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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3375/2015

ATA/1198/2015 du 05.11.2015 ( FORMA ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3375/2015-FORMA ATA/1198/2015

 

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 5 novembre 2015

sur effet suspensif et mesures provisionnelles

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par ses parents Madame A______ et Monsieur B______

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA CULTURE ET DU SPORT

 



Attendu, en fait, que :

1) Monsieur A______, né le ______ 1995, est atteint du syndrome d'Asperger.

2) En août 2012, M. A______ a intégré le collège C______ (ci-après : le collège) en première année, qu'il a réussie.

3) En juin 2014, à l'issue de la deuxième année (année scolaire 2013-2014), M. A______ s'est retrouvé non promu. Il avait une moyenne générale de 4 sur 6, mais une option spécifique (chimie/biologie) à 3.9, six disciplines insuffisantes et une somme des écarts négatifs à la moyenne de 2.0. La direction du collège l'a autorisé à répéter la deuxième année.

4) En juin 2015, à l'issue de la deuxième année redoublée, M. A______ s'est à nouveau retrouvé non promu. Il avait une moyenne générale de 4.1 sur 6, mais une option spécifique (chimie/biologie) à 3.8, quatre disciplines insuffisantes (italien 3.7, physique 3.5, histoire 3.7 et option spécifique à 3.8) et une somme des écarts négatifs à la moyenne de 1.3.

5) La direction du collège a refusé de lui octroyer une promotion par dérogation.

6) Le 10 juillet 2015, les parents de M. A______ ont interjeté recours auprès de la direction générale de l'enseignement secondaire II (ci-après : DGES II) contre la décision précitée.

7) Par décision du 24 août 2015, la DGES II a rejeté le recours. Cette décision a été déclarée exécutoire nonobstant recours.

M. A______ cumulait trois causes d'échec. Les mesures compensatoires accordées pour compenser son handicap n'avaient pas permis sa promotion au terme de son redoublement de la deuxième année. Lui accorder une promotion par dérogation reviendrait à réduire les conditions requises, et constituerait une inégalité de traitement vis-à-vis des autres étudiants.

S'agissant des progrès accomplis au cours de l'année, il y avait certes eu progression entre le premier et le second semestre, mais la progression d'une année sur l'autre était mitigée : trois disciplines étaient en hausse, mais les autres avaient baissé ou stagnaient au-dessous de la moyenne, à l'exception de la géométrie.

La décision de la direction du collège devait dès lors être confirmée. Il était raisonnable d'envisager une réorientation.

8) Par acte posté le 26 septembre 2015, M. A______ et ses parents ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant à son annulation et à la réintégration de l'intéressé au collège en troisième année, la mise en place de tout aménagement et mesure compensatoire nécessaire, et à l'octroi d'une indemnité de procédure. Ils demandaient également que l'effet suspensif soit restitué.

Aucune motivation n'accompagnait la demande de restitution de l'effet suspensif.

9) Le 5 octobre 2015, la DGES II, pour le département de l'instruction publique, de la culture et du sport (ci-après : DIP) a conclu au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif.

Accorder l'effet suspensif au recours revenait à accorder à M. A______ ses conclusions sur le fond par le biais d'une mesure provisionnelle.

Par ailleurs, l'intérêt de l'élève, actuellement scolarisé dans une école de culture générale (ci-après : ECG) et compte tenu de ses fragilités d'adaptation, était plutôt de ne pas interrompre la formation entamée, afin d'éviter des transferts en série en cas de rejet du recours.

10) Le 12 octobre 2015, sous la plume de son avocat, M. A______ a demandé à pouvoir répliquer à l'écriture précitée.

11) Le 26 octobre 2015, M. A______ a persisté dans sa conclusion préalable.

La restitution de l'effet suspensif n'équivalait pas à lui accorder ses conclusions au fond, mais à lui permettre de suivre les cours du collège pendant la procédure, sans préjuger de la décision finale.

Il convenait dès lors d'effectuer un pronostic sur les chances de succès du recours. Or les conditions d'une promotion par dérogation étaient remplies, dès lors qu'il avait progressé durant l'année, que son comportement était positif et empreint de motivation, la fréquentation des cours n'appelant quant à elle pas de commentaire particulier. Il disposait des capacités intellectuelles nécessaires à la poursuite de la filière gymnasiale, pour autant que toutes les mesures d'aménagement prévues à l'art. 2 al. 5 de la loi fédérale sur l'élimination des inégalités frappant les personnes handicapées, du 13 décembre 2002 (LHand - RS 151.3), soient prises, ce qui n'avait pas été le cas lors de l'année écoulée.

Enfin, le DIP était malvenu de plaider pour l'évitement de transferts en série, alors qu'il aurait pu maintenir l'intéressé au collège, de même qu'il aurait pu s'abstenir de statuer juste avant la rentrée scolaire et de retirer l'effet suspensif au recours.

12) Sur ce, la cause a été gardée à juger sur effet suspensif.

 

 

Considérant, en droit, que :

1) Sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif (art. 66 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

L’autorité décisionnaire peut toutefois ordonner l’exécution immédiate de sa propre décision, nonobstant recours, tandis que l’autorité judiciaire saisie d’un recours peut, d’office ou sur requête, restituer l’effet suspensif à ce dernier (art. 66 al. 2 LPA).

2) Selon la jurisprudence constante, les mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1110/2015 du 16 octobre 2015 consid. 3 ; ATA/997/2015 du 25 septembre 2015 consid. 3). Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HAENER, Vorsorgliche Massnahmen, in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess, RDS 1997 II 253-420, 265).

3) Parmi les différents types de mesures provisionnelles, l’effet suspensif vise à maintenir une situation donnée. Il n’a pas pour objectif de créer un état correspondant à celui découlant du jugement au fond. Il ne peut donc que concerner une décision administrative positive, soit une décision qui impose une obligation à l’administré, qui le met au bénéfice d’une prérogative ou qui constate l’existence ou l’inexistence d’un de ses droits de l’une de ses obligations (Cléa BOUCHAT, L’effet suspensif en procédure administrative, 2015, p. 104 n. 278). En procédure administrative, cela correspond à une décision au sens de l’art. 4 al. 1 let. a ou b LPA.

4) En revanche, l’effet suspensif est inopérant lorsque le recours est dirigé contre une décision à contenu négatif, soit contre une décision qui rejette ou déclare irrecevable une demande tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou des obligations, soit une décision au sens de l’art. 4 al. 1 let. c LPA. Ainsi que la doctrine et la jurisprudence le rappellent, la fonction de l’effet suspensif est de maintenir un régime juridique prévalant avant la décision contestée. Si, sous le régime antérieur, le droit ou le statut requis n’existait pas, l’effet suspensif ne peut être restitué en cas de refus car cela reviendrait à accorder au recourant d’être mis au bénéfice d’un régime juridique dont il n’a jamais bénéficié (ATF 127 II 132 ; 126 V 407 ; 116 Ib 344 ; ATA/354/2014 du 14 mai 2014 consid. 4 ; ATA/87/2013 du 18 février 2013 ; Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 6ème éd., 2010, n. 1800 ; Pierre MOOR/ Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2010, n. 5. 8. 3. 3 p. 814).

5) Une décision imposant une obligation à son destinataire ou constituant une injonction à son égard, ou lui interdisant d’adopter un certain comportement, ou lui retirant une prérogative à laquelle il ne peut plus prétendre, ou supprimant une relation juridique, constitue, non pas une décision négative, mais une décision positive défavorable à ce dernier. Un recours contre une telle décision déploie donc un effet suspensif automatique en vertu de l’art. 66 al. 1 LPA, à moins que l’autorité administrative n'ait décidé de le retirer (Cléa BOUCHAT, op. cit., p. 106 n. 282).

6) Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours, lorsqu’elle est saisie d’une requête en restitution de celui-ci, doit, en vertu de l’art. 66 al. 3 LPA, effectuer une pesée des intérêts, soit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. Elle n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

7) En l'espèce, la décision de refus d'une dérogation par promotion constitue une décision négative, l'accès à chaque degré du collège correspondant à un palier et non à la simple poursuite de la scolarité déjà entamée. La décision du 24 août 2015 n'aurait ainsi pas dû être déclarée exécutoire nonobstant recours ; cela étant, la demande d'effet suspensif, irrecevable, doit néanmoins être traitée comme demande de mesures provisionnelles.

8) La mesure demandée correspond en l'occurrence très largement à l'octroi à titre provisoire de la conclusion principale du recourant au fond, ce qui est en principe prohibé. Au stade présent de l'instruction du recours, les chances de succès de celui-ci ne peuvent par ailleurs être considérées comme élevées, dès lors d'une part que le recourant cumule plusieurs facteurs d'échec, alors même qu'il doublait sa deuxième année et qu'il bénéficiait de certaines mesures compensatoires, et d'autre part qu'il n'est nullement certain que la LHand s'applique au cas d'espèce (cf. Markus SCHEFER/Caroline HESS-KLEIN, Droit de l'égalité des personnes handicapées, 2013, p. 71 ss et 81 ss).

En outre, bien que l'on puisse effectivement regretter que la décision sur recours soit intervenue quelques jours avant la rentrée scolaire, force est de constater que le recourant étudie présentement dans une ECG, et que même en cas de retour immédiat au collège en troisième année, le fait de commencer à étudier à ce niveau au mois de novembre seulement péjorerait inévitablement le pronostic de réussite de l'année en cause.

9) La mise en balance des intérêts en cause ne permet dès lors pas de donner suite à la demande du recourant de réintégrer le collège en étant intégré au cursus de troisième année. La demande de restitution de l'effet suspensif au recours, traitée comme demande de mesure provisionnelle, sera dès lors rejetée, et le sort des frais réservé jusqu'à droit jugé au fond.

 

Vu le recours interjeté le 26 septembre 2015 par Monsieur A______ contre une décision du département de l'instruction publique, de la culture et du sport du 24 août 2015 ;

vu l’art. 66 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ;

vu l’art. 7 al. 1 du règlement de la chambre administrative du 21 décembre 2010 ;

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la demande de restitution de l’effet suspensif au recours, traitée comme demande de mesures provisionnelles ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Monsieur A______, représenté par ses parents Madame A______ et Monsieur B______, ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la culture et du sport.

 

 

Le président :

 

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :