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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2810/2012

ATA/184/2013 du 19.03.2013 ( LAVI ) , REJETE

Descripteurs : ; AIDE AUX VICTIMES ; INFRACTIONS CONTRE L'INTÉGRITÉ SEXUELLE ; TORT MORAL ; INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL) ; MEMBRE DE LA FAMILLE ; PARENTS ; MÈRE ; FRÈRES ET SOEURS ; FAUTE ; FAUTE PROPRE
Normes : CO.47; CO.49; LAVI.1.al2; LAVI.4; LAVI.22.al1; LAVI.23.al1; LAVI.23.al2; LAVI.27.al2; LAVI.27.al3; LAVI.30.al1; LAVI.46; LPA.62.al1.leta; LPA.70; LPA.87; LOJ.132; LaLAVI.19; LaLAVI.14.al1
Résumé : Indemnisations pour tort moral des proches de la victime décédée. Confirmation des montants alloués par l'instance d'indemnisation LAVI à la mère ainsi qu'aux frères et soeurs de la victime décédée, compte tenu notamment des liens qui les unissaient à ladite victime et du jeune âge de cette dernière. Prise en considération des montants maximums fixés dans le guide de l'OFJ relatif à la fixation du montant de la réparation morale à titre d'aide aux victimes d'infractions. Réduction des indemnités pour faute concomitante de la victime qui a participé à un trafic illicite considéré comme une activité à risques importants.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2810/2012-LAVI ATA/184/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 mars 2013

2ème section

 

dans la cause

 

Madame Y______ D______

Madame R______ D______

Madame M______

Madame K______

Madame U______

Monsieur A______ D______

Monsieur I______ D______

Monsieur H______ D______
représentés par Me Vincent Spira, avocat

contre

INSTANCE D'INDEMNISATION LAVI



EN FAIT

1) Monsieur J______ D______ est né le ______ 1990.

2) Le 1er janvier 2009, il avait donné rendez-vous à Monsieur E______ dans un parking du quartier des Eaux-Vives à Genève pour lui vendre 10 kg de haschich.

3) Lors de cette rencontre, M. E______ a tiré à cinq reprises et à bout portant sur M. J______ D______, avant de s'emparer des 10 kilos de haschich et de prendre la fuite.

4) Le 2 janvier 2009, M. J______ D______ est décédé des suites de ses blessures aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG).

5) Par jugement du 7 avril 2011, le Tribunal criminel a reconnu M. E______ coupable d'assassinat, de contrainte et d'infraction à l'art. 19 ch. 1 de la loi sur les stupéfiants du 3 octobre 1951 (LStup - 812.121) et l'a condamné à une peine privative de liberté de douze ans. Il devait payer à la mère de M. J______ D______ la somme de CHF 40'000.- avec intérêts à 5 % dès le 1er janvier 2009, ainsi qu'à chacun des huit frères et sœurs de ce dernier, la somme de CHF 15'000.- avec intérêts à 5 % dès le 1er janvier 2009, à titre d'indemnité pour tort moral.

6) Le 15 novembre 2011, M. E______ a retiré l'appel qu'il avait formé auprès de la chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice. Le jugement précité est ainsi devenu définitif.

7) Le 9 mars 2012, la mère, Madame Y______ D______, ainsi que les frères et sœurs du défunt, à savoir Messieurs A______, I______ et H______ D______ ainsi que Mesdames R______ D______, M______, K______ et U______ ont chacun déposé une en indemnisation auprès de l'instance d'indemnisation LAVI (ci-après : l'instance LAVI).

8) Le 3 mai 2012, l'instance LAVI a procédé à l'audition des précités.

9) Par ordonnance n° 2012/3155 du 15 août 2012, l'instance LAVI a alloué à Mme Y______ D______ une somme de CHF 15'000.- à titre de réparation du tort moral.

Elle entretenait des relations étroites avec son fils cadet, qui revêtait la qualité de victime, et les conséquences de l'atteinte avaient été importantes pour elle. Compte tenu du jeune âge de la victime et du lien qui l'unissait à sa mère, l'instance LAVI a fixé le montant de la réparation morale à la somme maximale qui pouvait être octroyée, soit à CHF 20'000.-.

Toutefois, en raison de la faute concomitante commise par M. J______ D______, qui s'était livré à un trafic de stupéfiants, l'instance LAVI a réduit d'un quart le montant précité.

10) Par ordonnances nos 2012/3156, 2012/3157, 2012/3158, 2012/3159, 2012/3160, 2012/3161, 2012/3162 datées du même jour, l'instance précitée a alloué à chacun des frères et sœurs du défunt une somme de CHF 6'000.- à titre de réparation du tort moral.

Ils entretenaient des relations étroites avec leur frère cadet et les conséquences de l'atteinte avaient été importantes pour eux. Compte tenu du jeune âge de la victime et du lien qui les unissait à leur jeune frère, l'instance LAVI a alloué à chacun d’eux la somme maximale qui pouvait leur être octroyée, soit CHF 8'000.-.

Toutefois, pour les mêmes raisons que celles prises en considération pour Mme Y______ D______, il se justifiait de réduire d'un quart ledit montant, qui s'établissait ainsi à CHF 6'000.- pour chacun d'eux.

11) Le 17 septembre 2012, Mme Y______ D______ a recouru après de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre l'ordonnance n° 2012/3155 précitée, concluant à son annulation et à la condamnation de l'Etat de Genève à lui verser un montant de CHF 35'000.- à titre de réparation morale.

L'instance LAVI devait respecter les montants prévus à l'art. 23 al. 2 let. b LAVI instituant un maximum de CHF 35'000.-.

La faute concomitante de la victime n'était pas contestée. L'instance précitée avait toutefois excédé son pouvoir d'appréciation.

12) A la même date, les 7 frères et sœurs de la victime ont interjeté chacun recours contre les ordonnances nos 2012/3156 à 2012/3162 les concernant auprès de la chambre administrative, en concluant à leur annulation et à la condamnation de l'Etat de Genève à verser à chacun d’eux un montant de CHF 15'000.- à titre de réparation morale, en développant la même argumentation que leur mère.

13) Le 19 octobre 2012, le juge délégué a octroyé aux parties un délai au 31 octobre 2012 pour formuler d'éventuelles observations complémentaires, ensuite de quoi la cause serait gardée à juger.

14) Par courrier du 9 octobre 2012, l'instance LAVI a déclaré n'avoir pas d'observations à formuler et elle a persisté dans ses conclusions. Elle a produit les dossiers.

15) Par courriers du 23 octobre 2012, tous les recourants ont répondu qu'ils n'avaient pas d'observations complémentaires à formuler, si bien que la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) A teneur de l’art. 70 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), l’autorité peut, d’office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune. Vu la connexité des faits, les causes A/2810/2012, A/2811/2012, A/2812/2012, A/2813/2012, A/2815/2012, A/2816/2012, A/2817/2012 et A/2818/2012 seront jointes sous le numéro A/2810/2012.

2) Interjetés en temps utile devant la juridiction compétente, les recours sont recevables (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 19 de la loi d'application de la LAVI du 11 février 2011 - LaLAVI - J 4 10 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

3) Selon l’art. 61 LPA, la chambre administrative est habilitée à revoir une décision pour violation du droit, y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation, et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. a et b LPA), mais pas sous l'angle de l’opportunité (art. 61 al. 2 LPA).

4) La LAVI du 4 octobre 1991 (aLAVI) a été abrogée à la suite de l’entrée en vigueur de la loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions du 23 mars 2007 (LAVI - RS 312.5) (art. 46 LAVI) le 1er janvier 2009.

Les faits à l'origine de la requête d'indemnisation datant du 1er janvier 2009, l'exception précitée ne trouve pas application et c'est ainsi la LAVI dans sa nouvelle teneur qui est applicable au cas d’espèce.

5) La LAVI poursuit le même objectif que l'aLAVI (ATF 134 II 308 consid. 55 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_571/2011 du 26 juin 2012 consid. 4.2), à savoir assurer aux victimes une réparation effective et suffisante dans un délai raisonnable (Message du Conseil fédéral concernant l’aLAVI du 25 avril 1990, FF 1990, vol. II p. 909 ss, not. 923 ss) ; elle maintient notamment les trois « piliers » de l'aide aux victimes (conseils, droits dans la procédure pénale et indemnisation y compris la réparation morale), la refonte visant pour l'essentiel à résoudre les problèmes d'application qui se posaient dans le premier et le dernier de ces trois domaines (Message du Conseil fédéral du 9 novembre 2005, FF 2005 6701).

L’instance LAVI statue sur les demandes d’indemnisation au sens des art. 19 à 29 LAVI (art. 14 al. 1 LaLAVI).

6) Selon l'art. 1 al. 2 LAVI, le conjoint, les enfants et les père et mère de la victime ainsi que les autres personnes unies à elle par des liens analogues (proches), ont également droit à l’aide aux victimes.

En l’espèce, M. J______ D______ a été assassiné alors qu'il était âgé de 18 ans. La qualité de victime de l'intéressé et celle de proche au sens de la LAVI de chacun des recourants est établie et non contestée.

7) Seuls demeurent litigieux les montants de la réparation morale.

En l'espèce, il est avéré que l’auteur des faits n'est pas en mesure de s'acquitter des montants auxquels il a été condamné par le Tribunal criminel.

8) a. Selon l'art. 22 al. 1 LAVI, la victime et ses proches ont droit à une réparation morale lorsque la gravité de l'atteinte le justifie ; les art. 47 et 49 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220) s'appliquent par analogie.

b. Dès lors, un proche ne peut faire valoir de droit à l'octroi d'une réparation morale que s'il pourrait faire valoir des prétentions civiles contre l'auteur de l'infraction en vertu des art. 47 ou 49 CO (Arrêt du Tribunal fédéral 1A_208/2002 du 12 juin 2003 consid. 3.1 et Arrêt du Tribunal fédéral 1A_196/2000 du 7 décembre 2000 publié in ZBl 102/2001 p. 492) La réparation morale constitue désormais un droit (Message du Conseil fédéral du 9 novembre 2005, FF 2005 6742).

Le système d'indemnisation instauré par la LAVI et financé par la collectivité publique n'en demeure pas moins subsidiaire par rapport aux autres possibilités d'obtenir réparation dont la victime dispose déjà (art. 4 LAVI ; ATF 131 II 121 consid. 2 ; 123 II 425 consid. 4b.bb ; Message du Conseil fédéral du 9 novembre 2005, FF 2005 p. 6’724).

9) Selon l'art. 23 al. 1 LAVI, le montant de la réparation morale est fixé en fonction de la gravité de l’atteinte. Il ne peut excéder CHF 35'000.-, lorsque l’ayant droit est un proche de la victime (art. 23 al. 2 let. b LAVI).

Les prestations versées par des tiers à titre de réparation morale doivent être déduites du montant alloué par l’instance LAVI (art. 23 al. 2 LAVI).

10) En sus de la jurisprudence rendue en la matière et vu le renvoi exprès opéré par l'art. 22 al. 1 LAVI, il convient de tenir compte de la jurisprudence rendue en matière d’indemnisation du tort moral sur la base de l’art. 49 CO (SJ 2003 II p. 27), ou le cas échéant de l'art. 47 CO, étant précisé que des souffrances psychiques équivalent à des lésions corporelles au sens de cette disposition (Arrêt du Tribunal fédéral 6B_246/2012 du 10 juillet 2012 consid. 3.1.1).

a. L’ampleur de la réparation dépend avant tout de la gravité de l’atteinte - ou plus exactement de la gravité de la souffrance ayant résulté de cette atteinte, car celle-ci, quoique grave, peut n’avoir que des répercussions psychiques modestes, suivant les circonstances - et de la possibilité d’adoucir la douleur morale de manière sensible, par le versement d’une somme d’argent (ATF 137 III 303 consid. 2.2.2 ; 129 IV 22 consid. 7.2 ; 115 II 158 consid. 2 et les références citées ; H. REY, Ausservertragliches Haftpflichtrecht, 4ème éd., 2008, n° 442 ss). Sa détermination relève du pouvoir d’appréciation du juge (ATF 137 III 303 précité consid. 2.2.2 ; 117 II 60 ; 116 II 299 consid. 5a).

b. En raison de sa nature, l'indemnisation pour tort moral échappe à toute fixation selon des critères mathématiques (ATF 129 IV 22 consid. 7.2 ; 125 III 269 consid. 2a ; 118 II 410 consid. 2a ; 117 II 60 consid. 4a, et les références citées ; 116 II 736 consid. 4g). L’indemnité est destinée à réparer un dommage qui, par sa nature même, peut difficilement être réduit à une somme d’argent. C’est pourquoi son montant ne saurait excéder certaines limites. Néanmoins, l’indemnité allouée doit être équitable. Le juge en fixera donc le montant proportionnellement à la gravité de l’atteinte et évitera que la somme accordée n’apparaisse dérisoire. S’il s’inspire de certains précédents, il veillera à les adapter aux circonstances actuelles (ATF 118 II 410).

c. Les proches d’une personne gravement invalide ont droit, en règle générale, à une réparation morale plus élevée que celle allouée aux proches d’une victime décédée des suites de l’infraction ; la gravité de la souffrance des premiers est considérée comme plus grande (ATF 117 II 50 ; ATF 113 II 323 ; Sem. jud. 1994 589). Outre la gravité de la souffrance éprouvée par les proches, le Tribunal fédéral prend en considération notamment les circonstances du décès (Arrêt du Tribunal fédéral 1A_169/2001 du 7 février 2002 consid. 5.2).

Le montant de la réparation morale étant fixé d'après la gravité de l'atteinte, les proches d'une victime décédée n'auront ainsi pas droit au montant maximum de CHF 35'000.- prévu à l'art. 23 al. 2 let. b LAVI. En effet, la LAVI prévoit un plafonnement des indemnisations pour tort moral, laissant le soin au juge de déterminer une somme équitable dans les limites de ce cadre.

d. En matière de réparation du tort moral, une comparaison avec d'autres causes ne doit intervenir qu'avec circonspection, puisque le tort moral ressenti dépend de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce. Cela étant, une comparaison peut se révéler, suivant les occurrences, un élément utile d'orientation (ATF 130 III 699 consid. 5.1 ; Arrêt du Tribunal fédéral 4A_741/2011 du 11 avril 2012 consid. 6.3.3).

11) L'instance LAVI s’est référée au Message du Conseil fédéral du 9 novembre 2005 (ci-après : FF 2005 6683) pour fixer l'indemnité pour tort moral, en fonction d’un maximum qui serait respectivement de CHF 20'000.- et CHF 8'000.-.

a. Selon le Conseil fédéral, pour les infractions commises dès le 1er janvier 2009, les montants alloués sont calculés selon une échelle dégressive indépendante des montants accordés habituellement en droit civil, même si ceux-ci peuvent servir à déterminer quels types d’atteintes donnent lieu à l’octroi des montants les plus élevés. La fourchette des montants à disposition est plus étroite que celle du droit civil. Les autorités cantonales devront dès lors réserver les montants proches du plafond aux cas les plus graves. Sinon il ne sera pas possible de traiter différemment des situations différentes, ce qui serait contraire au principe de l’égalité de traitement Pour les proches, les montants les plus élevés sont à attribuer aux proches d’une victime gravement invalide. La fourchette est étroite et la latitude pour prendre en compte les particularités de chaque cas est dès lors réduite. En tenant compte de la situation concrète telle que l’âge ou l’existence d’un ménage commun, un montant situé entre CHF 10'000.- et CHF 20'000.- peut être alloué pour la perte d’un enfant. Pour la perte d'un frère ou d'une sœur, un montant maximum de CHF 8'000.- peut être alloué, en fonction de l'existence d'un ménage commun ou de l'intensité de la relation. (FF 2005 6683 pp. 6745, 6746)

L'office fédéral de la justice (ci-après : OFJ) a repris ces fourchettes, en octobre 2008, dans un guide relatif à la fixation du montant de la réparation morale à titre d’aide aux victimes d’infractions, à l'intention des autorités cantonales en charge de l’octroi de la réparation morale au titre de la LAVI.

b. En règle générale, les instructions, les circulaires et les directives administratives - ou, en d’autres termes, les ordonnances administratives - n’ont, selon la jurisprudence et la doctrine, pas force de loi et ne constituent pas du droit fédéral au sens de l’art. 49 let. a de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021 ; ATF 121 II 478 consid. 2b ; ATA/439/2009 du 8 septembre 2009 et les références citées).

Si les directives, circulaires ou instructions émises par l’administration ne peuvent contenir de règles de droit, elles peuvent cependant apporter des précisions quant à certaines notions contenues dans la loi ou à la mise en pratique de celle-ci. Sans être lié par elles, le juge peut néanmoins les prendre en considération en vue d’assurer une application uniforme de la loi envers chaque administré. Il ne doit cependant en tenir compte que si elles respectent le sens et le but de la norme applicable (ATF 121 II 478 consid. 2b précité ; ATA/12/2012 du 10 janvier 2012 consid. 3 ; ATA/839/2003 du 18 novembre 2003 consid. 3c). En d’autres termes, à défaut de lacune, elles ne peuvent prévoir autre chose que ce qui découle de la législation ou de la jurisprudence (ATF 133 II 305 consid. 8.1 ; ATF 121 II 473 consid. 2b ; ATF 117 Ib 226 consid. 4b ; ATF 104 Ib 49). C’est donc à la lumière de ces principes que doivent être appréciées les règles contenues dans les directives précitées (ATA/69/2012 du 31 janvier 2012).

c. Dans la détermination du montant de la réparation morale, le juge jouit d'une large liberté d'appréciation (ATF 117 II 60 ; ATF 116 II 299 consid. 5.a). Le message du Conseil fédéral donne un certain nombre d’indications. Le guide de l'OFJ, qui constitue une directive, est dépourvu de force obligatoire et ne saurait lier le juge. Toutefois, dans un souci d'application la plus uniforme et équitable possible de la loi, il est nécessaire de tenir compte des recommandations précitées.

12) a. En l’espèce, l'instance LAVI a retenu que les conséquences de l'atteinte avaient eu une certaine importance pour Mme Y______ D______. M. J______ D______ était le fils cadet et faisait ménage commun avec sa mère lorsqu'il a été assassiné. Compte tenu de son jeune âge et du lien qui l'unissait à sa mère, l'instance précitée a estimé que le montant de la réparation morale correspondait à la somme maximale qui pouvait lui être octroyée, soit à CHF 20'000.-, conformément au message du Conseil fédéral susmentionné.

b. En ce qui concerne les 7 frères et sœurs de la victime, la même instance a retenu qu'en raison de son jeune âge et du lien qui l'unissait à ceux-ci, le montant de la réparation morale correspondait à la somme maximale qui pouvait leur être octroyée, soit à CHF 8'000.-, conformément au message précité.

Au vu de la directive précitée et des circonstances du cas d’espèce, l'instance LAVI leur a accordé à juste titre le montant maximum prévu dans un tel cas.

13) L'instance LAVI a néanmoins retenu une faute concomitante de la victime, qui n'est d'ailleurs pas contestée par les recourants.

a. A teneur de l'art. 27 al. 2 LAVI, l’indemnité et la réparation morale en faveur d’un proche peuvent être réduites ou exclues si celui-ci ou la victime a contribué à causer l’atteinte ou à l’aggraver. En outre, la réparation morale peut être réduite lorsque l’ayant droit a son domicile à l’étranger et que, en raison du coût de la vie à son domicile, la réparation morale serait disproportionnée (art. 27 al. 3 LAVI).

b. Une réduction du montant octroyé peut intervenir en cas de faute grave, mais aussi moyenne, voire légère (ATF 128 II 49 consid. 4.2 p. 54 et les arrêts cités ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_48/2011 du 15 juin 2011 consid. 5.1). En droit privé, il y a faute concomitante lorsque le lésé omet de prendre des mesures que l'on pouvait attendre de lui et qui étaient propres à éviter la survenance ou l'aggravation du dommage ; autrement dit, si le lésé n'a pas pris les mesures qu'une personne raisonnable, placée dans les mêmes circonstances, aurait pu et dû prendre dans son propre intérêt (ATF 107 Ib 155 consid. 2b p. 158 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_48/2011 du 15 juin 2011 consid. 5.1 ; Arrêt du Tribunal fédéral 6B_188/2010 du 4 octobre 2010 consid. 5.2.1 ; A. VON THUR, H. PETER, Allgemeiner Teil des Schweizerischen Obligationenrechts I, § 14 p. 108).

c. Bien que peu d'arrêts aient été rendus en la matière, une diminution de l’indemnité due au titre de la réparation morale LAVI entre 25 % et 50 % est généralement décidée, en cas de faute légère à moyenne (S. CONVERSET, Aide aux victimes d'infractions et réparation du dommage, 2009, p. 289).

d. La participation volontaire à une activité illicite, comportant le risque certain d'actes de violence et de justice propre, est une circonstance que le canton peut en soi opposer au requérant en tant que faute concurrente ou acceptation du risque. Cette situation se présente notamment pour les personnes s'adonnant au commerce et à la consommation de drogue (ATF 122 II 369 consid. 4 ; P. STEIN, in P. GOMM, P. STEIN, D. ZEHNTNER, Kommentar zum Opferhilfegesetz, 1995, p. 201 ad art. 13 n. 33 et 34). Il en va ainsi lorsque la victime s'expose sciemment à un risque d'agression en raison par exemple de ses mauvaises fréquentations. Dans ce cas, les indemnités allouées peuvent être réduites de moitié (ATF 121 II 369 consid. 3c/aa p. 373 et 4c p. 374 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1A_113/2006 du 10 octobre 2006). Le Tribunal fédéral a également réduit de 50 % le montant de la réparation morale d'une victime qui séjournait illégalement en Suisse et appartenait au milieu de la drogue, ayant participé à une rixe (Arrêt du Tribunal fédéral 1A_251/1999 du 30 mars 2000 consid. 3).

En l'occurrence, l'instance LAVI n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que la participation de la victime à un trafic illicite était une activité à risques importants, à prendre en compte pour la réparation. En effet, les faits se sont produits dans le cadre d'une transaction de 10 kg de haschish, transaction d'autant plus risquée qu'elle représentait une valeur considérable. La prise en compte de ces faits, à titre de faute concomitante, devait dès lors intervenir comme facteur de réduction de l'indemnité.

Par conséquent, comme l'a retenu l'instance LAVI, une réduction de l'indemnité de l'ordre d’1/4 est très équitable.

La chambre de céans ne peut ainsi que confirmer les montants alloués aux proches de la victime par l'instance précitée, à savoir CHF 15'000.- pour la mère et CHF 6'000.- pour chacun des 7 frères et sœurs.

14) Au vu de ce qui précède, les recours seront rejetés et les ordonnances nos 2012/3155 à 2012/3162 attaquées confirmées.

Aucun émolument ne sera mis à charge des recourants, la procédure étant gratuite (art. 30 al. 1 LAVI et 87 al. 1 LPA). Vu l'issue du litige, aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

Préalablement :

joint les causes A/2810/2012, A/2811/2012, A/2812/2012, A/2813/2012, A/2815/2012, A/2816/2012, A/2817/2012 et A/2818/2012 sous le numéro A/2810/2012 ;

à la forme :

déclare recevables les recours interjetés le 18 septembre 2012 par Mesdames Y______ D______, R______ D______, M______, K______ et U______ ainsi que Messieurs A______ D______, I______ D______ et H______ D______, contre les ordonnances de l’instance d'indemnisation LAVI du 15 août 2012 ;

au fond :

les rejette ;

rappelle qu'en vertu de l'art. 7 LAVI, le canton de Genève est subrogé à concurrence du montant versé dans les prétentions que les ayants droit peuvent faire valoir en raison de l'infraction ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession des recourants, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Vincent Spira, avocat des recourants, à l'instance d'indemnisation LAVI, ainsi qu’à l’office fédéral de la justice.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :