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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/809/2015

ATA/903/2015 du 01.09.2015 ( EXPLOI ) , REJETE

Recours TF déposé le 07.10.2015, rendu le 02.08.2016, REJETE, 2C_901/2015
Descripteurs : ATTESTATION ; PROTECTION DES TRAVAILLEURS ; MARCHÉS PUBLICS ; USAGE COMMERCIAL ; DEVOIR PROFESSIONNEL ; PROPORTIONNALITÉ
Normes : AIMP.11.lete; L-AIMP.5.al3; RMP.20; RMP.32.al1.letb; RMP.42.al1.letf.ch3; LIRT.25.al1; LIRT.26; LIRT.26A; LIRT.45; RIRT.41.al1; RIRT.42; RIRT.42A; CO.329d.al2
Résumé : Recours contre une décision de refus de délivrance de l'attestation de respect des conditions de travail et prestations sociales en usage à Genève pour une durée de deux ans. La recourante refusant de verser à l'une de ses employées le rattrapage salarial dû pour les vacances, en dépit de la non-réalisation des conditions pour l'inclusion de l'indemnité vacances dans le salaire horaire, et ayant transmis un planning à la place d'un registre des horaires, l'autorité intimée a à juste titre constaté le non-respect des usages et était fondée à refuser de délivrer l'attestation de respect des usages. Durée de deux ans conforme au principe de la proportionnalité. Recours rejeté.
En fait
En droit

 

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/809/2015-EXPLOI ATA/903/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er septembre 2015

2ème section

 

dans la cause

 

A______ & CIE
représentée par Me Claudio Fedele, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL


EN FAIT

1) Selon le registre du commerce, la société en nom collectif A______ & Cie (ci-après : A______), sise dans le canton de Genève et dotée de deux associés avec signature individuelle, Madame et Monsieur B______, a pour but l’exploitation d'un service de secrétariat téléphonique, l’exécution de mandats dans les domaines du télémarketing et du marketing, l’administration, la représentation et la domiciliation de sociétés ainsi que la représentation de tous produits et services.

2) Le 13 février 2014, la A______ a signé un formulaire d’« engagement à respecter les usages » et s’est ainsi notamment engagée à respecter les conditions minimales de travail et de prestations sociales qui lui étaient applicables.

3) Par courrier du 3 septembre 2014, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT), mandaté par la commission des mesures d’accompagnement pour effectuer une observation des conditions de travail dans le secteur des centres d’appel, a informé la A______ du fait qu’elle avait dans ce cadre été retenue pour une visite, durant laquelle les données relatives aux conditions salariales de ses employés seraient prélevées.

4) Par courriel du 19 septembre 2014, l’OCIRT a proposé à la A______ un rendez-vous le 7 octobre 2014 à 9h30 et lui a transmis une liste des documents à fournir à cette occasion. Il souhaitait vérifier le respect des conditions de travail et des prestations sociales en usage et procéder à l’enquête d’observation annoncée.

5) Par courriel du même jour, la A______ a demandé le report du rendez-vous à la fin du mois de novembre 2014. Elle avait déjà fourni les éléments demandés et ne pouvait refaire ce travail immédiatement, s’agissant d’une période particulièrement chargée.

6) Par « avertissement - droit d’être entendu » du 23 septembre 2014, l’OCIRT a rappelé à la A______ son devoir de collaborer, fixé la visite au 7 octobre 2014 - date d’ici laquelle la A______ avait par ailleurs la possibilité de se déterminer par écrit - et précisé que l’ensemble des documents figurant sur la liste annexée devraient lui être présentés, à défaut de quoi une décision de refus de délivrance de l'attestation de respect des usages - entraînant l’exclusion des procédures d’octroi de marchés publics - serait prononcée.

7) Le 26 septembre 2014, la A______ a réaffirmé ne pas être en mesure de réunir les documents demandés avant la fin du mois de novembre 2014.

8) Par « avertissement - droit d’être entendu » du 30 septembre 2014, l’OCIRT a informé la A______ avoir ouvert une procédure d’exécution de la loi sur le travail, consécutive à des plaintes de travailleurs, et a repoussé le rendez-vous et le délai pour déposer des observations d’une semaine uniquement, au égard au principe de l’égalité de traitement.

Le rendez-vous fixé correspondait à sa pratique, selon laquelle le contrôle sommaire effectué par courrier lors de la première signature de l’engagement au respect des usages était suivi par un contrôle plus approfondi après environ six mois. Il devait par ailleurs objectiver les plaintes des travailleurs et s’assurer de la protection de la santé et de la sécurité de ces derniers.

9) Le 14 octobre 2014, l’OCIRT a procédé à l’inspection prévue.

10) Le 7 novembre 2014, il a attiré l’attention de la A______ sur le fait que les violations de la loi fédérale sur le travail dans l’industrie, l’artisanat et le commerce du 13 mars 1964 (loi sur le travail - LTr - RS 822.11) et des dispositions impératives du droit du travail constituaient des violations de l’engagement à respecter les conditions minimales de travail et prestations sociales en usage, passibles d’une sanction en la forme d’un refus de délivrance de l'attestation de respect des usages, et a demandé des mises en conformité.

La A______ devait désigner, d’ici au 30 janvier 2015, une personne externe à l’entreprise, formée, à laquelle il serait possible de s’adresser en cas de conflit.

Le paiement d’indemnités pour vacances n’était admis que si le contrat de travail prévoyait clairement le système adopté, si les décomptes de salaire mentionnaient la part de salaire afférant aux vacances et si des circonstances exceptionnelles le justifiaient. La A______ devait corriger sa pratique à cet égard en modifiant les contrats de travail du personnel concerné et leurs décomptes de salaire. Elle était en outre priée de verser à Madame C______ la rémunération due pour vacances depuis son entrée en service et fournir une copie du décompte de salaire y relatif ainsi que la preuve du versement bancaire d’ici au 1er décembre 2014.

La compensation des heures supplémentaires ne pouvait pas se faire au jour le jour, selon les variations du volume de travail, sans consultation et accord préalables du travailleur. Il était indispensable de tenir à jour un système d’enregistrement des heures travaillées renseignant de façon précise sur les coordonnées temporelles des périodes de travail, de repos, de pauses, de compensation et d’autres absences. La A______ devait modifier ses pratiques de gestion des heures de travail. Elle était invitée à transmettre à l’OCIRT les copies des registres des horaires de son personnel pour les mois de septembre et octobre 2014 d’ici au 1er décembre 2014.

Dans le même délai, la A______ devait faire parvenir à l’OCIRT l’accord avec la caisse d’assurance-vieillesse et survivants (ci-après : AVS) mentionné dans une attestation et la preuve de son respect.

11) Le 2 décembre 2014, la A______ a transmis à l’OCIRT l’échéancier conclu avec la caisse AVS - lequel était respecté, un ordre permanent ayant été donné -, les plannings des mois de septembre et octobre 2014 ainsi que les certificats de salaire d’octobre 2014 des deux collaboratrices engagées sur la base d’un salaire horaire. Elle n’avait jamais imposé à un travailleur de rentrer chez lui en l’absence de travail en suffisance et les rares compensations s’effectuaient sur accord. Mme C______ avait toujours été parfaitement consciente de l’inclusion de son droit aux vacances dans son salaire horaire, de sorte que la A______ contestait devoir lui verser un rattrapage salarial. Même à admettre l’existence d’une créance, l’employée restait en droit de renoncer à la faire valoir et l’OCIRT ne pouvait se substituer au tribunal qui pourrait être éventuellement saisi.

12) Par « avertissement - droit d’être entendu » du 8 décembre 2014, l’OCIRT a fixé un délai au 30 janvier 2015, à la A______ pour procéder au versement du rattrapage salarial dû à Mme C______, et transmettre le registre des horaires du mois de janvier 2015, ainsi que la preuve du respect de l’échéancier avec la caisse AVS, à défaut de quoi il prononcerait un refus de délivrance de l'attestation de respect des usages. La A______ disposait du même délai pour formuler ses observations par écrit.

La base légale relative au remplacement des vacances par des prestations en argent était impérative et les conditions jurisprudentielles d’inclusion de l’indemnité vacances dans le salaire n’étaient pas remplies.

Les plannings transmis ne constituaient pas des registres des horaires, reflétaient les heures de travail planifiées et non celles effectuées et n’étaient pas suffisamment précis sur les coordonnées temporelles du travail et du repos. La A______ devait mettre en place un véritable système d’enregistrement des heures travaillées au plus tard dès le 1er janvier 2015.

13) Le 15 décembre 2014, la A______ a affirmé que l’OCIRT se méprenait sur ses compétences judiciaires et sur la portée des normes impératives, a transmis les pièces prouvant le respect de l’échéancier avec la caisse AVS, a déclaré qu’elle essayerait de mettre en place un système d’enregistrement des heures travaillées d’ici au 1er janvier 2015 et a communiqué « les documents sur lesquels [avaient été] répertorié[es] les heures effectivement travaillées en septembre, octobre et novembre 2013 [recte : 2014] ».

14) Par « avertissement - droit d’être entendu » du 18 décembre 2014, l’OCIRT, compétent pour effectuer le contrôle du respect des usages, a persisté dans ses demandes. Il sanctionnerait la A______ si elle n’y donnait pas entièrement suite dans le délai imparti.

15) Le 19 janvier 2015, la A______ a persisté dans sa position quant au cas de Mme C______ et a transmis la preuve du respect de l’échéancier avec la caisse AVS pour le mois de janvier 2015 ainsi qu’une copie du contrat relatif à la gestion interne des conflits, conclu avec un cabinet indépendant de médiation.

16) Le 30 janvier 2015, la A______ a communiqué à l’OCIRT une copie du planning de janvier 2015, lequel indiquait, par des croix, heure par heure, les périodes de travail de chaque employé et comportait des modifications manuscrites.

17) Par décision du 5 février 2015, notifiée le lendemain, l’OCIRT a refusé de délivrer à la A______ les attestations permettant de soumissionner des marchés publics pour une durée de deux ans.

La A______, active sur les marchés publics genevois, devait respecter les conditions minimales de travail et de prestations sociales en usage dans son secteur d’activité, ce à quoi elle s’était engagée. Des infractions avaient été constatées, notamment l’absence de tenue d’un registre des horaires nécessaire pour la réalisation des contrôles de l’OCIRT et l’irrespect de ses obligations en matière de paiement des vacances. Malgré les demandes répétées, la A______ ne s’était jamais mise en conformité.

18) a. Par acte du 9 mars 2015, la A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation, avec suite de « dépens ».

Elle a repris et complété l’argumentation formulée précédemment.

La jurisprudence rendue en matière de rémunération des vacances constituait une règle de répartition du fardeau de la preuve en cas de litige relatif au paiement des vacances. Elle n’était pas applicable au cas d’espèce. Mme C______ n’avait toujours rien réclamé. Si les décomptes de salaire mensuels ne précisaient pas la proportion du salaire brut convenu correspondant au droit aux vacances, la confirmation d’engagement précisait que le salaire brut s’entendait « tout inclus », y compris les vacances et jours fériés. La décision attaquée avait une logique condamnatoire, en ce sens qu’elle sanctionnait le refus de la A______ de payer une somme dont elle contestait être débitrice et que la créancière n’avait jamais réclamée, ni informellement ni par une procédure prud’homale, dans laquelle la A______ aurait pu faire valoir ses droits.

Lors de ses précédentes interventions, l’OCIRT n’avait jamais reproché à la A______ de ne pas tenir un registre nécessaire à la réalisation de son contrôle. La tenue d’un document unique n’était pas imposée juridiquement. Plusieurs documents contenant les indications nécessaires pouvaient remplacer un registre. Les pièces contenant les informations requises avaient été transmises à l’OCIRT. Le planning mensuel de travail était quotidiennement à jour au moyen d’inscriptions manuscrites et indiquait l’horaire de travail effectif de chaque employée. Il servait à la fin de chaque mois à établir les décomptes de salaire et aucune erreur de calcul des heures effectivement travaillées comptabilisées n’avait jamais été constatée. Le reproche de l’OCIRT, chicanier, était empreint de formalisme excessif. Ce dernier n’avait jamais exposé les défaillances du système en place.

b. À l’appui de son recours, elle a versé plusieurs pièces à la procédure, parmi lesquelles son courrier à l’OCIRT du 15 décembre 2014, sans toutefois ses annexes. Par ailleurs, dans un courrier du 13 mars 2013, la A______ confirmait l’engagement de Mme C______ pour un « salaire horaire tout inclus » de CHF 25.- et indiquait que les conditions standards de la A______, applicables tant qu’un contrat n’était pas établi, correspondaient à quatre semaines de vacances. Du 7 août 2012 au 20 mars 2014, l’OCIRT et la A______ avaient échangé plusieurs courriers concernant des inspections, des constats opérés à ces occasions et des demandes de mise en conformité.

19) Le 1er avril 2015, la A______ a versé à la procédure un courrier du 31 mars 2015 par lequel la commune d’Onex résiliait le contrat qui la liait à la A______ avec effet au 31 décembre 2015, la reconduction du contrat n’étant pas envisageable du fait de l’inscription de cette dernière sur la liste des entreprises en infraction aux usages de l’OCIRT.

20) a. Par réponse du 27 avril 2015, l’OCIRT a conclu au rejet du recours, avec suite de « dépens ».

Il a repris et précisé l’argumentation développée auparavant.

Les interventions de l’OCIRT remontaient à 2005 déjà, en raison de problématiques liées à la durée du travail, aux conditions de travail et à la protection de la santé physique et psychique des collaborateurs.

Vu l’effet de la sanction uniquement sur les marchés publics futurs, l’OCIRT était contraint de prononcer la sanction pour une certaine durée. Selon sa pratique constante, la durée de refus de délivrance de l’attestation était de deux ans, ou, en cas de récidive, de trois ans. Dans le cas d’espèce, vu la résiliation par la commune d’Onex uniquement avec effet au 31 décembre 2015, en l’absence d’obligation de dénoncer les contrats en cours, la durée de la sanction s’expliquait d’elle-même.

b. À l’appui de sa réponse, il a notamment versé à la procédure sa correspondance avec la A______ du 14 juillet 2005 au 26 octobre 2006 relative à des constats faits au cours d’inspections et aux mesures à prendre à cet égard, des pièces concernant son intervention en novembre 2014 au bénéfice d’une employée qui n’avait pas reçu son décompte de salaire et son certificat de travail intermédiaire malgré des demandes réitérées ainsi que deux demandes d’intervention de l’OCIRT du 20 mars 2015 faites par des employées de la A______.

21) Par réplique du 7 mai 2015, la A______ a persisté dans ses conclusions.

L’OCIRT n’avait pas exposé dans sa réponse les raisons pour lesquelles la A______ ne comptabiliserait pas les heures de travail de ses collaborateurs de manière conforme aux dispositions impératives et n’avait pas expliqué pourquoi il serait légitimé à la contraindre à payer une somme à une ancienne employée contestée et jamais réclamée.

22) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 47 al. 1 de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 12 mars 2004 - LIRT - J 1 05 ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la conformité au droit du refus de l’autorité intimée de délivrer à la recourante les attestations permettant de soumissionner aux marchés publics pendant une durée de deux ans.

3) a. Lors de la passation des marchés publics, différents principes doivent être respectés par les entreprises soumissionnaires, dont le respect des dispositions relatives à la protection des travailleurs et aux conditions de travail (art. 11 let. e de l’Accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05).

b. Dans le canton de Genève, selon l’art. 20 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01), les soumissionnaires et leurs sous-traitants doivent respecter, pour le personnel appelé à travailler sur le territoire genevois, les dispositions relatives à la protection sociale des travailleurs et aux conditions de travail applicables à Genève dans leur secteur d’activité.

4) a. Toute entreprise soumise au respect des conditions de travail et prestations sociales en usage à Genève, en vertu d'une disposition légale, réglementaire ou conventionnelle, doit en principe signer auprès de l'OCIRT un engagement en ce sens. L'OCIRT délivre à l'entreprise l'attestation correspondante, d'une durée limitée (art. 25 al. 1 LIRT).

b. À teneur de l’art. 32 al. 1 let. b RMP, les entreprises répondant à un appel d’offres doivent notamment fournir l’attestation certifiant, pour le personnel appelé à travailler sur territoire genevois, soit que le soumissionnaire est lié par la convention collective de travail de sa branche, applicable à Genève (ch. 1), soit qu’il a signé, auprès de l’OCIRT, un engagement à respecter les usages de sa profession en vigueur à Genève, notamment en ce qui concerne la couverture du personnel en matière de retraite, de perte de gain en cas de maladie, d’assurance-accident et d’allocations familiales (ch. 2). La non-production de ce document rend l’entreprise inapte à soumissionner (ATA/664/2014 du 26 août 2014 consid. 5b ; ATA/175/2012 du 27 mars 2012 consid. 4). L'offre du soumissionnaire est écartée d'office lorsque ce dernier fait l'objet, à la date du dépôt de l'offre ou en cours de procédure, d'une mesure exécutoire prononcée en application de l'art. 45 al. 1 let. a ou c LIRT (art. 42 al. 1 let. f ch. 3 RMP).

c. L’entreprise qui a signé un engagement à respecter les usages est soumise au contrôle de l’OCIRT (art. 26 LIRT ; art. 41 al. 1 du règlement d'application de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 23 février 2005 - RIRT - J 1 05.01 ; art. 5 al. 3 de la loi autorisant le Conseil d’Etat à adhérer à l’Accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 - L-AIMP - L 6 05.0 ; art. 20 al. 2 RMP).

Dans le cadre du contrôle du respect des usages, l'employeur est tenu de donner accès à ses locaux à l'OCIRT (art. 42 al. 1 RIRT). Il tient à sa disposition ou fournit à sa demande toutes pièces utiles à l'établissement du respect des usages (art. 42 al. 2 RIRT). Par pièces utiles, il faut entendre notamment les horaires effectifs détaillés (durée du travail, début et fin du travail, pauses, jours de congé, vacances ; art. 42 al. 3 let. e RIRT).

5) a. Les entreprises en infraction aux usages font l’objet des sanctions prévues à l’art. 45 LIRT (art. 26A al. 1 LIRT). L’art. 45 al. 1 let. a LIRT est applicable lorsqu’une entreprise conteste les usages que l’OCIRT entend lui appliquer (art. 26A al. 2 LIRT).

Lorsqu'une entreprise visée par l'art. 25 LIRT ne respecte pas les conditions minimales de travail et de prestations sociales en usage, l'OCIRT peut prononcer une décision de refus de délivrance de l'attestation de respect des usages pour une durée de trois mois à cinq ans (let. a), une amende administrative de CHF 60'000.- au plus (let. b) ou l’exclusion de tous marchés publics pour une période de cinq ans au plus (let. c ; art. 45 al. 1 LIRT). Ces mesures et sanctions sont infligées en tenant compte de la gravité et de la fréquence de l’infraction ainsi que des circonstances dans lesquelles elle a été commise. Elles peuvent être cumulées (art. 45 al. 2 LIRT).

b. L'OCIRT refuse de délivrer l'attestation à l'employeur qui enfreint son obligation de collaborer et ne fournit pas les renseignements ou pièces dans le délai imparti (art. 42 al. 4 RIRT). En cas d'infractions aux usages ou de refus de renseigner au sens de l’art. 42 al. 4 RIRT, l'OCIRT notifie à l'entreprise un avertissement et lui accorde un délai pour se mettre en conformité (art. 42A al. 1 RIRT). Si le contrevenant ne donne pas suite dans les délais, l’OCIRT prononce les sanctions prévues à l'art. 45 al. 1 LIRT (art. 42A al. 2 RIRT).

c. Selon les travaux préparatoires de la LIRT, les conséquences, pour une entreprise, de l’irrespect des conditions de travail et des prestations sociales en usage à Genève doivent être cherchées dans les textes en prescrivant le respect. Il n'entre en effet pas dans les compétences de l'OCIRT de sanctionner directement de tels manquements. En revanche, ce dernier est à même de constater si une entreprise respecte ou non les usages. Il est évident que si ce constat est négatif et que l'OCIRT ne délivre pas l'attestation ad hoc, l'entreprise ne sera pas habilitée à accomplir certains actes juridiques et qu'elle sera pénalisée dans son action (MGC 2002-2003 VII A 3763 p. 3801).

6) Dans un cas où, malgré l’avertissement reçu de la part de l’OCIRT, une société n’avait pas donné suite aux différentes requêtes de l’OCIRT sollicitant divers documents, se bornant à contester la violation de ses obligations en matière de paiement de salaires, de prélèvement de cotisations ou de prises de vacances, sans établir qu’elle s’était conformée à la loi, en produisant les pièces probantes, la chambre administrative a retenu que l’OCIRT était fondé à constater le non-respect des usages et à refuser de délivrer pendant deux ans à la société concernée toute attestation lui permettant de soumissionner des marchés publics (ATA/175/2012 du 27 mars 2012 consid. 6).

7) Aux termes de l’art. 329d al. 2 de la loi fédérale complétant le code civil suisse du 30 mars 1911 - livre cinquième : droit des obligations (code des obligations - CO - RS 220), qui revêt un caractère impératif absolu (art. 361 CO), tant que durent les rapports de travail, les vacances ne peuvent pas être remplacées par des prestations en argent ou d'autres avantages. Toutefois, le salaire des vacances peut être inclus dans le salaire horaire lorsque trois conditions sont remplies : le salarié occupe un poste à temps partiel très irrégulier et le contrat de travail écrit ainsi que les décomptes de salaire mentionnent clairement la part du salaire global destinée à l’indemnisation des vacances (Gabriel AUBERT, in Franz WERRO/Luc THÉVENOZ [éd.], Commentaire romand, Code des obligations I, 2ème éd., 2012, n. 4 ad art. 329d CO). Le Tribunal fédéral a toutefois renoncé à l’application de ces conditions lorsque l’employeur avait démontré que l’employé, en faisant preuve de l’attention que l’on était en droit d’attendre de lui tant au moment de la conclusion du contrat que lors de la réception de chaque décompte de salaire, connaissait ou devait connaître le supplément, en chiffres ou en pourcentage, servant à la rémunération des vacances (Gabriel AUBERT, op. cit., n. 4 ad art. 329d CO).

8) En l’espèce, l’autorité intimée a procédé à un contrôle du respect des conditions de travail et prestations sociales en usage auprès de la A______ et a notamment constaté le non-respect des usages en matière d’indemnité pour vacances et en matière de tenue d’un registre des horaires. Malgré plusieurs demandes de l’OCIRT en ce sens - par courrier du 7 novembre 2014 et avertissements des 8 et 18 décembre 2014 -, la recourante a refusé de se mettre en conformité sur ces deux points, contestant les reproches à son encontre.

En ce qui concerne le salaire afférant aux vacances, la recourante affirme que l’OCIRT ne pourrait pas se substituer au tribunal des Prud’hommes en la condamnant à payer une indemnité contestée et jamais demandée par l’employée, laquelle aurait eu conscience que son salaire horaire incluait les vacances, comme le confirmait son courrier d’engagement. Par son argumentation, la recourante perd cependant de vue que si le droit du travail relève du droit privé, le respect des conditions minimales de travail et des prestations sociales en usage relèvent du droit public, les normes de droit privé et de droit public pouvant dans ce cadre se recouper.

Ainsi, si l’OCIRT n’est pas compétent pour trancher un litige de droit privé opposant la recourante à l’une de ses employées, il n’en demeure pas moins qu’il l’est pour contrôler le respect des usages, notamment en matière d’indemnité pour les vacances, ainsi que pour sanctionner l’éventuel irrespect de ces usages constaté. Or, il n’est pas contesté que les décomptes de salaire de Mme C______ ne comportent pas la mention du pourcentage ou du montant du salaire afférant aux vacances, de sorte que les conditions cumulatives pour l’inclusion de l’indemnité pour vacances dans le salaire horaire ne sont pas réunies. Au surplus, si le courrier d’engagement fixe le salaire horaire à CHF 25.- « tout inclus », il n’est pas évident que le terme « tout » se rapporte au salaire afférant aux vacances, ceci d’autant moins que le même courrier précise ensuite expressément que les vacances se montent à quatre semaines par année conformément aux standards de la A______, sans indiquer qu’elles seraient incluses dans le salaire. La recourante n’allègue au demeurant pas que Mme C______ connaissait ou devait connaître le supplément, en chiffres ou en pourcentage, servant à la rémunération des vacances, puisqu’elle argumente simplement que l’employée aurait eu conscience de l’inclusion de ses vacances dans son salaire horaire.

L’OCIRT a par conséquent, à juste titre, constaté que les conditions pour l’inclusion de l’indemnité pour vacances dans le salaire horaire de Mme C______ n’étaient pas remplies. Or, malgré les diverses requêtes de mise en conformité de l’OCIRT, la recourante n’a pas modifié le salaire de l’employée concernée ni versé le rétroactif y relatif, se bornant à contester la compétence de l’OCIRT ainsi que la violation de ses obligations en la matière, sans établir s’être conformée à la loi, comme elle aurait dû le faire en produisant les pièces probantes.

L’OCIRT était dès lors fondé, sur cette base déjà, à constater le non-respect des usages et à refuser de délivrer à la recourante toute attestation lui permettant de soumissionner des marchés publics.

9) Au surplus, en relation avec le second point, la recourante affirme que le planning avec modifications manuscrites contiendrait les informations requises et serait suffisant. Cependant, si le planning du mois de janvier 2015 versé à la procédure comporte effectivement, heure par heure, des croix indiquant la présence de chaque employée, avec des modifications manuscrites, il n’en demeure pas moins que rien ne démontre qu’il s’agisse des horaires effectifs et non d’un simple planning modifié. En effet, si la recourante affirme devant la chambre administrative que ce planning, de par ses annotations manuscrites, représenterait les horaires effectifs, elle l’a auparavant transmis à l’autorité intimée en le désignant simplement de planning, sans plus d’explications, ceci alors même qu’elle s’était engagée à essayer de mettre en place un véritable système d’enregistrement des heures travaillées.

L’OCIRT était par conséquent fondé à retenir que la recourante n’avait pas fourni un document permettant d’établir les horaires effectifs détaillés de ses employés, malgré un avertissement indiquant expressément la nécessité d’un réel registre des horaires et la fixation d’un délai pour sa mise en place. L’OCIRT était dès lors légitimé, sur cette base également, à prononcer le refus litigieux.

10) Eu égard à la gravité de la faute, qui porte sur des obligations importantes de l’employeur, en particulier en matière salariale, la durée du refus, fixée à deux ans, située dans la moitié inférieure des quotités possibles et du reste non remise en cause par la recourante, respecte le principe de la proportionnalité.

11) Dans ces circonstances, la décision attaquée est conforme au droit et le recours sera rejeté.

12) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à cette dernière, pas plus qu’à l’OCIRT, qui dispose d’un service juridique (art. 87 al. 2 LPA ; ATA/27/2010 du 19 janvier 2010 consid. 10).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 mars 2015 par A______ & Cie contre la décision de l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail du 5 février 2015 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ & Cie un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Claudio Fedele, avocat de la recourante, à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail, ainsi qu’au secrétariat d’État à l’économie.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Rodriguez Ellwanger

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

 

La greffière :