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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3604/2007

ATA/383/2008 du 29.07.2008 ( DES ) , REJETE

Descripteurs : ; NOVA ; OBJET DU LITIGE ; EXTENSION DE LA PROCÉDURE
Normes : LComPS.10.al2 ; LPA.65 ; LPA.68
Résumé : Recours au Tribunal administratif suite au dépôt d'une plainte devant la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients, classée sans instruction par le bureau de celle-ci. Les nouveaux éléments de preuves versés par la plaignante devant le Tribunal ne peuvent pas être pris en compte faute d'avoir été présentés devant l'instance précédente.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3604/2007-DES ATA/383/2008

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 29 juillet 2008

 

dans la cause

Madame B______
représentée par Me Philippe Juvet, avocat

contre

COMMISSION DE SURVEILLANCE DES PROFESSIONS DE LA SANTÉ ET DES DROITS DES PATIENTS


 

Monsieur Y______, appelé en cause
représenté par Me Salvatore Aversano, avocat


EN FAIT

1. Le 27 juillet 2007, Madame B______ a dénoncé le Docteur Y______ à la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients (ci-après : la commission) pour attitude professionnelle irresponsable et harcèlement sexuel. Elle avait consulté ce praticien pour la première fois en 1986, en raison d’un état dépressif. Il lui avait prescrit des médicaments, notamment le Fluanxol et le Seresta, qu’elle avait pris régulièrement et qui l’avaient rendue dépendante de son médecin. Celui-ci en avait profité pour initier une relation sentimentale avec elle.

Mme B______ a joint à sa plainte une copie de la page du Compendium suisse des médicaments (ci-après : le compendium), où figurait la description du Fluanxol et ses effets.

2. Le 7 septembre 2007, la commission a classé la plainte susmentionnée en application de l’article 10 alinéa 2 lettre a de la loi sur la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 7 avril 2006 (LComPS - K 3 03), au motif que rien ne permettait de mettre en exergue un agissement professionnel incorrect de la part du Dr Y______.

3. Mme B______ a recouru auprès du Tribunal administratif par acte du 23 septembre 2007. Elle conclut à l’examen de sa plainte, dont le classement sans suite et sans enquête préliminaire était tout simplement inadmissible.

Le Dr Y______ avait eu à son égard une attitude thérapeutique ambiguë. Ainsi, il lui avait envoyé quatre lettres en 1999, manuscrites sur du papier à entête de son cabinet, dans lesquelles il l’assurait de son amour et de son affection. Ces pièces ont été jointes au recours, de même que quatre photos prises dans l’appartement de la recourante, où l’on apercevait le Dr Y______, d’abord installé dans un fauteuil au salon, puis à la salle à manger, devant la table dressée.

La recourante a insisté sur le fait que si le Dr Y______ n’avait pas respecté la posologie des médicaments qu’il lui prescrivait, c’était pour la maintenir dans une relation de dépendance, à la fois médicamenteuse et affective. Ces agissements avaient eu de graves conséquences sur sa santé : elle ne pouvait plus marcher, souffrait d’une faiblesse musculaire et de polymyalgies.

Mme B______ a encore communiqué au tribunal deux prescriptions pour des séances de physiothérapie, ordonnées le 24 juillet 2007 par le Dr J______ et le 22 août 2007 par le Dr C______, lesquelles font état de « troubles de la marche polyfactoriels » et de « faiblesse des membres inférieurs ».

4. Le 5 novembre 2007, la commission a persisté dans sa décision en exposant que les médicaments prescrits par le Dr Y______ pouvaient, au même titre que tous les autres, entraîner des effets secondaires. Au surplus, l’administration simultanée de Fluanxol et de Seresta n’était pas incompatible et ne permettait pas suspecter un agissement professionnel incorrect.

S’agissant du harcèlement sexuel dont Mme B______ se disait victime, la commission a relevé que les lettres du Dr Y______ avaient été produites pour la première fois devant le Tribunal administratif. Elle en ignorait tout au moment où elle avait rendu sa décision.

Enfin, les faits les plus récents dénoncés par la recourante remontaient à 1999, soit à plus de sept ans et demi, de sorte que la prescription absolue pour les infractions commises par des professionnels de la santé était atteinte.

5. Par ordonnance du 5 décembre 2007, la Chambre d’accusation a confirmé le classement de la plainte pénale que Mme B______ avait déposée contre le Dr Y______.

6. Par acte du 22 janvier 2008, le Dr Y______, appelé en cause par le Tribunal administratif, a conclu au rejet du recours. Au surplus, il a sollicité la levée de son secret médical, le respect de ce dernier l’ayant privé de l’essentiel de ses moyens.

Les allégations de la recourante étaient ambiguës, vagues et imprécises, et l’on ne comprenait pas ce qu’elle reprochait à la décision de la commission. De plus, elle confondait la Chambre d’accusation et le Tribunal administratif. Enfin, les pseudo-infractions qu’elle dénonçait étaient prescrites.

7. Le 30 janvier 2008, la recourante a accepté de délier le Dr Y______ de son secret médical.

8. Par décision du 6 février 2008, le Tribunal de première instance a accordé l’assistance judiciaire à la recourante. Un avocat a été commis d’office.

9. Le Dr Y______ a déposé une écriture complémentaire le 27 février 2008, dans laquelle il a retracé le parcours médical de la recourante entre 1994 et 2004 et justifié sa pratique médicale.

10. La recourante, représentée par son conseil, a maintenu ses conclusions le 31 mars 2008.

L’administration de Fluanxol avait été remise en question par le Dr I______ en 1996 déjà, au motif qu’elle présentait des tremblements devant être mis en relation avec la prise de ce médicament. Ce nonobstant et en dépit des dénégations du Dr Y______, celui-ci avait continué de le lui prescrire, au moins en 2006 et 2007. Ces faits ne pourraient toutefois pas être corroborés sans l’apport à la procédure de son dossier médical complet.

Le Dr Y______ lui avait donné simultanément le Fluxanxol et le Leponex, soit deux neuroleptiques associés à un anxiolytique, le Seresta, ce que la littérature médicale déconseillait fortement. En outre, le Seresta lui avait été prescrit pendant une longue période, alors que selon le compendium, il devait l’être pendant deux à trois mois au maximum pour être ensuite arrêté progressivement. Or, selon un rapport des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) du 4 mai 2004, elle prenait déjà le Seresta à cette date, puis à nouveau, selon un autre rapport des HUG, dès le 29 septembre 2004. De plus, elle avait retrouvé deux ordonnances pour ce même médicament, établies par le Dr Y______, les 23 novembre et 12 décembre 2006, ainsi qu’un listing de la caisse-maladie Helsana du 13 mars 2007 qui faisait état de la prescription simultanée de Seresta et de Leponex.

11. Le 16 avril 2008, la commission a relevé qu’elle avait classé la plainte en se fondant sur les seules pièces en sa possession, qui n’étaient pas celles produites par la recourante devant le Tribunal administratif. En instruisant au fond, la juridiction de céans privait les parties d’un degré de juridiction.

12. Le Dr Y______ a maintenu sa position le 5 mai 2008.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. a. Selon l’article 65 alinéa 1 LPA, l’acte de recours contient, sous peine d’irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant. En outre, il doit contenir l’exposé des motifs ainsi que l’indication des moyens de preuve. Les pièces dont dispose le recourant doivent être jointes. A défaut, un bref délai pour satisfaire à ces exigences est fixé au recourant, sous peine d’irrecevabilité (art. 65 al. 2 LPA).

Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, il convient de ne pas se montrer trop strict sur la manière dont sont formulées les conclusions du recourant. Le fait que ces dernières ne ressortent pas expressément de l’acte de recours n’est pas en soi un motif d’irrecevabilité, pourvu que le tribunal et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant (ATA/1/2007 du 9 janvier 2007 ; ATA/118/2006 du 7 mars 2006 ; ATA/775/2005 du 15 novembre 2005 et la jurisprudence citée). Par exemple, une requête en annulation d’une décision doit être déclarée recevable dans la mesure où le recourant a suffisamment manifesté son désaccord avec la décision, ainsi que sa volonté qu’elle ne développe pas d’effets juridiques (P. MOOR, Droit administratif, Vol. II, Berne 2002, 2ème éd., p. 674 n. 5.7.1.4). Des conclusions conditionnelles sont en revanche irrecevables (ATA précités).

b. La recourante s’exprime comme une personne sans connaissances juridiques particulières. On comprend par ailleurs qu’elle souffre de graves atteintes à sa santé. Elle conteste le classement de la plainte et indique les moyens qui auraient dû être mis en œuvre par la commission. Enfin, elle dénonce expressément les agissements du Dr Y______.

Au vu de ce qui précède, le Tribunal administratif considérera que la recourante manifeste clairement son désaccord avec la décision litigieuse. Par conséquent et compte tenu du fait que cette dernière n’est autre que le classement d’une plainte sans instruction, l’acte de recours remplit les conditions de l’article 65 LPA.

3. a. Selon l’article 68 LPA, le recourant peut invoquer des motifs, des faits et des moyens de preuves nouveaux qui ne l’ont pas été dans les précédentes procédures, sauf exception prévue par la loi. A contrario, cette disposition ne permet pas au recourant de prendre des conclusions qui n’auraient pas été formées devant l’autorité de première instance.

b. Cependant, la jurisprudence du Tribunal administratif montre une pratique beaucoup plus restrictive. Ainsi, l’objet d’une procédure administrative ne peut pas s’étendre ou se modifier qualitativement au fil des instances. Il peut uniquement se réduire, dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés devant l’autorité de recours (ATA/560/2006 du 17 octobre 2006).

c. Si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions qui ont été traitées dans la procédure antérieure. Quant à l’autorité de recours, elle n’examine pas les prétentions et les griefs qui n’ont pas fait l’objet du prononcé de l’instance inférieure, sous peine de détourner sa mission de contrôle, de violer la compétence fonctionnelle de cette autorité-ci, d’enfreindre le principe de l’épuisement des voies de droit préalables et, en définitive, de priver les parties d’un degré de juridiction (ATA/168/2008 du 8 avril 2008 et ACOM/49/2008 du 17 avril 2008; B. BOVAY, Procédure administrative, Berne 2000, p. 390/391).

En l’espèce, ce n’est que devant le Tribunal administratif que Mme B______ a fait valoir certains éléments et produit des documents propres à soulever un certain nombre d’interrogations sur le comportement du Dr Y______. Au vu des jurisprudences rappelées ci-dessus, ces éléments, nouveaux dans la procédure, doivent être considérés comme étendant l’objet du litige préalablement porté devant la commission. Ils ne peuvent dès lors être pris en compte par le Tribunal administratif pour examiner le fond du recours déposé.

4. S'agissant de l'issue à donner audit recours, selon l’article 10 alinéa 2 lettre a LComPS, le bureau de la commission de surveillance est chargé de l’examen préalable des plaintes et peut décider du classement immédiat.

En l’espèce, c’est à bon droit qu’il a pris une telle décision. Les éléments ressortant du courrier de la recourante du 27 juillet 2007 et de son annexe ne lui permettaient en effet pas de penser que le Dr Y______ avait violé les dispositions de la LS ou adopté des comportements professionnels incorrects.

5. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

Mme B______ bénéficiant de l’assistance juridique, aucun émolument ne sera mis à sa charge. Une indemnité de procédure de CHF 300.- sera allouée à M. Y______, à la charge de la recourante (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 24 septembre 2007 par Madame B______ contre la décision de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 7 septembre 2007 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue à M. Y______ une indemnité de procédure de CHF 300.-, à la charge de la recourante ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Philippe Juvet, avocat de la recourante, à Me Salvatore Aversano, avocat du Dr Y______, ainsi qu’à la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Thélin, Mmes Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :