par la recourante, l'intimé n'ayant pas eu connaissance d'autres courriers électroniques, et il était destiné à un usage strictement privé. De plus, au moment de sa rédaction, la recourante n'était pas encore engagée par la DGS. Elle travaillait pour une association, soumise au droit privé et n'avait donc aucun devoir ou obligation envers l'Etat, même si celui-ci accordait une subvention.

Le 24 mai 2002, le Tribunal de police puis, le 13 janvier 2003, la Chambre pénale de la Cour de Justice ont reconnu MM. Ri_______ et D_______ coupables de diffamation à l'endroit du professeur R_______. L'exactitude de leurs propos n'était ainsi pas encore reconnue par la justice. Dans ce contexte, on ne peut prétendre que la recourante a soutenu, en connaissance de cause, le professeur R_______ contre les responsables de la lutte anti-tabac.

10. C'est à tort que l'intimé reproche à la recourante d'avoir gardé le silence sur ses liens avec le professeur R_______. Tout d'abord, ces liens étaient largement connus et le travail de diplôme de la recourante, effectué sous la responsabilité dudit professeur figurait de manière explicite sur son curriculum vitae. Or, lors de l'entretien d'embauche, "l'affaire R_______" avait déjà éclaté. Il était ainsi loisible pour les supérieurs hiérarchiques de la recourante de s'assurer que la collaboration avec le professeur R_______ n'allait pas compliquer les relations avec certaines associations institutionnelles et porter préjudice à l'image de la DGS et du département. Ils pouvaient encore le faire suite au nouvel arrêt de la Chambre pénale du 15 décembre 2003 lorsque les deux accusés ont été acquittés ou encore suite au rapport de l'Université du 6 septembre 2004. A cet égard, les liens avec l'industrie du tabac remontant aux années soixante, l'intimé ne peut invoquer l'honorabilité du professeur R_______ à l'époque de sa collaboration avec la recourante.

N'ayant participé à aucune activité répréhensible, la recourante n'avait également pas à rendre attentif le nouveau directeur lorsqu'il lui a confié l'étude sur le tabagisme passif, en octobre 2004.

11. Enfin, dans le courriel du 21 septembre 2004, diffusé uniquement à des collaborateurs de la DGS, la recourante a émis divers commentaires, qu'elle-même précisait pouvoir être cyniques. Il ne s'agissait toutefois pas d’un texte aux termes mûrement réfléchis mais d'observations destinées à être discutées en interne, dans le cadre de l'examen du budget et de la priorisation des projets. D'ailleurs, la pertinence du contenu et la nécessité d'une réflexion globale ont été relevées par le directeur. On ne peut dès lors considérer que la remarque formulée à l'endroit du couple _______ témoigne de la persistance d'une attitude nuisible de la recourante envers les associations de prévention du tabac.

12. Le tribunal relèvera encore que le travail de la recourante n'a jamais fait l'objet de reproche. Au contraire, son évaluation au terme de ses trois mois d'activité démontre qu'elle remplissait les exigences de son poste.

13. Au vu des considérations qui précèdent, l'intimé ne dispose d'aucun élément pouvant être considéré comme de nature à rompre les liens de confiance et incompatible avec la loyauté et la fidélité que tout employeur est en droit d'attendre de ses employés. Le licenciement est ainsi arbitraire. Il doit donc être annulé et la réintégration de la recourante sera proposée sur la base de l'article 31 alinéa 2 LPAC. En cas de décision négative de l'autorité compétente, la recourante ne peut prétendre, en tant qu'employée, au versement d'une indemnité, celle-ci étant réservée aux seuls fonctionnaires (ATA/915/2004 du 23 novembre 2004 ; ATA/790/2002 du 10 décembre 2002).

14. Le recours sera partiellement admis. Un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge de l'intimé et une indemnité de procédure de CHF 2'000.- sera allouée à la recourante à la charge de l'Etat de Genève (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 avril 2005 par Madame T_______ contre la décision de l'office du personnel de l'Etat du 16 mars 2005 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

constate que la résiliation des rapports de travail de Mme T_______ est contraire au droit ;

propose la réintégration de Mme T_______ ;

rejette le recours pour le surplus ;

met à la charge de l'office du personnel de l'Etat un émolument de CHF 2'000.- ;

alloue à Mme T_______ une indemnité de procédure de CHF 2'000.- à la charge de l'Etat de Genève ;

communique le présent arrêt à Me Yves Bertossa, avocat de la recourante ainsi qu'à l'office du personnel de l'Etat.

Siégeants : M. Paychère, président, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges, M. Torello, juge suppléant.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste  adj. :

 

 

M. Tonossi

 

le président :

 

 

F. Paychère

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :