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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/341/2016

ATA/296/2016 du 08.04.2016 ( PROF ) , REFUSE

Recours TF déposé le 06.05.2016, rendu le 03.06.2016, REJETE, 2C_393/2016
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/341/2016-PROF

" ATA/296/2016

 

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 8 avril 2016

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

Mme A______

et

M. B______

contre

COMMISSION DU BARREAU

 



Vu l’art. 7 al. 1 du règlement de la chambre administrative de la Cour de justice
(ci-après : la chambre administrative) du 21 décembre 2010 ;

Attendu qu'il ressort du dossier les faits suivants :

1. Par lettre du 3 juin 2015, Mme A______ et M. B______, avocats inscrits au barreau genevois, ont sollicité de la commission du barreau (ci-après : la commission) l’agrément pour l’exercice de la profession d’avocat sous la forme d’une société de capitaux (art. 10 al. 2 de la loi sur la profession d’avocat du 26 avril 2002 (LPAv - E 6 10), ce pour l’ensemble des – actuels et futurs – avocats et avocats-stagiaires exerçant en qualité d’indépendants, respectivement employés au sein du bureau genevois de l’Étude C______ – laquelle avait aussi des bureaux à Zurich (Suisse) et Doha (Qatar) – et inscrits au registre cantonal.

L’attention de la commission était par ailleurs attirée sur le fait que l’un des dix-huit associés de l’Étude, M. D______, n’était pas titulaire d’un brevet d’avocat suisse ou étranger. Celui-ci était un spécialiste mondialement reconnu en arbitrage international, plus particulièrement concernant les litiges d’investissement ; il conseillait et représentait des parties en justice dans ces domaines et était l’auteur de nombreuses publications.

Mme A______ et M. B______ sollicitaient de la commission, dans la mesure où telle ne serait pas déjà la nouvelle pratique de celle-ci, un infléchissement de la règle genevoise interdisant strictement l’actionnariat d’une société d’avocats à toute personne non titulaire d’un brevet d’avocat suisse ou étranger jugé équivalent. Ils précisaient à toutes fins utiles que M. D______ n’exerçait aucun mandat d’administrateur de sociétés (hors nouvellement le cas de C______ SA), ni d’intermédiation financière à quelque titre que ce soit, l’éventuel agrément le concernant pouvant au demeurant être expressément soumis à l’abstention de toute activité d’intermédiaire financier et/ou d’administrateur de sociétés, domaines pouvant être considéré à risque sous l’angle de la protection du secret professionnel de l’avocat.

Étaient produits un projet de statuts de C______ SA, un projet de convention d’actionnaires, un projet de règlement d’organisation, un projet de modèle de contrat de travail pour associé, de même qu’une publication de la Feuille officielle suisse du commerce (ci-après : FOSC) du ______ 2015 attestant de la transformation de C______ Sàrl (recte : société en nom collectif) constituée le ______ 2015 à Zurich en C______ SA, avec siège à Zurich.

2. Par courrier du 9 juin 2015, Mme A______ et M. B______ ont produit une décision du 4 juin 2015 de l’autorité de surveillance des avocats du canton de Zurich décidant que C______ SA remplissait les conditions relatives à la surveillance des avocats et indiquant que les inscriptions au registre des avocats du canton de Zurich des requérants de même que les autres avocats actifs mentionnés dans la liste présentée étaient adaptées au regard de cette étude d’avocats.

3. Par décision du 14 décembre 2015, la commission a rejeté la demande d’agrément déposée par Mme A______ et M. B______ en vue du maintien des inscriptions au registre cantonal des avocats exerçant au sein du bureau genevois de l’Étude C______ après création d’une société anonyme et dit qu’il n’était pas perçu de frais de procédure ou d’émolument.

L’exercice de la profession d’avocat sous le couvert d’une personne morale ne pouvait pas être ouvert à des personnes non inscrites à un registre d’avocats suisse et seule une société dont le capital social était intégralement détenu en tout temps par des avocats inscrits dans un registre cantonal permettait le respect des principes cardinaux de l’indépendance et du secret professionnel. En l’occurrence, il ressortait des statuts et de la convention d’actionnaires que trois quart des associés au moins devaient être des avocats inscrits à un registre des avocats en Suisse. Le cercle actuel des actionnaires comprenait un associé qui pratiquait au sein du cabinet genevois et qui n’était pas inscrit à un registre cantonal des avocats suisses. Dans ces conditions, l’organisation requise pour l’exercice de la profession d’avocat inscrit au registre genevois sous le couvert de C______ SA ne permettait pas le respect des conditions légales.

4. Par acte expédié le 29 janvier 2016 au greffe de la chambre administrative, Mme A______ et M. B______ ont formé recours contre cette décision. Ils ont conclu préalablement à ce que la chambre administrative constate et dise l’effet suspensif du recours. Au fond, ils ont conclu principalement à ce que ladite chambre admette le recours dans le sens de la demande d’agrément déposée le 3 juin 2015 auprès de la commission en vue du maintien des inscriptions du registre cantonal des avocats et avocats-stagiaires exerçant au sein du bureau genevois de C______ SA après création d’une société anonyme, aux conditions fixées par les statuts, le règlement d’organisation, la convention d’actionnaires ainsi que le contrat de travail pour associés de C______ SA soumis à la commission, et cela fait annule la décision querellée. Ils ont conclu subsidiairement à ce que la chambre administrative admette le recours sous la réserve d’une modification des statuts, de la convention d’actionnaires, du règlement d’organisation et du contrat de travail pour associés de C______ SA visant à assurer que tout mandat relevant du domaine monopolistique de l’avocat ou d’une activité couverte par le secret professionnel soit confié à un avocat inscrit à un registre cantonal et que toute personne qui l’assiste dans l’exécution de ce mandat soit considérée comme son auxiliaire, qu’elle soit ou non associée de l’Étude, sous cette condition dise que les recourants ainsi que les avocats et avocats-stagiaires exerçant au sein du bureau genevois de C______ SA étaient autorisés à demeurer inscrits au registre cantonal des avocats après modifications du but statutaire de C______ SA de manière à inclure l’exercice de mandats d’arbitre, pratiqué de manière compatible avec les règles de la profession d’avocat, fasse obligation à C______ SA de soumettre à la commission, pour agrément, toute modification ultérieure de la situation de fait concernant l’actionnariat de C______ SA sur laquelle reposerait la décision de la chambre administrative.

5. Dans sa réponse au fond du 7 mars 2016, la commission a conclu au rejet du recours.

6. Par écriture du 22 mars 2016 faisant suite à un courrier de la chambre administrative du 17 mars 2016, la commission a indiqué qu’elle ne s’était pas formellement déterminée sur les conclusions des recourants en matière d’effet suspensif dans la mesure où sa décision du 14 décembre 2015 avait rejeté la requête en agrément et qu’un effet suspensif ne pouvait pas être restitué lorsque le recours était dirigé contre une décision à contenu négatif. La commission s’en rapportait à l’appréciation de la chambre administrative quant à la recevabilité de la conclusion tendant à la constatation de l’effet suspensif.

7. Par lettre spontanée du 23 mars 2016, les recourants ont persisté dans leurs conclusions sur constatation de l’effet suspensif.

 

Considérant, en droit que :

1. Sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (art. 66 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10). Toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (art. 66 al. 3 LPA).

2. Selon la jurisprudence constante, les mesures provisionnelles - au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif - ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis
. Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif, ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1110/2015 du 16 octobre 2015 consid. 3 ; ATA/997/2015 du 25 septembre 2015 consid. 3). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HAENER, Vorsorgliche Massnahmen, in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess, RDS 1997 II 253-420, 265).

3. Parmi les différents types de mesures provisionnelles, l’effet suspensif vise à maintenir une situation donnée. Il n’a pas pour objectif de créer un état correspondant à celui découlant du jugement au fond. Il ne peut donc que concerner une décision administrative positive, soit une décision qui impose une obligation à l’administré, qui le met au bénéfice d’une prérogative ou qui constate l’existence ou l’inexistence d’un de ses droits ou de l’une de ses obligations (Cléa BOUCHAT, L’effet suspensif en procédure administrative, thèse, 2015, p. 104 n. 278). En procédure administrative, cela correspond à une décision au sens de l’art. 4 al. 1 let. a ou b LPA (ATA/1315/2015 du 10 décembre 2015 consid. 3).

En revanche, l’effet suspensif est inopérant lorsque le recours est dirigé contre une décision à contenu négatif, soit contre une décision qui rejette ou déclare irrecevable une demande tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou des obligations, soit une décision au sens de l’art. 4 al. 1 let. c LPA. Ainsi que la doctrine et la jurisprudence le rappellent, la fonction de l’effet suspensif est de maintenir un régime juridique prévalant avant la décision contestée. Si, sous le régime antérieur, le droit ou le statut requis n’existait pas, l’effet suspensif ne peut être restitué en cas de refus car cela reviendrait à accorder au recourant d’être mis au bénéfice d’un régime juridique dont il n’a jamais bénéficié (ATF 127 II 132 ; 126 V 407 ; 116 Ib 344 ; ATA/1315/2015 précité consid. 4 ; ATA/1245/2015 du 17 novembre 2015 consid. 6 ; ATA/1198/2015 du 5 novembre 2015 et les références citées ; Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Erwaltungsrecht, 6ème éd., 2010, n. 1800 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2010, n. 5. 8. 3. 3 p. 814).

4. En l’espèce, la décision querellée de la commission constitue une décision négative, puisqu’elle rejette une demande des recourants tendant en substance à l’agrément de l’exercice de la profession d’avocat par les avocats et avocats-stagiaires du bureau genevois de l’Étude C______ dans le cadre d’une société de capitaux telle que régie par les documents produits, et donc visant à créer des droits et obligations modifiant la situation factuelle et juridique antérieure du bureau genevois de l’Étude C______.

Il est donc exclu que l’effet suspensif soit constaté, voire restitué.

5. Des mesures provisionnelles au sens de l’art. 21 LPA ne sauraient non plus entrer en considération, dans la mesure où, dans le cas présent, elles ne serviraient pas au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis, et anticiperaient le jugement définitif.

6. Vu ce qui précède, la requête tendant à la constatation de l’effet suspensif sera refusée. Il sera dit que le recours n’est accompagné ni de l’effet suspensif, ni de mesures provisionnelles.

Le sort des frais de la procédure est réservé jusqu’à droit jugé au fond.

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

dit que le recours n’est accompagné ni de l’effet suspensif, ni de mesures provisionnelles ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Mme A______ et M. B______, ainsi qu'à la commission du barreau.

 

 

 

Le président :

 

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :