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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1706/2021

ATA/274/2022 du 15.03.2022 sur JTAPI/1311/2021 ( PE ) , REJETE

Recours TF déposé le 21.04.2022, rendu le 26.04.2022, IRRECEVABLE, 2C_307/2022
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1706/2021-PE ATA/274/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 15 mars 2022

2ème section

 

dans la cause

 

A______
et
Monsieur B______

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 décembre 2021 (JTAPI/1311/2021)


EN FAIT

1) Selon le registre du commerce de Genève, A______, inscrite le 3 novembre 2017, a pour but : « exploitation de restaurants ; achat, vente, import-export et livraison des produits liés à l'alimentation ; organisation de manifestations en particulier de conférences, de séminaires, de banquets, de réceptions, de dîners, de colloques ; prestations de service traiteur ; organisation d'exposition-vente et vente de tableaux, tapis et objets manufacturés ; conseils relatifs à la conception, mise en œuvre, exploitation, gestion, administration et direction des entreprises rattachées ou liées aux domaines de l'hôtellerie et de la restauration ».

2) Monsieur B______, né le ______1982 à Téhéran, est de nationalité iranienne. En tant que conjoint d’une ressortissante iranienne bénéficiant d’un titre de séjour pour études à Genève, il réside en Suisse au titre du regroupement familial depuis le 1er juin 2013. Le couple a un enfant né à Genève le ______ 2017.

3) Le 19 octobre 2016, M. B______ a obtenu une autorisation de séjour de courte durée avec activité lucrative (permis L) valable deux ans, afin de pouvoir travailler en qualité de directeur (CEO) auprès de C_____.

4) Par décision du 29 novembre 2018, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) a refusé la demande de transformation du permis L en permis B de M. B______, au motif que sa demande ne servait pas les intérêts économiques de la Suisse. Les objectifs de développement annoncés dans la demande de 2016 n’étaient pas atteints. De plus, l’employeur n’était pas en règle avec l’administration fiscale cantonale (impôt à la source) et avait engagé du personnel sans autorisation de travail. Les conditions salariales des employés n’étaient pas garanties, compte tenu de la situation financière de la société et des montants importants dus aux assurances sociales.

5) L’épouse ayant obtenu, à titre exceptionnel, une prolongation de son séjour pour terminer son Master en Engineering auprès de la HES-SO en février 2020, M. B______ a pu prolonger son séjour jusqu’au 30 avril 2020 au titre de regroupement familial.

6) Selon contrat de travail du 22 mars 2021, la société a engagé M. B______ en qualité de « business developer » à compter du 1er avril 2020 [recte : 2021] « sous réserve de l’obtention d’une autorisation de séjour et de travail ».

7) Le 22 mars 2021, A______ a déposé une demande d’autorisation de séjour avec activité lucrative auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), afin de permettre à M. B______ de travailler en qualité de « business developer », c’est-à-dire en tant que responsable du développement et de la commercialisation de produits orientaux de luxe. Le contrat de travail de durée indéterminée prévoyait un salaire mensuel de CHF 7'500.- à plein temps.

Selon l’employeur, le poste à pourvoir exigeait des compétences commerciales et en marketing spécifiques (MBA, Master) dans le domaine du luxe, la connaissance parfaite du marketing numérique, une connaissance fine et une passion certaine pour l’art iranien, les traditions ancestrales et les régions anciennes de l’Iran et de l’Asie centrale, une expérience de six à dix ans dans le domaine du luxe en Europe dans la vente ou le marketing, ou dans une fonction opérationnelle et de développement de produits, un réseau dans le tissu industriel du luxe et enfin des compétences linguistiques telles que la pratique du français et du persan.

M. B______ était titulaire d’un Executive Master of Business Administration (EMBA) de la Haute école de gestion de Genève, obtenu le 15 juin 2016, et exerçait comme « Business developer » dans le monde du luxe à Genève depuis de nombreuses années. Il avait une connaissance profonde et rare des arts et des cultures de l’Iran et de l’Asie centrale et avait su s’entourer de grands experts du monde du tapis iranien. Il possédait une grande expérience en tant que responsable du développement des produits de luxe, réalisant le lancement de plus de sept gammes de produits cosmétiques haut de gamme (une quarantaine de produits) depuis l’élaboration des concepts jusqu’à la mise sur le marché du luxe en Suisse. Maîtrisant parfaitement le français et l’anglais, il disposait d’un large réseau international dans le domaine et le milieu du luxe. Il était demandeur d’emploi inscrit à l’ORP.

Après avoir reçu trois candidatures, faisant suite à des annonces sur Jobup.ch et Jobroom.ch, pour trouver un « business developer », seul le dossier de M. B______ répondait pleinement au profil recherché. Les autres candidats ne satisfaisaient pas aux exigences linguistiques du persan, de l’expérience du domaine et de la connaissance de l’art iranien et d’Asie centrale. En outre, devoir former un/e candidat/e suisse ou européen/ne serait bien trop long et onéreux.

8) Sur demande de l’OCIRT du 13 avril 2021, A______ a notamment fourni son bilan 2017, 2018 et 2019, son business plan dans le commerce de tapis et son catalogue de vente de tapis persans.

9) Par décision du 22 avril 2021, l’OCIRT a informé la société qu’il ne lui était pas possible de rendre une décision favorable, au motif que l’admission en vue de l’exercice d’une activité lucrative ne servait pas les intérêts économiques de la Suisse selon l’art. 18 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI – RS 142.20). De plus, l’ordre de priorité de l’art. 21 LEI n’avait pas été respecté. L’employeur n’avait pas démontré qu’aucun travailleur en Suisse ou ressortissant d’un pays de l’UE et de l’AELE n’avait pu être trouvé.

10) Par acte du 11 mai 2021 et son complément du 2 juin 2021, A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant à l’octroi d’une autorisation de séjour avec activité lucrative.

L’admission de M. B______ servait les intérêts économiques de la Suisse, dès lors qu’il devait être considéré comme faisant partie de la main d’œuvre qualifiée, spécialisée, validée par des diplômes acquis en Suisse (EMBA de la HEG et Certificat de module en Marketing Digital & Réseaux Sociaux de la CADSchool Genève). Il disposait d’une expérience de dix ans dans les domaines du business development et brand management des produits de luxe et de l’agroalimentaire. Ses compétences en prospection, négociation et ouverture de marchés à l’étranger pouvaient jouer un rôle décisif dans le développement de l’entreprise et pouvaient ainsi servir les intérêts économiques de la Suisse.

La société avait respecté l’ordre de priorité de l’art. 21 LEI en publiant des annonces durant trois semaines sur Jobup.ch (depuis le 28 février 2021) et Jobroom.ch (depuis le 2 mars 2021). Sur les quatre candidatures reçues, seule celle de M. B______ répondait pleinement au profil recherché (langue persane, expérience, études).

Le refus de l’OCIRT avait des conséquences financières, sociales et psychologiques fort dommageables pour lui et sa famille. M. B______ était traité comme un travailleur étranger fraîchement arrivé et sans objectifs, alors qu’il avait déjà vécu huit ans en Suisse et mis fin à ses droits aux indemnités de chômage avant l’épuisement de ceux-ci, afin de ne pas peser sur les finances publiques.

11) L’OCIRT a conclu au rejet du recours.

Le fait pour M. B______ de résider en Suisse depuis le 1er juin 2013 au bénéfice d’une autorisation de séjour pour regroupement familial, puis d’une autorisation de séjour avec activité lucrative de courte durée, puis à nouveau une autorisation de séjour pour regroupement familial ne lui conférait aucun droit quant à une prise d’activité lucrative. Il devait être considéré comme un nouveau demandeur d’emploi.

Les qualifications professionnelles particulières mises en avant pour M. B______ reposaient sur son EMBA de la HEG, sa maîtrise du persan (farsi) et son expérience chez C_____. Or, ces qualifications n’étaient pas si spécifiques qu’il serait impossible à l’employeur de recruter un travailleur titulaire d’un passeport européen et doté des compétences requises au sein de l’UE/AELE.

Concernant les hautes qualifications et l’expérience utile au poste, M. B______ avait obtenu en 2016 une autorisation de séjour de courte durée avec activité lucrative afin de travailler en qualité de directeur général (CEO) de C_____. Or, celle-ci était désormais en faillite. On pouvait s’interroger sur les raisons pour lesquelles l’intéressé indiquait dans son CV n’avoir été que simple « business development officer » pour elle.

La maîtrise du persan ne constituait pas un argument suffisant dans la mesure où il était possible de recruter un travailleur titulaire d’un passeport européen capable de parler cette langue au sein de l’UE/AELE. L’employeur n’avait pas non plus apporté la preuve qu’il avait fourni tous les efforts possibles pour trouver un travailleur correspondant au profil requis en Suisse ou dans l’UE/AELE. Il aurait dû étendre ses recherches au marché européen et pas uniquement au marché suisse par le biais de l’OCE (Jobroom.ch et Jobup.ch).

M. B______ ne disposait pas de qualifications particulières dans un domaine souffrant en Suisse et dans les États membres de l’UE/AELE d’une pénurie de main d’œuvre spécialisée. En outre, l’employeur n’avait pas respecté l’ordre de priorité posé par l’art. 21 LEI.

12) Par réplique du 3 août 2021, la société a fait valoir que la réponse de l’OCIRT avait été déposée après le délai imparti par le TAPI. Les arguments avancés par l’intimée étaient discriminatoires et ne figuraient pas dans la décision du 22 avril 2021. L’offre d’emploi avait été publiée sur le site Internet de Jobroom.ch avec l’option EURES Europe, de sorte qu’elle était ouverte non seulement aux travailleurs suisses ou européens, mais aussi à ceux du monde entier.

13) Par jugement du 22 décembre 2021, le TAPI a rejeté le recours.

Les démarches entreprises par l’employeur ne satisfaisaient pas aux exigences strictes en matière de respect de l’ordre de priorité prévu par l’art 21 al. 1 LEI. Pour le surplus, il n’était pas démontré que l’activité de M. B______ serait susceptible d’avoir des retombées économiques positives pour l’économie suisse et présenter, à ce titre, un intérêt pour la Suisse au sens de l’art. 18 let. a LEI.

14) Par acte expédié le 21 janvier 2022 à la chambre administrative de la Cour de justice, A______ et M. B______ ont recouru contre ce jugement, dont ils ont demandé l’annulation.

Le fait de ne pas examiner l’ensemble des conditions prévues à l’art. 21 LEI constituait une violation des droits de l’homme, des droits de l’enfant et de la vie privée. Il y avait une grande pénurie de talents en Suisse depuis 15 ans. Les entreprises pouvaient ainsi se permettre de recruter les meilleurs candidats. Un projet de loi déposé par le Conseiller national Marcel DOBLER était à l’étude ; il visait à permettre aux ressortissants d’États tiers diplômés d’un master ou d’un doctorat d’une haute école suisse de rester en Suisse sans formalité excessive. Le TAPI aurait dû en tenir compte. Le développement d’entreprises telles que la recourante revêtait un intérêt économique prépondérant. Le « business developer » recherchait et évaluait les nouveaux accords commerciaux profitables à l’entreprise. Ce responsable se comportait comme un véritable entrepreneur, qui devait avoir un esprit innovateur, le sens de l’écoute, notamment. Il devait en particulier posséder des compétences commerciales approfondies, mettre en œuvre un plan de développement, présenter un business plan. Détaillant l’ensemble des tâches confiées et qualités requises pour ce poste, la recourante exposait que M. B______ les présentait toutes. Vu la déconvenue subie par ce dernier auprès de son précédent emploi dans lequel il était administrateur de société et était désormais recherché pour des dettes sociales non payées, il avait préféré avoir une position de cadre plutôt que de « PDG ». Le TAPI n’était pas qualifié en matière de ressources humaines et ne connaissait pas de meilleur candidat pour le poste en question. L’OCIRT discriminait les citoyens résidents en Suisse et maltraitait leurs enfants en empêchant leur parent de gagner leur vie honnêtement.

15) Par envoi du 24 janvier 2022, les recourants ont produit la liste « non exhaustive » et copie des postulations précédentes de M. B______ pour lesquelles il n’avait pas reçu de réponses.

16) L’OCIRT a conclu au rejet du recours.

Il s’est étonné des propos des recourants l’accusant d’avoir refusé l’autorisation en raison de préjugés liés à la nationalité de M. B______ et sous-entendant que la directrice du service en question aurait agi avec partialité. Il a repris les motifs déjà exposés qui démontraient que les conditions l’octroi d’une autorisation de séjour avec activité lucrative n’étaient pas remplies.

17) Dans leur réplique, les recourants se sont étonnés à leur tour que l’OCIRT soit interpellé pour se déterminer sur leur recours. Il leur était insupportable d’être accusés d’avoir porté contre l’OCIRT des accusations graves. Ils devaient être libres de communiquer avec les instances judiciaires. Le refus d’octroyer l’autorisation sollicitée constituait une maltraitance et violation des droits de l’enfant et de l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et 2 et 3 CDE ainsi que la liberté économique.

Ils avaient fixé un salaire inférieur à son précédent salaire, car les responsabilités étaient moindres. Si nécessaire, ils pouvaient augmenter le salaire de CHF 500.- par mois. La présente procédure avait effet suspensif de sorte que l’OCPM n’aurait pas dû faire parvenir au recourant, le 23 février 2022, un courrier de renvoi. L’art. 13 CEDH garantissait des droits particuliers en cas d’expulsion d’étrangers.

18) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Le recourant n’ayant pas été partie à la procédure devant le TAPI, il est douteux qu’il puisse revêtir la qualité pour agir devant la chambre de céans. Cette question souffrira cependant de demeurer indécise au vu de l’issue du litige.

2) Celui-ci est circonscrit à la question de l’octroi d’une autorisation de séjour avec activité lucrative pour A______ en faveur de M. B______. Les autres questions abordées par les recourants, notamment celle relative au renvoi de la famille de ce dernier, ne font pas l’objet du litige et ne seront donc pas examinées.

Ainsi, seuls les arguments pertinents pour se prononcer sur la question de l’octroi d’une autorisation de séjour avec activité lucrative seront tranchés.

3) a. Selon l'art. 11 al. 1 LEI, tout étranger qui entend exercer en Suisse une activité lucrative doit être titulaire d’une autorisation, quelle que soit la durée de son séjour. L’art. 18 LEI prévoit qu’un étranger peut être admis en vue de l’exercice d’une activité lucrative salariée aux conditions suivantes : son admission sert les intérêts économiques du pays (let. a) ; son employeur a déposé une demande (let. b) ; les conditions fixées aux art. 20 à 25 LEI sont remplies (let. c). Lesdites conditions sont cumulatives (ATA/362/2019 du 2 avril 2019 ; ATA/494/2017 du 2 mai 2017 consid. 3 : ATA/401/2016 du 10 mai 2016).

Les autorités compétentes bénéficient d'un large pouvoir d'appréciation (ATA/494/2017 précité). En raison de sa formulation potestative, l’art. 18 LEI ne confère aucun droit à l’autorisation sollicitée par un éventuel employé. De même, un employeur ne dispose d’aucun droit à engager un étranger en vue de l’exercice d’une activité lucrative en Suisse (arrêts du Tribunal fédéral 2D_57/2015 du 21 septembre 2015 consid. 3 ; 2D_4/2015 du 23 janvier 2015 consid. 3 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5184/2014 du 31 mars 2016 consid. 3).

b. En vertu de l’art. 21 al. 1 LEI, un étranger ne peut être admis en vue de l'exercice d'une activité lucrative que s'il est démontré qu'aucun travailleur en Suisse ni aucun ressortissant d'un État avec lequel a été conclu un accord sur la libre circulation des personnes correspondant au profil requis n'a pu être trouvé.

L'admission de ressortissants d'États tiers n'est possible que si, à qualifications égales, aucun travailleur en Suisse ou ressortissant d'un État de l'UE ou de l'AELE ne peut être recruté (Message du Conseil fédéral du 8 mars 2002 concernant la loi sur les étrangers, FF 2002 3469 ss, spéc. p. 3537 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-2907/2010 du 18 janvier 2011 consid. 7.1 et la jurisprudence citée). Il s'ensuit que le principe de la priorité des travailleurs résidants doit être appliqué à tous les cas, quelle que soit la situation de l'économie et du marché du travail (arrêt du Tribunal fédéral 2D_50/2012 du 1er avril 2013 ; ATA/401/2016 précité).

c. Selon les Directives et commentaires du SEM, Domaine des étrangers, du 25 octobre 2013, état au 15 décembre 2021 (ci-après : Directives LEI) – qui ne lient pas le juge mais dont celui-ci peut tenir compte pour assurer une application uniforme de la loi envers chaque administré, pourvu qu’elles respectent le sens et le but de la norme applicable –, les employeurs sont tenus d’annoncer le plus rapidement possible aux ORP les emplois vacants, qu’ils présument ne pouvoir repourvoir qu’en faisant appel à du personnel venant de l’étranger. Les offices de placement jouent un rôle clé dans l’exploitation optimale des ressources offertes par le marché du travail sur l’ensemble du territoire suisse. L'employeur doit, de son côté, entreprendre toutes les démarches nécessaires – annonces dans les quotidiens et la presse spécialisée, recours aux médias électroniques et aux agences privées de placement – pour trouver un travailleur disponible. On attend des employeurs qu’ils déploient des efforts en vue d’offrir une formation continue spécifique aux travailleurs disponibles sur le marché suisse du travail (Directives LEI, ch. 4.3.2.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-1123/2013 précité consid. 6.4 ; ATA/494/2017 précité ; ATA/24/2015 du 6 janvier 2015).

Il revient à l'employeur de démontrer avoir entrepris des recherches sur une grande échelle afin de repourvoir le poste en question par un travailleur indigène ou ressortissant d'un État membre de l'UE ou de l'AELE conformément à l'art. 21 al. 1 LEI et qu'il s'est trouvé dans une impossibilité absolue de trouver une personne capable d'exercer cette activité (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-6074/2010 du 19 avril 2011 consid. 5.3 ; ATA/1368/2018 du 18 décembre 2018 et les références citées).

L'employeur doit être en mesure de rendre crédibles les efforts qu'il a déployés, en temps opportun et de manière appropriée, en vue d'attribuer le poste en question à des candidats indigènes ou à des candidats ressortissants de l’UE/AELE. Des ressortissants d’États tiers ne seront contactés que dans le cas où les efforts entrepris n’ont pas abouti. Il convient dès lors de veiller à ce que ces démarches ne soient pas entreprises à la seule fin de s’acquitter d’une exigence. Elles doivent être engagées suffisamment tôt, dans un délai convenable avant l’échéance prévue pour la signature du contrat de travail. En outre, il faut éviter que les personnes ayant la priorité ne soient exclues sur la base de critères professionnels non pertinents tels que des séjours à l’étranger, des aptitudes linguistiques ou techniques qui ne sont pas indispensables pour exercer l’activité en question, etc. (Directives LEI, ch. 4.3.2.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-1123/2013 précité consid. 6.4).

Même si la recherche d'un employé possédant les aptitudes attendues de la part de l’employeur peut s'avérer ardue et nécessiter de nombreuses démarches auprès des candidats potentiels, de telles difficultés ne sauraient à elles seules, conformément à une pratique constante des autorités en ce domaine, justifier une exception au principe de la priorité de recrutement énoncée à l'art. 21 LEI (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-8717/2010 du 8 juillet 2011 consid. 8.1 ; ATA/1368/2018 précité).

La seule publication d'une annonce auprès de l'OCE, bien que diffusée également dans le système EURES, ne peut être considérée comme une démarche suffisante. (cf. ATA/1147/2018 du 30 octobre 2018 consid. 11). Par ailleurs, des démarches intervenues après un refus d'octroi d'autorisation de séjour avec activité lucrative doivent être considérées comme entreprises dans le seul but de s'acquitter des exigences légales (ATA/2/2015 du 6 janvier 2015 consid. 2c).

d. En dérogation à l'art. 21 al. 1 LEI, un étranger titulaire d'un diplôme d'une haute école suisse peut être admis si son activité lucrative revêt un intérêt scientifique ou économique prépondérant. Il est admis provisoirement pendant six mois à compter de la fin de sa formation ou de sa formation continue en Suisse pour trouver une telle activité (art. 21 al. 3 LEI). Dans ce cas, l'employeur ne devra plus démontrer qu'il n'a pu trouver une personne correspondant au profil requis en dépit de ses recherches (ATA/1194/2021 du 9 novembre 2021 consid. 6b ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. 2, Loi sur les étrangers, 2017, p. 171 n. 23).

e. En l’espèce, la recourante s'est limitée dans ses recherches à publier une annonce sur le site Internet Jobup.ch le 28 février 2021 et à annoncer la vacance du poste à l'OCE le 2 mars 2021.

Or, de telles démarches ne suffisent pas, au regard de la loi et de la jurisprudence, pour retenir que l’employeur se serait conformé à ses obligations en la matière. Celles-ci exigent d’effectuer des annonces, qui dépassent le seul marché suisse, étant précisé que la publication par l'OCE de l’annonce dans le système EURES de suffit pas. En outre, le contrat de travail avec le recourant a été signé le 22 mars 2021. Alors que les compétences requises par le poste étaient, selon la recourante, très élevées, il lui appartenait d’autant plus d'étendre ses recherches à plus grande échelle sur les marchés du travail tant suisse et que de l'UE/AELE. Elle aurait ainsi pu publier des annonces sur des sites Internet spécialisés, en Suisse et en Europe, et dans la presse spécialisée, ou encore utiliser les réseaux sociaux. Comme le relève le TAPI, il est en effet douteux, si ce n'est illusoire, de penser que les personnes à la recherche d'un emploi, en particulier les ressortissants européens, se contentent de naviguer sur des sites Internet suisses ou sur le portail EURES dans le cadre de leurs recherches.

S’il est possible que la particularité du profil recherché, à savoir un « business developer » maîtrisant le persan, l'anglais et le français, rendait la recherche de candidats plus difficile, cet élément ne dispensait pas pour autant une exception au principe de la priorité dans le recrutement, tel que la loi en vigueur la prévoit. Il est à cet égard relevé que la chambre administrative ne peut se substituer au législateur et doit appliquer le droit positif et non une disposition en voie d’être modifiée. Par ailleurs, en ce qui concerne la possibilité pour un étranger titulaire d'un diplôme d'une haute école suisse d’être admis si son activité lucrative revêt un intérêt scientifique ou économique prépondérant, il est observé que le recourant a obtenu le son EMBA le 15 juin 2016, de sorte que son engagement souhaité auprès de la recourante ne s’inscrit pas dans le délai de six mois applicable à l’exception préàvue par l’art. 21 al. 1 al. 3 LEI. Compte tenu du nombre de pays de l'UE, qui comprend maintenant vingt-sept membres, il ne pouvait, d’emblée et après uniquement deux démarches, qui visaient qui plus est essentiellement le marché du travail suisse, être renoncé à trouver une personne ayant les qualifications requises dans le marché du travail de l’UE.

Dans ces circonstances, l'OCIRT pouvait retenir sans violer la loi ni commettre d’abus de son pouvoir d’appréciation, que la recourante n’avait pas démontré qu’elle se trouvait dans l'impossibilité de trouver un travailleur correspondant aux exigences du poste sur le marché local ou européen, après avoir entrepris toutes les recherches utiles pouvant être exigées d'elle.

En l’absence du respect de l’ordre de priorité de l'art. 21 al. 1 LEI, qui constitue une condition légale cumulative à d’autres (art. 18 let. c cum 21 al. 1 LEI) en vue de l’octroi d’une autorisation de séjour avec activité lucrative, la décision de l’OCIRT est conforme au droit.

Il est encore relevé que les arguments tirés de la CEDH et de la CDE ne sont pas pertinents, la famille du recourant n’étant pas séparée et les droits de ses enfants n’étant pas touchés par la décision attaquée. Par ailleurs, la liberté économique ne confère aucun droit à une autorisation de séjour.

Enfin, les termes parfois peu amènes utilisés par les recourants à l’égard de l’OCIRT et du TAPI seront mis sur le compte de leur déconvenue subie du fait du rejet de la demande et du recours.

En tous points infondés, le recours devant la chambre de céans sera rejeté.

4) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge solidaire des recourants, qui ne se verront pas allouer d’indemnité de procédure (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 janvier 2022 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 décembre 2021 ;

au fond :

le rejette ;

rejette, en tant qu’il est recevable, le recours formé le 21 janvier 2022 par Monsieur B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 décembre 2021

met un émolument de CHF 400.- à la charge solidaire de Monsieur B______ et A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnitré de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ et Monsieur B______, à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastianelli

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le la greffière :

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.