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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1235/2004

ATA/25/2005 du 18.01.2005 ( TPE ) , ADMIS

Descripteurs : AUTORISATION DE CONSTRUIRE; PERMIS DE CONSTRUIRE; CONSTRUCTION ET INSTALLATION; AMENAGEMENT DU TERRITOIRE; PLAN; PLAN D'AFFECTATION; PLAN LOCALISE DE QUARTIER; DEGRE DE SENSIBILITE; BRUIT; QUALITE POUR RECOURIR; QUALITE POUR AGIR; VOISIN; PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT; PROTECTION CONTRE LE BRUIT; PRINCIPE DE LA CONFIANCE; PRINCIPE DE LA BONNE FOI; COMPETENCE
Normes : CST.26; LAT.1 al.3; LAT.3 al.3 litt.b; LAT.4; LAT.14; LAT.21; LAT.25A al.4; LAT.33; LAT.35 al.1 litt.b; LAT.36; LPE.7; LPE.11; OPB.2 al.6 litt.a; OPB.43; OPB.44; LPA.11; LPA.47; LPA.68 al.1; LaLPE.4; LaLPE.5; LaLPE.15 al.3
Résumé : Autorisation de construire un immeuble de 7 niveaux comportant 27 logements subventionnés annulée par le TA aux motifs que l'ancien PLQ, datant de 1978, est caduc, faute d'avoir été approuvé par l'autorité compétente dans les délais prescrits par la LAT, et que la décision d'attribution du degré de sensibilité à la zone n'a pas été prise par l'autorité compétente. Qualité pour recourir des utilisateurs de la chapelle. Situation juridique des plans d'affectation adoptés avant l'entrée en vigueur de la LAT (1er janvier 1980). Attribution " cas par cas " (art. 43 al. 3 OPB) par l'autorité des degrés de sensibilité (DS) : compétence de l'autorité et procédure. Question de la conformité de l'article 2 al. 2 LGZD à la Cst et à la loi laissée ouverte en l'espèce.
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1235/2004-TPE ATA/25/2005

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 18 janvier 2005

dans la cause

 

Mme C. et M. J. A.

Mme M. E. et M. A. A. F. C.

Mme A. et M. C. D’A.

M. A. D. L.

Mme F. et M. M. D.

Mme D. et M. R. E.

M. K. K. G.

Mme M. et M. G. M.

Mme T. et M. C. M.

Mme A. et M. L. P.

M. Y. P.

Mme K. et M. S. P.

Mme S. et M. R. R.

Mme L. et M. A. S.

Mme S. S. R. et M. P. J. K.

Mme M. E. et M. R. S.

Mme D. et M. S. S.
représentés par Me Efstratios Sideris, avocat

 

 

contre

C. R. A.
représentée par Me J.-Pierre Carera, avocat

et

 

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIèRE DE CONSTRUCTIONS

 

et

département de l’aménagement, de l’équipement et du logemenT

 

 

 

 

 

 


1. La Confédération est propriétaire de la parcelle n° 10’480, feuille 60 du cadastre de la commune de Meyrin, à l’adresse 6, chemin Terroux.

2. Cette parcelle se trouve en zone de construction 5 (zone villa), développement 3.

3. Sur cette parcelle se trouvent une chapelle et une dépendance portant au cadastre de la commune de Meyrin les n° 3599 et n° 377.

4. La chapelle est utilisée quotidiennement comme lieu de culte et de catéchèse par plusieurs congrégations évangéliques.

5. Le 12 avril 1978, le Conseil d’Etat (ci-après: CE) a adopté un plan localisé de quartier (ci-après: PLQ), portant le n° 26'917, régissant le périmètre où se trouve sise la parcelle n° 10'480.

6. Ce plan prévoit l’édification de deux immeubles (A et B) sur 6 parcelles sises à cheval sur les communes de Meyrin et de Vernier. Sur le plan, le premier immeuble (bâtiment A) est situé à l’intersection de l’avenue Louis Casaï et du chemin Terroux, sur les parcelles n° 10'481, 10'482 et 10’483. Il comporte un rez, plus six étages, affectés à l’administration, au commerce et à l’hôtellerie. Le deuxième immeuble projeté (bâtiment B) se trouve au 6, chemin Terroux, sur les parcelles n° 10'480 , 13'901 et 13'899. Il comporte 7 niveaux, dont un rez-de-chaussée libre affecté à des activités et six étages affectés au logement. Entre ces deux bâtiments, le PLQ prévoit la construction d’un garage en sous-sol de 128 places sur deux niveaux, ainsi qu’un parking sur garage de 40 places. Enfin, il est prévu, autour de ce périmètre, sur trois côtés, une bande engazonnée et arborisée d’environ 10 mètres de large, et un parking d’une quinzaine de places sur le côté bordant l’avenue Louis Casaï.

7. Ce périmètre se trouve en bordure d’une grande zone de villas, situées en zone de construction 5, au nord, à l’est et au sud-est.

8. Le bâtiment A qui se trouve au bord de l’avenue Louis Casaï, a récemment fait l’objet d’une autorisation de construire, qui est entrée en force sans que les voies de recours n’aient été utilisées. Environ 7000 m2 de bureaux et commerces sont prévus. Il est projeté que le garage souterrain autorisé dans le cadre de cette construction serve également aux habitants du bâtiment B litigieux. La construction de ce bâtiment n’a pas encore débuté.

9. En date du 30 avril 2001, la C.R.A. a déposé, pour le compte de la Confédération, une demande d’autorisation portant sur la construction de la partie de l’immeuble B prévue sur la parcelle n° 10'480 (requête DD 97207-7). Le projet prévoyait la construction de 27 logements subventionnés, répartis sur sept niveaux (six étages sur rez-de-chaussée, d’une hauteur totale de 21,15 m, une longueur de 39,34 m et une largeur 16,30 m), ainsi qu’un garage souterrain de 32 places. Il était prévu de laisser un mur en attente au sud de la parcelle n° 10'480, pour une construction par étape, l’édification de la dernière partie du bâtiment B, sur les parcelles n° 13'901 et 13'899 sises sur la commune de Vernier, devant se faire plus tard. La demande d’autorisation prévoyait enfin, au nord-est de la parcelle, la construction de 10 places de parking en limite des parcelles n° 13’958, 13'959, 13'960 et 13'961, sur lesquelles sont sises des villas.

10. La réalisation de ce projet impliquait la démolition de la chapelle et de la dépendance se trouvant sur la parcelle.

11. L’autorisation de construire a été délivrée par le DAEL le 2 août 2002.

12. Plusieurs personnes, voisins et utilisateurs de la chapelle, ainsi que quatre pasteurs y donnant régulièrement des cultes et des cérémonies religieuses, ont recouru contre cette décision auprès de la Commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après : commission), laquelle a annulé l’autorisation le 11 décembre 2002 au motif que le projet n’était pas conforme au PLQ s’agissant notamment des 10 places de parc prévues au nord-est, en bordure de la zone villa.

13. Suite à cette décision, la C.R.A. a modifié son projet et déposé un nouvelle demande d’autorisation le 25 février 2003 (n° DD 98'307) portant sur le même objet Les places de parc prévues au nord-est étaient déplacées le long du chemin Terroux.

14. Le même jour, la requérante a déposé une demande en autorisation de démolir la chapelle et la dépendance susmentionnées.

15. Ces requêtes ont été publiées dans la Feuille d’Avis officielle (ci-après : FAO) le 12 mars 2003.

16. Les recourants à la précédente procédure, ainsi que d’autres personnes (environ 65 personnes), se sont opposés à la construction pour des motifs qui seront examinés ci-après.

17. Les préavis nécessaires au projet de construction ont été recueillis.

a. La commune a préavisé favorablement, sous réserve d’un certain nombre de conditions, dont le respect du PLQ.

b. Le service des forêts, de la nature et du paysage a préavisé favorablement, sous réserve des conditions figurant dans l’autorisation d’abattage des arbres.

c. L’office des transports et de la communication a émis un préavis favorable.

d. Le service d’habitabilité, après avoir demandé des modifications de l’escalier prévu, a donné un préavis favorable.

e. La commission d’architecture n’a pas formulé d’objection.

f. Le service sécurité et salubrité a émis un préavis favorable sous diverses conditions ayant trait aux voies d’accès des engins de secours, au chauffage et aux installations électriques.

g. L’Office cantonal de logement a émis un préavis favorable au projet.

18. Concernant la démolition, le service des monuments et des sites a considéré que la chapelle et la dépendance ne présentaient pas d’intérêt historique ou architectural.

19. Le 11 avril 2003, un groupe d’environ 150 opposants, voisins et utilisateurs de la chapelle, ont fait part au DAEL de leur opposition à la démolition.

La chapelle était un lieu de culte utilisé quotidiennement pour les services religieux. Aucune autre église évangélique n’existant dans le quartier, la démolition de la chapelle supprimerait ces cultes, qui faisaient partie de la vie spirituelle des quartiers alentours. La démolition avait pour but la construction d’un immeuble de logements dont le caractère massif et imposant se trouvait en rupture avec le quartier de villas dans lequel il était situé et le projet ne respectait ni le PLQ ni la LCI.

20. Par arrêté du 22 octobre 2003, le Conseil d’Etat a autorisé l’application au projet des normes de la 3ème zone de construction.

21. Le 31 octobre 2003, le DAEL a délivré les autorisations de construire et de démolir sollicitées. Le même jour, le service des forêts, de la protection de la nature et du paysage a accordé l’autorisation d’abattage d’arbres.

22. Ces autorisations ont été publiées dans la FAO le 5 novembre 2003.

23. Par acte du 5 décembre 2003, 39 personnes (ci-après : les consorts E.), dont M. et Mme S., gestionnaires de la chapelle et Messieurs G.G., P. et D. L., pasteurs, ont recouru contre cette décision. En résumé, ils ont fait valoir l’invalidité du PLQ, l’absence de conformité du projet à ce dernier plan, la nécessité de créer une servitude pour le mur en attente qui se trouverait en limite de propriété, une grave perte d’ensoleillement pour les villas jouxtant le périmètre, le caractère inesthétique de la construction et un dépassement des valeurs limites d’immissions. La démolition de la chapelle violait, quant à elle, le droit fondamental à la liberté religieuse.

24. Le 12 janvier 2004, la commission a ordonné la restitution de l’effet suspensif, malgré l’opposition du DAEL.

25. Par décision du 15 avril 2004, reçue le 11 mai, la commission a rejeté le recours. Sur la liste des destinataires figurant en-tête de sa décision, les noms des quatre pasteurs et des époux S. qui avaient formellement recouru aux côtés des autres personnes visées par la décision ne sont pas mentionnés. La commission n’a pas non plus statué sur la recevabilité de ces derniers recours dans le corps de sa décision.

La validité du PLQ, contestée, devait être admise pour des motifs qui seront repris dans la partie en droit ci-après.

Pour le reste, la construction autorisée était conforme au PLQ. Seuls le nombre de place de parc en sous-sol et les places créées en surface n’étaient pas prévues, mais celles-ci constituaient des modification mineures du plan, auxquelles la commune et l’Office cantonal des transports ne s’étaient pas montrés défavorables.

Il n’y avait pas matière à création d’une servitude pour le mur en attente, qui se trouverait en limite de propriété.

Les griefs relatifs au caractère inesthétique de la construction, à la perte d’ensoleillement et aux nuisances sonores n’étaient pas recevables, car ils remettaient en cause des éléments entrés en force du PLQ, même si la villa qui devrait souffrir le plus de ces nuisances avait été construite en 2000, après l’adoption du plan. Les normes de la LCI relatives à l’accès aux véhicules d’urgence et aux vides d’étages étaient par ailleurs respectées.

S’agissant de la démolition de la chapelle, il n’y avait pas d’atteinte au patrimoine religieux du début du XXème siècle, car les préavis recueillis étaient unanimes à considérer que la construction ne présentait pas d’intérêt architectural.

Enfin, la liberté religieuse ne conférait pas un droit d’exercer des croyances ou des rites religieux en un endroit déterminé, de sorte qu’il n’y avait pas de restriction à cette liberté.

26. Par acte de recours du 10 juin 2004, sur les 39 personnes ayant participé à la procédure devant la commission, 32 ont attaqué la décision de la commission par devant le tribunal de céans et conclu à son annulation.

L’article 35 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin l979 (LAT - RS 700) prévoyait que les plans antérieurs à 1988 devaient être approuvés par l’autorité compétente dans un délai de huit ans à compter de l’entrée en vigueur de la LAT. Le PLQ sur lequel se fondait l’autorisation datait de 1978. Il n’avait pas été approuvé par l’autorité compétente dans le délai légal. Il était donc caduc pour ce motif, ce que la jurisprudence, tant du Tribunal fédéral que du tribunal de céans avait d’ailleurs confirmé. De plus, ce plan n’était plus actuel. Depuis son adoption, plus de 25 ans auparavant, le quartier de Cointrin avait considérablement changé. Le bruit s’était accru au point qu’en de nombreux endroits, les valeurs limites de bruit, pourtant très hautes en zone de développement 3, étaient dépassées. Le trafic était perpétuellement en hausse. Les options prises en matière d’aménagement du territoire par la commune de Vernier en 1999, et en voie de l’être par la commune de Meyrin, prévoyaient un développement en zone 4B, plus modéré que la zone 3, pour préserver une certaine qualité de vie aux habitants. Devant une telle modification des circonstances, l’article 21 LAT imposait à l’autorité de réexaminer le PLQ. Les bénéficiaires de l’autorisation ne pouvaient ainsi se prévaloir du principe de la stabilité des plans.

27. Selon un courrier du 29 mars 2001 versé à la procédure et adressé par la commune de Vernier au DAEL dans le cadre de discussions ayant eu lieu suite à un projet du DAEL de mettre la partie est de l’avenue Louis Casaï en zone de développement 3, du bord de ladite avenue jusqu’au chemin des Corbillettes, le plan directeur de la commune de Vernier, adopté à l’unanimité par le conseil municipal en décembre 1997, préconise uniquement une densification du front de l’avenue Louis Casaï et non des terrains qui se trouvent au-delà, au nord-est De plus, il ne prévoit qu’une zone de développement 4A et non 3, comme prévu par le PLQ litigieux, sur la partie visant la commune de Vernier (soit où le mur autorisé se trouverait en attente). Ce choix a été décidé à cause de la hauteur des immeubles et du nombre d’habitants induit par la zone. Ce nombre d’habitants devant s’harmoniser avec la réalisation d’équipements publics correspondant aux besoins créés (écoles, établissements socio-culturels, espaces publics, réseaux d’assainissement communaux, etc), l’objectif de mettre très rapidement sur le marché de nouveaux logements pouvait aller à l’encontre des options communales. Il était nécessaire d’élaborer des plans de quartiers soucieux de ces besoins et formant un ensemble cohérenTerroux L’important besoin de logements sociaux pouvait justifier une adaptation de ce plan directeur à condition d’avoir une vision réelle des besoins induits par les mesures d’aménagement et de prendre en compte les conditions communales locales.

28. Il résulte d’un courrier adressé par la commune de Meyrin aux recourants que le Conseil municipal de la commune de Meyrin a été saisi d’une demande de crédit pour l’élaboration d’un nouveau plan directeur communal et d’un plan de quartier visant le périmètre de Cointrin, regroupant les communes du Grand-Saconnex, de Vernier et de Meyrin.

29. La C.R.A. a répondu au recours le 15 juillet 2004 et conclu à son rejet.

Il était vrai que le PLQ n’avait pas été formellement approuvé par l’autorité compétente dans les délais prescrits par la loi et qu’on pouvait, dès lors, douter de sa validité. Cependant, les principes de la confiance et de la stabilité des plans devaient l’emporter. Un plan devait, pour remplir sa fonction, bénéficier d’une certaine stabilité, même si l’article 22ter Cst. ne conférait pas un droit au maintien du régime applicable à un bien-fonds. Cette stabilité valait a fortiori pour un plan adopté il y avait plus de 25 ans. De surcroît, la partie du bâtiment B, objet de l’autorisation querellée, devait partager un accès commun au garage en sous-sol prévu entre les deux bâtiments. Cette dernière construction bénéficiait d’une autorisation en force, de sorte qu’il apparaissait contraire à la bonne foi de refuser aujourd’hui l’autorisation de construire demandée au motif que le PLQ n’était pas valable. Les démarches entamées par la commune de Meyrin pour l’élaboration d’un nouveau plan directeur ne pouvaient déployer d’effet anticipé, soit être prises en compte avant l’adoption d’un plan définitif.

Les griefs relatifs à la non conformité du projet avec le PLQ étaient infondés. Plusieurs des points soulevés avaient été tranchés définitivement par la commission dans les motifs de sa décision du 11 décembre 2002 qui, bien qu’elle annulât l’autorisation pour un autre motif, était en force s’agissant des points discutés.

Enfin, la démolition de la chapelle, qui n’avait aucun intérêt architectural au sens de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05), n’emportait pas d’atteinte à la liberté religieuse des recourants.

30. Le DAEL s’est déterminé sur le recours le 31 août 2004 et a conclu à son rejet.

La commission avait annulé la précédente autorisation pour un seul motif, lié au parking. Les autres points ne pouvaient être remis en cause aujourd’hui.

Par ailleurs, les recourants invoquaient pour la première fois, devant le tribunal de céans, la caducité du PLQ. L’invocation de ce moyen était tardive. D’ailleurs, en n’examinant pas la validité du PLQ, la commission l’avait implicitement admise.

Certes, le PLQ litigieux n’avait fait l’objet d’aucune approbation formelle dans le délai imposé par la loi. Il gardait néanmoins toute sa portée, des études en cours auprès de la direction de l’aménagement prévoyant une zone de développement 3 dans le secteur situé de l’autre côté du chemin Terroux. Le tribunal administratif avait par ailleurs déjà jugé que lorsque l’autorité compétente s’était comportée vis-à-vis des bénéficiaires de l’autorisation et de la population comme si le PLQ constituait une référence pour l’aménagement de ce périmètre, le principe de la confiance imposait d’accorder au PLQ une apparente validité.

En l’espèce, le DAEL avait déjà autorisé la construction du bâtiment A. Certes, la validité du plan n’avait pas pu être examinée à cette occasion, la décision n’ayant fait l’objet d’aucun recours. Mais du fait de l’accès commun aux garages prévus, il n’était plus possible de revenir en arrière. Toute autre solution risquait de retarder de manière excessive la réalisation de l’immeuble litigieux, créant un manque de cohérence dans l’aménagement du territoire.

La commune de Meyrin, dans son préavis, s’était elle-même référée au PLQ. Elle avait donc considéré ce dernier comme valable.

Enfin, contrairement à ce que soutenaient les recourants, le projet était conforme au PLQ, à la loi fédérale sur la protection de l’environnement et aux différentes normes du droit de la construction. Il en allait de même de l’autorisation de démolir, la chapelle ne présentant, aux dires mêmes du service des monuments et des sites, aucun intérêt historique ou architectural.

31. Par ordonnance présidentielle du 25 juin 2004, l’effet suspensif a été restitué au recours.

32. Le 8 septembre 2004, le juge rapporteur s’est transporté sur les lieux. Les voisins sont restés sur leurs position, en précisant toutefois qu’ils auraient adhéré au projet si les immeubles A et B n’avaient comporté que trois étages. La très grande hauteur des bâtiments prévus les contraignait à s’opposer au projet. Ils n’ont pas apporté d’autres éléments nouveaux par rapport à leurs écritures.

33. Il en va de mêmes des observations parvenues au tribunal suite à cette mesure d’instruction, ensuite desquelles la cause a été gardée à juger.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Selon l'article 60 lettre b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.

L'article 60 lettre b LPA a la même portée que l'article 103 lettre a OJF (ATA/62/2004 du 20 janvier 2004 et jurisprudences citées). Ainsi, le recourant doit être touché par le projet litigieux dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés et l'intérêt invoqué - qui n'est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé, mais qui peut être un intérêt de fait - doit se trouver, avec l'objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération. Il faut encore que le recourant ait un intérêt pratique à l'admission du recours, c'est-à-dire qu'elle soit propre à empêcher un dommage matériel ou idéal (jurisprudences précitées; I. ROMY, Les droits de recours administratif des particuliers et des organisations en matière de protection de l'environnement in : URP 2001, p. 248, not. 252 ; B. BOVAY, Procédure administrative, Berne 2000, p. 351  et T. TANQUEREL/R. ZIMMERMANN, Les recours, in Ch.-A. MORAND, Droit de l'environnement : mise en oeuvre et coordination, Bâle/Genève1992, p. 117 ss).

En matière de police des constructions, les voisins dont les intérêts sont lésés de façon directe et spéciale peuvent recourir. Cette lésion directe et spéciale suppose qu'il y a une communauté de faits entre les intérêts du destinataire de la décision et ceux des tiers. Les voisins peuvent ainsi recourir contre des règles qui ne leur donnent aucun droit et qui ne sont pas directement destinées à protéger leurs intérêts (ATA/854/2003 du 25 novembre 2003 et les références citées).

En matière de protection contre le bruit, les voisins ont également qualité pour recourir (ATF 126 II 300 consid. 1c p. 302 ; 124 II 293 consid. 3a p. 303 ; 121 II 171 consid. 2b p. 174 et les arrêts cités ; Arrêt du Tribunal fédéral 1A.277/2000 du 16 janvier 2000 consid. 2b).

En l'espèce, la plupart des recourants sont domiciliés dans le périmètre jouxtant immédiatement la parcelle litigieuse. En tant que voisins directs de la parcelle en cause, ils ont qualité pour agir.

Seuls les époux S. (gestionnaires de la chapelle et fidèles), M. G.G., M. P. et M. D. L. (pasteurs utilisant l’église) sont domiciliés à l’extérieur de ce périmètre. Bien que ces personnes aient recouru au côté des autres recourants devant la commission, cette dernière ne les a pas intégrés dans la liste des recourants en-tête de la décision attaquée. Elle n’a pas davantage, dans les motifs de sa décision, admis ou écarté leur qualité pour agir. Par économie de procédure et bien qu’ils puissent normalement se prévaloir d’un droit à ce qu’il soit statué sur leur recours, ce défaut sera considéré comme un vice de notification n’ayant entraîné aucun préjudice pour eux, dès lors qu’ils ont pu recourir par devant le tribunal de céans contre la décision de la commission notifiée aux autres recourants et portant sur le même objet (art. 47 LPA). En l’espèce, ces quatre recourants sont touchés dans un intérêt digne de protection, non pas par la construction de l’immeuble, mais par la démolition de la chapelle, car ils l’utilisent régulièrement pour leurs cultes. Leur qualité pour agir dans la présente cause sera admise de ce chef.

3. En vue de favoriser l’urbanisation, la restructuration de certains territoires, l’extension des villages ou de zones existantes, la création de zones d’activités publiques ou privées, le Grand Conseil peut délimiter des périmètres de développement, dits zones de développement, dont il fixe le régime d’affectation (art. 12 al. 4 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 [LALAT - L 1 30]).

En l’espèce, l’affectation en zone de développement 3 découle de la loi concernant une modification des limites de zones et l’adoption d’un plan directeur pour la région dite « Les Avenchets », du 20 octobre 1961 qui autorise le Conseil d’Etat à appliquer les normes de construction de la zone 3 à ce périmètre, moyennant l’adoption d’un plan localisé (art. 2 et 3).

4. En droit genevois, l’application des normes de la zone de développement à un projet de construction est subordonnée à deux conditions.

a. Il faut, d’une part, une décision du Conseil d’Etat autorisant le département à faire application des normes résultant de la zone de développement, en lieu et place de celles de la zone à laquelle elle se substitue, incluant les conditions particulières au projet et un règlement de quartier (art. 12 al. 4 LALAT, 2 al. 1 let a in fine, 2 al. 1 let b, 4 al. 1 et 2 , 5 de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 [LGZD - L 1 35]).

En l’espèce, le Conseil d’Etat a autorisé le département à appliquer les normes de la zone 3 en lieu et place des normes de la zone 5 (villas), par un arrêté du 22 octobre 2003, incluant les conditions particulières au projet. Cet arrêté fait partie intégrante de l’autorisation définitive et le recours contre cette dernière emporte recours contre ledit arrêté (art. 3A al. 3 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 [LCI - L 5 05]).

b. D’autre part, l’existence d’un PLQ valable et en force est obligatoire pour le propriétaire qui désire bénéficier des normes de la zone de développement (art. 2 al. 1 let. a LGZD ; T. TANQUEREL, La participation de la population à l’aménagement du territoire, Lausanne 1988, p. 252).

En l’espèce, les recourants ne contestent pas qu’un PLQ ait été valablement adopté en 1978 ; ils estiment cependant que cet acte a ultérieurement perdu sa validité, faute d’avoir été approuvé par l’autorité compétente dans les huit ans qui ont suivi l’entrée en vigueur de la LAT (art. 35 al. 3 LAT). Le DAEL admet que le PLQ n’a pas été approuvé par l’autorité compétente dans le délai imparti par la LAT. Il considère néanmoins cet argument comme tardif, les recourants ne l’ayant pas soulevé dans la première procédure, en 2002. Il l’estime également infondé, les principes de la stabilité des plans et de la bonne foi – du fait des apparences créées - devant l’emporter sur le principe de la légalité.

5. A teneur de l’article 68 alinéa 1 LPA, sauf exception prévue par la loi, le recourant peut invoquer des motifs, des faits et des moyens de preuves nouveaux qui ne l’ont pas été dans les précédentes procédures.

Dès lors qu’il n’existe pas de disposition spéciale dérogeant à ce principe en la matière, la remise en cause de la validité du PLQ est recevable.

6. Les PLQ ont pour but d’assurer le développement normal des voies de communication et l’aménagement des quartiers ou localités dans les zones ordinaires (art. 1 de la loi sur l'extension des voies de communication et l'aménagement des quartiers ou localités du 9 mars 1929 [LExt - L 1 40]). Selon l’article 3 alinéa 1 LExt, ils prévoient notamment le périmètre d’implantation, le gabarit et la destination des bâtiments à construire (let. a), la végétation à sauvegarder ou à créer (let. d) ainsi que les places de parcage et les garages (let. e). L’article 3 alinéa 1 LGZD reprend les mêmes règles.

7. La LAT est entrée en vigueur le 1er janvier 1980. Les plans d'affectation adoptés avant cette date ont conservé leur validité jusqu'au moment de l'approbation par l'autorité compétente des plans établis selon cette loi (art. 35 al. 3 LAT), mais au plus tard durant huit ans, soit jusqu'au 1er janvier 1988 (art. 35 al. 1 let. b LAT). Au-delà de cette dernière date, faute d'une approbation formelle par cette autorité, ils ont perdu leur validité en ce qui concerne le territoire destiné à la construction (ATF 120 Ia 227 consid. 2c p. 233; Département fédéral de justice et police, Étude relative à la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, 1981, p. 369; H.AEMISEGGER/A.KUTTLER/P.MOOR/A.RUCH, Commentaire de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, Zurich 1999 ad. art. 35 p. 4). Les périmètres qu'ils couvraient se trouvent dès lors régis par d'éventuelles "mesures introductives" (inexistantes à Genève ; art. 36 LAT; ATF 118 Ib 38 consid. 4a p. 44), par la LAT et les plans directeurs cantonaux, qui ont force obligatoire pour les autorités (art. 9 al. 1 LAT).

En l’espèce, le PLQ n° 26'917 a été adopté avant l’entrée en vigueur de la LAT. Il n’est pas contesté que ce plan n’a pas été approuvé par l’autorité compétente dans les délais prescrits par la loi. Sa conformité à la LAT doit donc être établie.

8. Cette loi impose aux cantons et aux communes l’obligation de planifier les équipements et constructions ayant un impact sur le territoire conformément à certains buts et principes (art. 1 al. 3 LAT ; ATF 127 I 103, consid. 6 b. aa).

Selon l’article 3 alinéa 3 lettre b LAT, les lieux réservés à l’habitation doivent être préservés autant que possible des atteintes nuisibles ou incommodantes, telles que la pollution de l’air, le bruit et les trépidations. Cette disposition est à mettre en rapport avec les normes fédérales sur la protection de l'environnement, également entrées en vigueur après l’adoption du PLQ (loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983 [LPE - RS 814.0 ; entrée en vigueur le 1er janvier 1980], et ordonnance sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986, [OPB - RS 814.41 ; entrée en vigueur le 1er avril 1987]).

La LPE compte parmi ses buts la protection des hommes contre les atteintes nuisibles ou incommodantes (art. 1). A teneur de son article 11 alinéa 1, les pollutions atmosphériques, le bruit, les vibrations et les rayons sont limités par des mesures prises à la source (limitation des émissions). Ainsi, indépendamment des nuisances existantes, il importe, à titre préventif, de limiter les émissions dans la mesure que permettent l’état de la technique et les conditions d’exploitation et pour autant que cela soit économiquement supportable (art. 11 al. 2 LPE). Au nombre de ces atteintes figure notamment le bruit (art. 7 al. 1), qui est mesuré au sortir des installations (émissions) et au lieu de ses effets (immissions ; art. 7 al. 2). Cette loi édicte en matière de bruit des règles concernant la fixation de valeurs d'alarme et de planification, l'isolation acoustique des immeubles et les conditions posées à la délivrance d'autorisations de construire et au zonage, ainsi qu'à la construction de nouvelles sources fixes de bruit.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, lorsque le plan d'affectation est, comme en l'espèce, suffisamment précis pour permettre d'appréhender les problèmes liés notamment au trafic routier, il doit répondre aux exigences de la protection de l'environnement, ce qui implique une analyse précise des nuisances (ATF 1A.174/2001 du 26 février 2002 consid 3.3 ; ATF 121 II 72 consid. 1d p. 76). A cet égard, la seule attribution des degrés de sensibilité est insuffisante, des prescriptions en matière de construction ou d'équipement devant être prévues déjà au stade du PLQ (ATF précités).

Enfin, l’article 21 alinéa 2 LAT impose à l’autorité compétente d’adapter les plans d’affectation lorsque les circonstances se sont sensiblement modifiées, soit par l’adoption de nouvelles normes touchant l’aménagement du territoire, soit par la survenance d’autres circonstances de fait (ATF 127 I 103, consid. b). Cette adaptation se fait dans le cadre d’une procédure ouverte, soit après une enquête publique, assurant ainsi, conformément aux principes régissant l’aménagement du territoire, une large participation de la population (art. 4 al. 2, 33 LAT, 6 LGZD). Des voies d’opposition et de recours sont également prévues, qui viennent renforcer les droits des administrés et des associations concernées de participer à cet aménagement (art. 6 al. 8 et 11 LGZD, 35 LALAT).

Le PLQ litigieux régit un périmètre très fortement touché par le bruit routier et aérien, du fait de la proximité de l’avenue Louis Casaï et de l’aéroport de Genève. Le paysage urbain du secteur qui l’englobe a considérablement changé ces 25 dernières années, depuis l’adoption de ce plan. La modification du plan directeur de la commune de Vernier, touchée par la partie encore non réalisée du PLQ, constitue également une circonstance nouvelle qui doit être prise en compte, dès lors qu’elle concerne également ce périmètre. Nonobstant ces circonstances et l’entrée en vigueur des normes fédérales précitées, l’autorité n’a procédé à aucune évaluation de la situation. Elle ne s’est penchée à aucun moment sur la question de la conformité du plan avec le nouveau droit. En particulier, elle n’a procédé à aucune évaluation des nuisances. Elle n’a sollicité aucune mesure acoustique du bruit, routier, ni n’a fait les calculs exigés par la loi pour évaluer, d’une manière correspondant à l’état actuel de la technique, l’impact du bruit aérien sur les parcelles visées par le plan, alors même que la construction vise 27 logements, soit des locaux à usage sensibles au bruit (art. 2 al. 6 let. a OPB ; Arrêt du tribunal fédéral 1A.21/2003 du 29 septembre 2003). L’autorité intimée n’a pas même jugé utile de solliciter le préavis du service de protection contre le bruit pour évaluer ces nuisances. Le seul document qui figure dans le dossier qu’elle a fourni au tribunal de céans concernant cette question est un relevé imprimé, dont on ne connaît pas la source, qui atteste d’un dépassement des valeurs limites du bruit routier en DS III.

Dans ses écritures, le DAEL avance que l’implantation du bâtiment par rapport à la source du bruit routier permettrait de réduire de 3 dB les immissions et qu’un vitrage phonique a été exigé. Cette affirmation ne se fonde sur aucune étude des nuisances actuelles et prévisibles subies par la zone, ni des effets réels de ces mesures sur le bruit ambiant. Il est impossible, dans ces circonstances, de se déterminer sur la pertinence d’un tel argument ou de statuer sur l’adéquation du projet avec les exigences posées par la LAT , la LPE et l’OPB.

S’agissant des villas voisines, qui sont situées en zone de construction 5, l’autorité n’a fait aucune évaluation prospective des nuisances produites par le bâtiment A qui va être prochainement construit, ni par le bâtiment B, objet de la demande d’autorisation, pour déterminer notamment si les valeurs limites d’immission concernant les villas voisines seront respectées.

Force est de constater que l’autorité intimée n’a pas apporté la preuve que le PLQ demeurait actuel malgré l’absence d’approbation formelle. Au contraire, le peu d’éléments qui figurent au dossier tendent à conclure que l’adoption des nouvelles normes fédérales précitées rendaient nécessaires une adaptation du PLQ, laquelle aurait dû ouvrir les droits de participation à la population. Dans ces circonstances, il appartenait à l’autorité intimée d’engager une procédure ouverte de réexamen du PLQ, ainsi que le prescrit la LGZD à son article 6.

Conformément au principe de la légalité, le PLQ, faute d’approbation formelle et de réexamen par l’autorité compétente, a donc perdu sa validité.

9. Selon le nouvel article 2 al. 2 LGZD, entré en vigueur le 29 mai 2004, soit après le dépôt des écritures des parties, le CE peut, après consultation du Conseil administratif ou du maire de la commune, renoncer à l’établissement d’un PLQ dans les quartiers de développement déjà fortement urbanisés.

La conformité de cette nouvelle disposition avec l’article 26 Cst et le droit fédéral de l’aménagement du territoire (not. art. 4, 14 et 33 LAT) se pose. Cette question peut néanmoins rester ouverte, dès lors que le nouveau droit subordonne son application à la réalisation de conditions procédurales qui n’ont pu être respectées en l’espèce, vu l’entrée en vigueur récente de cette nouvelle disposition.

Il faut admettre, en conclusion, que l’existence d’un PLQ valable était exigée par la loi.

10. Le DAEL considère que la validité du PLQ peut encore se déduire du principe de la stabilité de plans et du principe de la confiance. Il se réfère en cela à la jurisprudence du tribunal de céans qui a fait prévaloir, à quelques reprises, ce dernier principe sur celui de la légalité.

De l’avis de la commission, on pouvait douter de la validité du PLQ, ce dernier n’ayant pas été approuvé dans les délais par l’autorité compétente. A cet égard, le Tribunal administratif, dans sa jurisprudence, avait à bon droit considéré comme caducs les PLQ non approuvés dans ces délais. Par la suite, il avait eu tort de moduler sa jurisprudence en admettant leur validité sur la base du principe de la confiance et de la sécurité du droit. En effet, une telle admission devait rester exceptionnelle, à défaut de quoi elle permettrait de passer outre les exigences posées par le droit fédéral sur l’adoption des PLQ et entérinerait l’inaction de l’autorité administrative ayant négligé de procéder conformément à la loi. Toutefois, en l’espèce, l’application du principe de la confiance se justifiait pour trois raisons. D’une part, parce qu’une autorisation fondée sur ce plan avait déjà été octroyée pour le bâtiment A. D’autre part, parce qu’en ayant omis d’examiner à titre préjudiciel la validité du PLQ lors de la première procédure ayant mené à l’annulation de la décision au motif que le projet n’était pas conforme au PLQ s’agissant des 10 places de parc prévues au nord-est en bordure de la zone villa, la commission avait créé une apparence de validité, qui devait être aujourd’hui considérée comme acquise. Enfin, il se justifiait d’appliquer le principe de la confiance parce que les recourants n’avaient pas remis en cause la validité du PLQ en 2002, lorsqu’ils avaient attaqué la première décision.

11. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, sont seuls soumis au principe de la stabilité des plans (art. 21 al. 1 LAT) les plans d’affectation qui ont été établis sous l’empire de la LAT et en application concrète des buts qu’elle s’est fixée (ATF 127 I 103, consid. b. aa ; 120 Ia 227 consid. 2c, p. 233). Il existe, pour ces plans, une présomption de validité des restrictions imposées à l’affectation. Cette présomption ne vaut pas, en revanche, pour les plans qui n’ont pas encore été adaptés aux exigences de la LAT (ATF 127 I 103, consid. b. aa ; 120 Ia 227 c. 2c, p. 233). Par ailleurs, plus le plan d’affectation est ancien, moins on peut compter sur sa stabilité  (ATF 120 Ia 227, consid. b.aa, p. 233). Les plans adoptés avant l’entrée en vigueur de la LAT ont aujourd’hui plus de 25 ans. On ne peut désormais plus compter sur leur stabilité, sauf à démontrer qu’ils sont encore conformes aux principes du nouveau droit de l’environnement.

12. Dans sa jurisprudence, le Tribunal de céans a constaté à deux reprises la caducité de plans d'aménagement n'ayant jamais fait l'objet d'une approbation par l'autorité compétente depuis l'entrée en vigueur de la LAT (et ATA/672/2000 du 7 novembre 2000 et ATA/763/2000 du 5 décembre 2000).

Dans un autre arrêt, il a appliqué le principe de la confiance, considérant que les autorités ne pouvaient « faire table rase des apparences qu’elles avaient elles-mêmes contribué à établir sur le plan juridique » pendant plusieurs années (ATA/247/2004 du 23 mars 2004).

C’est le lieu de rappeler que le principe de la confiance est une entorse au principe de la légalité et doit être interprété restrictivement (P. MOOR, Droit administratif, Berne 1994, 2ème éd., vol. I, p. 430, n. 5.3.2.1). Ce principe ne saurait en tout cas valider une pratique systématique de l’autorité consistant à ne pas appliquer la loi. Certes, le principe de la confiance doit s’appliquer lorsque l’autorité, par son comportement, a fourni des renseignements inexacts ou crée une apparence de droit (idem, p. 432, n. 5.3.2.2 ; ATF 129 II 361, consid. 7, p. 381 ; 128 II 112 consid. 10b/aa, p. 125). Encore faut-il que l’administré n’ait pas été en mesure de reconnaître l’erreur (idem, p. 431, n. 5.3.2.1 ; ATF 124 II 265, consid. 4a, p. 269 ; 121 I 181, consid. 2a, p. 183 et références citées).

Dans sa jurisprudence, qu’il ait admis ou non l’application du principe de la confiance, le Tribunal de céans a toujours souligné le principe selon lequel, en vertu de l’article 35 alinéa 3 LAT, les plans perdaient normalement leur validité s’ils n’avaient pas été adoptés dans les délais prescrits, suivant en cela la jurisprudence du Tribunal fédéral (arrêts précités). Cette jurisprudence s’est étendue sur plusieurs années. Les intimés ne pouvaient dès lors pas ne pas se douter qu’un contrôle préjudiciel du plan devait être opéré. Au contraire, ils ont compté sur le fait que le principe de la bonne foi l’emporterait, pour déroger à la loi. Cette pratique ne peut être suivie. Les conséquences, avancées par le DAEL concernant le partage du garage souterrain qui était prévu entre les deux immeubles, ne sauraient suffire pour emporter la solution contraire, ce d’autant que ce garage n’a pas encore été construit. Cet argument aurait pu entrer en ligne de compte dans le cas contraire, si le bâtiment autorisé avait dû, pour pouvoir bénéficier d’un parking, attendre l’autorisation du bâtiment voisin. Certes, l’intérêt public à construire des logements sociaux est très important ; cet intérêt ne saurait toutefois constituer un passe-droit pour passer outre les exigences posées par la loi, qui remplit aussi des objectifs de protection d’intérêt public.

En conclusion, le PLQ litigieux n’ayant pas été formellement approuvé par l’autorité compétente et sa conformité à la LAT n’ayant pas été démontrée, il ne peut servir de fondement valable à la décision attaquée.

13. L’autorité intimée est malvenue d’invoquer qu’une déclaration d’invalidité du PLQ retarderait beaucoup le processus d’aménagement de la zone, alors qu’elle n’a rien fait pour rendre le projet conforme à la loi.

14. Enfin, indépendamment de la validité du PLQ, le recours devrait encore être admis pour un autre motif.

En effet, selon l’article 44 OPB, les cantons veillent à ce que les degrés de sensibilité soient attribués aux zones d’affectation dans les règlements de construction ou les plans d’affectation communaux (al. 1). Les degrés de sensibilité seront attribués lors de la délimitation ou de la modification des zones d’affectation ou lors de la modification des règlements de construction, mais au plus tard dans les dix ans qui suivent la mise en vigueur de la présente ordonnance (al. 2). Avant l’attribution, les degrés de sensibilité seront déterminés cas par cas par les cantons au sens de l’art. 43 (al. 3).

En l’espèce, aucun DS n’a été attribué à la zone par un plan d’affectation. On se trouve donc dans l’hypothèse de l’alinéa 3 de l’article 43 OPB.

15. Selon la jurisprudence, l’attribution des degrés de sensibilité « cas par cas » doit se faire au moyen d’une décision prise dans le cadre d’une procédure ouverte à l’occasion d’un projet concret (ATF 120 Ib 287, consid. 2 b.aa, p. 290 ; cf. aussi ATF 1A.108/2003 du 9 septembre 2003, consid. 2.3.2). Cette détermination n’a aucun effet juridique hors de cette procédure (ATF précités). Elle constitue une décision sujette à recours, lequel s’exerce, en vertu du principe de la coordination des procédures (art. 25 a alinéa 4 LAT et 5 de la loi d'application de la loi fédérale sur la protection de l'environnement du 20 octobre 1997 [LaLPE - K 1 70]) , à l’occasion de l’octroi ou du refus de l’autorisation de construire sollicitée.

En l’espèce, à aucun stade de la procédure, l’autorité n’a pris de décision formelle concernant cette attribution. Aucune publication concernant cette attribution n’ayant pu avoir lieu, les justiciables n’ont pu être mis au courant de l’adoption de cette mesure de planification.

16. Le délai octroyé aux cantons par l’article 44 alinéa 2 OPB étant désormais échu, il convient de poser les principes applicables à cette attribution « cas par cas » des degrés de sensibilité en droit cantonal genevois.

17. Selon l’article 11 alinéa 1 LPA, la compétence des autorités est déterminée par la loi.

A teneur de l’article 15 alinéa 3 LaLPE, lorsque le degré de sensibilité d’une parcelle ou d’un terrain n’a pas été fixé par un plan d’affectation du sol, le Conseil d’Etat peut attribuer un degré de sensibilité par un plan d’affectation spécial visant cet objectif. L’article 5 LExt, qui prévoit une procédure ouverte avec enquête publique, est applicable par analogie (art.15 al. 3 in fine LaLPE).

En l’espèce, aucun plan d’affectation spécial visant la détermination d’un DS au périmètre concerné par le PLQ n’a été attribué. On ne se trouve donc pas dans ce cas de figure.

A teneur de l’article 4 LaLPE, le Conseil d’Etat élabore et met en œuvre la politique cantonale de l’environnement, qu’il s’agisse de projets nouveaux ou de mesures et assainissements courants (al. 1). L’application de la loi fédérale, de ses ordonnances d’exécution et de la présente loi est du ressort du département chargé de l’environnement (ci-après : le département), dans la mesure où la présente loi ou d’autres lois n’en disposent pas autrement (al. 2). Cette disposition confère au Conseil d’Etat et au DAEL une compétence exécutive générale en matière d’environnement ; cette compétence générale, en vertu du principe lex specialis derogat generali, doit s’effacer devant les attributions de compétences prévues par les lois spéciales.

En l’espèce, le règlement sur la protection contre le bruit et les vibrations du 12 février 2003, entré en vigueur le 20 février 2003, (RPBV – K 1 70.10) soit avant la décision attaquée, dispose que le service cantonal de protection contre le bruit et les rayonnements non ionisants du département de l'intérieur, de l'agriculture et de l'environnement est le service spécialisé en matière de protection contre le bruit et les rayonnements non ionisants (art. 4 al. 1 RPBV). A teneur de l’article 4 alinéa 4 de ce règlement, le service est l'autorité compétente pour prendre les décisions nécessaires à l'application de la législation fédérale en matière de protection contre le bruit et les vibrations, soit notamment l’OPB, dans la mesure où cette compétence n'est pas dévolue à une autre autorité (art. 4 al. 4 RPBV). Dès lors que cette compétence n’est pas, en l’espèce, dévolue à une autre autorité, le service de protection contre le bruit et les rayonnement non ionisants est compétent pour attribuer « cas par cas » les DS aux zones qui n’ont pas encore fait l’objet de l’attribution prévue par l’article 44 alinéas 1 et 2 OPB, à teneur de ce récent règlement.

Conformément aux principes de coordination applicables en aménagement du territoire et en matière d’autorisation de construire (art. 25 a alinéa 4 LAT et 5 LaLPE ), cette décision doit être publiée avec les autorisations de construire, de démolir et d’abattage d’arbres octroyées.

En l’espèce, la décision d’attribuer le DS III à la zone n’a pas été prise par le service compétent. Cette compétence étant dévolue au service de protection contre le bruit, l’autorisation est également viciée de ce point de vue et doit être annulée. Pour les mêmes raisons, l’autorisation de démolir sera annulée également.

18. Les autres griefs soulevés par les recourants n’ont dès lors pas à être examinés.

19. Un émolument de CHF 2'500.- sera mis à la charge de la C.R.A.. Celle-ci allouera également une indemnité de procédure de CHF 3'500.- aux recourants, pris conjointement et solidairement (art. 87 LPA).

* * * * *

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 juin 2004 par Mme C. et M. J. A., Mme M. E. et M. A. A. F. C., Mme A. et M. C. D’A., M. A. D. L., Mme F. et M. M. D., Mme D. et M. R. E., M. K. K. G., Mme M. et M. G. M., Mme T. et M. C. M., Mme A. et M. L. P., M. Y. P., Mme K. et M. S. P., Mme S. et M. R. R., Mme L. et M. A. S., Mme S. S. R. et M. P. J. K., Mme M. E. et M. R. S., Mme D. et M. S. S., contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 15 avril 2004 ;

au fond :

l’admet ;

annule la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions et l’autorisation de construire DD 98'307 ainsi que l’autorisation de démolir M 5244-6 ;

renvoie la cause au DAEL pour nouvelle décision ;

met à la charge de la C.R.A. un émolument de CHF 2'500.- ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 3'500.- aux recourants, pris conjointement et solidairement, à la charge de la C.R.A..

dit que, conformément aux articles 97 et suivants de la loi fédérale d'organisation judiciaire, le présent arrêt peut être porté, par voie de recours de droit administratif, dans les trente jours dès sa notification, par devant le Tribunal fédéral ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé en trois exemplaires au moins au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14 ; le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyen de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Efstratios Sideris, avocat des recourants, à Me Jean-Pierre Carera, avocat de la C.R.A., à la commission cantonale de recours en matière de constructions ainsi qu’au département de l’aménagement, de l’équipement et du logement.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la secrétaire-juriste :

 

 

S. Husler

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :