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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1336/2009

ATA/282/2011 du 10.05.2011 ( FPUBL ) , ADMIS

Descripteurs : ; MESURE DISCIPLINAIRE ; INTÉRÊT ACTUEL ; INJURE ; FAUTE PROFESSIONNELLE ; PREUVE
Normes : SPAM.33.al1 ; SPAM.24
Résumé : Le fait d'exprimer son mécontentement à l'égard de sa hiérarchie ne constitue pas un motif suffisant justifiant une sanction disciplinaire, étant précisé que les enquêtes n'ont pas permis d'établir que le recourant aurait usé de qualificatifs injurieux à l'égard de son supérieur. Admission d'un intérêt actuel au recours et annulation de la mise à pied de deux jours, déjà exécutée.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1336/2009-FPUBL ATA/282/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 mai 2011

 

dans la cause

 

Monsieur J______

contre

 

VILLE DE GENÈVE


EN FAIT

1. Monsieur J______ a été engagé dès le 1er janvier 1987 au service des pompes funèbres et cimetières de la Ville de Genève (ci-après : le FUN) en qualité d’ouvrier qualifié (jardinier).

2. Son salaire annuel s’élevait à CHF 38'516,80, correspondant à la sixième catégorie de l’échelle des traitements.

3. Le 3 février 1988, M. J______ a postulé pour un poste de jardinier au service des espaces verts et de l’environnement (ci-après : le SEVE).

4. Lors de sa séance du 14 mars 1988, le Conseil administratif de la Ville de Genève (ci-après : Conseil administratif) a nommé M. J______ au poste précité, ceci avec effet au 1er mai 1988 et avec une période d’essai de trois ans fixée conformément à l’art. 7 du statut du personnel de l’administration municipale du 3 juin 1986 (LC 21 151 - ci-après : le SPAM).

5. Le 18 octobre 1988, le Conseil administratif a apporté des modifications aux appellations de diverses fonctions au sein de l’administration municipale. A compter du 1er octobre 1989, la dénomination correspondant à l’activité de M. J______ était celle d’horticulteur.

6. Le 4 décembre 1989, le Conseil administratif a confirmé la nomination de M. J______ au poste d’horticulteur avec effet au 1er janvier 1990, ceci après l’écoulement de la période d’essai de trois ans prévue par le statut du personnel.

7. M. J______ a bénéficié d’une réévaluation de classe avec effet au 1er janvier 1994. Son traitement annuel a été porté à CHF 64'868.-, ce qui correspondait à la huitième catégorie de l’échelle des traitements.

8. Suite à une décision du Conseil administratif du 30 mai 2001, les horticultrices et horticulteurs du SEVE travaillant dans les cimetières, dont M. J______, ont été transférés au FUN à compter du 1er juin 2001.

9. Le 5 juin 2002, M. J______ a postulé pour une place vacante en tant que chef de cultures au FUN. Sa candidature a été retenue par le Conseil administratif lors de sa séance du 25 septembre 2002 ; l'intéressé a été nommé à ce poste avec effet au 1er octobre 2002. Néanmoins, cette nomination a été prononcée à l’essai pour une durée d’une année, conformément à l’art. 11 du SPAM. Sa fonction étant classée dans les catégories 9-11 de l’échelle des traitements, son salaire annuel s'élevait à CHF 81'175,00

10. Au terme de la période d’essai, en septembre 2003, M. J______ n’a pas été confirmé dans sa fonction : il ne répondait pas aux exigences inhérentes à son travail, tant dans ses relations avec sa hiérarchie qu’avec ses subordonnés, que par rapport au respect des directives. Il a dès lors été réintégré, à compter du 1er novembre 2003, dans la fonction qu’il occupait précédemment, à savoir celle d’horticulteur au FUN, classée dans les catégories 7-9 de l’échelle des traitements. Cette réintégration n’entraînait aucun changement ni de traitement ni de catégorie.

11. M. J______ s'est déterminé au sujet de cette décision dans une lettre du 9 octobre 2003 à sa hiérarchie, indiquant notamment : « J’accepte difficilement ce changement de fonction (…) J’espère vraiment que je serai évalué régulièrement par ma hiérarchie (…) ».

12. Lors d’une évaluation de novembre 2004, M. J______ a été décrit comme un collaborateur rebelle qui devait faire un effort de communication avec sa hiérarchie. Pour le reste, l’évaluation était plutôt positive, l’intéressé ayant de bons rapports avec ses collègues et sa hiérarchie.

13. Suite à un entretien avec Madame X______, adjointe de direction du FUN, M. J______ a reçu, en date du 10 octobre 2003, une note interne de la direction l’invitant à respecter les horaires du service conformément à l’art. 14 du SPAM. Si un tel manquement devait se présenter à nouveau, il serait géré par voie de service, conformément au statut du personnel.

14. En novembre 2006, une nouvelle évaluation de M. J______ a été effectuée. Ses supérieurs hiérarchiques, Mme X______ et Monsieur Y______, chef de service des pompes funèbres et cimetières, ont mis en évidence le caractère désinvolte et contestataire de M. J______. Pour le reste celui-ci était considéré comme un travailleur consciencieux qui avait des bons contacts avec ses collègues.

15. Le 20 janvier 2009, Mme X______ a été informée par deux collaborateurs, Messieurs D______ et Z______, qu’une formation sur deux jours était organisée au centre de formation professionnelle nature et environnement de Lullier les 28 et 29 janvier 2009. Le délai d’inscription était fixé au plus tard à sept jours avant le début du cours.

En raison d’une erreur d’adressage du centre de Lullier, Mme X______ n’avait reçu le document d’inscription que le 21 janvier 2009.

Cette formation traitant de thèmes spécifiques, à savoir « Mon jardin un lieu d’habitation » et « Les reverdissements de l’impossible », la direction du SEVE a décidé que seuls quelques architectes-paysagistes du SEVE pourraient la suivre. Le FUN n'employant pas d’architecte-paysagiste, aucun collaborateur ne serait convié à suivre cette formation. Néanmoins, les intéressés avaient loisir de s’y inscrire à titre privé.

16. Le 26 janvier 2009, plusieurs collaborateurs du FUN dont notamment Messieurs B______, adjoint technique, R______, jardinier au service des pompes funèbres, C______, horticulteur et M. J______, se sont réunis et ont abordé le sujet du cours de formation à Lullier. Lors de cette séance, M. B______ avait notamment pour tâche d’informer les collaborateurs de la décision précitée de la direction du SEVE.

C’est alors que M. J______ ainsi que l’un de ses collègues M. R______, auraient tenu des propos injurieux à l’encontre de Mme X______.

17. Le 29 janvier 2009, Mme X______ a adressé un courrier électronique à Monsieur Sami Kanaan, directeur du département des affaires sociales, afin de l’informer des événements susmentionnés et du comportement de MM. J______ et R______. Ces derniers s’étaient rendus dans son bureau en date du 28 janvier 2009. M. J______ lui avait laissé entendre « que quatre places étaient réservées pour la formation à Lullier et qu’elle avait jusqu’à 16h00 pour confirmer les places ». M. J______ avait rappelé Mme X______ aux environs de 16h00 pour savoir ce qu’il en était. Cette dernière lui avait signifié qu’elle n’avait pas changé d’avis et qu’elle n’avait de ce fait pas confirmé les places pour le cours de Lullier.

18. Il ressort du procès-verbal d’une séance de jardiniers du 3 février 2009, à laquelle M. J______ assistait, que M. B______ avait demandé aux jardiniers présents de cesser les « impertinences, ragots, railleries et menaces vis-à-vis de la direction ».

19. Compte tenu de ces événements, en date du 5 février 2009, le directeur du département des affaires sociales, M. Kanaan, ainsi que le chef de service, M. Y______, ont entendu séparément MM. J______, R______ et C______ à propos des faits rapportés par Mme X______.

Lors de cet entretien, MM. R______ et C______ ont admis avoir prononcé des propos déplacés à l’encontre de Mme X______ et s’en sont excusés.

Quant à M. J______, il a contesté les faits et refusé de présenter des excuses. Il sollicitait un rendez-vous avec Monsieur Manuel Tornare, conseiller administratif.

20. Le 18 février 2009, le conseiller administratif en charge du département, a prononcé un blâme à l’endroit de MM. R______ et C______ conformément à l’art. 34 al. 1 let. b du SPAM. Ces derniers n’ont pas recouru contre la sanction.

A cette même date M. J______ s’est vu infliger un blâme ainsi qu’une mise à pied de deux jours avec suppression de traitement, conformément à l’art. 34 al. 1 let. b du SPAM. Cette sanction était prise eu égard à un comportement inacceptable, à un grave manque de respect ainsi qu’à des insultes proférées devant témoins. Cette décision indiquait la voie de recours par lettre motivée, dans un délai de trente jours à compter de la réception du prononcé disciplinaire, conformément aux art. 39 et 40 du SPAM.

21. Par acte déposé le 28 février 2009, M. J______ a interjeté recours devant le Conseil administratif contre la sanction prise à son égard. Il n’avait pas manqué de respect ni proféré d’insultes à l’endroit de Mme X______, raison pour laquelle il avait refusé de présenter des excuses.

22. Par décision du 18 mars 2009, le Conseil administratif a rejeté le recours. Cette décision était exécutoire nonobstant recours.

23. Parallèlement et par courrier du même jour, le FUN a informé M. J______ des dates retenues pour sa mise à pied sans traitement, à savoir les 25 et 26 mars 2009.

24. M. J______ ne s’est pas rendu à son travail lesdits jours.

25. Par courrier du 2 avril 2009 adressé à M. Tornare, M. J______ a à nouveau sollicité un rendez-vous avec lui. Se référant notamment à la décision du Conseil administratif du 18 mars 2009, il souhaitait obtenir une prompte réponse de sa part, compte tenu du délai qu’il devrait respecter en cas de recours contre la décision du Conseil administratif.

26. Par courrier du 9 avril 2009, Monsieur Jacques Moret, directeur général de l’administration municipale, a invité M. J______ à prendre contact avec son secrétariat pour fixer un rendez-vous avec lui.

27. M. J______ a interjeté recours, en date du 14 avril 2009, auprès du Tribunal administratif - devenu depuis le 1er janvier 2011 la chambre administrative de la section administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) - contre la décision du Conseil administratif du 18 mars 2009. Il n’avait pas été entendu dans cette affaire et avait été accusé à tort de faits qu’il n’avait pas commis. Par ailleurs, il souhaitait l’annulation de la sanction qu’il avait déjà exécutée.

28. Par pli du 23 avril 2009, la Ville de Genève (ci-après : la ville) s’est vu impartir un délai au 30 mai 2009 pour produire ses observations et son dossier. Ce délai a été prorogé une première fois au 30 juin 2009, puis une seconde au 30 juillet 2009.

29. Entre temps, M. J______ a eu deux entretiens avec M. Moret, les 20 avril et 22 juin 2009.

A l’occasion du second entretien, M. Moret avait proposé à M. J______ un arrangement à l’amiable, à savoir lui créditer le salaire correspondant aux deux jours de mise à pied, à la condition que M. J______ retire son recours. Dans cette hypothèse, le blâme subsisterait.

M. J______ avait refusé cette proposition.

30. Dans sa réponse du 29 juillet 2009, la ville a conclu à l’irrecevabilité du recours, et subsidiairement au déboutement du recourant avec suite de dépens. L’acte de recours ne répondait pas aux exigences minimales de forme ; les griefs étaient peu clairs, voire ambigus, et plus apparentés à une demande de reconsidération. Le recourant avait d’ailleurs perdu tout intérêt actuel, dans la mesure où il avait déjà exécuté la sanction de mise à pied sans salaire. Son recours devait être déclaré irrecevable, subsidiairement rejeté, la sanction querellée ayant été prise dans le respect des règles régissant la procédure disciplinaire, notamment après que l’intéressé ait été entendu par un chef de service, la sanction elle-même étant adéquate et respectant le principe de la proportionnalité.

31. Les parties ont été entendues dans le cadre d'une audience de comparution personnelle le 23 septembre 2009.

a. Le recourant a persisté dans sa position, contestant avoir tenu des propos inconvenants à l’égard de Mme X______. Il n’était pas allé travailler les 25 et 26 mars, suite au courrier de M. Y______, car il craignait que s’il y était allé, il se soit exposé à une nouvelle sanction. Il n’avait pas réagi à réception de sa fiche de paie de mars 2009, car il était en procédure de recours. Lors de l’entretien du 5 février 2009, en présence de MM. Kanaan et Y______, Mme X______ étant absente. Il avait expliqué ce qui s’était passé le 26 janvier 2009. Il avait contesté avoir été grossier avec Mme X______. M. Kanaan ne lui avait pas lu le message électronique que Mme X______ lui avait adressé le 29 janvier 2009, mais s’était contenté de lui indiquer que cette dernière lui avait donné sa propre version des faits. S’agissant de la séance du 26 janvier 2009, M. B______ n’avait pas remis aux participants la note établie par Mme X______ ; en revanche il leur avait donné l’information orale qu’aucun d’eux ne participerait à une formation de deux jours à Lullier. Il admettait avoir dit qu’il n’en resterait pas là et qu’il se renseignerait « plus loin ». Il niait en revanche avoir tenu des propos inconvenants à l’égard de Mme X______ lors de cette séance. Le 28 janvier 2009, il s’était effectivement rendu dans le bureau de Mme X______ pour lui demander les motifs pour lesquels lui et ses collègues ne pouvaient pas participer au cours. Il contestait avoir proféré des paroles injurieuses à l’égard de Mme X______ à cette occasion. Il n’avait pas davantage tenu des propos à double sens, du style : « faites attention ». Cette dernière n’ayant pas répondu à sa question, il l’avait rappelée l’après-midi. Il avait pris contact avec le centre de Lullier et avait appris que des places étaient réservées pour les collaborateurs du SEVE. Mme X______ lui avait confirmé qu’ils n’iraient pas au cours et lui avait raccroché le téléphone au nez. Il était à ce moment-là dans le bureau de Monsieur Brunisholz, chef de secteur.

b. L’intimée a précisé que les deux autres fonctionnaires mis en cause par Mme X______ avaient reconnu avoir tenu des propos inconvenants à son encontre et avaient présenté des excuses lors de la séance du 5 février 2009. C’était la raison pour laquelle seul un blâme avait été prononcé à leur encontre. Ils n’avaient pas recouru contre cette sanction.

32. Le 9 octobre 2009, le recourant a répliqué. Il a formulé plusieurs remarques concernant le mémoire de réponse de la ville, dans une note annexée à ses écritures et étayées par des pièces complémentaires.

La majeure partie du mémoire de réponse de la ville rappelait des faits totalement étrangers à ceux pour lesquels il avait été sanctionné. L’intimée évoquait de nombreux rapports d’évaluation, mettant systématiquement l’accent sur la page 4 de ces formulaires, laquelle pouvait comporter d’éventuels commentaires et visas intermédiaires d’autres supérieurs hiérarchiques concernés, mais dont il n’avait jamais eu connaissance et dont le contenu émanait de supérieurs qui n’avaient pratiquement aucun contact avec lui, « au quotidien », alors que son supérieur direct était systématiquement élogieux, et posait une appréciation toujours positive dans les trois premières pages de ces dossiers. S’agissant de l’incident de janvier 2009, relatif aux propos injurieux prononcés à l’encontre de Mme X______, il était beaucoup question de ses deux collègues et des propos qu’ils avaient pu tenir, qu’ils avaient admis et dont ils s’étaient excusés, sans recourir contre les sanctions dont ils avaient été l’objet, alors qu’en ce qui le concernait, rien ne permettait d’affirmer qu’il aurait tenu les propos qu’on lui prêtait. Il n’avait jamais accepté la sanction qui lui avait été infligée et son recours démontrait bien qu’il en demandait l’annulation, dès lors qu’il avait contesté et contestait encore les faits pour lesquels il avait été puni.

33. L’intimée a dupliqué en date du 16 novembre 2009. Le recourant n’était de loin pas l’employé modèle qu’il décrivait. Il entretenait au contraire des relations conflictuelles avec sa hiérarchie depuis 2003, en n’ayant de cesse que de la critiquer. Le fait qu’il n’ait jamais eu connaissance de la page 4 des rapports d’évaluation n’avait rien d'anormal : cela était conforme à la pratique courante du département dont il dépendait. L’intimée ne voyait pas en quoi des supérieurs, qui ne seraient pas quotidiennement en contact avec lui, n’auraient pas la compétence et ne disposeraient pas des informations suffisantes pour pouvoir apprécier la qualité de son travail et son comportement. L’intimée se référait pour le surplus à sa réponse, et persistait dans ses conclusions.

34. Le Tribunal administratif a ordonné des enquêtes et une comparution personnelle, qui ont eu lieu le 16 décembre 2009.

a. M. B______ a confirmé qu’il était le supérieur du chef de secteur, lequel comptait une cinquantaine de collaborateurs, dont une dizaine étaient des contremaîtres, comme M. J______. Quant à Mme X______, elle était sa supérieure hiérarchique. Il avait assisté à une partie de l’incident du 26 janvier 2009. Mme X______ lui avait confié la mission de diffuser aux collaborateurs l’information que la formation à Lullier des 28 et 29 janvier 2009, ne serait pas prise en charge par l’administration. Les collaborateurs pouvaient en revanche y participer à titre privé. Il s’était rendu vers chacun des collaborateurs et avait notamment rencontré ensemble MM. J______ et R______. Les collaborateurs avaient manifesté leur mécontentement, en mettant en cause la hiérarchie. M. B______ ne se souvenait plus exactement des mots utilisés, mais à un moment donné le qualificatif de « pétasse » avait été employé à l’endroit de Mme X______, sans qu'il se souvienne exactement qui de MM. J______ ou R______ avait prononcé ce terme. Ils avaient déclaré qu’ils ne se laisseraient pas faire et qu’ils en avaient marre de cette hiérarchie incapable et nulle. M. B______ n’avait pas vu M. C______, mais les autres collaborateurs n’avaient pas réagi de la même manière. Lors d’une séance ultérieure, du 3 février 2009, il avait confirmé aux collaborateurs qu’aucune requête de formation à Lullier ne serait engagée pour le mois de janvier 2009. Il leur avait également demandé de cesser leurs impertinences, ragots, railleries et menaces vis-à-vis de la direction. A cet égard, il faisait allusion notamment aux propos tenus à l’endroit de Mme X______ le 26 janvier 2009, certains jardiniers ayant à nouveau manifesté leur mauvaise humeur à l’endroit de la hiérarchie pour ces mêmes raisons. Pour lui l’incident du 26 janvier était clos. M. J______ était un bon jardinier, même s’il présentait quelques difficultés sur le plan comportemental. Le témoin n’avait jamais rencontré de problèmes particuliers avec l'intéressé, lequel devait arriver à dépasser certaines tensions pour aller de l’avant sur le plan professionnel. Le recourant n’avait jamais été malhonnête à son encontre. Mme X______ lui avait également rapporté la teneur des entretiens qu’elle avait eus entre les 20 et 26 janvier 2009 avec les jardiniers, dont MM. J______, R______ et C______. Ces derniers entendaient agir à leur guise et participer à la formation des 28 et 29 janvier, même si la hiérarchie n’était pas d’accord. Ils avaient donné un ultimatum à Mme X______ pour qu’elle téléphone à Lullier et confirme les inscriptions.

Enfin, le témoin a versé aux débats le rapport du dernier entretien qu’il avait eu le 24 novembre 2009 avec M. J______ en vue de l’attribution d’une annuité extraordinaire. Il en résultait que l'intéressé était en conflit ouvert aussi bien avec sa hiérarchie qu’avec ses subordonnés. Il avait refusé de signer le document.

b. Mme X______ a affirmé que lorsqu’elle avait indiqué à MM. J______ et R______, le 28 janvier 2009, qu’il n’y aurait pas d’inscription à la formation des 28 et 29 à Lullier, M. J______ lui avait donné un ultimatum pour qu’elle change d’avis. Selon le recourant, il s’agissait d’une formation à laquelle il avait droit et qu’il fallait qu’elle fasse attention. Elle s’était renseignée au préalable et seuls les paysagistes étaient envoyés à ce cours. Elle leur avait rappelé qu’ils pouvaient suivre la formation à leurs frais, ce qu’ils n’avaient pas fait. Aucun des jardiniers n’avait jamais tenu devant elle les termes qui lui avaient été rapportés à son sujet par M. B______. Lorsqu'elle avait dit, le 28 janvier 2009 à MM. J______ et R______, qu’elle en avait assez qu’ils parlent d’elle de manière inconvenante, l’un et l’autre avaient réagi en disant que cela ne venait pas d’eux. Elle avait toujours entretenu des contacts courtois avec M. J______, précisant qu’il était toujours plus facile de tenir des propos derrière le dos de la personne, que face à elle. Depuis janvier 2009, elle n’avait presque plus de contacts professionnels avec M. J______. Lorsque ce dernier était venu dans son bureau le 28 janvier 2009, il lui avait dit que quatre places étaient réservées pour la formation à Lullier et qu’elle avait jusqu’à 16h00 pour les confirmer. Lorsque le recourant lui avait dit « savoir ce qu’il lui restait à faire », elle savait qu’il irait plus loin : en d’autres termes, qu’il irait consulter un avocat ou la commission du personnel. Lorsqu’il l’avait rappelée aux environs de 16h00 pour lui demander ce qu’elle avait fait, elle lui avait dit ne pas avoir changé d’avis. Étant en entretien elle n'avait pu prolonger la conversation. Elle contestait cependant lui avoir bouclé le téléphone au nez, comme il l’avait prétendu par la suite. Suite aux entretiens du 28 janvier 2009, elle avait parlé à son supérieur hiérarchique, M. Y______, pour lui faire part de ce qui s’était passé ; elle avait en outre adressé une note à M. Kanaan. M. Y______ était contrarié par les propos tenus à l’encontre de Mme X______, mais également fâché, car il était dans le même « bain ».

c. M. Y______ était le chef du service des pompes funèbres, qui comptait nonante-cinq personnes, dont M. J______. Il n’avait jamais travaillé directement avec lui, mais ils avaient eu des contacts lorsqu’il y avait des problèmes à régler. Il a confirmé avoir reçu, en janvier 2009, un courriel de Mme X______ lui faisant part des difficultés rencontrées avec MM. J______, R______ et C______ en relation avec la formation dispensée à Lullier. Ils avaient en particulier tenu des propos qui n’étaient pas adéquats et proféré des gros mots. Les mots exacts figuraient dans le rapport qu’il avait adressé à M. Kanaan, - dont il a confirmé la teneur. Chaque collaborateur avait le droit de suivre des formations, mais il devait respecter la procédure d’inscription. Pour la formation de fin janvier 2009 à Lullier, les trois personnes susnommées avaient reçu le programme mais ne s’étaient pas inscrites en respectant la procédure idoine. Le 28 janvier 2009, ils s’étaient rendus chez Mme X______ pour lui reprocher de ne pas les avoir inscrits, alors que ce n’était pas à elle de le faire. La situation avait dégénéré. Convoqués chez M. Kanaan, à une séance à laquelle lui-même assistait, MM. R______ et C______ avaient reconnu que leurs paroles avaient dépassé leur pensée. En revanche, M. J______ était arrivé en étant agressif, déclarant ne pas comprendre pourquoi il était convoqué, et avait demandé qui tiendrait le procès-verbal de la séance. M. J______ ne regrettait rien de ce qu’il avait dit et de ce qu’il avait fait. M. Kanaan avait interpellé les trois protagonistes pour savoir s’ils étaient prêts à présenter des excuses à Mme X______. M. J______ avait refusé et déclaré vouloir s’entretenir directement avec M. Tornare. Les deux autres s’étaient vu fixer un délai pour se déterminer, mais il ne savait pas quelle suite avait été donnée. Il se souvenait avoir traité le recourant de menteur, lors de l’entretien chez M. Kanaan, mais ne se rappelait pas l’avoir traité de tricheur et d’escroc.

d. M. R______ a expliqué que chaque année les jardiniers pouvaient suivre des cours à Lullier. Sachant qu’il devait y avoir une formation les 28 et 29 janvier 2009 et, n’ayant rien reçu, il pensait que Mme X______ avait oublié de les inscrire. Au cours de l’entrevue entre M. J______, Mme X______ et lui-même, celle-ci leur avait dit qu’il n’y avait pas d’inscription pour cette formation ; il avait alors déclaré qu’il irait s’adresser à qui de droit et aller plus loin. Il avait ensuite téléphoné à la ville pour savoir comment se passait la procédure d’inscription. On lui avait répondu de voir avec le chef de service. Les collaborateurs ne s’étaient pas inscrits, au vu de la réponse de Mme X______. La réponse l’avait étonné car les fonctionnaires des espaces verts pouvaient y participer. Il travaillait dans ce service depuis trente-sept ans et avec M. Y______ depuis le début, soit dès les années 70. Depuis que ce dernier était « passé à la direction », il lui était arrivé d’avoir quelques difficultés relationnelles avec lui. M. Y______ ne cherchait pas le dialogue et faisait des remarques qu’il avait parfois perçues comme injustifiées. Le 3 février 2009, lorsqu’il avait été convoqué chez M. Kanaan, il avait reconnu avoir tenu les propos reprochés. Il avait présenté des excuses à M. Y______ devant M. Kanaan. Malgré les excuses, il avait tout de même reçu un blâme, qu’il avait accepté car il ne lui restait que quatre ans à travailler et il ne voulait pas avoir d’histoires. Il n’avait jamais entendu M. J______ parler de Mme X______ de manière inadéquate, voire injurieuse.

e. M. C______ a expliqué qu’au mois de janvier 2009, il souhaitait suivre une formation à Lullier, mais Mme X______ lui avait dit que cela n’était pas possible. Lorsqu’il avait rencontré cette dernière le 28 janvier 2009, il était seul avec elle. C’était après l’entretien qu’elle avait eu avec MM. R______ et J______ le même jour. M. C______ a admis n’avoir pas été très délicat et lui avoir lancé son certificat de paysagiste sur le bureau. Il était diabétique et était alors en hypoglycémie, état dans lequel il lui fallait peu de choses pour se fâcher. Il ne l’avait pas injuriée, mais lui avait dit qu’elle n’était qu’une simple secrétaire. A la séance chez M. Kanaan, M. Y______ les avaient « incendiés ». M. C______ avait juste dit qu’il était là car il avait lancé son certificat sur le bureau de Mme X______ et que le reste ne le concernait pas. Il avait présenté des excuses à cette dernière via M. Y______. Cela lui avait valu un blâme qu’il n’avait pas contesté. Lorsque M. J______ avait rappelé Mme X______ le 28 janvier 2009 aux environs de 16h00, il était à côté de lui, et pouvait confirmer que Mme X______ lui avait raccroché le téléphone au nez. Il n’avait jamais entendu M. J______ parler de Mme X______ ou de M. Y______ en termes déplacés.

A l'issue de l'audience le juge délégué a imparti un unique délai aux parties au 30 janvier 2010 pour produire leurs observations après enquêtes.

35. Le 25 janvier 2010, M. J______ a pris de nouvelles conclusions, à savoir que la ville soit condamnée à lui verser l’annuité extraordinaire 2009/2010 qui lui avait été refusée le 21 décembre 2009 par le Conseil administratif suite à l’évaluation négative du 24 novembre 2009 établie par M. B______. Le document produit par le témoin lors de son audition n’était pas conforme à celui qu’il avait lui-même remis à sa hiérarchie, après avoir obtenu un délai au 30 novembre 2009 pour ce faire. Il a produit à cet effet le document qu’il avait signé et complété par une annexe comportant ses propres commentaires le 30 novembre 2009, contrairement à ce qu’indiquait celui versé à la procédure par M. B______. Les enquêtes n’avaient pas démontré qu’il aurait proféré des insultes à l’égard de Mme X______, ou imparti un ultimatum à sa supérieure hiérarchique. Il avait indiqué à Mme X______ le 28 janvier 2009 qu’il avait eu un entretien téléphonique avec le centre de Lullier, selon lequel il était encore possible d’inscrire quatre personnes à la formation du 29 janvier 2009 si une réponse était donnée avant 16h00 le même jour. Il n’avait en aucun cas réservé ces places. Le témoin B______ ne se souvenait plus exactement de qui avait prononcé les injures ; Mme X______ avait admis avoir toujours entretenu des rapports courtois avec lui ; les témoins R______ et C______ avaient confirmé ne jamais l’avoir entendu tenir des propos inconvenants à l’égard de ses supérieurs hiérarchiques. Il concluait au remboursement de tous les frais engagés dans cette procédure, à la levée complète de la sanction prononcée à son encontre le 18 février 2009, ainsi qu’à l’octroi de l’annuité extraordinaire 2009-2010.

36. La ville a conclu à l’irrecevabilité des nouvelles conclusions du recourant et persisté dans celles prises dans son mémoire de réponse. Les enquêtes avaient démontré que les faits reprochés au recourant étaient avérés et, qu’en conséquence, les deux sanctions prononcées, soit le blâme et la mise à pied pour deux jours sans salaire, étaient parfaitement justifiées et devaient être confirmées.

37. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Depuis le 1er janvier 2011, suite à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), l’ensemble des compétences jusqu’alors dévolues au Tribunal administratif a échu à la chambre administrative de la Cour de justice, qui devient autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 131 et 132 LOJ).

Les procédures pendantes devant le Tribunal administratif au 1er janvier 2011 sont reprises par la chambre administrative (art. 143 al. 5 LOJ). Cette dernière est ainsi compétente pour statuer.

2. Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction alors compétente (art. 56A LOJ et 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 dans leur teneur au 31 décembre 2010).

3. a. Selon l’art. 65 al. 1 LPA, l’acte de recours contient, sous peine d’irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant. Il doit contenir également l’exposé des motifs ainsi que l’indication des moyens de preuve. Les pièces dont dispose le recourant doivent être jointes. A défaut, un bref délai pour satisfaire à ces exigences est fixé au recourant, sous peine d’irrecevabilité (art. 65 al. 2 LPA).

b. Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, il convient de ne pas se montrer trop strict sur la manière dont sont formulées les conclusions du recourant. Le fait que ces dernières ne ressortent pas expressément de l’acte de recours n’est pas en soi un motif d’irrecevabilité, pourvu que le tribunal et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant. (ATA/478/2008 du 16 septembre 2008). Une requête en annulation d’une décision doit, par exemple, être déclarée recevable dans le mesure où le recourant a de manière suffisante manifesté son désaccord avec la décision, ainsi que sa volonté qu’elle ne développe pas d’effets juridiques. (P. MOOR, Droit administratif, Vol. II, Berne 2002, 2ème éd., p. 674 n. 5.7.1.4).

c. Quant à l’exigence de la motivation au sens de l’art. 65 al. 2 LPA, elle a pour but de permettre à la juridiction administrative de déterminer l’objet du litige qui lui est soumis et de donner l’occasion à la partie intimée de répondre aux griefs formulés à son encontre. Cette exigence est considérée comme remplie lorsque les motifs du recours, sans énoncer les conclusions formelles, permettent de comprendre aisément ce que le recourant désire (ATA/1/2007 du 9 janvier 2007).

En l’espèce, l’acte de recours remplit les conditions de recevabilité de l’art. 65 LPA : il désigne la décision attaquée ainsi que les conclusions du recourant, à savoir la violation de son droit d’être entendu et l’annulation de la sanction infligée. La partie intimée a d’ailleurs été en mesure de répondre aux griefs formulés à son encontre.

4. a. Conformément à l’art. 60 let. a et b LPA, ont qualité pour recourir les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée ; toute personne qui est touchée par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée.

b. L’intérêt du recourant n’est digne de protection que s’il est actuel, c’est-à-dire si la situation de fait ou de droit est susceptible d’être influencée par l’issue du recours. Son admission doit donc lui procurer un avantage ou supprimer un inconvénient de nature matérielle ou idéale. L’existence d’un tel intérêt s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision ; s’il s’éteint pendant la procédure, le recours sera déclaré sans objet (ATA/32/2010 du 19 janvier 2010).

c. La condition de l’intérêt actuel fait défaut en particulier lorsque, par exemple, la décision attaquée a été exécutée et a sorti tous ses effets (ATF 120 Ia 165, cons. 1a, p. 165).

En l’espèce, le recourant s’est vu infliger une double sanction : un blâme ainsi qu’une mise à pied de deux jours avec suspension de traitement. Il a exécuté une partie de la sanction prononcée à son encontre, à savoir la mise à pied puisqu’il ne s’est pas rendu à son travail les jours fixés par l’autorité et n’a de ce fait pas été rémunéré pendant lesdits jours. Il a toutefois expliqué, sans être contredit, avoir exécuté cette sanction car la décision était exécutoire nonobstant recours, et qu’il craignait, en ne s’y soumettant pas, de voir son sort aggravé.

S’il obtenait gain de cause, il pourrait récupérer le salaire dont il a été privé lors de sa mise à pied de deux jours.

Le recourant conserve donc un intérêt actuel à ce que les deux sanctions dont il a fait l’objet, confirmées par la décision entreprise, soient examinées.

Le recours est par conséquent recevable.

5. a. Selon l’art. 68 LPA, le recourant peut invoquer des motifs, des faits et des moyens de preuves nouveaux qui ne l’ont pas été dans les précédentes procédures, sauf exception prévue par la loi. A contrario, cette disposition interdit au recourant de prendre des conclusions qui n’auraient pas été formées devant l’autorité de première instance (ATA/383/2008 du 29 juillet 2008).

b. Si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre dans son mémoire de recours des conclusions qui sortent du cadre des questions qui ont été l’objet de la procédure antérieure. Quant à l’autorité de recours, elle n’examine pas les prétentions et les griefs qui n’ont pas fait l’objet du prononcé de l’instance inférieure, sous peine de détourner sa mission de contrôle, de violer la compétence fonctionnelle de cette autorité-ci, d’enfreindre le principe de l’épuisement des voies de droit préalables et, en définitive, de priver les parties d’un degré de juridiction. Par conséquent, le recourant qui demande la réforme de la décision attaquée devant l’autorité de recours ne peut en principe pas présenter des conclusions nouvelles ou plus amples devant l’instance de recours, c’est-à-dire des conclusions qu’il n’a pas formulées dans les phases antérieures de la procédure (B. BOVAY, Procédure administrative, Berne 2000, p. 390/391)

Dans le cas particulier, les conclusions du recourant tendant à l’octroi de l’annuité extraordinaire de 2009/2010 n’ont pas été prises lors du dépôt de son recours du 14 avril 2009, mais postérieurement, soit le 25 janvier 2010. De telles conclusions ne peuvent être que nouvelles puisque la décision de refus d’octroi de l’annuité extraordinaire pour l’année 2009/2010 date du 21 décembre 2009.

Ces conclusions, prises devant une autorité incompétente, doivent être considérées comme un recours contre la décision de refus du 21 décembre 2009, susmentionnée. En application de l’art. 64 al. 2 LPA, elles seront transmises à la ville comme objet de sa compétence, charge à elle de statuer comme il appartiendra.

6. Le recourant se plaint de la violation de son droit d’être entendu.

Le droit d’être entendu, garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. – RS 101) ainsi que par les lois de procédures applicables (art. 29 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 – PA – RS 172.021 ; art. 41 LPA), comprend avant tout le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise (art. 30 al. 1 LPA). L’intéressé doit notamment avoir la possibilité de s’exprimer avant qu’une décision ne soit prise touchant à sa situation juridique, de prendre connaissance des pièces du dossier, de faire administrer des preuves sur des faits importants pour la décision envisagée, de participer à l’administration des preuves essentielles, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.520/2002 du 17 juin 2003, cons. 2.2). La jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de droits constitutionnels a également déduit du droit d’être entendu le droit d’obtenir une décision motivée. L’autorité n’est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives, mais doit se prononcer sur celles-ci (ATA/174/2009 du 7 avril 2009, cons. 5b). Une décision entreprise pour violation du droit d’être entendu n’est pas nulle, mais annulable (ATA/422/2010 du 22 juin 2010, cons. 6b). Le droit d’être entendu ne comporte pas le droit à une audition orale, sauf disposition légale contraire (ATF 108 Ia 188, cons.2, p.191).

En l’espèce, suite au différend, le recourant a été convoqué le 5 février 2009 par M. Kanaan, en présence de M. Y______. Lors de cet entretien, le recourant a eu la possibilité d’expliquer sa version des faits. Il a contesté avoir tenu des propos injurieux à l’égard de Mme X______, et a refusé de présenter des excuses. Le fait qu’il n’ait pas été confronté à Mme X______ et qu’il n’ait pas non plus obtenu l’entretien qu’il sollicitait avec le conseiller administratif responsable du département ne sauraient avoir porté atteinte à son droit d’être entendu.

Le droit d’être entendu du recourant n’a donc pas été violé, d’autant qu’il a encore pu exprimer librement son point de vue pendant la procédure de recours.

7. a. Le service des pompes funèbres, cimetière et crématoire est intégré au département de la cohésion sociale, de la jeunesse et des sports. Le personnel de cet établissement est soumis au statut du personnel (SPAM).

b. Les devoirs du personnel de l’administration municipale sont énumérés aux art. 12 ss SPAM. Les fonctionnaires sont tenus au respect des intérêts de la ville et doivent s’abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 12). Ils doivent entretenir des relations dignes et correctes avec leurs supérieurs, leurs collègues et leurs subordonnés. Ils doivent également justifier et renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l’objet (art.13).

L’art. 14 SPAM prévoit, quant à lui, que les fonctionnaires peuvent se tenir au courant des modifications et des perfectionnements nécessaires à l’exécution de leur travail ; ils peuvent, à cet effet, demander ou être appelés à suivre des cours de perfectionnement. Enfin, les fonctionnaires doivent se conformer aux instructions de leurs supérieurs et en exécuter les ordres avec conscience et discernement.

c. Selon l’art. 33 al. 1 SPAM, le fonctionnaire qui enfreint ses devoirs de service, soit intentionnellement, soit par négligence, est passible d’une sanction disciplinaire.

d. L’art. 34 SPAM contient le catalogue des sanctions disciplinaires :

« a) prononcées par le directeur ou le chef de service :

1° l’avertissement :

b) prononcées par le conseiller administratif responsable :

2° le blâme ;

3° la mise à pied jusqu’à deux jours avec suspension de traitement ;

c) prononcées par le Conseil administratif :

4° la suppression de l’augmentation annuelle de traitement pour l’année à venir ;

5° la mise à pied jusqu’à un mois avec suppression de traitement ;

6° la réduction du traitement, temporaire ou définitive, dans les limites de la catégorie ;

7° la mise au temporaire, l’intéressé perdant sa qualité de fonctionnaire, mais restant engagé sur la base d’un contrat de droit privé ;

8° la rétrogradation temporaire ou définitive dans une classe inférieure, avec réduction de traitement dans les limites de la nouvelle catégorie ;

9° la révocation.

Ces sanctions peuvent être cumulées ; il ne peut pas être prononcé d’autres sanctions disciplinaires ».

e. Selon la jurisprudence du tribunal de céans, les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu’elles ne sauraient être prononcées en l’absence d’une faute. La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire et celle-ci peut être commise consciemment, par négligence ou par inconscience, la négligence n’ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l’auteur (ATA/662/2006 du 12 décembre 2006).

Dans la présente affaire, le recourant s’est vu infliger une sanction disciplinaire pour attitude inacceptable, grave manque de respect ainsi qu’insultes, proférées dans le courant du mois de janvier 2009 devant témoins, envers un membre de la direction de son service, Mme X______.

Les enquêtes ont démontré que, suite au refus de l’administration de les laisser participer à des cours de formation au centre de Lullier les 28 et 29 janvier 2009, plusieurs jardiniers ou horticulteurs, parmi lesquels MM. R______, C______ et le recourant, ont publiquement exprimé leur mécontentement, adoptant un comportement inconvenant, mettant notamment en cause la compétence de membres de la direction du service, et proférant des insultes et injures à l’encontre de Mme X______. Le recourant n’a pas contesté avoir participé activement à ces manifestations de contestation, aux côtés de M. R______ notamment ; mais il a en revanche contesté avoir prononcé des mots injurieux à l’égard de Mme X______, ou encore l’avoir menacée en lui donnant un ultimatum pour qu’elle l’inscrive, lui et d’autres collègues au deuxième jour de cours à Lullier. Les enquêtes n’ont pas établi que M. J______, aurait usé de qualificatifs injurieux à l’endroit de Mme X______. Le fait d’exprimer son mécontentement à l’égard de sa hiérarchie ne constitue pas un motif suffisant justifiant une sanction disciplinaire.

Au vu de ce qui précède, le recours sera admis.

En conséquence, les sanctions prononcées à l’encontre de M. J______, soit la mise à pied de deux jours avec suspension de traitement et le blâme, seront annulées.

8. Les conclusions du recourant tendant à l’octroi de l’annuité extraordinaire de 2009/2010 seront renvoyées à la Ville de Genève pour qu’elle statue sur cette demande en tenant compte du présent arrêt.

9. Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à charge de la Ville de Genève qui succombe. Il ne sera alloué aucune indemnité au recourant qui n’y a pas conclu (art. 87 LPA).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 avril 2009 par Monsieur J______ contre la décision de la Ville de Genève du 18 mars 2009 ;

au fond :

l’admet ;

annule la décision entreprise, en ce qu’elle confirme le blâme et la mise à pied de Monsieur J______ pour deux jours avec suspension de traitement, prononcée par la Ville de Genève le 18 février 2009 ;

renvoie la cause à la Ville de Genève en tant qu’elle porte sur le refus d’octroi de l’annuité extraordinaire 2009/2010 pour qu’elle statue sur ce point ;

annule le blâme infligé au recourant ;

annule la mise à pied de deux jours avec suspension de traitement ;

met à la charge de la Ville de Genève un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt  peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt  et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur J______ ainsi qu’à la Ville de Genève.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Hurni, Mme Junod, M. Dumartheray, juges, M. Torello, juge suppléant.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière de juridiction :

 

 

M. Tonossi

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :