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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/216/2016

ATA/132/2016 du 11.02.2016 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/216/2016-FPUBL ATA/132/2016

 

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 11 février 2016

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Nils De Dardel, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'EMPLOI, DES AFFAIRES SOCIALES ET DE LA SANTÉ

 



Attendu, en fait, que :

1. Monsieur A______, né le ______ 1965, a été engagé dès le 1er décembre 2004 en qualité de contrôleur financier à l'office cantonal des personnes âgées (ci-après : OCPA), devenu par la suite le service des prestations complémentaires (ci-après : SPC) du département de l'action sociale et de la santé (ci-après : DASS), devenu depuis le département de l'emploi, des affaires sociales et de la santé (ci-après : DEAS). Le 1er décembre 2007, il a été nommé fonctionnaire.

2. Le 1er février 2009, M. A______ a été promu en tant que chargé de contrôle interne 1 au service du contrôle interne (ci-après : SECI), du département de la solidarité et de l'emploi (ci-après : aDSE), service aujourd'hui retourné au DEAS.

3. En 2011, M. A______ s'est fait remettre à l'ordre – sans qu'une sanction disciplinaire soit prononcée à son encontre – par son supérieur hiérarchique pour avoir adopté en 2010 un comportement inapproprié à l'égard d'une collaboratrice, Madame B______.

4. En mars 2014, faisant suite à la plainte émanant d'une autre collaboratrice, Madame C______, qui dénonçait des comportements inappropriés à son égard, la directrice des ressources humaines (ci-après : DRH) et/ou le directeur administratif et financier du DEAS ont entendu l'ensemble des collaboratrices et collaborateurs du SECI – à l’exception de M. A______ –, ainsi que le directeur du service entre le 22 et le 25 mai 2014 au sujet du comportement de M. A______ à leur égard.

À cette occasion, une collaboratrice, Madame D______, s'est plainte d'une attitude qu'elle percevait comme du harcèlement psychologique ; une autre, Madame E______, a dénoncé des comportements ambigus et des tentatives de rapprochement inadéquates de l'intéressé à son égard.

5. Le 27 janvier 2015, M. A______ a fait l'objet d'un entretien d'évaluation et de développement du personnel (ci-après : EEDP), à titre d'entretien périodique en période post-probatoire, uniquement en présence de son supérieur hiérarchique, Monsieur F______. Les compétences techniques étaient dans l'ensemble maîtrisées. L'objectif convenu dans le précédent EEDP, à savoir « faire progresser le collaborateur (…) (y compris sur le volet "savoir-être") » n'était par contre pas atteint. Les compétences liées au travail en équipe et à la communication devaient être améliorées.

Dans ses commentaires, le supérieur hiérarchique indiquait délivrer un constat d'échec sous l'angle du « savoir-être ». Il relevait en particulier une « attitude physique (réelle, supposée ou qui peut être mal perçue) à l'égard de certaines personnes de sexe féminin » ainsi qu'un côté « envahissant » prenant différentes formes.

De son côté, M. A______ a fait valoir ce qui suit : « En ce qui concerne les allégations sur ma prétendue attitude physique "réelle, supposée ou qui peut être mal perçue" envers des personnes de sexe féminin, je m'élève résolument en faux contre ces insinuations. En aucun cas, je n'ai eu de gestes ou de comportements déplacés envers quiconque (de sexe féminin ou masculin) à quelque moment que ce soit ».

6. M. A______ a été absent au travail pour cause de maladie à partir du 16 février 2015. Les certificats médicaux faisaient état d’une incapacité de travail jusqu’au 30 avril 2015.

7. Le 10 mars 2015 s'est tenu un entretien non qualifié, mais verbalisé, entre M. A______, la secrétaire générale du DEAS, son chef de cabinet et la DRH.

La secrétaire générale a notamment annoncé à cette occasion à M. A______ qu'elle allait demander au Groupe de confiance l'ouverture d'une investigation à son encontre afin d'établir les faits et de déterminer si ceux-ci étaient constitutifs d'une atteinte à la personnalité de ses collègues.

La secrétaire générale a notamment informé M. A______ qu’il était libéré de l’obligation de travailler de manière immédiate et jusqu’à nouvel avis. Cette mesure qui serait validée ultérieurement par le Conseil d’état, était prise en raison de l’ouverture d’une investigation à son encontre, qui allait être demandée au Groupe de confiance, visant à établir les faits et déterminer si les éléments constitutifs d’une atteinte à la personnalité de ses collègues étaient réalisés ou non. L’intéressé serait entendu lors d’un entretien de service fixé au 25 mars 2015.

Ces mesures ont été confirmées par courrier de la secrétaire générale, daté du même jour et remis en mains propres à M. A______.

8. Le 13 mars 2015, le Groupe de confiance a ouvert l'enquête précitée.

9. Par arrêté du 25 mars 2015, le Conseil d’état a libéré M. A______ de son obligation de travailler à compter du 10 mars 2015 et jusqu’à nouvel avis. Cette mesure était sans incidence sur son traitement.

La décision se justifiait pour garantir la bonne marche du service en raison de l’investigation demandée et par le fait qu’une des personnes concernées par les agissements reprochés à M. A______ reprenait le travail le 23 mars 2015 après une longue absence. Il n’était pas envisageable, dans l’attente du résultat de l’investigation menée par le Groupe de confiance que l’intéressé continue à exercer son activité dans le service.

10. Par envoi du 8 avril 2015, le mandataire de M. A______ s’est déterminé sur la demande d’investigation faite par la secrétaire générale au Groupe de confiance et sur les procès-verbaux des entretiens.

11. Par envoi posté le 17 avril 2015, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) à l’encontre de la décision du Conseil d’état, reçue le 26 mars 2015 en concluant à son annulation ainsi qu’au versement d’une indemnité de procédure et, subsidiairement, à son audition.

12. Entre le 16 avril et le 26 juin 2015, le Groupe de confiance a procédé à l'audition de quatorze personnes, y compris M. A______.

13. Par arrêt du 28 juillet 2015 (ATA/762/2015), la chambre administrative a déclaré le recours de M. A______ irrecevable, s'agissant notamment d'une décision incidente qui ne lui causait pas de préjudice irréparable.

14. Le 14 août 2015, M. A______ s'est exprimé, par l'intermédiaire de son mandataire, sur les preuves administrées par le Groupe de confiance. Il n'était pas responsable d'atteintes à la personnalité ou de harcèlement vis-à-vis d'un ou une quelconque collègue.

15. Le 11 septembre 2015, le Groupe de confiance a émis son rapport d'investigation.

Il concluait en constatant l'existence d'un harcèlement sexuel de la part de M. A______ à l'égard de Mmes E______, C______ et B______, et en ne constatant pas l'existence d'autres atteintes à la personnalité d'une gravité suffisante à l'encontre d'autres collaboratrices ou collaborateurs.

16. Le 23 octobre 2015, M. A______ a adressé au Conseiller d'État en charge du DEAS ses observations détaillées sur le rapport du Groupe de confiance.

Il ressortait clairement du dossier que la direction des ressources humaines du DEAS avait pour objectif d'obtenir son licenciement ou sa révocation, ce à quoi il s'opposait, demandant au contraire à être réintégré le plus rapidement possible à son poste de travail. Une sanction de ce type serait clairement disproportionnée, et les faits prétendus étaient largement prescrits lorsque l'enquête avait été ouverte.

17. Par trois décisions du 18 décembre 2015, déclarées exécutoires nonobstant recours, le conseiller d'État en charge du DEAS a constaté l'existence d'atteintes à la personnalité de Mmes E______, C______ et B______ par M. A______.

Les observations de ce dernier n'étaient pas de nature à remettre en cause les constats du Groupe de confiance.

18. Par acte posté le 21 janvier 2016, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre les décisions précitées, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif, principalement à l'annulation des décisions attaquées et à ce qu'il soit dit et constaté qu'il n'avait pas commis d'atteintes à la personnalité des trois intéressées.

S'agissant de constatations, il n'y avait pas d'impératif ou d'intérêt pour l'admnistration à ce que ces constatations soient considérées comme acquises pendant le déroulement de la procédure auprès de la chambre administrative. Le conseiller d'État avait par ailleurs initié une procédure disciplinaire le 13 janvier 2016, procédure pour laquelle il n'était pas nécessaire que les trois décisions attaquées fussent déclarées exécutoires.

Inversement, lui-même devait pouvoir défendre ses droits dans la procédure disciplinaire en cours sans que l'administration lui oppose que la constatation d'atteintes à la personnalité est établie et exécutoire et qu'en conséquence toute contestation de sa part soit irrecevable.

19. Le 1er février 2016, l'office du personnel de l'État (ci-après : OPE), pour le compte du DEAS, a conclu au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif.

En cas de rejet de cette demande, M. A______ pourrait toujours faire valoir ses arguments, alors que dans le cas contraire, l'intimé serait bloqué dans l'instruction de la procédure de résiliation des rapports de service en cours.

20. Sur ce, la cause a été gardée à juger sur la question de l'effet suspensif.

 

Considérant, en droit, que :

1. Les décisions sur effet suspensif et sur mesures provisionnelles sont prises par le président de la chambre administrative, respectivement par le vice-président, ou en cas d'empêchement de ceux-ci, par un juge (art. 7 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 21 décembre 2010 ; ci-après : le règlement).

2. Sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (art. 66 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

Lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (art. 66 al. 3 LPA).

Par ailleurs, l’autorité peut d’office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (art. 21 al. 1 LPA).

3. Les décisions attaquées revêtent une nature constatatoire. À ce titre, elles ne peuvent faire l'objet d'une exécution forcée (arrêt du Tribunal fédéral C 215/06 du 20 mars 2007 consid. 3.1), et l'on peut ainsi se demander si elles sont soumises au régime de l'effet suspensif (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_235/2010 du 18 juin 2010 consid. 2.3). Dans la mesure cependant où de telles décisions peuvent déployer des effets juridiques réflexes – par exemple, un constat d'appartenance d'une personne ou d'une chose à une catégorie plutôt qu'à une autre peut la soumettre à un régime légal plutôt qu'à un autre –, la jurisprudence et la doctrine considèrent que les décisions de type constatatoire sont soumises au régime de l'effet suspensif ; si celui-ci est accordé, l'autorité ne pourra pas tirer de conséquences juridiques particulières du constat, mais l'effet suspensif ne saurait influer matériellement sur la situation juridique (ATF 116 Ib 344 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_309/2008 du 13 août 2008 consid. 5.3.2 ; Cléa BOUCHAT, L'effet suspensif en procédure administrative, 2015, n. 275 s. ; Xaver BAUMBERGER, Aufschiebende Wirkung bundesrechtlicher Rechtsmittel im öffentlicehn Recht, 2006, n. 234 ; Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen im Verwaltungsrecht und Verwaltungsprozess, RDS 1997 II 253-420, p. 271).

4. Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/566/2012 du 21 août 2012 consid. 4 ; ATA/248/2011 du 13 avril 2011 consid. 4 ; ATA/197/2011 du 28 mars 2011 ; ATA/248/2009 du 19 mai 2009 consid. 3 ; ATA/213/2009 du 29 avril 2009 consid. 2).

5. L'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405).

Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, op. cit., p. 265).

6. a. Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

b. Pour effectuer la pesée des intérêts en présence, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

7. En l'espèce, contrairement à ce qu'allègue le recourant, l'absence d'effet suspensif aux constats opérés par le conseiller d'État en charge du DEAS ne l'empêche pas de se défendre dans la procédure de licenciement parallèle : dans cette dernière, les éventuelles atteintes à la personnalité de collaborateurs constituent une question préjudicielle, que l'absence d'effet suspensif dans la présente procédure n'empêche nullement d'être abordée tant que le présent recours n'est pas tranché.

En revanche, l'octroi de l'effet suspensif aurait pour conséquence, comme le souligne l'intimé, de bloquer la procédure parallèle dans l'attente de l'arrêt au fond rendu dans la présente cause. En outre, un tel octroi favoriserait indûment le recourant par rapport aux fonctionnaires faisant l'objet d'une procédure de résiliation des rapports de service dans laquelle une décision intermédiaire de type constatatoire n'est pas rendue – ce qui constitue au demeurant la règle.

8. Dès lors, la restitution de l'effet suspensif au recours sera refusée.

9. Le sort des frais sera réservé jusqu'à droit jugé au fond.

Vu le recours interjeté le 21 janvier 2016 par Monsieur A______ contre trois décisions du département de l'emploi, des affaires sociales et de la santé du 18 décembre 2015 ;

vu l’art. 66 al. 3 LPA ;

vu l’art. 7 al. 1 du règlement ;

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse de restituer l’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Me Nils De Dardel, avocat du recourant ainsi qu'au département de l'emploi, des affaires sociales et de la santé.

 

 

Le président :

 

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :