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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/240/2003

ATA/143/2004 du 10.02.2004 ( HG ) , REJETE

Descripteurs : ASSISTANCE PUBLIQUE; PRESTATION D'ASSISTANCE; CALCUL; HOSPICE GENERAL; CONCUBIN; CONCUBINAGE; MENAGE COMMUN; hg
Normes : LAP.1 al.2; LAP.4 al.2
Résumé : Les personnes vivant en union libre sont traitées de la même manière que les couples mariés. C'est à bon droit que l'hospice général a additionné leurs revenus pour déterminer le droit du recourant à des prestations d'assistance.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 10 février 2004

 

 

 

dans la cause

 

 

Monsieur B__________

 

 

 

 

contre

 

 

 

 

HOSPICE GÉNÉRAL

 



EN FAIT

 

 

1. Le 3 octobre 2001, Monsieur B__________, né en 1957, divorcé et sans profession, a formulé une demande d'assistance financière auprès du centre d'action sociale et de santé (CASS) de Châtelaine.

 

Il avait en effet déposé une demande auprès de l'AI et sollicitait de l'Hospice général des prestations à titre d'avance AI. Lors de l'entretien du même jour, M. B__________ a déclaré son intention d'emménager avec son amie, Madame K__________, au Montfleury, 1214 Vernier.

 

2. Par lettre du 1er novembre 2001, Mme K__________ a informé l'Hospice général que le logement dont elle était locataire serait occupé par elle-même ainsi que par M. B__________. Elle a ajouté qu'ils s'étaient engagés l'un et l'autre à régler le montant du loyer ainsi que les charges conjointement et par moitié.

 

M. B__________ a contresigné la lettre précitée.

 

Aussi, les prestations versées à M. B__________ n'ont concerné que l'entretien et les frais complémentaires.

 

3. L'Hospice général a procédé à une enquête et a rendu son rapport le 12 août 2002, dont il ressort que l'appartement occupé par M. B__________ et Mme K__________ compte trois pièces, dont une chambre à coucher avec un lit conjugal. M. B__________ a déclaré dormir sur un canapé lorsque Mme K__________ était présente, car elle travaillait de nuit comme chauffeur de taxis indépendant. Questionné afin de savoir si Mme K__________ était son amie, M. B__________ a fini par l'admettre, mais il a aussitôt manifesté son intention de prendre un appartement individuel pour simplifier la situation.

 

4. Par lettre du 3 octobre 2002, M. B__________ a informé le CASS qu'il y avait lieu de le "considérer comme vivant seul et indépendant". En ce qui concernait son domicile, il a indiqué qu'il "logeait en sous-location, et en toute amitié, platonique, avec Mme K__________ ...".

 

5. Estimant que M. B__________ vivait en concubinage avec Mme K__________, l'Hospice général a mis fin à ses prestations par décision du 11 octobre 2002, avec effet au 31 octobre 2002. Selon sa pratique, les personnes vivant en union libre étaient traitées de la même manière que les couples mariés. Lorsque l'un des deux membres du couple exerçait une activité indépendante, ce qui était le cas de Mme K__________, l'assistance publique n'intervenait pas.

 

6. M. B__________ a élevé réclamation par lettre du 8 novembre 2002. Il avait dû trouver un logement dans l'urgence et Mme K__________, une amie de longue date, lui avait proposé de le dépanner. Il a affirmé ne pas vivre en concubinage avec Mme K__________, "dans la mesure où nous ne sommes pas un couple". On lui reprochait d'avoir ses affaires personnelles dans une armoire contiguë à celle de Mme K__________, dans la chambre de celle-ci. A cet égard, il tenait à relever qu'il n'y avait pas d'autre armoire dans laquelle il aurait pu mettre ses affaires. Chacun d'eux disposait de sa propre armoire. Et lui disposait personnellement d'une armoire murale supplémentaire située dans le hall d'entrée. Il était à la recherche d'un appartement. Aussi a-t-il joint à sa requête, à l'attention de l'Hospice général, une formule de demande de logement.

 

7. Par décision sur réclamation du 19 décembre 2002, le président du Conseil d'administration de l'Hospice général a rejeté la réclamation. Il a repris à son compte les arguments contenus dans la décision entreprise.

 

8. M. B__________ a recouru auprès du Tribunal administratif par acte du 13 février 2003. Le texte de son recours est semblable à celui de sa réclamation. Il a demandé un peu de compréhension et d'humanité.

 

9. L'Hospice général est demeuré sur ses positions. Bien que M. B__________ ait été à plusieurs reprises invité à fournir le bail à loyer principal ou un contrat de sous-location avec la preuve de l'accord de la régie, l'intéressé n'a donné aucune suite. L'Hospice général a relevé que les deux occupants de l'appartement partageaient le loyer et les charges.

 

 

EN DROIT

 

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. En droit genevois, l'article 1 alinéa 2 de la loi sur l'assistance publique du 19 septembre 1980 (J 4 05 LAP) prévoit que l'assistance publique est destinée à venir en aide aux personnes qui ont des difficultés sociales ou qui sont dépourvues des moyens nécessaires pour satisfaire leurs besoins vitaux et personnels indispensables.

 

La famille pourvoit à l'entretien de ses membres. A défaut, l'Etat intervient de façon appropriée. L'assistance publique est subsidiaire aux autres prestations sociales, fédérales, cantonales ou communales et à celles des assurances sociales (article 1 alinéas 1 et 3 LAP).

 

3. Le litige porte sur la question de savoir si M. B__________ et Mme K__________ doivent être considérés comme des concubins et, dans l'affirmative, s'il résulte de cette situation que des prestations d'assistance peuvent être supprimées à M. B__________. En effet, la nature et l'ampleur des prestations qui lui étaient versées jusqu'au 31 octobre 2002 ne sont pas mises en cause, pas plus que les éléments de revenus ayant conduit l'Hospice général à lui en allouer.

 

4. Lors de l'entretien du 3 octobre 2001 qu'il a eu avec l'assistante sociale en charge du dossier auprès du CASS, M. B__________ a déclaré vouloir emménager avec son amie, Mme K__________. L'enquêteur de l'Hospice général a de plus recueilli l'aveu de M. B__________ que Mme K__________ était son amie. La version contraire que soutient l'intéressé n'est guère crédible. Tout porte en effet à croire que M. B__________ et Mme K__________, logeant dans un appartement de trois pièces pourvu d'une seule chambre à coucher et d'un seul lit conjugal, vivent en concubinage. Le fait qu'ils aient décidé d'un commun accord de partager par moitié le loyer et les charges accrédite cette thèse. C'est le propre d'un couple, marié ou non, que de partager leurs charges et leurs ressources communes.

 

Il faut en conclure que ces deux personnes vivent en concubinage.

 

5. L'article 4 alinéa 2 LAP prévoit que l'aide octroyée par l'Hospice général est accordée dans les limites des directives annuelles arrêtées par le département sur la base des barèmes intercantonaux.

 

Selon les directives édictées par le département de l'action sociale et de la santé sur la base de la LAP et de l'arrêté relatif aux directives 2002 en matière d'assistance du 18 décembre 2001 (J 4 05.03), il est précisé que font partie du groupe familial le bénéficiaire, son conjoint non séparé de corps ni de fait, ou son concubin et ses enfants à charge.

 

L'arrêté précité se réfère lui-même en son article 1 alinéa 2 aux montants prévus par la loi genevoise sur les prestations cantonales complémentaires à l'assurance vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité du 25 octobre 1968 (J 7 15). Dans cette dernière loi, la détermination du revenu déterminant tient compte des ressources du conjoint non séparé de corps ni de fait (article 5 alinéa 7).

 

Le renvoi prévu à l'article 4 alinéa 2 LAP à l'arrêté, puis à la loi précitée permet d'admettre que les directives qu'applique l'Hospice général rentrent dans le cadre de la LAP.

 

6. Les directives de l'Hospice général prévoient que les personnes vivant en union libre sont traitées de la même manière que les couples mariés. Cette question doit dès lors être examinée :

 

Dans un arrêt récent (ATA B. du 27 mai 2003), le Tribunal administratif a admis qu'un couple vivant en union libre devait être assimilé, s'agissant de l'application de la LAP, à un couple marié. Dans son arrêt, le Tribunal a rappelé que le Tribunal fédéral avait jugé que la prise en compte des revenus du concubin de l'ayant droit, s'agissant du domaine de l'avance des pensions alimentaires par les autorités cantonales, de même que la détermination de l'aide en fonction des revenus des deux concubins, n'était pas contraire à l'interdiction de l'arbitraire, ni au principe d'égalité de traitement, par rapport à la situation que connaissent des couples mariés. Tel était en particulier le cas lorsque la relation à l'intérieur du groupe familial en cause n'était pas éphémère, mais présentait au contraire une certaine continuité, ainsi qu'un caractère effectif (ATF 129 I page 7).

 

Plus récemment, le Tribunal fédéral a confirmé deux arrêts rendus par le Tribunal administratif du canton de Soleure qui avait posé comme condition à la prise en compte du revenu d'un concubin deux ans de vie commune (ATF du 12 janvier 2004, causes Nos 2P.218/2003 et 2P.242/2003). Tout en ayant approuvé les deux arrêts soleurois, le Tribunal fédéral n'en a pas moins confirmé que l'aide sociale relevait au premier chef des cantons, voire des communes, et que le droit fédéral en la matière fournissait tout au plus un cadre. Ce n'était donc pas au Tribunal fédéral de définir des conditions précises. La solution consistant à additionner les revenus des deux concubins dès lors qu'ils vivaient ensemble était parfaitement admissible.

7. C'est donc à juste titre que l'Hospice général a retenu que M. B__________ et Mme K__________ formaient un groupe familial dont il y avait lieu de prendre en compte les ressources de Mme K__________. Celles-ci étant supérieures aux barèmes fixés dans l'arrêté précité, l'Hospice général pouvait, sans violer la LAP ni la Constitution fédérale, supprimer l'aide accordée à M. B__________

 

Le recours sera ainsi rejeté. Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (article 10 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 E 5 10.03).

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 14 février 2003 par Monsieur B__________ contre la décision du Hospice général du 19 décembre 2002;

 

au fond :

 

le rejette ;

 

dit qu'aucun émolument ne sera perçu;

communique le présent arrêt à Monsieur B__________ ainsi qu'à Hospice général.

 


Siégeants : M. Thélin, président, MM. Paychère, Schucani, Mmes Hurni, Bovy, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste : le président :

 

C. Del Gaudio-Siegrist Ph. Thélin

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme N. Mega