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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1126/2000

ATA/803/2000 du 12.12.2000 ( IP ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : OBLIGATION D'ENTRETIEN; AVANCE(EN GENERAL); SUPPRESSION(EN GENERAL); PAIEMENT; IP
Normes : LARPA.12
Résumé : Le TA a admis le recours d'une dame contre la suppression des avances faites par le Scarpa malgré le fait que cette dernière avait omis de communiquer au Scarpa un nouveau jugement de divorce réduisant les contributions d'entretien en sa faveur et en faveur de son fils contre son ex-mari. L'on ne saurait déduire de l'art. 12 LARPA que l'autorité administrative n'aurait aucune liberté de choisir une décision autre que le refus pur et simple ou le renoncement à ce refus. Il lui est loisible de choisir entre les deux extrêmes toute une gamme de décisions intermédiaires, telle que la réduction de l'avance pour une durée indéterminée ou déterminée, la suppression de l'avance à titre temporaire, plutôt que de manière définitive, etc. L'on ne saurait déduire de l'art. 12 LARPA que l'autorité administrative n'a aucune liberté de choisir une décision autre que le refus pur et simple de verser des avances ou le renoncement à ce refus. Il lui est loisible de choisir, entre ces deux extrêmes, toute une gamme de décisions intermédiaires, telles que la réduction de l'avance pour une durée indéterminée ou déterminée, ou la suppression de l'avance à titre temporaire plutôt que de manière définitive.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 12 décembre 2000

 

 

 

dans la cause

 

 

Madame M__________

représentée par Me Christine Sordet, avocate

 

 

 

contre

 

 

 

 

SERVICE CANTONAL D'AVANCE ET DE RECOUVREMENT DES

PENSIONS ALIMENTAIRES

 

 



EN FAIT

 

 

1. Par jugement de divorce du 23 mai 1996, le Tribunal de première instance de la République et canton de Genève a condamné Monsieur H__________ à verser à son ex-épouse, Madame M_________, une contribution pour l'entretien de leur enfant V__________, né en 1984, échelonnée de CHF 750.- à CHF 850.- par mois suivant l'âge de celui-ci. De plus, M. H__________ a été condamné à verser à titre de contribution à l'entretien de son ex-épouse la somme de CHF 500.- par mois pour la période du 1er mars 1996 au 31 août 1998.

 

2. En l'absence de paiements du débiteur, Mme M_________ a signé avec le service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires (ci-après : le SCARPA) une convention datée du 10 octobre 1996. Le SCARPA était chargé du recouvrement de la pension alimentaire et il a commencé ses versements le 1er novembre 1996.

 

Face à la carence du débiteur, le SCARPA a entrepris des démarches aussi bien sur le plan administratif que pénal. Les différentes procédures de poursuite entreprises par le SCARPA se sont soldées par la délivrance d'actes de défaut de biens. Quant aux plaintes pénales déposées par le SCARPA, elles se sont soldées par l'acquittement pénal du débiteur prononcé par le Tribunal de police, respectivement le 22 décembre 1997 et le 27 mai 1999.

 

Par décision du 31 août 1999, le SCARPA a informé Mme M__________ qu'en raison de l'insolvabilité partielle durable du débiteur, il réduisait le montant de ses avances à CHF 450.- par mois, dès le 31 octobre 1999.

 

Statuant le 14 décembre 1999, le Tribunal administratif a rejeté le recours déposé par Mme M_________ contre la décision précitée.

 

3. Le 15 août 2000, le SCARPA s'est adressé à Mme M_________ : il venait d'apprendre qu'un nouveau jugement en modification des pensions alimentaires avait été rendu le 11 juillet 2000. Il était rappelé à Mme M________ que selon les directives du SCARPA, toute nouvelle décision du tribunal devait lui être adressée dans les quinze jours. Un délai au 30 août 2000 était imparti à Mme M________ pour communiquer ledit jugement avec la mention "définitif et exécutoire". A défaut, le SCARPA serait dans l'obligation d'appliquer l'article 12 de la loi sur l'avance et le recouvrement des pensions alimentaires du 22 avril 1977 (LARPA - E 1 25).

 

4. Mme M_________ n'ayant pas déféré aux injonctions du SCARPA, celui-ci a pris une décision le 14 septembre 2000, aux termes de laquelle il a mis fin au mandat qui lui avait été confié le 10 octobre 1996 avec effet au 30 septembre 2000. Dite décision était déclarée exécutoire nonobstant recours.

 

5. L'intéressée a recouru au Tribunal administratif par acte du 16 octobre 2000. Préalablement, elle a conclu à la restitution de l'effet suspensif et sur le fond à l'annulation de la décision attaquée. Le jugement du 11 juillet 2000 était en mains du SCARPA car il lui avait été remis par les soins du débiteur. Le montant de la pension lui était indispensable pour assurer les frais d'entretien de son fils V__________.

 

6. Invité à se prononcer sur la question de l'effet suspensif, le SCARPA s'y est opposé dans sa réponse du 26 octobre 2000. Contrairement à ce que soutenait Mme M________, il n'était pas en possession du jugement en vigueur avec les mentions "définitif et exécutoire".

 

7. Par décision du 8 novembre 2000, le président du Tribunal administratif a rejeté la demande de restitution d'effet suspensif présentée par Mme M________.

 

8. Dans sa réponse du 29 novembre 2000, le SCARPA s'est opposé au recours sur le fond. Mme M_________ n'avait pas jugé utile d'informer le SCARPA sur l'existence d'une nouvelle décision judiciaire et elle avait fait la sourde oreille renonçant à s'exécuter et renonçant à prendre contact d'une manière ou d'une autre avec le SCARPA, alors qu'elle y était dûment invitée. Mme M________ aurait pu, et pouvait toujours, faire tenir copie du jugement en modification du jugement de divorce au SCARPA et solliciter l'intervention du service, lequel ouvrirait alors un nouveau dossier sur la base de cette nouvelle décision judiciaire exécutoire. En l'état, le SCARPA ne pouvait que maintenir la décision attaquée et conclure au rejet du recours.

 

9. Des pièces du dossier, l'on retiendra les éléments suivants :

 


- le jugement en modification du jugement de divorce a réduit la contribution due pour l'entretien de V__________ à CHF 400.- par mois jusqu'à l'âge de 15 ans et CHF 500.- jusqu'à sa majorité;

 

- l'appel formé contre le susdit jugement par Mme M_________ a été déclaré irrecevable par arrêt de la Cour de justice du 21 septembre 2000.

 

 


EN DROIT

 

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. Le but du SCARPA est de fournir une aide adéquate aux créanciers d'une pension alimentaire, en général l'épouse et les enfants, en vue d'obtenir l'exécution des prestations fondées sur le jugement. Pour cela, le SCARPA peut faire des avances sur des prestations échues et procéder au recouvrement de ces prestations auprès du débiteur (Mémorial des séances du Grand Conseil 1992 p. 3217).

 

3. Le montant des avances en faveur d'un enfant correspond à celui de la pension fixée par le jugement ou la convention, mais au maximum à CHF 673.-- par mois (art. 4 al. 1 du règlement d'application de la loi sur l'avance et le recouvrement des pensions alimentaires du 2 juin 1986 - RALARPA - E 1 25.01). Celui de l'avance en faveur du conjoint correspond à celui de la pension fixée par le jugement ou la convention, mais au maximum à CHF 833.-- par mois (art. 5 al. 1 RALARPA).

 

4. Modifié par une novelle du 16 décembre 1982 et entré en vigueur le 5 février 1983, l'article 12 LARPA, dont la note marginale s'intitule "Refus des avances", est ainsi libellé : "Les avances peuvent être refusées si le bénéficiaire compromet l'action du service, notamment en fournissant volontairement des renseignements inexacts ou incomplets. Il peut être alors contraint à rembourser les avances consenties en tout ou en partie".

 

Avant 1983, cette disposition avait la teneur suivante (art. 10 al. 2 aLARPA; RG - E 1 4,5) : "Elle (l'avance) peut être refusée si le bénéficiaire, par sa faute, rend impossible la découverte du débiteur ou compromet l'action du service".

 

Selon l'exposé des motifs, ce nouvel article correspondait à la reprise de l'ancien, sous une forme un peu différente. "Le mot «alors» précise que c'est le seul cas où le bénéficiaire peut être tenu de rembourser les avances" (Mémorial, 1980 II p. 1469).

 

Lors des débats parlementaires, il a été précisé que la proposition du Conseil d'Etat avait "été acceptée sous cette réserve que les avances ne peuvent être refusées lorsque le bénéficiaire fournit des renseignements inexacts et incomplets, que s'il a agi volontairement".

 

5. La LARPA prévoit plusieurs situations dans lesquelles les avances peuvent cesser. Lorsque le débiteur réside ou est domicilié à l'étranger, ou lorsqu'il quitte la Suisse (art. 8 A LARPA) ou encore lorsque le débiteur se trouve dans un état d'insolvabilité durable (art. 11 LARPA).

 

Bien qu'intitulé "Refus des avances", l'article 12 vise également la cessation des avances en cours, lorsque le bénéficiaire compromet l'action du service. Le terme "notamment" qui suit suppose qu'il existe plusieurs hypothèses par lesquelles le bénéficiaire peut compromettre l'action du SCARPA par son attitude active ou passive, la fourniture de renseignements inexacts ou incomplets n'étant qu'un cas parmi d'autres donnant au SCARPA la possibilité de refuser ou de cesser ses avances.

Il en découle que si le bénéficiaire compromet l'action du service d'une manière ou d'une autre, volontairement ou non, c'est-à-dire de manière délibérée ou par négligence, le SCARPA est en droit de cesser ses avances (ATA M. du 3 novembre 1998 et les références citées).

 

6. En l'espèce, il est indéniable que la recourante a compromis l'action du SCARPA en ne lui communiquant pas immédiatement le jugement du 11 juillet 2000 réduisant le montant des pensions alimentaires dues à titre de contribution mensuelle à l'entretien de V__________ à CHF 400.- jusqu'à l'âge de 15 ans et CHF 500.- jusqu'à sa majorité.

 

Cette attitude est d'autant moins admissible que la recourante a bien dû se rendre compte que le jugement précité condamnait son mari à des versements inférieurs à ceux qu'elle recevait du SCARPA. Ce faisant, elle a failli à ses obligations de prévenir le SCARPA de tout changement qui pourrait affecter son droit aux avances.

 

7. a. Reste à déterminer si le SCARPA était fondé à supprimer toute avance à la recourante, ou s'il pouvait prendre une mesure moins incisive.

 

b. L'on ne saurait déduire du texte même de l'article 12 que l'autorité administrative n'aurait aucune liberté de choisir une décision autre que le refus pur et simple ou le renoncement à ce refus. Il lui est loisible de choisir entre ces deux extrêmes toute une gamme de décisions intermédiaires, telle que la réduction de l'avance pour une durée déterminée ou indéterminée, la suppression de l'avance à titre temporaire, plutôt que de manière définitive etc.

 

c. De même, le bénéficiaire peut être contraint de rembourser les avances consenties en tout ou en partie non seulement lorsqu'il a fourni volontairement des renseignements inexacts ou incomplets, mais lorsqu'il a d'une autre manière compromis l'action du service. Le devoir de rembourser peut ainsi être combiné avec une décision plus modérée que la suppression pure et simple des avances à titre définitif (ATA précité).

 

8. Dans le cas particulier, le Tribunal administratif mettra en présence l'intérêt public consistant à assurer le bon fonctionnement du SCARPA, à préserver les deniers publics et encore à satisfaire à l'égalité de traitement entre les bénéficiaires d'avances, et l'intérêt privé de la recourante à continuer à recevoir les avances dont elle a besoin. En effet, il est injustifié d'avoir pris une mesure aussi drastique et définitive, alors que le but recherché aurait pu être atteint d'une autre manière.

 

La recourante a fait appel du jugement en modification du jugement de divorce du 11 juillet 2000 en concluant à son annulation et au déboutement du débirentier de toutes ses conclusions. Cet appel a été déclaré irrecevable par arrêt de la Cour de justice du 21 septembre 2000, ce dont la recourante s'est bien gardée d'en informer les instances concernées, notamment le tribunal de céans.

 

Dans ces conditions, il se justifie de demander au SCARPA de reprendre ses avances à partir du 1er octobre 2000, à concurrence des montants retenus dans le jugement du 11 juillet 2000. La compensation pour ce montant indûment perçu au mois de septembre 2000, soit CHF 50.-, pourra être opérée ipso facto par le SCARPA.

 

9. Le recours sera ainsi partiellement admis et la cause renvoyée au SCARPA pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

 

Vu l'issue du litige, un émolument réduit de CHF 100.- sera mis à la charge de la recourante. Nonobstant la solution du présent recours, aucune indemnité ne lui sera allouée, vu les défaillances patentes de la recourante et de son conseil.

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 16 octobre 2000 par Madame M__________ contre la décision du service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires du 14 septembre 2000;

 

au fond :

 

l'admet partiellement;

 

renvoie la cause au SCARPA pour nouvelle décision dans le sens des considérants;

 

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 100.-;

 

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité à Mme M___________;

 

communique le présent arrêt à Me Christine Sordet, avocate de la recourante, au service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires et à la Commission du Barreau.

 


Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bonnefemme-Hurni, Bovy, MM. Schucani, Paychère, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj.: le vice-président

 

C. Goette Ph. Thélin

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci