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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/983/2002

ATA/854/2003 du 25.11.2003 ( TPE ) , REJETE

Descripteurs : DROIT D'ETRE ENTENDU; QUALITE DE PARTIE; VOISIN; QUALITE POUR RECOURIR; DENONCIATEUR; AMENAGEMENT DU TERRITOIRE; CONSTRUCTION ET INSTALLATION; TPE
Normes : LPA.60
Résumé : Dans la mesure où la bâtiment litigieux a fait l'objet d'une autorisation de construire et d'un permis d'occuper au terme du chantier, le rôle des voisins se limite à celui de dénonciateur qui ne peuvent participer à la procédure.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 25 novembre 2003

 

 

 

dans la cause

 

 

Monsieur A. et Madame A. B.

représentés par Me François Bellanger, avocat

 

 

 

contre

 

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS

 

et

 

DEPARTEMENT DE L'AMENAGEMENT, DE L'EQUIPEMENT ET DU LOGEMENT

 

et

 

Monsieur N. S.

représenté par Me Dominique Burger, avocate



EN FAIT

 

1. Monsieur A. et Madame A. B. (ci-après : les époux B.) sont propriétaires de la parcelle n° ..., feuille .. de la commune de ..., à l'adresse .., chemin du ........... Ce terrain est situé au sud de la parcelle n° 1658, propriété de Monsieur N. S., au ...du même chemin.

 

2. Le 20 décembre 2000, les époux B. ont interpellé le département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (ci-après : DAEL) au sujet du bâtiment ..., édifié sur la parcelle voisine et destiné à un garage, alors qu'il était utilisé à des fins d'habitation. Le long de la limite de propriété, un talus d'une certaine importance avait été édifié par M. S..

 

3. Le 26 janvier 2001, le DAEL a indiqué aux époux B. que, lors d'un contrôle sur place, aucune violation de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) n'avait été constatée. Le bâtiment litigieux, autorisé le 31 janvier 1991 (autorisation ...) en tant que construction souterraine, était moins grand que prévu et n'était pas affecté à du logement. Un nouveau garage souterrain avait été autorisé au cours de la procédure DD ....

 

Après divers échanges de courrier, le DAEL a indiqué, le 27 avril 2001, que la surface dudit garage dépassait les cinquante mètres carrés définissant les constructions de peu d'importance.

 

4. Le 30 avril 2001, les époux B., agissant par la plume de leur conseil, ont relancé le DAEL. Ce dernier devait intervenir afin que M. S., propriétaire de la parcelle n° 1658, rétablisse une situation conforme au droit. Le bâtiment ..... devait être démoli : il ne s'agissait en effet pas d'une construction souterraine et n'était par conséquent pas conforme à l'autorisation délivrée.

 

5. Le 7 mai 2001, le DAEL a refusé d'intervenir : un permis d'occuper avait été délivré le 28 novembre 1996.

 

6. Par courrier du 10 mai 2001, le conseil des époux B. a maintenu sa position : le bâtiment n'était pas en sous-sol, mais en surface, et il ne respectait pas les limites de propriété.

 

7. Par décision du 22 mai 2001, le DAEL a indiqué qu'il serait totalement disproportionné d'ordonner la démolition du garage litigieux.

 

8. Le 25 juin 2001, les époux B. ont saisi la commission de recours en matière de constructions (ci-après : la commission). La seule construction autorisée par le DAEL avait été un garage souterrain et le bâtiment édifié était hors sol, cadastré comme tel, d'une surface de soixante mètres carrés. Il se trouvait à moins de six mètres de la limite de propriété et empiétait totalement sur une zone non constructible, en vertu d'une servitude de distance et vue droite. La surface du bâtiment interdisait de le considérer comme une construction de peu d'importance. Le DAEL devait dès lors en ordonner la démolition. Ce faisant, il ne violerait pas le principe de la proportionnalité.

 

9. La commission a entendu les parties le 7 mars 2002 et a procédé à un transport sur place le 27 mai suivant. Elle a constaté que le garage était édifié à quelques mètres de la limite de propriété, sur un terrain en forte déclivité. Il était enterré dans sa partie supérieure. La partie inférieure comportait une baie vitrée avec portes d'accès. La partie supérieure du garage était recouverte d'une haie. Le DAEL a confirmé que la construction litigieuse avait été autorisée. Ce local était utilisé comme salle de jeux et entrepôt de véhicules.

 

10. Suite à ces actes d'instruction, les parties ont eu l'occasion de s'exprimer par écrit.

 

a. Les époux B. ont relevé que le local litigieux n'était pas souterrain, qu'il communiquait avec la maison, qu'il était chauffé et physiquement dépendant de cette dernière. De plus, il constituait un obstacle visuel représentant une gêne importante.

 

b. M. S. a souligné qu'il avait acquis le bâtiment au mois de mars 1996, alors que la villa était en voie d'achèvement, le vendeur s'occupant de terminer les travaux. A l'époque de la construction, la parcelle des époux B. était propriété de la Banque ..., dont le directeur a confirmé qu'à l'époque, la construction avait été autorisée en tenant compte de la servitude. Le bâtiment litigieux était semi-enterré, et on ne savait pas pourquoi le service du cadastre l'avait considéré comme un bâtiment hors sol. Les conditions de révocation d'une autorisation de construire n'étaient pas réalisées et la démolition du bâtiment violerait le principe de la proportionnalité.

 

11. Le 10 septembre 2002, la commission a déclaré irrecevable le recours. Le bâtiment litigieux avait été autorisé en 1991, sans que les voisins ne s'y opposent. La demande des époux B. devait être considérée comme une demande de réexamen ou de reconsidération et le refus du DAEL d'y donner suite ne pouvait pas faire l'objet d'un recours.

 

12. Les époux B. ont alors saisi le Tribunal administratif d'un recours le 23 octobre 2002. La décision litigieuse portait sur la remise en état des lieux et il y avait un fait nouveau, dans la mesure où le permis d'habiter devait porter sur un garage, ce que le bâtiment n'était plus. De plus, le DAEL n'était pas au courant de la surface réelle de ce bâtiment. Enfin, la démolition du bâtiment litigieux devait être ordonnée, ce qui ne violait pas le principe de la proportionnalité.

 

13. Le 28 novembre 2003, M. S. s'est opposé au recours. La construction avait été autorisée et, depuis lors, le permis d'habiter avait été délivré. Entre-temps, aucune modification n'avait été apportée au bâtiment. Les époux B. désiraient obtenir le réexamen de l'autorisation délivrée, sans qu'un des motifs prévus par la loi ne l'autorise. De plus, un ordre de remise en état des lieux violerait le principe de la proportionnalité.

 

14. Le DAEL s'est aussi opposé au recours le 9 décembre 2002.

 

Les époux B. étaient dénonciateurs et n'avaient pas de droit à obtenir une décision.

 

15. Le juge délégué à l'instruction de la cause a exceptionnellement autorisé un second échange d'écritures :

 

a. Dans leur réplique, les époux B. ont maintenu leur argumentation en précisant certains éléments de fait. Ils ont également sollicité l'audition de divers membres du personnel du DAEL.

 

b. M. S. a maintenu sa position, soulignant les actes d'instruction auxquels la commission avait procédé, en présence notamment d'un des fonctionnaires du DAEL dont les recourants demandaient l'audition.

 

c. Le DAEL a persisté dans ses conclusions, la réplique n'apportant pas, de son point de vue, d'éléments nouveaux.

 

 

EN DROIT

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. a. Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel (ATF 120 Ib 379 consid. 3b p. 383; 119 Ia 136 consid. 2b p. 138 et les arrêts cités). La décision entreprise pour violation de ce droit n'est toutefois pas nulle mais annulable (ATF 122 II 154 consid. 2d p. 158) si l'autorité de recours jouit du même pouvoir d'examen des questions litigieuses que celle intimée et si l'examen de ces questions ne relève pas de l'opportunité, car l'autorité de recours ne peut alors substituer son pouvoir d'examen à celui de l'autorité de première instance (ATF 120 V 357 consid. 2b p. 363; 118 Ib 269 consid. 3a p. 275-276; 117 Ib 64 consid. 4 p. 87; 116 Ia 94 consid. 2 p. 96; 114 Ia 307 consid. 4a p. 314; en droit genevois : cf. art. 61 al. 2 LPA; P. MOOR, Droit administratif: les actes administratifs et leur contrôle, vol. II, Berne 2002, ch. 2.2.7.4 p. 283). Tel qu'il est garanti par l'article 29 Cst., le droit d'être entendu comprend en particulier le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 122 I 53 consid. 4a p. 55; 119 Ia 136 consid. 2d p. 139; 118 Ia 17 consid. 1c p. 19; 116 Ia 94 consid. 3b p. 99; ATA S. du 4 mars 2003, F. du 5 janvier 1999; H. du 2 décembre 1997). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche pas cependant le juge de procéder à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont offertes, s'il a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 120 Ib 224 consid. 2b p. 229 et les arrêts cités). Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d'obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant; il suffit que le juge discute ceux qui lui paraissent pertinents (ATF 121 I 54 consid. 2c p. 57; ATF n.p. C. du 19 juin 1997; ATA P. du 24 juin 1997).

 

b. Au vu de ce qui va suivre, le Tribunal administratif ne procédera pas aux auditions sollicitées par les recourants, celles-ci n'étant pas aptes à modifier l'issue du litige.

 

3. a. En matière de qualité pour agir du voisin, la jurisprudence a largement admis cette qualité lorsque l'intéressé se prévalait de la violation de dispositions du droit de la construction qui tendaient non seulement à la sauvegarde des intérêts de la collectivité, mais aussi, voire principalement, à la protection de ses propres intérêts de voisin. Il faut toutefois que le voisin soit lésé par la décision et qu'il ait un intérêt particulier, plus grand que n'importe qui, à une modification de la décision. Parmi les voisins, seuls ceux dont les intérêts sont lésés de façon directe et spéciale ont l'intérêt particulier requis (ATA B. Sàrl et consorts du 3 septembre 2002; P. du 11 mai 1999).

 

b. Le voisin a ainsi qualité pour agir au regard de l'article 103 lettre a OJF lorsque son terrain jouxte celui du constructeur ou se trouve à proximité immédiate de celui-ci (ATF du 8 avril 1997, 1A.179 et 181/1996 in RDAF 1997 242; 121 II 174, consid. 2b). Pour qu'un voisin soit touché plus que quiconque, la réalisation du projet litigieux doit lui causer personnellement un préjudice de fait en raison, par exemple, des nuisances provoquées par l'exploitation (ATF 110 Ib 398 consid. 1b p. 400). Concernant les immissions, elles doivent présenter un certain degré d'évidence, sous peine d'admettre l'action populaire que la loi a précisément voulu exclure. Lorsque la charge est déjà importante, la construction projetée doit impliquer une augmentation sensible des nuisances (ATA E. S.A. et consorts du 5 novembre 2002).

 

c. En matière de sanctions et mesures, le tribunal de céans a considéré que le rôle des voisins ne peut se limiter qu'à celui de dénonciateur et qu'il ne saurait leur être donné de droits plus étendus leur permettant par exemple de participer à l'intégralité de la procédure (ATA D. et R. du 28 mars 2000).

 

d. Il ressort de ce qui précède que le propriétaire d'un fonds a la qualité pour recourir contre l'autorisation de construire délivrée à ses voisins. Le propriétaire foncier, lésé par une construction érigée sans droit sur le terrain voisin, doit dès lors également pouvoir recourir lorsque le département renonce à intervenir.

 

4. En l'espèce, il ressort du dossier que le bâtiment litigieux a été autorisé par décision du DAEL du 31 janvier 1991. Une étude attentive des plans microfilmés, joints à la procédure, montre que la surface du local litigieux, sur les plans visés "ne varietur", était d'environ soixante mètres carrés.

 

L'étude des plans fournis lors de la délivrance du permis d'occuper permet de constater qu'il y a de petites différences d'exécution. Il n'en reste pas moins que le garage conserve une surface semblable, même s'il est moins enterré que dans l'autorisation délivrée.

 

Ainsi, le Tribunal administratif constate que le bâtiment en question ne constitue pas une construction érigée sans droit : il a fait l'objet d'une autorisation de construire et un permis d'occuper a été délivré au terme du chantier. Dans ces circonstances, le rôle des époux B. dans la procédure se limite à celui de dénonciateurs qui ne peuvent participer à la procédure. Dès lors, c'est à juste titre que la commission a déclaré leur recours irrecevable - même si les motifs l'ayant amenée à cette conclusion ne sont pas repris par l'autorité de céans - ce qui doit entraîner le rejet de celui déposé devant le Tribunal administratif.

 

5. Au vu de l'issue du litige, un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge des recourants. Une indemnité en CHF 2'000.- sera allouée à M. S., qui a agi par la plume d'un avocat et qui y conclut.

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 23 octobre 2002 par Monsieur A. et Madame A. B. contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 10 septembre 2002;

 

au fond :

 

le rejette;

 

met à la charge des recourants un émolument de CHF 2'000.-;

 

alloue à Monsieur N. S. une indemnité en CHF 2'000.-, à la charge des recourants;

 

communique le présent arrêt à Me François Bellanger, avocat des recourants, à la commission cantonale de recours en matière de constructions, ainsi qu'au département de l'aménagement, de l'équipement et du logement et à Me Dominique Burger, avocate de Monsieur S..

 


Siégeants : M. Paychère, président, MM. Thélin, Schucani, Mmes Bonnefemme-Hurni, Bovy, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la secrétaire-juriste : le vice-président :

 

E. Boillat F. Paychère

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme N. Mega