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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3453/2016

ATA/351/2017 du 28.03.2017 ( NAT ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : ACQUISITION DE LA NATIONALITÉ ; NATURALISATION ; EXCÈS ET ABUS DU POUVOIR D'APPRÉCIATION ; POUVOIR D'APPRÉCIATION ; NOTION JURIDIQUE INDÉTERMINÉE
Normes : Cst.29.al2; Cst.38; LN.12; LN.14; LN.15; LNat.1.al1; LNat.12; LNat.14; RNat.1; RNat.11. RNat.15; RNat.13 ; RNat 14.al.6 ; RNat 21
Résumé : Il n'appartenait pas à l'OCPM de décider si la condamnation du recourant pour violation de la législation sur la circulation routière devait être considérée comme révélant, ou non, un réel mépris des lois. Cette interprétation relève d'une question de fond dont l'examen est du ressort du Conseil d'État, lequel est chargé de statuer sur les demandes de naturalisation des candidats étrangers. Recours partiellement admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3453/2016-NAT ATA/351/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 mars 2017

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Jérôme Picot, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 



EN FAIT

1. Monsieur A______ est né le ______ 1958 à Hurungwe au Zimbabwe, pays dont il est originaire.

2. Selon le registre de l'office cantonal de la population et des migrations
(ci-après : OCPM), M. A______ est arrivé seul à Genève le 22 mars 2004. Tant l'OCPM que M. A______ indiquent toutefois dans leurs écritures qu'il serait arrivé à Genève en 2002.

3. Depuis le 15 janvier 2006, M. A______ est domicilié au B______ à Versoix. Il y réside avec sa compagne, Madame C______, née le ______1963 à Harare au Zimbabwe.

M. A______ est employé par l'Organisation des Nations Unies en tant que fonctionnaire international, en qualité d'économiste en développement auprès du Centre de commerce international.

4. Le 16 août 2016, M. A______ a formé une demande de naturalisation ordinaire suisse et genevoise auprès de l'OCPM.

5. Par décision du 5 septembre 2016, le secteur naturalisation de l'OCPM a refusé d'entrer en matière sur la requête de naturalisation ordinaire précitée.

M. A______ avait été condamné le 4 août 2015 par le Ministère public genevois à une peine pécuniaire de trente jours-amende et à une amende de CHF 750.-, avec sursis et délai d'épreuve de trois ans, pour violation grave des règles de la circulation routière. L'ordonnance était entrée en force le
18 septembre 2015. Il n'avait ainsi pas pu produire un extrait de casier judiciaire ne comportant aucune condamnation. Sans fait nouveau, cette condamnation apparaîtrait dans l'extrait de casier judiciaire destiné aux particuliers jusqu'au
16 août 2018. Pour cette raison, il ne se conformait pas à l'ordre juridique suisse et faisait actuellement l'objet, selon l'extrait du casier judiciaire qu'il avait produit, d'une condamnation révélant un réel mépris de la législation sur la circulation routière, s'agissant qui plus est d'une condamnation pour violation grave. Il ne remplissait ainsi pas l’ensemble des conditions requises pour la naturalisation ni l'ensemble des prérequis exigés par la règlementation pour le dépôt d'un dossier.

Sans nouvelle condamnation, son dossier ne serait recevable qu'à compter du 16 février 2019, soit après la fin de son délai d'épreuve augmenté d'un délai supplémentaire de six mois.

6. Par acte du 11 octobre 2016, posté le 12 octobre 2016, M. A______ a interjeté un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice
(ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée en concluant préalablement à l'ouverture d'enquêtes et à l'octroi d'un délai pour le dépôt d'une liste de témoins, et principalement à l’annulation de la décision attaquée et à ce qu'il soit ordonné à l'OCPM d'accepter sa demande de naturalisation ordinaire, le tout « sous suite de frais et dépens ».

Résidant légalement dans le canton depuis 2002, il remplissait les conditions objectives de naturalisation suisse et genevoise. Il remplissait également les conditions subjectives de naturalisation, s'agissant notamment de son intégration à Genève. S'agissant de sa condamnation pénale, elle ne consistait qu'en une infraction de faible gravité, soit un excès de vitesse. L'OCPM ne s'était référé qu'à la peine infligée et n'avait pas pris en compte les circonstances du cas d'espèce, soit le fait qu'en raison d'une insoutenable douleur à l'estomac, il avait décidé d'accélérer pour se rendre le plus vite possible à son domicile afin de soulager cette souffrance. Auparavant, il n'avait jamais fait l'objet d'une quelconque peine. Le refus d'entrer en matière sur sa demande de naturalisation pour le seul motif qu'il avait violé une règle de circulation routière était disproportionné.

Étaient jointes plusieurs pièces, soit notamment son extrait de casier judiciaire.

7. Le 20 octobre 2016, le département de la sécurité et de l'économie
(ci-après : DSE ou le département) a transmis, sur demande du juge délégué, le numéro de recommandé relatif à sa décision du 5 septembre 2016. Était également jointe la preuve de la distribution à la Poste de ladite décision le 12 septembre 2016.

8. Dans ses observations du 9 novembre 2016, le DSE a conclu au rejet du recours.

M. A______ n'avait pas pu produire un extrait de casier judiciaire ne comportant aucune condamnation. En prenant le risque de circuler à 96 km/h sur une route limitée à 60 km/h sous prétexte d'avoir ressenti une soudaine douleur à l'estomac, il avait pris des risques inconsidérés et non justifiés par un état de nécessité, et avait ainsi démontré un réel mépris de la législation sur la circulation routière. C'était ainsi à juste titre que l'OCPM avait refusé d'entrer en matière sur sa requête de naturalisation ordinaire, tout en l'informant que son dossier ne serait recevable qu'à partir du 16 février 2019.

9. Le 9 décembre 2016, M. A______ a persisté dans son recours.

L'infraction qu'il avait commise ne présentait qu'un écart de conduite mineur et ne suffisait pas à mettre en doute son respect pour l'ordre juridique suisse. Il avait été contraint d'agir de la sorte pour des raisons liées à sa santé. L'OCPM n'avait pas tenu compte de sa situation dans son ensemble. Il avait pourtant une réputation morale, économique et pénale irréprochable, contrairement aux allégations de l'OCPM.

10. Par courrier du 13 décembre 2016, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

11. Par courrier du 21 mars 2017, répondant à une demande du juge délégué, le DSE a indiqué qu'il n'était pas en mesure de produire la requête déposée le 16 août 2016 par M. A______, celle-ci lui ayant été retournée accompagnée de ses annexes en raison du refus de l'OCPM d'entrer en matière sur cette demande. Il n'était ainsi pas en mesure de garantir que l'intéressé avait produit l'entier des annexes requises, soit le formulaire fédéral et l'ensemble des annexes devant être produites avec le formulaire cantonal.

Parmi les pièces produites à l'appui du recours, il manquait, hormis un extrait de casier judiciaire vierge, l'attestation de réussite du test de validation des connaissances d'histoire, de géographie et des institutions suisses et genevoises, délivrée à l'intéressé le 16 mars 2016 et que l’intimé remettait en annexe à son courrier.

12. Par courrier du 23 mars 2017, les parties ont été informées que la cause restait gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le recourant conclut préalablement à l'audition de témoins permettant d'attester de son excellente intégration en Suisse et à Genève.

a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit, pour le justiciable, d’obtenir l’administration des preuves pertinentes et valablement offertes, de participer à l’administration des preuves essentielles et de se déterminer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 137 II 266
consid. 3.2 ; 135 II 286 consid. 5.1). Cette garantie n’empêche toutefois pas l’autorité de mettre un terme à l’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu’elles ne pourraient l’amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_13/2016 du 18 avril 2016 consid. 2.1).

b. En l’espèce, les mesures d’instruction complémentaires sollicitées par le recourant n’apparaissent pas nécessaires au vu de l'issue du litige.

3. a. La nationalité suisse s’acquiert par la naturalisation dans un canton et une commune (art. 12 al. 1 de la loi fédérale sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse du 29 septembre 1952 - LN - RS 141.0). Elle implique pour le candidat l’obtention d’une autorisation fédérale de naturalisation délivrée par le secrétariat d’État aux migrations (ci-après SEM ; art. 12 al. 2 LN) et l’octroi de la naturalisation cantonale et communale par les autorités cantonales et communales, en fonction des conditions et des règles de procédure déterminées par la législation du canton concerné (art. 15a al. 1 LN).

b. Les conditions de la naturalisation sont énoncées aux art. 14 (conditions d’aptitude, matérielles) et 15 (conditions de résidence, formelles) LN. Aux termes de l’art. 14 LN, pour obtenir la nationalité suisse, l’étranger doit en particulier s’être intégré dans la communauté suisse (let. a), s’être accoutumé au mode de vie et aux usages suisses (let. b), se conformer à l’ordre juridique suisse (let. c) et ne pas compromettre la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse (let. d).

L’étranger ne peut demander l’autorisation de naturalisation que s’il a résidé en Suisse pendant douze ans, dont trois au cours des cinq années qui précèdent la requête (art. 15 al. 1 LN).

4. a. À Genève, le candidat à la naturalisation doit remplir les conditions fixées par le droit fédéral (art. 1 al. 1 let. b de la loi sur la nationalité genevoise du 13 mars 1992 - LNat - A 4 05), en particulier celles des art. 12 à 15 LN, mais également celles prévues par la législation cantonale.

Selon l’art. 12 LNat, il doit ainsi remplir les conditions d’aptitude, soit avoir avec le canton des attaches qui témoignent de son adaptation au mode de vie genevois (let. a), ne pas avoir été l’objet d’une ou de plusieurs condamnations révélant un réel mépris des lois (let. b), jouir d’une bonne réputation (let. c), avoir une situation permettant de subvenir à ses besoins et à ceux des membres de sa famille dont il a la charge (let. d), ne pas être, par sa faute ou par abus, à la charge des organismes responsables de l’assistance publique (let. e), s’être intégré dans la communauté genevoise et respecter les droits fondamentaux garantis par la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012
(Cst-GE - A 2 00 ; let. f).

Conformément à l'art. 14 LNat, le Conseil d’État délègue au département chargé d’appliquer la présente loi la compétence de procéder à une enquête sur la personnalité du candidat et sur celle des membres de sa famille; il s’assure notamment que les conditions fixées à l’article 12 LNat sont remplies (al. 1). Il peut déléguer cette tâche à la commune dans laquelle la demande de naturalisation est présentée si celle-ci le souhaite (al. 2). Il peut déclarer irrecevable une requête lorsque le candidat ne prête pas le concours nécessaire que l’on peut attendre de lui (al. 7).

À teneur de l'art. 1 du Règlement d’application de la loi sur la nationalité genevoise du 15 juillet 1992 (A 4 05 01 - RNat), le DSE est chargé de l'application de la LNat (al. 1). Il délègue cette tâche au service cantonal des naturalisations, sous réserve des attributions conférées au service état civil et légalisations (al. 2).

b. En application de l'art. 11 al. 1 RNat, le candidat étranger présente la requête signée en naturalisation suisse et genevoise, qui doit obligatoirement être accompagnée des documents suivants : un acte tiré du registre de l'état civil suisse datant de moins de 6 mois (let. a) ; une photographie (let. b) ; une attestation de l'administration fiscale, datant de moins de trois mois, certifiant qu'il a intégralement acquitté ses impôts (let. c) ; une attestation de l'office des poursuites, datant de moins de trois mois, certifiant qu'il n'a fait l'objet d'aucune poursuite en force ni acte de défaut de biens dans les cinq ans (let. d) ; un extrait du casier judiciaire central, datant de moins de trois mois, ne comportant aucune condamnation révélant un réel mépris de nos lois (let. e) ; une attestation de connaissance orale de la langue nationale, correspondant à un niveau équivalent ou supérieur au niveau A2 (intermédiaire) du Cadre européen commun de référence pour les langues, publié par le Conseil de l'Europe; la maîtrise du français est exigée pour la naturalisation ordinaire (let. f) ; une attestation de réussite du test de validation des connaissances d'histoire, de géographie et des institutions suisses et genevoises (let. g).

Conformément à l'art. 11 al. 6 RNat, la procédure est engagée si la durée du séjour répond aux normes fédérales et cantonales (let. a) ; tous les documents requis sont présentés (let. b) ; le candidat est au bénéfice d'un titre de séjour valable (let. c) ; le séjour en Suisse du candidat n’a pas subi d’interruption de fait de plus de six mois (let. d).

c. Une enquête est alors conduite sur la personnalité du candidat et les membres de sa famille par un enquêteur assermenté du département ou par un enquêteur communal assermenté (art. 15 al. 1 RNat). L’enquête constate les aptitudes du candidat à se faire naturaliser (art. 15 al. 2 RNat).

Si le préavis cantonal est favorable, le département adresse le rapport d’enquête, à titre confidentiel, à l'autorité fédérale (art. 13 al. 2 let. a RNat) et, si le candidat est âgé de plus de 25 ans, au Conseil administratif ou au maire de la commune choisie qui transmet le dossier au Conseil municipal (art. 13 al. 2 let. b ch. 2 RNat). Si le préavis cantonal est défavorable et si une remédiation n'est pas possible dans un délai raisonnable, le Conseil d'État statue conformément à l'article 21 RNat (art. 13 al. 7 RNat).

La procédure peut être suspendue par le département jusqu'à amélioration notoire des carences constatées lors de l'enquête (art. 13 al. 6 RNat).

d. Une procédure est classée, soit à la demande du candidat, soit par décision du département, si la requête est déclarée irrecevable ou si elle a été suspendue pendant plus de trois ans (art. 14 al. 1 RNat).

Le Conseil d'État peut également déclarer irrecevable une requête lorsque le candidat ne prête pas le concours nécessaire que l'on peut attendre de lui
(art. 14 al. 7 LNat).

e. Le Conseil d’État examine les requêtes en naturalisation suisse et genevoise qui lui sont soumises par le département (art. 21 al. 1 RNat). Il statue par arrêté (art. 21 al. 2 RNat).

f. Le candidat étranger ne doit en principe pas avoir d’infraction pénale à son actif. Si tel est toutefois le cas, son casier judiciaire ne doit comporter aucune inscription significative (Céline GUTZWILLER, Droit de la nationalité suisse : acquisition, perte et perspectives, 2016, p. 30).

5. L'administration dispose d'un pouvoir d'appréciation, lorsque la loi lui laisse une certaine marge de manœuvre, à savoir lorsque l'autorité chargée d'appliquer la loi a le choix entre plusieurs solutions qui sont toutes conformes au droit. On dira qu'en exerçant celui-ci l'autorité statue « en opportunité » (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 166, n. 500).

Une liberté d'appréciation peut être conférée à l'administration lorsque la loi indique qu'elle statue « librement » ou lorsqu'elle prévoit que l'autorité « peut » prendre une mesure. Il y a également une liberté d'appréciation lorsque la loi laisse le choix à l'administration entre plusieurs solutions. Par ailleurs, même lorsque la loi n'ouvre pas de choix explicite, il reste une liberté de celui qui doit l'interpréter, surtout lorsque la norme à appliquer comporte des notions juridiques indéterminées. Cette liberté se manifeste, d'une part, dans le sens qui peut être donné à la norme et, d'autre part, dans l'évaluation et la qualification des faits auxquels la norme doit s'appliquer. L'autorité dispose ainsi souvent d'une latitude de jugement dans l'interprétation de la norme et dans la qualification des faits pertinents. Elle jouit dès lors d’une marge de manœuvre relativement importante (Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 167-168, n. 506-507).

6. a. En l'espèce, l'OCPM a refusé d'entrer en matière sur la requête de naturalisation ordinaire du recourant, estimant que les conditions des
art. 14 let. c LN, 12 let. b LNat et 11 al. 1 let. e RNat n'étaient pas remplies. Ce faisant, la requête de M. A______ n'a pas fait l'objet d'une enquête et n'a ainsi pas été soumise au Conseil d'État pour décision.

b. À teneur de la décision litigieuse, il a été retenu que M. A______ n'avait « pas produit un extrait de casier judiciaire ne comportant aucune condamnation ».

Il ressort du formulaire nommé « demande de naturalisation suisse et genevoise », accessible sur le site internet de l'OCPM (http://ge.ch/ population/ media/siteofficielpopulation/files/imce/Formulaires/formulaire_jaune_specimen.pdf [visité le 22 mars 2017]), que le candidat à la naturalisation doit notamment joindre à sa requête un extrait de casier judiciaire vierge datant de moins de six mois.

À teneur toutefois de l'art. 11 al. 1 let. e RNat, le candidat étranger doit produire un extrait du casier judiciaire, datant de moins de trois mois, ne « comportant aucune condamnation révélant un réel mépris des lois », et non un extrait de casier judiciaire vierge.

c. L'OCPM a mentionné, dans la décision litigieuse, que la condamnation du 4 août 2015 de M. A______ révélait un réel mépris de la législation sur la circulation routière et que l'intéressé ne remplissait ainsi pas en l'état les conditions de la naturalisation.

La notion de « condamnations révélant un réel mépris des lois », telle qu'elle ressort des art. 12 let. b LNat et 11 al. 1 let. e RNat, est une notion juridique indéterminée, laquelle exige une appréciation de la part de l'autorité qui ne sera limitée que par l’excès ou l’abus de pouvoir. L'interprétation d'une notion juridique indéterminée est une question de droit (Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 168, n. 508) et doit ainsi faire l'objet d'un examen au fond par l'autorité chargée de rendre la décision.

Dans une affaire liée à la décision de l'OCPM de suspendre une demande de naturalisation d'un requérant dont le dossier comportait des carences, la chambre administrative avait eu l'occasion de juger que la problématique du passé pénal du requérant constituait une question de fond à examiner au moment où le Conseil d'État décidait d'accorder, ou non, la naturalisation du candidat, plutôt qu'une question de procédure commandant une suspension au sens de l'art. 13 al. 6 RNat (ATA/313/2015 du 31 mars 2015, consid. 5).

Dès lors, il n'appartenait pas à l'OCPM de décider si la condamnation du recourant pour violation de la législation sur la circulation routière devait être considérée comme révélant, ou non, un réel mépris des lois. Cette interprétation relève d'une question de fond dont l'examen est du ressort du Conseil d'État, lequel est chargé de statuer sur les demandes de naturalisation des candidats étrangers. Dans la mesure où le recourant avait effectivement transmis un extrait de casier judiciaire, et pour autant que les autres conditions énumérées à
l'art. 11 al. 6 RNat relatives à l'admission de la requête en naturalisation soient remplies, l'OCPM aurait dû entrer en matière sur la demande de l'intéressé.

7. Compte tenu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis.

La décision de l'OCPM du 5 septembre 2016 sera annulée et le dossier sera retourné à ce dernier afin qu'il invite le recourant à lui retourner à nouveau tous les documents utiles à l'examen de sa demande de naturalisation, puis qu'il examine si les conditions relatives à l'admission de la requête (art. 11 al. 6 LNat) sont remplies.

8. Aucun émolument ne sera mis à la charge du recourant, la procédure étant gratuite (art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l’issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 1’000.- lui sera par ailleurs allouée, à la charge de l'État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 octobre 2016 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 5 septembre 2016 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule la décision de l’office cantonal de la population et des migrations du 5 septembre 2016 ;

renvoie le dossier à l’office cantonal de la population et des migrations pour qu’il procède dans le sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue à Monsieur A______, à la charge de l'État de Genève, une indemnité de procédure de CHF 1’000.- ;

dit que conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours constitutionnel subsidiaire ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jérôme Picot, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Junod, M. Dumartheray, Mme Payot
Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :