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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4953/2017

ATA/269/2019 du 19.03.2019 ( NAT ) , ADMIS

Recours TF déposé le 13.05.2019, rendu le 10.03.2020, IRRECEVABLE, 1D_4/2019
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4953/2017-NAT ATA/269/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 mars 2019

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Yves Rausis, avocat

contre

CONSEIL D’ÉTAT



EN FAIT

1. Le 23 août 2008, M. A______, né en ______ 1995 et ressortissant du Kazakhstan, est arrivé sur le territoire genevois en provenance dudit pays, afin d’y accomplir des études.

2. Depuis cette date, il a été scolarisé au B______, et il a obtenu le
1er juin 2013 le baccalauréat de cet établissement.

3. Le 7 juillet 2017, après une année d’études à la C______, puis à l’issue d’une formation commencée en septembre 2014, il a reçu un bachelor en gestion d’entreprise (« Bachelor of Business Administration ») de l’D______.

4. Le 11 septembre 2017, il a entamé un master en gestion d’entreprise, avec spécialisation en vente et marketing, auprès du même établissement, pour une durée prévue jusqu’en 2018, comme confirmé par une attestation d’une assistante de l’école du 14 décembre 2017, le décrivant comme « un étudiant sérieux, appliqué, qui [s’était] toujours montré plaisant, ouvert aux autres et amical envers ses pairs comme ses professeurs et les membres de l’administration ».

5. Le 31 juillet 2017, son autorisation de séjour pour études est arrivée à échéance.

6. Parallèlement, par requête déposée le 20 juin 2017 auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), secteur naturalisations, M. A______ a sollicité l’octroi de la nationalité suisse et genevoise.

À teneur du questionnaire relatif à la procédure de naturalisation ordinaire rempli par l’intéressé le 16 février 2017, celui-ci répondait positivement à la question de savoir s’il avait occupé les services de police ou fait l’objet de condamnations pénales en Suisse ou à l’étranger dans les dix dernières années, l’infraction commise consistant en une « violation circulation routière » ayant donné lieu à une condamnation le 24 août 2016.

Figuraient en outre d’autres documents, notamment un extrait du registre des poursuites établi le 20 juin 2017 et indiquant que l’intéressé ne faisait l’objet d’aucune poursuite ou acte de défaut de biens auprès de l’office des poursuites de Genève, une attestation de l’administration fiscale cantonale du 23 mai 2017 certifiant qu’il s’était acquitté de l’intégralité de la taxe personnelle, une « attestation du test de validation des connaissances d’histoire, de géographie et des institutions suisses et genevoises (procédure de naturalisation ordinaire) » du 28 septembre 2016 attestant qu’il avait passé avec succès ledit test, avec
quarante-deux réponses correctes sur quarante-cinq, et une attestation de connaissance de la langue française (niveau A2 du Portfolio européen) du
13 septembre 2016.

7. Le 7 août 2017, un rapport d’enquête confidentiel a été établi par un enquêteur du secteur naturalisations, préavisant défavorablement la requête de naturalisation et proposant une « décision de mise en suspens », avec en-dessous les mentions « titre de séjour échu » et « inscription au casier judiciaire ».

Concernant le statut légal, M. A______ était alors au bénéfice d’une autorisation de séjour, échue au 31 juillet 2017. Son titre de séjour était en production auprès de l’OCPM, depuis le 14 août 2017. Le candidat n’avait pas formulé sa demande de renouvellement dans les délais. À sa décharge, il n’avait reçu que trop tardivement l’attestation de son établissement d’études pour la période 2017-2018.

Au plan familial, l’intéressé vivait avec son frère, né en 1999. Ses parents vivaient au Kazakhstan. C’était grâce à eux qu’il pourvoyait à ses besoins.

Comme le montrait un extrait de son casier judiciaire, M. A______ avait été condamné le 9 août 2016, par ordonnance pénale du Ministère public du canton de Genève notifiée le 24 août suivant, à une peine pécuniaire de trente-cinq jours-amende à CHF 100.- le jour, avec sursis et délai d’épreuve pendant trois ans, ainsi qu’à une amende de CHF 700.-, pour conduite en état d’ébriété avec un taux d’alcool qualifié (art. 91 al. 2 let. a de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 - LCR - RS 741.01), de même qu’à une amende de CHF 660.- pour violation simple des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR), et il avait fait l’objet d’une détention préventive durant un jour.

Pour le surplus, « rien ne [semblait] venir porter atteinte à la réputation actuelle du candidat », dont les devoirs étaient respectés et qui se voyait attribuer par l’enquêteur la qualification « suffisant » pour l’« évaluation du réseau d’amitié », le « sens civique », les « activités liées à des associations, sociétés sportives, culturelles », la « participation à la vie locale », les « intérêts manifestés pour le pays d’accueil » et les « connaissances générales de la Suisse ».

Concernant les intérêts manifestés pour le pays d’accueil, il était noté que le candidat percevait relativement bien les sensibilités genevoises et que l’enquêteur avait pu aborder avec lui un certain nombre de sujets ou domaines liés à Genève et à la Suisse, démontrant des réels intérêts. La motivation de sa demande de naturalisation était résumée ainsi : « Je souhaite continuer à vivre ici pour une longue durée et pouvoir voter ».

8. Par arrêté du 22 novembre 2017, le Conseil d’État a refusé la naturalisation genevoise à M. A______.

Celui-ci, actuellement au bénéfice d’une autorisation de séjour strictement temporaire pour études échue depuis le 31 juillet 2017, qui séjournait en Suisse du 23 août 2008 jusqu’à ce jour, n’avait pas convaincu les autorités de sa bonne intégration dans la communauté suisse et genevoise.

Ce constat était corroboré par sa condamnation du 9 août 2016, pour les faits survenus le « 7 mai 2017 ». Était citée l’ordonnance pénale précitée. À teneur de celle-ci, il était reproché à l’intéressé d’avoir, à Genève, le 7 mai 2016 vers 2h00, conduit un véhicule automobile en état d’ébriété, étant précisé que la prise de sang effectuée sur sa personne avait révélé un taux minimal d’alcool dans le sang de 1,01 ‰, ainsi que d’avoir, dans les circonstances précitées, alors qu’il bifurquait sur une rue, perdu la maîtrise de sa voiture, frôlant ainsi les véhicules stationnés correctement sur les cases prévues à cet effet, manœuvre observée par deux policiers qui patrouillaient dans le secteur. Auditionné le jour même par la police, le prévenu avait partiellement reconnu les faits qui lui étaient reprochés, admettant la consommation de trois shots de vodka avant de prendre le volant, ajoutant que dans un virage, il avait senti l’arrière de sa voiture qui glissait mais n’en avait pas perdu le contrôle, et affirmant qu’il circulait au maximum à 40 km/h. Les motivations du prévenu, dont les dénégations partielles n’emportaient pas conviction au vu des constatations des forces de l’ordre, relevaient de la pure désinvolture vis-à-vis des règles instaurées par la LCR et de la sécurité d’autrui.

De l’avis du Conseil d’État, la nature des faits relevés permettait de penser qu’une remédiation n’était pas possible dans un délai raisonnable et que la question du passé pénal constituait une question de fond. M. A______ n’avait manifestement pas réussi à démontrer qu’il avait, avec le canton de Genève, des attaches suffisantes qui témoignaient de son adaptation au mode de vie genevois, respectait les lois et était suffisamment intégré dans la communauté genevoise.

9. Par acte expédié le 15 décembre 2017 au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative),
M. A______ a formé recours contre cet arrêté, concluant, « avec suite de frais et dépens », à ce que ladite chambre, à la forme, ordonne la production de tous documents ou moyens de preuve propres à prouver la réalité des faits invoqués et enjoigne à l’intimé de communiquer au recourant les moyens de preuve relatifs à l’allégation de conduite en état d’ébriété le 7 mai 2017, au fond, principalement annule l’arrêté attaqué et renvoie la cause au secteur naturalisations de l’OCPM afin que la procédure suive son cours, subsidiairement enjoigne au Conseil d’État de prononcer la suspension de la procédure pour une durée de trois ans, plus subsidiairement renvoie la cause à l’intimé pour nouvelle décision au sens des considérants.

Il contestait avoir, en mai 2017, récidivé comme cela ressortait de la décision litigieuse. Il y avait donc une constatation inexacte des faits pertinents.

Il n’avait pas eu la possibilité d’exercer son droit d’être entendu avant la prise de la décision querellée. En effet, s’il avait effectivement été auditionné par le secteur naturalisations qui avait établi le rapport d’enquête le concernant et émis une proposition tendant à la suspension du dossier, il n’avait pas été en mesure de se déterminer et de faire valoir son point de vue sur le refus de la naturalisation qui avait été décidé par le Conseil d’État et qu’il n’avait raisonnablement pas pu anticiper. Une réparation de ce vice n’était pas admissible, en raison de l’existence d’une seule instance de recours.

Il n’entendait d’aucune façon relativiser la gravité de la violation de la LCR. Néanmoins, la commission de cette infraction unique, dont il avait assumé la pleine responsabilité et qui avait donné lieu à une prise de conscience importante de sa part, ne démontrait pas un réel mépris à l’égard de l’ordre juridique suisse et ne remettait pas en cause un contexte général d’intégration réussie. Son attachement et son intégration à la Suisse s’exprimaient, entre autres, par les activités sportives dans lesquelles il s’était grandement investi, à l’échelon communal, ayant été notamment un membre actif du Football Club de la commune de Versoix pendant trois ans, comme le montraient des photographies de son équipe, et ayant, dans ce cadre, pris part à des voyages et toutes sortes d’activités culturelles et sportives organisées en Suisse. Partant, l’appréciation du Conseil d’État excluant une intégration réussie était insoutenable. En outre, le passé pénal d’un candidat ne faisait pas, en lui-même, obstacle à une naturalisation de manière définitive, mais devait être apprécié selon les circonstances propres au cas d’espèce. Le principe de la proportionnalité imposait à tout le moins la suspension de la procédure de naturalisation.

Il était suffisant qu’il ait été au bénéfice d’un statut de séjour valable au moment du dépôt de sa demande de naturalisation.

10. Le 11 janvier 2018, le recourant a produit un extrait de son casier judiciaire établi le 20 décembre 2017 et mentionnant uniquement la condamnation pénale précitée.

11. Dans sa réponse du 28 février 2018, le Conseil d’État, soit pour lui le secrétariat général du département compétent pour les naturalisations, a conclu au rejet du recours.

La mention du 7 mai 2017, et non 2016, pour l’infraction pénale, résultait d’une erreur de plume, aucune récidive n’étant invoquée par l’intimé.

Le dossier complet du recourant étant à sa disposition, sur demande, lors de l’instruction par l’intimé, il ne pouvait pas être reproché à celui-ci une violation du droit d’être entendu.

Le recourant, dont l’autorisation de séjour pour études était échue depuis le 31 juillet 2017, ne disposait manifestement pas d’un permis valable.

Selon les anciennes directives applicables du secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM), en prenant en compte le délai d’épreuve de trois ans et le délai de carence de six mois, la condamnation pénale ne ferait plus obstacle à la naturalisation à compter du 23 février 2020.

12. Dans sa réplique du 27 avril 2018, M. A______ a persisté dans ses conclusions et griefs.

Comme le montrait le paiement par ses soins le 3 avril 2018 de la prolongation de son autorisation de séjour, celle-ci avait en réalité été prolongée par l’OCPM et devait lui parvenir dans les prochains jours. Au demeurant, il avait déposé, au mois d’août 2017 déjà, une demande de prolongation de son autorisation de séjour, et il avait transmis à ladite autorité, par courriel du
10 octobre 2017, des documents demandés le 11 septembre 2017 par celle-ci.

Concernant le droit d’être entendu, à la lecture du dossier communiqué par l’intimé, ledit dossier ne contenait aucun élément, en-dehors de la décision entreprise, à même de permettre au recourant, pour le cas où il aurait consulté son dossier avant le prononcé de l’arrêté litigieux, de déterminer la teneur dudit arrêté. Au contraire, compte tenu des pièces au dossier, en particulier le rapport d’enquête, il pouvait légitimement s’attendre, en tant que scénario le moins favorable, à une mise en suspens de sa demande de naturalisation, et non à un refus définitif.

13. Sur question de la chambre administrative du 31 janvier 2019, l’OCPM a, le 12 février 2019, indiqué que M. A______ avait été titulaire d’une autorisation de séjour temporaire pour études valable jusqu’au 30 novembre 2018. L’intéressé en avait sollicité le renouvellement le 26 novembre 2018, demande actuellement en cours d’instruction.

À teneur d’une attestation du 22 novembre 2018 de l’D______, M. A______ était inscrit dans le double programme de master en gestion d’entreprise, option vente et marketing (MBA-SM) et master en gestion d’entreprise (MBA). Il avait commencé ses cours le 11 septembre 2017 et terminerait son programme d’études en juillet 2019.

14. En réponse à la même question de la chambre administrative,
M. A______ a, les 18 février et 5 mars 2019, fait état de ce que l’autorisation de séjour valable jusqu’au 30 novembre 2018 avait été émise le 3 avril 2018, que l’OCPM avait, par décision du 12 février 2019, donné une réponse positive à sa demande de renouvellement et que le SEM l’avait informé de son approbation par courriel du 5 mars 2019.

15. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

16. Pour le surplus, les arguments des parties seront, en tant que de besoin, repris dans la partie en droit ci-après.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Aux termes de l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a) ; pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). À teneur de l’al. 2, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi.

3. Le droit d’être entendu, garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance, de se déterminer à leur propos (arrêts du Tribunal fédéral 1C_588/2014 du 22 juin 2015 consid. 2.1 ; 8C_269/2013 du 25 février 2014 consid. 5.2) et d’obtenir qu’il soit donné suite à leurs offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre
(ATF 140 I 285 consid. 6.3.1). En tant que droit de participation, le droit d’être entendu englobe donc tous les droits qui doivent être attribués à une partie pour qu’elle puisse faire valoir efficacement son point de vue dans une procédure
(ATF 136 I 265 consid. 3.2). L’étendue du droit de s’exprimer ne peut pas être déterminée de manière générale, mais doit être définie au regard des intérêts concrètement en jeu. L’idée maîtresse est qu’il faut permettre à une partie de pouvoir mettre en évidence son point de vue de manière efficace (ATF 111 Ia 273 consid. 2b ; 105 Ia 193 consid. 2b/cc).

4. En l’occurrence, le recourant fait valoir qu’il n’aurait pas été invité à s’exprimer avant le refus de l’intimé qu’il ne pouvait, selon lui, pas anticiper. En revanche, il ne soutient pas qu’il n’aurait pas eu connaissance d’éléments que le Conseil d’État a pris en considération dans son arrêté litigieux, ni ne conteste avoir eu – ou à tout le moins pu avoir – connaissance, avant le prononcé de cette décision, du fait que ladite autorité disposait des informations – condamnation pénale et problématique de l’autorisation de séjour échue – qui ont conduit pour l’essentiel au refus de sa naturalisation, étant au surplus précisé que ces éléments relèvent de conditions indiquées dans la législation et que l’art. 12 let. LNat est reproduit en première page du « questionnaire relatif à la procédure de naturalisation ordinaire » qu’il a rempli. Par ailleurs, vu le préavis défavorable de l’enquêteur, un refus du Conseil d’État, au lieu d’une suspension, ne pouvait raisonnablement pas être exclu par l’intéressé.

Concernant le fond, et non la forme, la question est de savoir si, par les motifs invoqués à l’appui de sa décision de refus, le Conseil d’État a respecté le cadre de son pouvoir d’appréciation.

Le grief de violation du droit d’être entendu est en conséquence écarté.

5. Concernant la datation par l’arrêté querellé de sa prise du volant de sa voiture le 7 mai 2017, et non 2016, rien ne permet de penser qu’il pourrait ne pas s’agir d’une simple erreur de plume sans conséquence.

Contrairement à ce que prétend l’intéressé, on ne voit pas en quoi cette erreur, qui n’a eu aucune incidence sur la décision prise par l’intimé, illustrerait, en tant que telle, un manque de précision de la part de celui-ci et remettrait en cause l’exhaustivité de l’examen de sa demande de naturalisation ainsi que de l’ensemble de sa situation personnelle. Il n’y a donc pas eu, pour ce motif, constatation inexacte des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. b LPA).

Ce grief est, partant, écarté et rend en outre sans objet les conclusions « à la forme » du recourant tendant à la production de moyens de preuve par l’intimé.

6. a. En vertu de l’art. 38 Cst., la Confédération règle l’acquisition et la perte de la nationalité et des droits de cité par filiation, par mariage ou par adoption. Elle règle également la perte de la nationalité suisse pour d’autres motifs ainsi que la réintégration dans cette dernière (al. 1). Elle édicte des dispositions minimales sur la naturalisation des étrangers par les cantons et octroie l’autorisation de naturalisation (al. 2). Elle facilite la naturalisation des étrangers de la troisième génération et des enfants apatrides (al. 3).

b. Selon l’art. 50 de la loi fédérale sur l’acquisition et la perte de la nationalité suisse du 29 septembre 1952 (LN - RS 141.0), entrée en vigueur le 1er janvier 2018, l’acquisition et la perte de la nationalité suisse sont régies par le droit en vigueur au moment où le fait déterminant s’est produit (al. 1). Les demandes déposées avant l’entrée en vigueur de ladite loi sont traitées conformément aux dispositions de l’ancien droit jusqu’à ce qu’une décision soit rendue (al. 2).

c. La demande de naturalisation de l’intéressé ayant été déposée le 20 juin 2017, soit avant l’entrée en vigueur de cette loi, elle doit être traitée en application de l’ancienne loi fédérale sur l’acquisition et la perte de la nationalité suisse du 29 septembre 1952 (aLN - RS 141.0).

Conformément à l’art. 12 aLN, dans la procédure ordinaire de naturalisation, la nationalité suisse s’acquiert par la naturalisation dans un canton et une commune (al. 1). La naturalisation n’est valable que si une autorisation fédérale a été accordée par l’office compétent (al. 2).

Aux termes de l’art. 14 aLN traitant de l’« aptitude », avant l’octroi de l’autorisation, on s’assurera de l’aptitude du requérant à la naturalisation. On examinera en particulier si le requérant : s’est intégré dans la communauté suisse (let. a) ; s’est accoutumé au mode de vie et aux usages suisses (let. b) ; se conforme à l’ordre juridique suisse (let. c) ; ne compromet pas la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse (let. d).

S’agissant des « conditions de résidence », l’art. 15 aLN dispose que l’étranger ne peut demander l’autorisation que s’il a résidé en Suisse pendant douze ans, dont trois au cours des cinq années qui précèdent la requête (al. 1). Dans le calcul des douze ans de résidence, le temps que le requérant a passé en Suisse entre dix et vingt ans révolus compte double (al. 2).

d. Les conditions de la naturalisation ordinaire d’une personne sont définies à titre d’exigences minimales par l’aLN, de sorte que les cantons sont compétents pour fixer les conditions de la naturalisation dans la mesure où ils peuvent définir des exigences concrètes en matière de résidence et d’aptitude (ATF 139 I 169 consid. 6.3 ; ATF 138 I 242 consid. 5.3), lesquelles peuvent être plus restrictives, dans le respect toutefois des droits fondamentaux (art. 35 Cst. ; ATA/313/2015 du 31 mars 2015 consid. 4c ; ATA/571/2014 du 29 juillet 2014 consid. 4c, et les références citées).

À teneur de l’art. 11 de la loi sur la nationalité genevoise du 13 mars 1992 (LNat - A 4 05), dans sa version en vigueur au jour du dépôt de la demande de naturalisation (art. 57 LNat, par analogie), soit au 20 juin 2017, l’étranger qui remplit les conditions du droit fédéral peut demander la nationalité genevoise s’il a résidé deux ans dans le canton d’une manière effective, dont les douze mois précédant l’introduction de sa demande (al. 1). Il peut présenter une demande de naturalisation quel que soit le titre de séjour dont il bénéficie (al. 2). Il doit en outre résider effectivement en Suisse et être au bénéfice d’un titre de séjour valable pendant toute la durée de la procédure. Le Conseil d’État détermine les cas dans lesquels des exceptions à l’exigence du titre de séjour valable peuvent être admises (al. 3, dans sa version entrée en vigueur le 18 mai 2013 et valable jusqu’au 4 avril 2018). Il doit s’acquitter de l’émolument prévu à l’art. 22 de la loi (al. 4).

Pour ce qui est des « aptitudes », l’art. 12 LNat prescrit que le candidat étranger doit remplir les conditions suivantes : avoir avec le canton des attaches qui témoignent de son adaptation au mode de vie genevois (let. a) ; ne pas avoir été l’objet d’une ou de plusieurs condamnations révélant un réel mépris de nos lois (let. b) ; jouir d’une bonne réputation (let. c) ; avoir une situation permettant de subvenir à ses besoins et à ceux des membres de sa famille dont il a la charge (let. d) ; ne pas être, par sa faute ou par abus, à la charge des organismes responsables de l’assistance publique (let. e) ; s’être intégré dans la communauté genevoise, et respecter les droits fondamentaux garantis par la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00 ; let. f).

e. S’agissant de la procédure cantonale, aux termes de la LNat, l’étranger adresse sa demande de naturalisation au Conseil d’État (art. 13 al. 1). Le Conseil d’État délègue au département chargé d’appliquer la LNat la compétence de procéder à une enquête sur la personnalité du candidat et sur celle des membres de sa famille ; il s’assure notamment que les conditions fixées à l’art. 12 LNat sont remplies (art. 14 al. 1). L’étranger âgé de moins de 25 ans – ce qui est le cas du recourant – doit obtenir, sous forme de préavis, le consentement du conseil administratif ou du maire de la commune qu’il a choisie. En cas de préavis négatif, celui-ci est motivé (art. 15). Concernant la décision du Conseil d’État, dans tous les cas, celui-ci examine le préavis du Conseil administratif ou du maire. Il statue par arrêté ; sa décision, communiquée également à la commune concernée, est motivée en cas de refus (art. 18 al. 1). Il peut suspendre sa décision si l’étranger entend présenter une nouvelle requête conformément à l’art. 17 LNat – lequel a été abrogé au 1er janvier 2009 – (art. 18 al. 2). S’il admet la demande d’un étranger, âgé de moins de 25 ans, qui satisfait aux conditions légales, sa décision est définitive (art. 18 al. 3).

En application de l’art. 11 du règlement d’application de la loi sur la nationalité genevoise du 15 juillet 1992 (RNat - A 4 05.01), après le dépôt d’une requête de naturalisation suisse et genevoise qui doit être signée et accompagnée de plusieurs documents (al. 1 à 5) parmi lesquels « un extrait du casier judiciaire central, datant de moins de trois mois, ne comportant aucune condamnation révélant un réel mépris de nos lois » (al. 1 let. e), la procédure est engagée si : la durée du séjour répond aux normes fédérales et cantonales (let. a) ; tous les documents requis sont présentés (let. b) ; le candidat est au bénéfice d’un titre de séjour valable (let. c) ; le séjour en Suisse du candidat n’a pas subi d’interruption de fait de plus de six mois (let. d ; al. 6). Le candidat accomplissant des études doit les effectuer sur le territoire de la Confédération (al. 7). Le candidat doit être au bénéfice d’un titre de séjour valable pendant toute la durée de la procédure, sous réserve du cas où la décision de renouvellement a été prise mais que le titre de séjour n’a pas encore été produit et délivré (al. 8). Aux termes de l’art. 13 RNat intitulé « procédure », le département procède à l’enquête prescrite par la loi
(al. 1). Si le préavis cantonal est favorable, le département adresse le rapport d’enquête, à titre confidentiel : a) à l’autorité fédérale ; b) au Conseil administratif ou au maire de la commune choisie : 1° si le candidat est âgé de moins de 25 ans, le dossier est traité par le Conseil administratif ou le maire (al. 2). La procédure peut être suspendue à l’échéance du titre de séjour ou d’établissement jusqu’à son renouvellement (al. 5). La procédure peut être suspendue par le département jusqu’à amélioration notoire des carences constatées lors de l’enquête (al. 6). Si le préavis cantonal est défavorable et si une remédiation n’est pas possible dans un délai raisonnable, le Conseil d’État statue conformément à l’art. 21 RNat (al. 7). Selon l’art. 15 RNat, une enquête est conduite sur la personnalité du candidat et les membres de sa famille par un enquêteur assermenté du département ou par un enquêteur communal assermenté (al. 1). L’enquête constate les aptitudes du candidat à se faire naturaliser (al. 2). À teneur de l’art. 17 RNat, le Conseil administratif ou le maire retourne le rapport d’enquête au département avec son préavis et en informe le candidat. En vertu de l’art. 21 RNat, le Conseil d’État examine les requêtes en naturalisation suisse et genevoise qui lui sont soumises par le département (al. 1). Le Conseil d’État statue par arrêté (al. 2).

f. À la suite notamment de l’ATA/65/2012 du 31 janvier 2012,
l’art. 11 al. 3 LNat a été modifié pour la période du 18 mai 2013 – date de l’entrée en vigueur de la modification – au 4 avril 2018, afin de donner une base légale formelle à la règle selon laquelle le candidat à la naturalisation genevoise doit être en principe au bénéfice d'un titre de séjour valable pendant toute la durée de la procédure, faute de quoi l'instruction de la procédure de naturalisation doit être suspendue (MGC 2012-2013/I A 736). Durant les débats qui ont amené à ladite modification, en réponse à un commissaire qui relevait que des inégalités de traitement avaient eu lieu par le passé à l’OCPM dans les cas de renouvellement de permis, l’un des représentants du gouvernement cantonal a remarqué que la disposition d’exception visait justement à éviter ce problème : le Conseil d’État avait pris des mesures pour régler ces inégalités afin que ces périodes intermédiaires soient prises en compte (MGC 2012-2013/VI A 6229).

g. La procédure fédérale relative à l’autorisation fédérale de naturalisation est caractérisée par la grande liberté d’appréciation dont jouit le SEM (arrêt du TAF C-7590/2014 du 28 septembre 2015 consid. 4.3.1), ce qui vaut aussi pour l’autorité cantonale compétente, à tout le moins concernant la naturalisation ordinaire (Dieyla SOW/Pascal MAHON, in Cesla AMARELLE/Minh Son NGUYEN [éd.], Code annoté de droit des migrations, volume V : Loi sur la nationalité [LN], 2014, n. 6 ss ad art. 14 aLN ; Céline GUTZWILLER, Droit de la nationalité et fédéralisme en Suisse, 2008, n. 539 et 549). Il n’existe pas, en particulier, de droit à l’octroi de l’autorisation fédérale, quand bien même le candidat à la naturalisation remplirait apparemment toutes les conditions légales (arrêt du TAF C-7590/2014 précité consid. 4.3.1 ; Céline GUTZWILLER,
op. cit., n. 549).

h. La notion de « condamnations révélant un réel mépris des lois », telle qu’elle ressort des art. 12 let. b LNat et 11 al. 1 let. e RNat, est une notion juridique indéterminée, laquelle exige une appréciation de la part de l’autorité qui ne sera limitée que par l’excès ou l’abus de pouvoir. L’interprétation d’une notion juridique indéterminée est une question de droit et doit ainsi faire l’objet d’un examen au fond par l’autorité chargée de rendre la décision (ATA/351/2017 du
28 mars 2017 consid. 6c et la référence citée). Ainsi, la problématique du passé pénal du requérant constitue une question de fond à examiner au moment où le Conseil d’État décide d’accorder, ou non, la naturalisation du candidat, plutôt qu’une question de procédure commandant une suspension au sens de l’art. 13
al. 6 RNat (ATA/351/2017 précité consid. 6c ; ATA/313/2015 précité consid. 5).

i. Concernant le critère d’aptitude de conformité à l’ordre juridique suisse
(art. 14 let. c aLN), le SEM a établi le « Manuel Nationalité pour les demandes jusqu’au 31.12.2017 » (ci-après : Manuel ; consultable sur internet à l’adresse « https://www.sem.admin.ch/sem/fr/home/publiservice/weisungen-kreisschreiben/ buergerrecht.html »), qui est applicable ratione temporis en conformité avec
l’art. 50 LN et dont la chambre de céans, bien qu’elle n’y soit pas liée, peut tenir compte au titre de l’expression d’une pratique (ATF 133 V 346 consid. 5.4.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_286/2013 du 21 mai 2013 consid. 2.3 ; 2C_800/2008 du 12 juin 2009 consid. 5.2 ; ATA/1360/2018 du 18 décembre 2018 consid. 5b). En cas de condamnation à une peine privative de liberté avec sursis, à une peine pécuniaire avec sursis ou à une obligation d’exécuter un travail d’intérêt général assortie d’un sursis, il convient d’attendre la fin du délai d’épreuve et d’un délai supplémentaire d’une durée de six mois. Il convient d’informer le requérant qu’il ne pourra être entré en matière sur sa demande de naturalisation qu’au terme du délai d’épreuve et du délai supplémentaire de six mois. En présence d’une peine privative de liberté allant jusqu’à deux semaines, d’une peine pécuniaire de quatorze jours-amende et/ou d’un travail d’intérêt commun de 56 heures au maximum (un jour-amende correspondant à 4 heures), avec sursis dont le délai d’épreuve n’est pas arrivé à échéance et qui sanctionne un délit de conduite d’ordre général ou un délit dû à une négligence (par exemple lésion corporelle par négligence, incendie par négligence/absence de préméditation, à savoir que l’auteur a commis une imprudence fautive en omettant les conséquences de son acte), il est possible de délivrer une autorisation fédérale de naturalisation ou d’octroyer une naturalisation facilitée avant l’échéance du délai d’épreuve (et du délai supplémentaire de six mois). Pour des peines légèrement plus élevées ou lorsqu’il ne s’agit pas d’un manquement unique, la possibilité de la délivrance d’une telle autorisation dépend d’un examen de la situation dans son ensemble. Il faut toutefois dans tous les cas que toutes les autres conditions de naturalisation soient parfaitement réunies et qu’il soit tenu compte de la situation générale (Manuel, chapitre 4, ch. 4.7.3.1 let. c, p. 36 s.).

j. Dans un cas où le recourant s’était rendu coupable de violation des règles de la circulation et de conduite en état d’ébriété qualifiée et avait été condamné le
19 mai 2010 pour cette raison à une peine pécuniaire de vingt-quatre
jours-amende, avec sursis pendant deux ans, ainsi qu’à une amende de
CHF 1’000.-, condamnation actuellement entrée en force, le Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF) a rappelé que, selon la pratique du SEM, la délivrance de l’autorisation sollicitée ne pourrait pas intervenir avant le
19 novembre 2012, soit six mois après l’expiration du délai d’épreuve le 19 mai 2012 et pour autant qu’aucune autre infraction ne soit commise dans ce délai. Certes, cette condamnation ne s’écartait que de dix jours-amende du « seuil de tolérance » découlant de la pratique du SEM. On ne saurait pour autant reprocher à l’autorité inférieure d’avoir abusé de son pouvoir d’appréciation en refusant de délivrer l’autorisation fédérale de naturalisation, cela d’autant moins que l’intéressé avait déjà subi, le 22 mai 2003, une première condamnation pénale de cinq jours d’emprisonnement, pour une infraction similaire. En conduisant en état d’ébriété qualifiée (plus de 1 ‰), le recourant avait immanquablement pris le risque de porter atteinte à la sécurité routière. À cet égard, il était rappelé que les dispositions pénales de la LCR avaient pour objectif d’éviter la survenance d’accidents et donc de protéger la vie et l’intégrité corporelle d’autrui. Par ailleurs, le comportement de l’intéressé avait été qualifié de « faute grave » par le service de la circulation routière du canton de domicile, lequel avait proposé le
1er février 2010 de prononcer contre l’intéressé, à titre de mesure administrative, un retrait du permis de conduire d’une durée de cinq mois. Or, si l’on se référait à la jurisprudence en la matière, il ne pouvait en principe être renoncé au retrait du permis de conduire que s’il s’agissait d’un « cas de peu de gravité au sens de
l’art. 16 al. 2 2ème phr. LCR » (arrêt du TAF C-2642/2011 du 19 septembre 2012 consid. 6).

7. En l’espèce, l’intéressé n’a pas disposé d’un permis de séjour valable depuis le 31 juillet 2017, et ce jusqu’au 2 avril 2018, étant précisé qu’il a admis n’avoir formulé sa demande de renouvellement qu’après l’échéance du 31 juillet 2017, au mois d’août 2017. Du 3 avril au 30 novembre 2018, il a été titulaire d’une autorisation de séjour pour études, dont il a sollicité le renouvellement quelques jours avant cette échéance, le 26 novembre 2018. Son autorisation de séjour est sur le point d’être renouvelée, vu l’approbation du SEM.

Ainsi, comme l’intimé l’a fait valoir, le recourant n’a pas été formellement titulaire d’autorisations de séjour durant toute la procédure de naturalisation, sans que cette situation corresponde précisément à l’exception fixée au principe de l’ancien art. 11 al. 3 LNat par le Conseil d’État à l’art. 11 al. 8 RNat, vu l’absence de décision de renouvellement durant les deux périodes d’absence de validité d’une autorisation de séjour.

On ne saurait toutefois en déduire qu’il aurait, matériellement, séjourné en Suisse durant ces deux périodes sans autorisation de la part des autorités suisses, vu le renouvellement des autorisations de séjour et l’absence d’indications par l’OCPM selon lesquelles l’intéressé aurait durant lesdites périodes séjourné illégalement en Suisse ou y aurait seulement été toléré, avec un statut précaire. En outre, ne sont pas intervenues des modifications de circonstances pertinentes qui auraient sérieusement remis en cause la probabilité de l’octroi des renouvellements ou changé la nature des autorisations de séjour octroyées. Enfin, le fait que l’intéressé a sollicité le renouvellement de ses autorisations pour études après l’échéance du 31 juillet 2017 a été considéré en partie excusable par l’enquêteur du secteur naturalisations. La situation du recourant se distingue donc de celle traitée par l’un des arrêts du Tribunal fédéral invoqués par le Conseil d’État, qui tranchait un cas dans lequel l’étranger n’avait jamais bénéficié d’un permis de séjour et dont la présence n’avait été que tolérée jusqu'à droit connu sur l'issue des nombreuses procédures de recours qu'il avait formées pour s'opposer à son renvoi ordonné dans plusieurs décisions (arrêt du Tribunal fédéral 2A.403/2004 du 16 juillet 2004 consid. 4).

Dans les circonstances particulières du présent cas, l’absence de titularité d’un titre de séjour valable pendant deux périodes tout au long de la procédure de naturalisation ne saurait en tant que telle conduire à une décision de refus de la naturalisation genevoise.

8. a. La condamnation pénale dont le recourant a fait l’objet le 9 août 2016 présente, tant dans sa quotité que dans ses motifs, des similitudes avec celle qui a donné lieu à l’arrêt du TAF C-2642/2011 précité. Les faits qui ont conduit à la condamnation pénale du 9 août 2016 ne sont pas d’une faible gravité et montrent un taux d’alcool considéré comme qualifié par l’art. 2 let. a de l’ordonnance de l’Assemblée fédérale concernant les taux limites d’alcool admis en matière de circulation routière du 15 juin 2012 (RS 741.13), à laquelle renvoie
l’art. 55 al. 6 LCR, ayant causé à un certain moment une perte de maîtrise du véhicule, dont on ne peut pas exclure qu’elle aurait pu avoir le cas échéant des conséquences graves pour la sécurité des usagers et des biens matériels. Un tel taux constitue, au plan administratif, une infraction grave qui mène au retrait du permis de conduire pour trois mois au minimum, conformément à
l’art. 16c al. 1 let. b et al. 2 let. a LCR.

Cela étant, la peine pécuniaire de trente-cinq jours-amende n’est pas nettement plus élevée que celle fixée à quatorze jours-amende par le Manuel, mais peut être considérée comme « légèrement plus élevée ». En outre, et à la différence de l’arrêt du TAF précité, l’intéressé n’a commis aucune infraction pénale autre que celle, isolée, qui est en cause, et, au demeurant, il était, au moment de sa commission, beaucoup plus jeune que les recourants concernés par l’arrêt du TAF précité.

b. Ainsi, il convient de prendre en compte, sous l’angle notamment du principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 et 36 al. 2 et 3 Cst.), la situation de l’intéressé considérée dans son ensemble, dont dépend la possibilité d’une naturalisation conformément au Manuel.

Parmi les circonstances à considérer dans leur ensemble devrait notamment être pris en compte le fait que le recourant était relativement jeune – 21 ans – à l’époque de la commission de l’infraction, il y a bientôt trois ans, dont il n’a pas contesté la gravité et qui a donné lieu, selon ses allégations, à une prise de conscience importante de sa part. Par ailleurs, il vit dans le canton de Genève depuis un peu plus de dix ans, après avoir été scolarisé jusqu’à l’âge de 13 ans dans son pays d’origine, dont il parle la langue.

Au regard de ce qui précède, l’octroi d’une naturalisation ne peut en l’état pas être exclu.

c. Pour le surplus, le rapport d’enquête indique que l’intéressé remplirait les critères d’aptitude prévus par la loi autres que ceux visés par les art. 14 let. c et d aLN et 12 let. b LNat.

d. En définitive, le Conseil d’État – qui a statué dans le cadre de l’application des art. 13 al. 7 et 21 RNat et donc sans préavis du Conseil administratif ou du maire de la commune choisie – a mésusé de son pouvoir d’appréciation en refusant la naturalisation genevoise au recourant au seul motif de la commission par le recourant de l’infraction susmentionnée.

Le recours sera en conséquence admis, l’arrêté querellé annulé et la cause renvoyée au Conseil d’État afin qu’il examine la situation de l’intéressé considérée dans son ensemble, en ne donnant pas à la condamnation pénale plus de poids que celui indiqué dans le présent arrêt, ainsi que les autres critères d’aptitude – ou conditions – pour la naturalisation, puis rende une nouvelle décision, au fond ou éventuellement de suspension, le cas échéant après préavis du Conseil administratif ou du maire de la commune choisie.

9. Vu l’issue du litige, et la procédure de recours étant au surplus gratuite pour les décisions en matière de naturalisation (art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986
- RFPA - E 5 10.03), aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de CHF 1'500.- sera allouée au recourant (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 décembre 2017 par M. A______ contre l’arrêté du Conseil d’État du 22 novembre 2017 ;

au fond :

l’admet ;

annule l’arrêté du Conseil d’État du 22 novembre 2017 ;

renvoie la cause au Conseil d’État, au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à M. A______, à la charge de l’État de Genève ;

dit que conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours constitutionnel subsidiaire ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Yves Rausis, avocat du recourant, au Conseil d’État, ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Thélin, Mme Krauskopf,
MM. Pagan et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :