Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2771/2008

ATA/259/2009 du 19.05.2009 ( DCTI ) , ADMIS

Parties : LA COMMUNE DE VERSOIX / SIMONIN SA POUR MADAME ET MONSIEUR ELISABETH ET GEORGES MONNIER, ZIMMERMANN Marianne, DEPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION, COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2771/2008-DCTI ATA/259/2009

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 19 mai 2009

2ème section

dans la cause

COMMUNE DE VERSOIX
représentée par Me Pascal Pétroz, avocat

contre

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE

ADMINISTRATIVE

et

Madame Marianne ZIMMERMANN
et

Madame Elisabeth et Monsieur Georges MONNIER

représentés par Me Jacques Roulet, avocat

et

DÉPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE

L'INFORMATION

 


EN FAIT

1. Le 18 octobre 2007, la commune de Versoix (ci-après : la commune) a sollicité du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement devenu depuis lors le département des constructions et des technologies de l'information (ci-après : DCTI), en procédure accélérée, l'autorisation d'installer deux conteneurs enterrés pour déchetterie à l'angle de la rue de l'Industrie et de la rue des Moulins, sur les parcelles nos 6307 et 6342, feuille 29, appartenant au domaine communal.

La parcelle no 6307 située à la rue de l'Industrie, était en grande partie en zone 4B de développement 3, pour le reste en zone 4B protégée. La parcelle no 6342 à la rue des Moulins était pour l'essentiel en zone 4B protégée, le solde étant en zone 4B de développement 3.

2. Au cours de l'instruction, le DCTI a recueilli notamment les préavis suivants  :

- Le service cantonal de protection contre le bruit et les rayonnements non ionisants (ci-après : SPBR) a transmis un préavis favorable le 2 novembre 2007. Les nuisances sonores de 10 dB(A) engendrées par ce type de conteneurs étaient inférieures à celles des conteneurs ordinaires ce qui constituait une mesure préventive de limitation des émissions au sens de l'art. 11 de la loi fédérale sur la protection de l'environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01). Les véhicules devant vider les conteneurs ne devaient toutefois pas intervenir à des heures trop matinales.

- La commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) en a fait de même le 6 novembre 2007, sous réserve d'une finition plus appropriée à l'esthétique du village, en évitant une couleur bleu vif. L'intervention projetée était modeste, puisqu'elle permettait de maintenir l'arbre. La CMNS relevait l'absence de qualités patrimoniales du périmètre environnant.

- L'office cantonal de la mobilité (ci-après : OCM) a également transmis un préavis favorable le 1er décembre 2007. La visibilité au débouché de la rue des Moulins et de la rue de l’Industrie devait toutefois être préservée.

- La police du feu du DCTI et le service du domaine de l'eau du département du territoire, ont déclarés ne pas être concernés par le projet.

3. Le 1er février 2008, le DCTI a octroyé à la commune l'autorisation sollicitée (APA 28921-7), décision publiée dans la Feuille d'avis officielle (ci-après : FAO) du 6 février 2008.

4. Par courrier du 13 février 2008, adressé à la police des constructions puis transmis pour raison de compétence, à la commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après  : la commission) remplacée par la commission cantonale de recours en matière administrative depuis le 1er janvier 2009 (ci-après  : CCRA), Madame Marianne Zimmermann, propriétaire de la boutique Tamara, sise 25 rue des Moulins, s'est opposée "à la pose de ces deux conteneurs devant la vitrine de son magasin".

Leur présence générerait des nuisances graves, car la vitrine principale de son magasin ferait face à ces installations. Or, elle subissait déjà les nuisances des conteneurs "verre, pet, alu., papier, habits" implantés derrière le bureau de son magasin de l’autre côté du canal de la Versoix, qui engendraient un problème continu de saleté. De fait, le projet de la commune conduirait à encercler son arcade d'un mobilier urbain des plus déplaisants.

5. Par acte déposé le 20 février 2008 à la commission, la régie Jean Simonin SA, gérante de l'immeuble situé à la rue des Moulins 23-25, a également recouru contre cette autorisation pour le compte des propriétaires de la parcelle sise à cette adresse, soit Madame Elisabeth et Monsieur Georges Monnier.

Cet immeuble était constitué de deux appartements et trois commerces dont deux se trouvaient au rez-de-chaussée. L'exploitant d'un des commerces, craignant de subir un préjudice du fait des abords peu avenants du bâtiment, envisageait de résilier son bail si d'autres conteneurs devaient être installés devant ses vitrines, en sus de ceux de tri se trouvant déjà à l'arrière de l'immeuble et qui causaient de graves nuisances olfactives, sonores et esthétiques. Le revenu locatif des deux commerces représentait plus de 68% de l'état locatif global de l'immeuble et cette installation nouvelle engendrerait une détérioration de la qualité locative de celui-ci ainsi qu' un grave préjudice financier.

6. Le 8 mai 2008, la commission a entendu les parties lors d’une audience de comparution personnelle.

Selon les représentants de la commune, l'emplacement retenu était l'un des rares dont le sous-sol n'était pas traversé par des canalisations.

Pour Mme Zimmermann et les époux Monnier, il existait des endroits préférables à celui choisi qui se trouvait, respectivement, devant leur vitrine et l’entrée de leur immeuble.

De son côté, le DCTI a maintenu sa position.

7. Par décision du 16 juin 2008, la commission a admis les recours, après avoir ordonné leur jonction, et annulé l'autorisation de construire du 1er février 2008. L'installation projetée était source d'inconvénients graves au sens de l’art. 14 de la loi sur les installations et les constructions diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) d'une part, en raison de la proximité des conteneurs litigieux avec les immeubles immédiatement voisins et en particulier des arcades commerciales, et d'autre part, eu égard à la destination de ces conteneurs, telle que requise et avalisée par le DCTI, puisque l'un d’entre-eux devait servir à la récupérations de poubelles ménagères. Les mêmes bâtiments et les mêmes personnes subissaient d'ores et déjà les nuisances générées par un point de récupération de déchets existant, situé à l'arrière de l'immeuble, à quelques mètres de la façade. Or, l’installation de nouveaux conteneurs à ordures ménagères à proximité de commerces ou d'habitations était susceptible de provoquer de nouvelles nuisances olfactives insoutenables sans compter les risques de dépôts sauvages autour des nouvelles installations. Pour ces raisons, on ne saurait exiger de la part des recourants qu'ils supportent d’être "ceinturés" de déchetteries.

8. Le 28 juillet 2008, la commune a interjeté recours auprès du Tribunal administratif contre la décision de la commission, concluant à l’annulation de celle-ci et à la confirmation de l'autorisation de construire APA 28291-7.

Le règlement communal relatif à la gestion des déchets (ci-après : règlement) avait été révisé en octobre 2004, dans le but d'obliger les propriétaires et locataires de villas ou de maisons individuelles d'habitation à s'équiper de conteneurs. Les sacs à poubelles étaient éventrés par des animaux ou des vandales, répandant sur la chaussée des ordures ménagères. Depuis l'adoption de ce règlement, les maisons concernées par ces pillages avaient été équipées de conteneurs, de sorte que l'esthétique et la salubrité des lieux avaient été améliorées.

Le secteur du Bourg demeurait cependant sous-équipé. Constitué du Bourg (la place du Bourg, la ruelle des Boucheries et, en partie, la rue des Moulins et la rue des Dissidents), de la Rampe de la Gare nos 1 à 7 et des maisons mitoyennes situées à la route de Suisse nos 68 à 83, ce quartier souffrait d'un amoncellement régulier de sacs à ordures ménagères sur la chaussée. L'exiguïté de certaines rues, en particulier de celle des Moulins, rendait leur accès difficile aux camions de la voirie. Pour palier cette situation, la mise en place de cinq conteneurs de 800 litres en surface était nécessaire, mais elle avait pour conséquence un encombrement trop important du domaine public et était incompatible avec l'harmonie urbanistique des lieux. La commune avait ainsi opté pour des conteneurs enterrés en raison de leur discrétion, de leur encombrement limité sur le domaine public pour un volume utile nettement supérieur et d'un risque moindre de vandalisme, tout en limitant les émissions d'odeurs nauséabondes.

Sur les trois emplacements retenus pour l'installation desdits conteneurs dans le secteur du Bourg, celui situé à l'intersection de la rue des Moulins et de la rue de l'Industrie était le plus adapté. Il ne nécessitait pas d'intervention sur le réseau électrique ou les canalisations. Le premier des deux autres avait été écarté, en raison de la dangerosité du trafic, car la vidange des contenants s'effectuerait trop près du carrefour de la rue de l'Industrie et de la route de Suisse. Quant au deuxième, il n'était pas compatible avec le projet de réaménagement des lieux ; en outre, deux tubes électriques devraient être déviés et une place de parc supprimée.

Sur le fond, la notion d'inconvénients graves de l’art. 14 LCI devait être interprétée restrictivement, cette norme ne visant pas au premier chef la protection des intérêts des voisins. Une telle installation constituait une mesure préventive de limitations des émissions sonores, conformément au droit fédéral (art. 11 LPE).

9. Un transport sur place s'est déroulé le 1er septembre 2008 au secteur du Bourg. Etaient présents outre les représentants de la commune et du département, Mme Zimmermann et son conseil qui représentait également les époux Monnier.

Le juge délégué a constaté que les deux conteneurs devaient être implantés à l’une des extrémités d’une petite place située devant l’immeuble de M. et Mme Monnier, face à la vitrine de la boutique Tamara, à quelques mètres de celle-ci. La placette avait une forme de triangle. Un arbre poussait en son milieu. Sur la partie située entre celui-ci et la chaussée étaient plantées deux bornes en métal. A l'arrière du bâtiment se trouvait un point de collecte de déchets récupérables situé sur la rue de la Chocolaterie, en un point jouxtant le canal qui desservait jadis les anciennes industries de Versoix. La seconde vitrine de la boutique donnait à sur ce point de collecte à l’arrière du magasin.

La commune projetait d'installer deux conteneurs en un point situé à cheval sur le trottoir et sur la rue des Moulins, afin de recueillir les déchets ménagers. Initialement, le projet prévoyait que l'un des deux conteneurs puisse être utilisé pour le papier, mais la commune avait décidé de les affecter tous deux à la récolte de déchets incinérables. Celle-ci avait pour objectif de supprimer toutes les poubelles en surface sur la rue des Moulins dans le quartier du Vieux-Bourg. Les nouveaux conteneurs enterrés prévus étaient d'un volume de 5 m3, surmontés d'une goulotte posée à même le sol d'une hauteur de 80 cm, avec une trappe dans laquelle seraient jetés les sacs poubelles. D'autres communes du canton s'étaient déjà équipées de telles bennes, et on en dénombrait un millier sur le territoire du canton. Il était prévu d'effectuer une levée par semaine. Cet endroit du village avait été choisi, car il n'était pas traversé de conduites, ce qui n'était pas le cas aux alentours. L'excavation n'irait pas au-delà des bornes placées devant l'arbre. La commune avait renoncé aux deux autres emplacements, car un réaménagement de la place était prévu. La commune voulait ainsi préserver un investissement futur dans la mesure où les installations pourraient être déplacées en fonction de la réalisation du projet.

Les représentants de la commune ont précisé qu'il n'était pas possible d'installer une déchetterie enterrée à l'arrière de l'immeuble en la regroupant avec les conteneurs déjà en place, dans la mesure où ceux-ci avaient été posés à cheval sur le canal souterrain et sur un emplacement au sous-sol traversé de tuyaux. Par ailleurs, le but était d'inciter les riverains à amener leurs déchets au point de collecte. Ce dernier ne devait pas être trop éloigné de la rue des Moulins.

Un autre projet visant à implanter des conteneurs enterrés était discuté avec la commune, mais il concernait un propriétaire privé et non un terrain communal.

Mme Zimmermann a déclaré craindre une augmentation des nuisances sonores et olfactives, liées à l'accumulation sauvage de déchets. Le point de collecte existant en générait déjà suffisamment. Des sacs étaient déposés aux alentours sans qu'ils ne soient ramassés. Les lieux servaient en outre d'urinoir.

Selon le représentant des services de la voirie, le point de collecte était nettoyé les lundis, mercredis, vendredis et dimanches par des employés communaux. Une fois par année, les conteneurs étaient lavés et désinfectés. Aucune doléance faisant état de saletés ne lui était parvenue. Les seules plaintes dont il avait eu connaissance étaient liées au bruit occasionné par des personnes ne respectant pas les heures de dépôt de verre. Mme Zimmermann a contesté cela en rappelant qu’elle s’était plainte.

10. Mme Zimmermann et les époux Monnier ont répondu conjointement au recours le 27 octobre 2008.

La décision de la commission devait être confirmée.

Le projet de la commune violait les art. 14 et 15 LCI. Les constructions litigieuses étaient la cause d'inconvénients graves pour les usagers, le voisinage ou le public et ne remplissaient pas les conditions de salubrité et de sécurité exigées par leur utilisation. La salubrité du quartier n'était pas assurée. L'ensemble du projet ne reposait pas sur une étude suffisamment complète. Il n'était en effet pas prouvé que tous les habitants de ce secteur amèneraient leurs déchets à ce point de collecte.

L'esthétique du paysage était sérieusement mise à mal par l'emplacement choisi. L'atteinte serait moindre si les conteneurs litigieux étaient installés à l'arrière de l'immeuble, regroupés avec le point de collecte existant. La loi sur la gestion des déchets du 20 mai 1999 (LGD - L 1 20) et son règlement d'application étaient également violés. Une unité de récupération de déchets devait être installée à un emplacement approprié, s'intégrer au paysage et être entretenue de manière adéquate par les communes, notamment en assurant leur propreté. Or, de ce point de vue, l'emplacement des deux conteneurs devant un bâtiment et des vitrines de commerce s'intégrait particulièrement mal. Aucune commune du canton n'avait fait de choix semblable, réservant à ses points de collecte des endroits isolés, souvent éloignés, voire cachés des habitations.

Le représentant de la commune n'avait d'ailleurs pu contredire le fait que l'arbre embellissant le trottoir serait supprimé. La fouille nécessaire engendrée par les travaux conduirait immanquablement à en couper les racines. L'emplacement retenu par la commune violait enfin l'art. 11 LPE qui imposait de limiter à titre préventif les émissions dans la mesure que permettaient l'état de la technique et les conditions d'exploitation pour autant que cela fût économiquement supportable.

Concernant le choix des emplacements, la commune n'avait pas démontré que d'autre lieu aussi adéquat ne pouvait être trouvé, comme à la rue des Boucheries, à l'angle de la rue de l'Industrie, le long du mur de la fabrique Favarger ou dans la ruelle à proximité de la rue des Moulins 10. Le point de collecte existant pouvait subsister comme site unique et recevoir les deux conteneurs enterrés d'ordures ménagères. Une telle construction ne serait nullement gênée par la présence du canal, contrairement aux allégations de la commune, et les conduites souterraines pourraient être légèrement déplacées. Le critère de la proximité du nouveau point de collecte avec les riverains n'était pas décisif, car de nombreux habitants du quartier du Bourg ne se déplaceraient pas jusqu'à l'endroit choisi pour entreposer les nouveaux conteneurs.

11. Le DCTI s'est déterminé le 27 octobre 2008. Il a fait siennes les conclusions de la commune. Le choix de l'emplacement pour les conteneurs échappait au pouvoir de cognition de la commission, qui ne pouvait revoir l'opportunité de la décision prise. L'installation, loin de constituer un inconvénient grave pour le voisinage, visait à remédier à un problème de salubrité et répondait ainsi à une nécessité pour le quartier.

12. La commune a répliqué le 2 décembre 2008. L'emplacement choisi pour l'installation des conteneurs enterrés était celui qui créerait les nuisances olfactives ou sonores les plus faibles et celui qui posait le moins de problèmes au regard de l'aménagement du territoire. Aucune canalisation ne passait à cet endroit ce qui permettait d’éviter de considérables frais d’études pour une déviation. Si cela s'avérait nécessaire, le ramassage des déchets pourrait s'effectuer plus souvent qu'une fois par semaine.

13. Les intimés ont dupliqué le 23 décembre 2008. En ne plaçant pas les conteneurs d'ordures ménagères au point de collecte existant, dérogeait la commune à l'art. 21 du règlement d’application de la loi sur la gestion des déchets du 28 juillet 1999 (RGD - L 1 20.01). La commune ne s'était pas prononcée sur la possibilité du maintien de l'arbre, dont la disparition était inévitable, dès lors qu'une fouille d'une profondeur de quelque 1,5 mètre détruirait la plupart des racines.

14. Le DCTI a renoncé à dupliquer.

15. Le 5 janvier 2009, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, par une partie à la procédure ayant débouché sur la décision querellée, le recours est recevable (art. 56A al. 1 et 2 de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 60 let. a et 63 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5.10).

2. a. L’art. 14 al. 1 LCI détermine les différents motifs pour lesquels l’autorité administrative peut refuser une autorisation de construire. C’est en particulier le cas lorsqu’une construction ou une installation peut être la cause d’un inconvénient grave pour les usagers, le voisinage ou le public (art. 14 al. 1 let. a LCI), lorsqu’elle ne remplit pas les conditions de sécurité et de salubrité qu’exige son exploitation ou son utilisation (art. 14 al. 1 let. b LCI) ou ne remplit pas des conditions de sécurité ou de salubrité suffisantes à l’égard des voisins ou du public (art. 14 al. 1 let. c LCI).

b. L’art. 14 LCI dont la juridiction de recours de première instance a retenu la violation appartient, de jurisprudence constante, aux normes destinées à sauvegarder les particularités de chaque zone en prohibant les inconvénients incompatibles avec le caractère d’une zone déterminée. Cette disposition légale ne vise pas au premier chef à protéger l’intérêt des voisins (ATA/127/2009 du 10 mars 2009 ; ATA/144/2005 du 15 mars 2005 et jurisprudence citée ; SJ 1992, p. 516  ). Elle n’a aucune portée propre dans le domaine régi par le droit fédéral comme la LPE. Elle garde une pertinence en matière d’inconvénients afférents à la circulation, au stationnement de véhicules, à la mise en danger de la zone piétonne ou du public (ATA/306/2008 du 10 juin 2008 et jurisprudence citée) aussi qu’en matière d’esthétique des constructions (ATA/233/2006 du 25 juin 2006), l’art. 15 LCI permettant par ailleurs d’interdire des constructions nuisant par leur aspect extérieur aux caractéristiques d’un quartier.

c. La notion d’inconvénients graves de l’art. 14 al. 1 LCI est une notion juridique indéterminée qui laisse à l’autorité une liberté d’appréciation et n’est limitée que par l’excès ou de l’abus de pouvoir (ATA/441/2006 du 31 août 2006 ; ATA B. du 24 juin 1992). Le Tribunal administratif peut revoir librement l’interprétation des notions juridiques indéterminées, mais contrôle sous le seul angle des limites précitées, l’exercice de la liberté d’appréciation de l’administration, en mettant l’accent sur le principe de proportionnalité en cas de refus malgré un préavis favorable, et sur le respect de l’intérêt public en cas d’octroi d’une autorisation. Il évite de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis, pour autant que l’autorité décisionnelle ait suivi ses préavis (ATA/619/2007 du 4 décembre 2007 ; ATA/105/2006 du 17 mars 2006).

3. Aux termes de l’art. 11 al. 2 LGD, la collecte, le transport et l’élimination des déchets sont des obligations des communes. Pour cela, elles doivent respecter le plan cantonal de gestion des déchets (art. 16 al. 1er RGD), organiser des infrastructures et la logistique des collectes sélectives de déchets ménagers, de manière à couvrir l’ensemble du territoire communal et à desservir toute la population. Elles doivent désigner les endroits où les propriétaires doivent placer les récipients à ordures provenant de leurs immeubles pour en permettre la levée (art. 18 al. 4 RGD). Selon l’art. 21 al. 1 RGD, elles doivent organiser des levées sélectives de déchets ménagers, triés à domicile, aux points de récupération aménagés par elles, lesquels doivent, dans la mesure du possible, s’intégrer au paysage (art. 21 al. 3 RGD).

4. a. Les habitants intimés ne remettent pas en question le principe de l’organisation d’un point de collecte des ordures ménagères incinérables destiné à stocker, avant leur levée, les déchets ménagers des habitations du secteur du Bourg qui ne peuvent être équipées de conteneurs. Ils considèrent, rejoints en cela par la commission qui se fonde sur son intime conviction, que l’installation souhaitée à l’emplacement choisi est source d’inconvénients graves pour les voisins.

b. Sous l’angle de l’art. 14 LCI, il convient d’examiner si par ses caractéristiques et son emplacement, l’installation envisagée est susceptible de générer des nuisances excédant pour les usagers, le voisinage ou le public, ce qui est généralement tolérable, ou des nuisances qui pourraient être évitées en adoptant une autre solution.

c. Il est indéniable que le stockage avant élimination des déchets ménagers incinérables est susceptible de constituer une source de nuisances. Que ceux-là soient déposés dans des conteneurs mobiles ou fixes, les risques sont de nature identique : olfactive, esthétique voire sanitaire. Les nuisances varient selon les conditions de stockage et le rythme d'enlèvement des ordures, mais celles-là sont acceptables lorsque ceux-ci sont effectués selon les règles de l'art. La réglementation sur la gestion des déchets met d'ailleurs l'accent sur les exigences de propreté (art. 18 al. 2, 21 al. 4 RGD).

En l’occurrence, les deux conteneurs permettent d’absorber le volume de déchets ménagers à traiter. Ils sont conçus pour le stockage de la quantité de déchets envisagée. Ils sont enterrés et pourvus d’un clapet qui permet de les fermer. Ces conteneurs seront installés sur la partie de la placette la plus éloignée du bâtiment jouxtant celle-ci et laissent un espace suffisant devant celui-ci et la vitrine du magasin. Au regard de l’art. 15 LCI et de clause d'esthétique, la CMNS n’a pas considéré que ce mobilier urbain posait un problème au regard des normes régissant la zone 4B protégée, eu égard aux faibles dimensions de la partie se situant en-dessus du sol. En outre, selon les représentants de cette commission, la présence de l'arbre ne sera pas touchée par l'implantation des conteneurs.

5. Les habitants intimés considèrent, sous l'angle de la subsidiarité, que le point de collecte pourrait être implanté en un autre endroit notamment en le rapprochant du point de récupération des déchets ménagers triés situé derrière l’immeuble. Au vu des explications techniques données, cette solution n’est cependant pas envisageable, compte tenu de l’existence d’un canal d’eau et de canalisations passant à cet endroit.

6. Ils considèrent encore que l'art. 21 al. 2 RGD interdit d'installer un point de récupération qui ne soit pas muni de plusieurs conteneurs permettant de récupérer de manière sélective les déchets ménagers triés à domicile. Ils en déduisent que cette disposition légale impose à la commune de regrouper les conteneurs projetés sur le site du point de récupération existant.

Ce faisant, ils omettent que le projet de la commune ne consiste pas à créer un nouveau point de récupération au sens de l'art. 21 LGD, mais de remplir ses obligation découlant de l'art. 18 LGD en matière de levée de déchets ménagers dans un quartier de Versoix dont l'accès est malaisé. L'art. 21 LGD ne s'applique pas au cas d'espèce et il ne peut être invoqué pour remettre en cause l’autorisation délivrée.

7. Ils font finalement valoir que l'autorisation délivrée, contreviendrait à l'art. 11 al. 2 LPE qui impose de limiter les sources de pollution et l'émission de nuisances, du fait des désagréments olfactifs et sonores que générerait l'exploitation des conteneurs.

Le but de la LPE est de protéger les hommes contre les atteintes nuisibles et incommodantes (art. 1 al. 1 LPE). Cette loi s'applique aux installations qui sont sources de pollution sonore ou olfactive (art. 7 LPE). Elle ne vise pas à les interdire, mais à en limiter les atteintes, en posant le principe de leur évaluation (art. 8 LPE) et des mesures appropriées dont elles doivent faire l’objet pour les prévenir.

En l'espèce, le SPBR a examiné la conformité de l'installation projetée avec la LPE et a rendu un préavis positif s'agissant des nuisances sonores. Quant aux nuisances olfactives que craignent les habitants, il n’apparaît pas que pour l'installation considérée, la LPE impose des normes plus contraignantes que la LGD. Ce grief sera également rejeté.

8. L’implantation et les caractéristiques des deux conteneurs litigieux étant conformes à la législation sur les déchets et n’étant pas susceptibles, dans des conditions d’exploitations adéquates, de créer des inconvénients graves pour le voisinage, tout en remplissant les exigences de sécurité et de salubrité requises ainsi que d’esthétique, il n’existe aucun motif qui puisse être tiré de l’art. 14 LCI ou d’une autre disposition légale, pour refuser leur mise en place, étant rappelé que le tribunal de céans ne peut revoir l'opportunité de la décision attaquée
(art. 61 al. 2 LPA).

Le recours sera donc admis et la décision prise le 16 juin 2008 par la commission annulée.

5. Un émolument de procédure à hauteur de CHF 500.- sera mis à la charge de Mme Zimmermann qui succombe. Un émolument du même montant sera mis à la charge des époux Monnier (art. 87 LPA).

6. Selon une jurisprudence constante du tribunal de céans, il n’est alloué aucune indemnité de procédure à une commune de plus de dix mille habitants, dans la mesure où elle est considérée comme une collectivité publique suffisamment importante pour disposer de son propre service juridique (ATA/191/2009 du 21 avril 2009  ; ATA/141/2009 du 24 mars 2009). La commune de Versoix comportant un tel nombre d’habitants, aucune indemnité de procédure ne lui sera accordée, bien qu’elle ait pris des conclusions en ce sens.

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 juillet 2008 par la commune de Versoix contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 16 juin 2008 ;

au fond :

l'admet ;

annule la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 16 juin 2008  ;

rétablit l’autorisation APA 28291-7 délivrée le 1er février 2008 par le département des constructions et des technologies de l’information  ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Madame Elisabeth et Monsieur Georges Monnier ainsi qu'un émolument de CHF 500.- à la charge de Madame Marianne Zimmermann ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pascal Pétroz, avocat de la commune de Versoix, à Me Jacques Roulet, avocat de Mme Zimmermann et de Mme Elisabeth et M. Georges Monnier, au département des constructions et des technologies de l’information, ainsi qu’à la commission cantonale de recours en matière administrative.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, Mme Hurni, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M Tonossi

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :