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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1128/2003

ATA/766/2003 du 21.10.2003 ( HG ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : DROIT A DES CONDITIONS MINIMALES D'EXISTENCE; ASSISTANCE PUBLIQUE; PRESTATION D'ASSISTANCE; ABUS DE DROIT; SUBSIDIARITE; HG
Normes : LAP.1 al.3; CST.12
Résumé : L'un des principes qui prévaut en matière d'assistance est que les causes de l'indigence qui ne sont pas déterminantes. En particulier, les fautes, dont est personnellement responsable la personne qui sollicite l'aide, ne privent pas celle-ci de son droit à l'aide. Le " refus " de l'aide sociale ne peut se justifier qu'en cas d'abus de droit : si tel n'est pas le cas, seule une réduction proportionnée des prestations est admissible. Principe de subsidiarité de l'assistance publique au regard du droit à des conditions minimales d'existence. Le principe de réciprocité n'entre en ligne de compte qu'une fois l'aide octroyée. Abus de droit en matière d'assistance publique. Effets du refus d'assistance sur les proches de la personne concernée. En l'espèce, faute grave de l'administré excluant le refus de l'assistance publique mais justifiant une réduction de 15%, durant 6 mois, du forfait mensuel maximal de base.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 21 octobre 2003

 

 

 

dans la cause

 

 

Monsieur A.__________

représenté par Caritas Genève

 

 

 

contre

 

 

 

 

HOSPICE GÉNÉRAL

 



EN FAIT

 

 

1. Monsieur A.__________, né le 16 juillet 1960, domicilié à la rue __________ à Genève, est arrivé en Suisse en 1981. Il vit avec sa femme, Madame A.__________, et leurs huit enfants, dont deux sont majeurs.

 

Son épouse a perçu, à partir du 12 septembre 2001, des indemnités de chômage à 50%, correspondant à un montant de CHF 2'170,05 par mois, allocations familiales comprises. Son délai cadre est arrivé à échéance le 11 septembre 2003.

 

2. M. A._________ a exploité en qualité d'indépendant un café-restaurant jusqu'au mois de juillet 2001.

 

Sa demande d'indemnité de chômage, déposée le 24 septembre 2001, lui a été refusée le 2 octobre 2001 en raison de son statut d'indépendant. L'office cantonal de l'emploi (ci-après: OCE) lui a alors proposé d'effectuer un emploi temporaire cantonal (ci-après: ETC).

 

M. A._________ n'a pas usé de cette possibilité, estimant que le revenu que lui procurerait ce travail n'aurait pas été suffisant pour assumer ses charges familiales. Il a décidé de suivre une formation de cafetier-restaurateur, qu'il a financée lui-même et qui s'échelonnait du mois de février 2002 au mois de mai 2002, avec pour objectif de trouver un emploi dans ce domaine.

 

3. Il s'est par la suite adressé en février 2002 au centre d'action sociale et de santé de son quartier afin de pouvoir bénéficier d'une assistance.

 

L'OCE ayant accepté de reporter l'inscription de M. A.__________ à un ETC jusqu'à la fin dudit cours, soit le 1er juin 2002, l'Hospice général (ci-après: l'hospice) lui a accordé une aide dès le 1er février 2002.

 

4. Au mois de juin 2002, bien qu'ayant échoué à ses examens et n'ayant pas trouvé d'emploi, M. A.___________ a annoncé à l'hospice qu'il ne s'inscrirait pas pour un ETC. Il désirait en effet partir en juillet et août 2002 pour le Kosovo, pays dont il est originaire et qu'il n'avait pas revu depuis 11 ans.

 

Estimant que M. A.__________ n'avait pas respecté les termes de son contrat d'assistance en ne s'inscrivant pas pour l'ETC alors qu'il n'avait pas trouvé d'emploi, l'hospice l'a dès lors informé qu'il interrompait son aide financière, ainsi que l'octroi du subside cantonal pour son assurance maladie, dès le 1er juillet 2002. Il lui a également conseillé de prendre contact avec l'OCE afin de voir si un nouveau report de l'inscription à l'ETC était encore possible.

 

5. Au mois de septembre 2002, une nouvelle demande d'assistance, sollicitée pour la famille A.__________ par la fille aînée de M. A.__________, a été refusée par l'hospice.

 

6. Par décision du 20 décembre 2002, l'OCE a refusé d'accorder un ETC à M. A.___________ au motif que ce dernier n'était pas en mesure de prouver son affiliation en qualité d'indépendant auprès d'une caisse de compensation AVS. Référence était faite à l'article 44 alinéa 2 de la loi cantonale en matière de chômage du 11 novembre 1983 (J 2 20), sont réputées indépendantes les personnes qui, au cours des deux années précédant la demande d'emploi temporaire, ont exercé une activité lucrative indépendante et qui sont en mesure de justifier, pour la même période, leur affiliation en qualité de travailleur indépendant à une caisse de compensation de l'assurance-vieillesse et survivants fédérale.

 

Dans ce but, il était invité à continuer à faire contrôler (timbrer) son chômage et à poursuivre ses contacts avec sa conseillère afin d'envisager d'autres opportunités de placement. Il lui était également conseillé de s'adresser au service du revenu minimum cantonal d'aide sociale (ci-après: RMCAS) "afin d'examiner les conditions d'ouverture d'un dossier".

 

M. A._________ n'a pas formé de réclamation contre cette décision.

 

7. Le 16 janvier 2003, ce dernier a à nouveau sollicité une aide financière auprès de l'hospice en expliquant s'être lourdement endetté pour subvenir aux besoins de sa famille.

 

8. Par décision du 12 février 2003, l'hospice a refusé l'aide demandée, motif pris qu'en ne s'inscrivant pas à un ETC dans les délais convenus au mois de février 2002, M. A._________ s'était privé de ses droits en matière d'assurance chômage et éventuellement d'un droit futur au RMCAS.

 

Dans la mesure où l'assistance publique était subsidiaire à toutes autres ressources, en particulier aux revenus provenant d'une mesure cantonale en faveur des indépendants, elle ne pouvait être accordée à une personne qui abandonnait son droit à une mesure cantonale.

 

9. M. A.__________ a formé une réclamation contre cette décision le 18 mars 2003.

 

Lorsqu'il avait pris la décision de ne pas s'inscrire à l'ETC au mois de juin 2002 et de partir deux mois au Kosovo, il ignorait qu'il ne pourrait pas bénéficier d'un ETC à son retour.

 

Il admettait cependant avoir fait "une erreur" en laissant passer le délai qui lui avait été octroyé. Il expliquait cette dernière par la profonde détresse dans laquelle lui et sa famille se trouvaient, les dettes s'étant accumulées.

 

10. Le président du conseil d'administration de l'hospice (ci-après: le président) a rejeté cette réclamation par décision du 8 mai 2003, et ce pour les motifs précédemment exposés. Il ajoutait par ailleurs que l'on ne pouvait considérer le manquement de M. A. comme étant "une simple erreur" dans la mesure où l'hospice lui avait plusieurs fois rappelé l'importance d'exercer un ETC.

 

11. Par acte du 1er juillet 2003, reçu au greffe du tribunal de céans le 3 juillet 2003, M. A.__________ a recouru contre la décision susmentionnée.

 

a. S'il n'avait pas accepté l'ETC qui lui avait été proposé en automne 2001, c'est parce qu'il avait estimé que le revenu que lui aurait procuré ce dernier était insuffisant pour couvrir les besoins de sa famille. Il ne savait en outre pas que le revenu en question pouvait le cas échéant être complété par l'assistance publique. Ainsi, une formation de cafetier-restaurateur lui avait semblé ouvrir de meilleures perspectives d'avenir.

 

C'est ainsi qu'après avoir épuisé ses économies et s'être endetté pour sa famille, il s'était résolu à demander une aide financière à l'hospice en février 2002.

 

Il admettait, d'autre part, avoir été averti par l'hospice de ce qu'il ne recevrait pas d'aide durant son séjour au Kosovo.

 

Concernant sa situation financière, il ne pouvait plus payer son loyer depuis le mois de décembre 2002. Ses primes d'assurance maladie demeuraient également impayées. Il était par ailleurs toujours inscrit au chômage et timbrait régulièrement.

 

b. La décision du président violait son droit, ainsi que celui de son épouse et de leurs enfants, d'obtenir de l'aide dans des situations de détresse en faisant une application erronée du principe de subsidiarité de l'aide sociale.

 

Concernant ses enfants, cette décision violait également les normes prescrites par les articles 3 et 27 de la convention sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989 (CDE - RS 0.107) et par les articles 11 et 12 de la constitution fédérale du 18 avril 1999 (Cst. féd. - RS 101).

 

Une erreur de sa part ne saurait enfin avoir pour conséquence de pénaliser son épouse et leurs enfants, lesquels n'étaient en aucun cas responsables de la situation dans laquelle il s'était placé.

 

c. Il conclut sur le fond à l'annulation de la décision entreprise, à ce que sa femme et ses enfants obtiennent l'assistance financière ordinaire de la part de l'hospice et à ce qu'il lui soit octroyé une aide suffisante au regard de l'article 12 de la constitution fédérale et du principe de proportionnalité. Ces mêmes aides sont requises sur mesures provisionnelles.

 

12. Le tribunal de céans a ouvert une instruction sur incident.

 

Dans sa réponse, l'hospice a conclu au déboutement de M. A.__________.

 

13. Par décision du 25 août 2003, et communiquée aux parties le même jour, le tribunal de céans a admis partiellement la requête sur mesures provisionnelles et ordonné à l'hospice d'assister l'épouse du recourant, ainsi que ses enfants à charge, dans la mesure du barème normal d'assistance avec effet rétroactif au jour du dépôt du recours, soit le 1er juillet 2003.

 

14. a. Dans sa réponse sur le fond du 15 septembre 2003, l'hospice conclut au rejet du recours.

 

Lors de l'annonce, par M. A.___________, de sa décision de ne pas s'inscrire et de partir au Kosovo, son attention avait été attirée non seulement sur le fait qu'il ne bénéficierait dès lors d'aucune aide durant son absence, mais également qu'en renonçant à effectuer ledit ETC, il prenait le risque de se retrouver à son retour sans ressource ni aide sociale.

 

M. A.__________ n'avait entrepris aucune des démarches conseillées par l'OCE dans sa lettre du 20 décembre 2002.

 

Concernant la situation financière de la famille A.__________, Mme A.__________ bénéficierait d'un ETC dès le mois de septembre 2003, ce qui lui procurerait un revenu mensuel de l'ordre de CHF 2'800.- La demande d'allocation sociale, déposée par M. A._________ auprès du service social de la Ville de Genève le 2 juillet 2003, devrait par ailleurs lui permettre de percevoir une aide de l'ordre de CHF 500.-

 

b. Il ne saurait y avoir une quelconque violation des dispositions invoquées par M. A._________, les ressources dont bénéficiait la famille A.__________ étant suffisantes au regard de ces normes.

 

Ces ressources auraient de plus pu, et pourraient encore aujourd'hui, être améliorées si M. A.__________ recherchait effectivement un nouvel emploi, ce que l'hospice mettait en doute, ses qualifications professionnelles devant très probablement lui permettre d'en trouver un dans le domaine de la restauration où les places ne manquent pas. Le principe de réciprocité avait pour conséquence que l'absence de recherche d'emploi de la part de M. A.___________ lui interdisait de percevoir l'aide sociale.

 

En outre, le principe de subsidiarité, consacré par l'article 1 alinéa 3 de la loi cantonale sur l'assistance publique du 19 septembre 1980 (LAP - J 4 05), avait été correctement appliqué, M. A.__________ n'ayant sciemment entrepris ni les démarches nécessaires pour obtenir d'autres aides sociales (RMCAS), ni celles pour se réinsérer (continuer à timbrer et à rechercher un emploi).

 

L'argument de M. A.___________ selon lequel une sanction ne pouvait s'appliquer qu'à la personne fautive était irrelevant en l'espèce. En effet, il ne s'agissait pas ici à proprement parler d'une sanction, mais d'un refus d'allouer de nouvelles prestations en application du principe de subsidiarité. Cette décision, dans la mesure où elle maintenait le statu quo, n'affectait pas la situation de la famille de M. A._____________. Subsidiairement, même si la décision de l'hospice devait être qualifiée de sanction, les ressources dont disposait la famille A.______________ étaient telles que les proches de M. A._____________ n'étaient en aucun cas affectés par ladite décision.

 

Enfin, le fait de ne pas s'être inscrit à l'ETC et de ne pas avoir entrepris les démarches nécessaires pour améliorer sa situation constituait un abus de droit de la part de M. A.____________ qui justifiait le refus de l'assistance publique.

 

 

EN DROIT

 

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. a. Selon l'article 12 Cst féd., entrée en vigueur le 1er janvier 2000, "quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine". Ce droit à des conditions minimales d'existence fonde une prétention du justiciable à des prestations positives de la part de l'Etat (notamment ATF 2P.115/2001 du 11 septembre 2001, consid. 2a; ATF 2P.59/2001 du 11 septembre 2001, consid. 2b; ATF 122 II 193 = JdT 1998 I 566, consid. 2c dd).

 

b. La Constitution fédérale ne garantit toutefois que le principe du droit à des conditions minimales d'existence; il appartient ainsi au législateur - fédéral, cantonal et communal - d'adopter des règles en matière de sécurité sociale qui ne descendent pas en dessous du seuil minimum découlant de l'article 12 Cst. féd., mais qui peuvent aller au-delà (ATF 2P.115/2001, op. cit., consid. 2a).

 

c. Selon le Tribunal fédéral, l'aide sociale a pour but d'éviter les situations de nécessité, respectivement d'y remédier. Il en découle que l'un des principes qui prévaut en matière d'assistance est que les causes de l'indigence ne sont pas déterminantes (ATF 121 I 367 = JdT 1997 I 285, 287 et 288, consid. 3b et 3d). Ainsi, l'aide sociale doit être accordée immédiatement pour satisfaire les besoins vitaux, indépendamment des causes de la situation d'indigence (ATF 2P.115/2001, op. cit., consid. 2c).

 

En particulier, les fautes dont la personne qui sollicite l'aide est personnellement responsable ne privent pas celle-ci de son droit à l'aide (F. WOLFFERS, Fondements du droit de l'aide sociale, Berne 1995, pp. 140, 187-188; cf. également P. MOOR, Droit administratif. Les actes administratifs et leur contrôle, vol. II, Berne 2002, p. 121).

 

La Haute Cour admet dès lors que le refus de l'aide ne peut se justifier qu'en cas de comportement abusif de la personne concernée (ATF 121 I 367, op. cit., consid. 3).

 

d. Le tribunal de céans estime ainsi que selon une interprétation de l'article 12 Cst. féd. conforme aux principes susdécrits, un "refus" total de l'aide sociale ne peut être opposé à une personne qui s'est fautivement mise dans une situation d'indigence que si cette faute équivaut à un abus de droit. Si tel n'est pas le cas, le respect du principe de proportionnalité doit conduire à tenir compte de la gravité de la faute et des circonstances du cas d'espèce pour déterminer dans quelle mesure les prestations d'aide publique peuvent le cas échéant être réduites (cf., à ce propos, P. MOOR, op. cit., p.122 et F. WOLFFERS, op. cit. p. 189).

 

En outre, cette réduction devra en principe être limitée dans le temps (ATF 2P.115/2001, op. cit., consid. 2c et ATF 122 II 193, op. cit., consid. 3b bb, applicables par analogie, ces arrêts traitant de la réduction ou du retrait d'une aide déjà existante).

 

3. a. A Genève, la LAP prévoit que l'assistance publique est destinée à venir en aide aux personnes qui ont des difficultés sociales ou sont dépourvues des moyens nécessaires pour satisfaire leurs besoins vitaux et personnels indispensables (art. 1 al. 2 LAP).

 

b. L'article 1 alinéa 3 LAP précise que cette assistance est subsidiaire aux autres prestations sociales fédérales, cantonales ou communales et à celles des assurances sociales.

 

Cette disposition consacre le principe de subsidiarité de l'aide sociale, lequel a été jugé conforme à l'article 12 Cst. féd. (notamment ATF 2P.196/2002 du 3 décembre 2002, consid. 5.1).

 

Ce principe implique que l'aide sociale n'est accordée que si elle représente le seul moyen d'éliminer la situation d'indigence (F. WOLFFERS, op. cit., p. 141).

 

Le Tribunal fédéral a ainsi récemment admis, dans une arrêt concernant le retrait d'une aide sociale, que le droit fondamental garanti par l'article 12 Cst. féd. ne visait pas la personne qui pouvait, de façon actuelle, effectivement et légalement se procurer les moyens nécessaires à son existence (ATF 2P.147/2002 du 4 mars 2003, consid. 3.3 in fine ; A. W. ALBRECHT, Einstellung von Sozialhilfeleistungen ist zulässig. Kommentar, in : Zeitschrifft für Sozialhilfe, 6/2003, pp. 83-84.)

 

Or, rien ne permet de s'écarter de ces considérations lorsqu'il n'est pas question de retrait, mais de refus de prestations sociales.

 

4. En l'espèce, il sied de vérifier si les conditions d'un refus de l'aide sociale, telles qu'elles viennent d'être décrites, sont réalisées.

 

5. La décision querellée se fonde uniquement sur le fait que le recourant ne s'est pas inscrit à temps à l'ETC, laissant ainsi passer l'opportunité de bénéficier à terme d'une indemnité de chômage.

 

Cet argument ne peut être retenu.

 

S'il apparaît justifié, au regard du principe de subsidiarité, d'avoir retiré au recourant l'aide sociale au mois de juillet 2002 en raison de sa non inscription à l'ETC, la situation a depuis lors fondamentalement changé.

 

En effet, le recourant s'est inscrit à l'automne 2002 pour obtenir un ETC. Cette démarche s'est avérée infructueuse en raison de sa tardiveté. Il n'en demeure pas moins qu'il s'est dès lors légalement trouvé dans l'impossibilité de percevoir un quelconque revenu de la part de l'assurance-chômage.

 

L'institution intimée se garde bien d'exposer quelles seraient les "autres prestations" dont aurait pu bénéficier le recourant. En particulier, le droit à un RMCAS ne lui était à première vue pas ouvert, ce dernier étant destiné aux chômeurs en fin de droit. Or, le recourant n'avait précisément pas obtenu de droits en matière de chômage.

En conséquence, dans l'hypothèse où les ressources de la famille du recourant se trouvaient, au mois de janvier 2003, effectivement en dessous du minimum vital, cette dernière avait un droit à une aide sociale en vertu de l'article 12 Cst. féd.

 

Le fait que le recourant se soit trouvé dans cette situation par sa faute ne le privait pas de ce droit, ce dernier existant indépendamment de la cause de l'indigence.

 

6. Le principe de subsidiarité ne trouve par ailleurs pas application en l'espèce.

 

En effet, le recourant n'était ni effectivement, ni légalement en mesure d'obtenir, au moment où il sollicitait l'aide de l'hospice, soit au mois de janvier 2003, une autre ressource financière. Aucun emploi ne lui était proposé et il n'était au bénéfice d'aucun droit découlant de l'assurance chômage, pas plus que d'une autre assurance sociale.

 

Son cas diffère ainsi de celui ayant donné lieu à l'ATF 2P.147/2002 précédemment cité.

 

Enfin, il sied de souligner que dans un ATA C. du 23 juillet 2002, confirmé par un ATF 2P.196/2002 du 3 décembre 2002 (dans lequel une personne refusait de s'inscrire à un ETC), le tribunal de céans, après avoir déclaré la réduction des prestations justifiée, avait expressément réservé le cas où, après s'être dûment inscrit, le recourant se serait vu refuser le droit à l'ETC.

 

7. C'est pour le surplus à tort que l'hospice, dans ses observations du 15 septembre 2003, retient l'absence prétendue de recherches d'emploi comme justifiant le refus d'assistance, en application, notamment, du principe de réciprocité.

 

En effet, ce dernier n'entre en ligne de compte qu'une fois que l'aide a effectivement été octroyée, ce qui était notamment le cas dans l'arrêt cité par l'intimé (ATF 2P.115/2001, op. cit., consid. 2c).

 

Il ne peut non plus, sur la base du principe de subsidiarité, être reproché au recourant de ne pas s'être adressé au Service du RMCAS, ce revenu ne lui étant, comme vu ci-avant, pas ouvert.

 

Dans sa décision du 12 février 2003, l'hospice avait d'ailleurs expressément admis que de par son comportement, le recourant s'était éventuellement privé d'un droit futur au RMCAS. Il est dès lors mal venu, de la part de l'intimé, de formuler aujourd'hui un tel reproche pour justifier le refus d'aide sociale.

 

8. Comme il a été dit, seul un abus de droit de la part du recourant aurait permis à l'hospice de lui refuser cette aide.

 

a. Il y a abus de droit notamment lorsqu'une institution est utilisée, de façon contraire au droit, pour la réalisation d'intérêts que cette institution n'a pas pour but de protéger (ATF 121 I 367, op. cit., consid. 3b). En d'autres termes, il n'y a abus de droit que si le comportement de l'indigent vise uniquement à obtenir des prestations d'assistance, si par exemple il refuse intentionnellement la possibilité d'acquérir un gain pour se faire entretenir plutôt que de travailler (ibid., consid. 3d; également F. WOLFFERS, op. cit., pp. 188-189, qui précise qu'un retrait des prestations se justifie si la personne bénéficiaire d'une aide se dérobe à un emploi "existant"; cf, enfin, P. STADLER, Einstellung von Sozialhilfeleistungen ist zulässig. Anmerkung, in : Zeitschrifft für Sozialhilfe, 6/2003, p. 84). En tous les cas, l'abus de droit ne peut être admis que de façon très restrictive (ATF 2P./115, op. cit., consid. 2c in fine). La personne doit en outre être en mesure de subvenir à ses besoins par ses propres moyens (ibid., consid. 2c). Cette dernière jurisprudence, bien qu'elle traite de la question du "retrait" de l'aide sociale, doit être également appliquée en matière de "refus" de cette dernière.

b. Or, en l'espèce, rien ne permet de retenir que le recourant s'est inscrit tardivement à l'ETC dans le but de bénéficier de l'aide sociale. Il sera rappelé à ce propos que cette dernière est une dette, ce qui conduit raisonnablement à penser qu'une personne pouvant bénéficier d'une indemnité de chômage, moyennant l'accomplissement d'un emploi temporaire, préférera cette solution à l'octroi de l'assistance publique.

 

9. Si le recourant n'a pas abusé de son droit, il a cependant clairement agi de manière fautive.

 

En effet, d'une part, il n'a, sans raison sérieuse, pas respecté le délai qui lui avait été octroyé pour s'inscrire à l'ETC et, d'autre part, il n'a pas formé de réclamation à l'encontre de la décision de l'OCE.

 

Ainsi, s'il avait assurément un droit à l'aide sociale, cette dernière pouvait être réduite dans le respect du principe de proportionnalité, c'est-à-dire en tenant notamment compte de la gravité de la faute commise et de l'effet de la réduction sur la situation financière de l'intéressé.

 

10. Enfin, selon F. WOLFFERS, "lorsqu'elle envisage la réduction ou le retrait des prestations de l'aide sociale, l'autorité veillera en particulier à ce que ces mesures n'affectent pas les proches du bénéficiaire des prestations" (F. WOLFFERS, op. cit., p. 190).

 

Au-delà de la question soulevée par l'intimé de savoir si, en l'espèce, le refus de l'aide sociale constituait ou non une sanction, le tribunal de céans ne voit pas pour quelle raison le principe susdécrit ne trouverait pas également application en cas d'octroi d'une prestation d'assistance.

 

Dès lors, la famille du recourant ne doit pas être pénalisée par le comportement de ce dernier.

 

11. En conclusion, le comportement fautif du recourant ne saurait le priver de son droit à l'aide sociale tel qu'il découle de l'article 12 Cst. féd. Ce comportement justifie néanmoins une certaine réduction de cette aide durant une période limitée.

 

Les normes de la Conférence suisse des institutions d'aide sociale (CSIAS 11/98), reprises dans l'ATF 2P.196/2002 précédemment cité (consid. 5.1), préconisent de ne pas diminuer de plus de 15% le forfait pour les dépenses courantes correspondant au minimum vital, et cela pour une durée maximum de six mois (normes CSIAS 11/98 A. 8-3).

 

Au vu notamment de la gravité des manquements du recourant, l'application au cas d'espèce de la réduction maximale admissible selon les normes susmentionnées apparaît justifiée et proportionnée. Ainsi, le recourant devra se voir octroyer une aide dont le forfait mensuel maximal de base prévu par les directives 2003 en matière d'assistance sera réduit de 15%, et ce pour une durée de six mois à compter du jour du dépôt de la demande d'aide, soit le 16 janvier 2003. Une aide pleine et entière devra lui être octroyée pour la suite.

 

Son épouse et ses enfants n'étant en rien responsables de cette situation, une aide sociale pleine et entière devra leur être octroyée depuis le 16 janvier 2003, déduction faite des versements déjà opérés suite à la décision sur mesures provisionnelles du 25 août 2003.

 

Au vu du principe de subsidiarité, ces aides n'interviendront toutefois que dans la mesure où la situation financière de la famille A.___________, analysée concrètement et de façon précise, place cette dernière en dessous du minimum vital de l'assistance publique. Il appartient à ce propos à l'hospice d'effectuer tous les calculs nécessaires. Le dossier lui sera en conséquence retourné à cette fin.

 

12. a. Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 LPA; art. 10 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986).

 

b. Aucune indemnité ne sera allouée au recourant, faute de conclusions dans ce sens (art. 87 al. 2 LPA).

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 1er juillet 2003 par Monsieur A.________ contre la décision du président du conseil d'administration de l'Hospice général du 8 mai 2003;

 

au fond :

 

l'admet partiellement;

 

renvoie la cause à l'Hospice général pour nouvelle décision dans le sens des considérants du présent arrêt;

 

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité;

communique le présent arrêt à Caritas Genève, mandataire du recourant, ainsi qu'à l'Hospice général.

 


Siégeants : M. Thélin, président, MM. Paychère, Schucani, Mmes Bonnefemme-Hurni, Bovy, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste : le président :

 

C. Del Gaudio-Siegrist Ph. Thélin

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci