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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2839/2017

ATA/916/2018 du 11.09.2018 ( PROF ) , REJETE

Recours TF déposé le 15.10.2018, rendu le 13.05.2019, REJETE, 2C_922/2018
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2839/2017-PROF ATA/916/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 septembre 2018

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Antoine Kohler, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'EMPLOI ET DE LA SANTÉ

et

Madame B______
représentée par Me Ariane Ayer, avocate

 



EN FAIT

1. Monsieur A______, né le ______ 1952, a obtenu son diplôme de médecin en 1978 et son titre de médecin spécialiste en neurochirurgie en 1986. Il est autorisé à exercer la profession de médecin depuis le 20 juillet 1988.

M. A______ a donné de nombreux cours à des étudiants et à des médecins diplômés post-gradués, des conférences, organisé des ateliers et exécuté différentes démonstrations opératoires en direct dans le cadre de sa spécialité.

Entre 1992 et 2012, il a posé plus de sept cent cinquante cages cervicales et environ deux mille sur toute la colonne vertébrale.

Entre 2006 et 2012, il a, en particulier, posé septante cages MC+ sur quarante-six patients.

Il a posé deux cages Roi C sur un même patient le 23 février 2012 à la clinique C______e n présence de Monsieur D______, directeur la société Spine Surgical GmbH, fournisseur de la cage Roi C.

2. Madame B______, née ______ 1961, est musicienne. Elle pratique principalement ______. Elle exerçait la profession d’enseignante au ______.

3. a. Le 2 février 2012, sur recommandation du Docteur F______, médecin spécialiste en chirurgie orthopédique, Mme B______ a consulté M. A______ au sein du cabinet, privé de celui-ci, en raison d’une hernie discale C5 – C6 médiane, latéralisée à droite.

b. Le 15 mars 2012, le status neurologique a été déterminé : la patiente présentait une flexion de la nuque, provoquant une douleur dans le membre supérieur droit et une parésie bicipitale droite.

Une intervention chirurgicale en décompression, selon la technique « cloward », a été envisagée. Celle-ci consistait en l’ablation totale du disque cervical C5 – C6 et en son remplacement par une cage intersomatique et une prothèse. La cage intersomatique créait une fusion entre les deux vertèbres.

La patiente a signé un formulaire de consentement, intitulé « discectomie cervicale antérieure avec ou sans greffe ou cage ». Selon celui-ci, les « résultats escomptés de cette intervention », « alternative à la chirurgie », « échec de l’opération, compression résiduelle », « conséquences de cette intervention », « complications possibles » et « réopération ? » ont été abordés.

M. A______ a ajouté sur le formulaire la note manuscrite : « AD + ostéophyte C5 – C6 Dte cloward cage ».

c. Le 5 juin 2012, s’est tenue une troisième consultation. La patiente a confirmé que ses douleurs persistaient, notamment au niveau de la nuque, avec des vertiges ainsi qu’un tiraillement au niveau des membres supérieurs, de manière accentuée à droite. La décision d’opérer et la technique opératoire, à savoir un cloward C5 – C6 avec fixation d’une cage intersomatique, ont été confirmées.

Selon M. A______, les complications éventuelles, au nombre desquelles le risque de paralysie liée à la moelle épinière, ont été rappelées à la patiente.

4. En prévision de l’opération fixée au 14 juin 2012, M. A______ a demandé, à leurs fournisseurs respectifs, trois cages cervicales, dont la Roi C et la MC +.

Les deux cages diffèrent principalement sur les points suivants :

a) Le système Roi C n’a pas de butée de sécurité intégrée. Celle-ci doit être incorporée manuellement dans le porte-implant afin d’éviter le recul de la cage au moment de sa fixation aux vertèbres.

Le porte-implant a un œillet à son extrémité dans lequel doit passer la butée de sécurité, laquelle se présente sous forme de tige métallique.

La fixation aux vertèbres s’effectue à l’aide de deux lamelles de titane, dont la trajectoire se croise dans le porte-implant. La première agrafe doit être insérée, puis impactée avant de procéder de la même manière avec la seconde. Les lamelles se fixent aux vertèbres sus et sous-jacentes.

b) Le système MC + a deux butées de sécurité. Elles sont intégrées dans le porte-implant. Celui-ci n’a pas d’œillet.

Le dispositif d’ancrage « stop » est composé d’une lamelle de titane appelée agrafe qui traverse la cage et s’implante dans la vertèbre sous-jacente.

5. Le secrétariat de M. A______ a avisé M. D______, de la date et de l’heure de l’opération afin qu’il soit présent. Un représentant avait également été averti pour les autres cages.

Avant l’opération du 23 février 2012, M. D______ avait procédé à une présentation de la cage Roi C aux instrumentistes de la clinique C______et leur avait fourni toute la documentation y relative. Selon M. A______, le montage de la cage Roi C était « relativement simple et pouvait être facilement maîtrisé par un instrumentiste en quelques minutes et ce, également sur la base de la documentation toujours remise avec la cage. Le fournisseur de matériel assist[ait] les chirurgiens en leur déléguant des techniciens pendant les interventions lorsqu’il s’agi[ssait] d’un nouveau système. La présence d’un technicien n’[était] pas nécessaire lorsque le chirurgien et le personnel du bloc opératoire [avaient] déjà été formés et [avaient] opéré avec le matériel en cause ».

6. Selon un document établi par M. D______ en 2016, celui-ci aurait avisé la clinique C______ le 12 juin 2012 par téléphone de son impossibilité d’être présent le 14 juin 2012.

7. Le 13 juin 2012, Mme B______ a rencontré M. A______ à la clinique C______ où elle avait été admise pour une dernière consultation avant l’opération.

8. Le 14 juin 2012, lors de l’opération, M. A______ était notamment assisté du Dr F______, de la Doctoresse G______, médecin anesthésiste et de Madame H______, instrumentiste. L’opération a été filmée.

a. La première partie, à savoir la décompression (« ablation totale du disque C5 – C6 et fraisage postéro-latéral pour libérer les passages des racines des deux côtés ») s’est déroulée sans incident. Elle a duré entre 45 et 60 min.

b. Selon la description des faits de M. A______, au moment où il a demandé la cage Roi C à l’instrumentiste, celle-ci a répondu ne pas connaître cette cage. M. A______ s’est enquis alors auprès de l’instrumentiste de la présence prévue de M. D______. Il a alors été informé que M. D______ n’était pas présent. L’incision pratiquée sur la patiente ne pouvant être refermée à ce moment de l’opération (le disque ayant été totalement retiré), il a continué l’opération avec la cage Roi C malgré l’absence de M. D______.

Avant l’insertion de la cage, un gabarit doit être inséré afin d’évaluer si la taille de la cage est correcte par rapport à la morphologie vertébrale du patient. M. A______ a alors procédé à la sélection de ce gabarit, lequel a été introduit entre les vertèbres C5 – C6. M. A______ a confirmé la taille de la cage sélectionnée. Il a demandé ensuite à l’instrumentiste de lui remettre la cage. L’instrumentiste a monté l’instrument et a remis la cage sur la porte-implant à M. A______.

M. A______ a inséré la cage entre les vertèbres, visionnant l’intervention au travers d’un microscope, sans se rendre compte que l’instrument n’était pas complet, la butée de sécurité n’ayant pas été incorporée par l’instrumentiste. La butée est une tige en métal, ajustée le long du porte-implant, constituant un stop de sécurité. Elle permet d’éviter le recul de la cage, lorsque les lamelles sont introduites pour fixer la cage aux vertèbres sus et sous-jacentes. À la différence de la cage MC+, où la butée est intégrée à l’instrument, la butée doit être installée et placée dans l’œillet sur la cage Roi C. De l’avis de M. A______, cet œillet peut facilement être confondu, comme étant la butée, déjà incorporée sur la cage MC+.

M. A______ a disposé la première lamelle dans l’encoche supérieure et la seconde dans l’encoche inférieure. Selon ses explications, « les lamelles ayant été insérées dans les deux encoches en même temps, celles-ci se croisèrent à l’intérieur de la cage sans qu’elles ne puissent se fixer aux vertèbres ». La butée n’étant pas montée sur l’instrument, la cage a reculé jusqu’à l’œillet. De l’avis de M. A______, même si les lamelles avaient été placées l’une après l’autre, il est probable que la cage aurait reculé dans le canal du fait de l’absence de la butée.

Un sursaut du membre supérieur gauche de la patiente a été signalé par la Dresse G______. M. A______ a fait immédiatement une nouvelle radioscopie et a constaté que la cage avait reculé dans le canal rachidien. Il a retiré la cage Roi C et l’a remplacée par une cage MC +, en présence du représentant de cette cage. La suite de l’intervention s’est déroulée sans incident.

c. Il ressort notamment du « résumé opératoire » établi par M. A______ : « mise en place d’une cage Roi C de 6 mm. qui va reculer au moment de l’insertion des lamelles qui doivent entrer dans la vertèbre ».

d. À son réveil, Mme B______ a présenté une paraplégie et une tétraparésie, accompagnées de dyspnée. Elle a été transférée le jour même aux soins intensifs de I______ en raison des risques de troubles respiratoires, puis, le 20 juin 2012, dans le service de médecine interne dudit hôpital. Le 25 juin 2012, elle a été transférée au centre suisse des paraplégiques de Nottwil pour y recevoir une rééducation neurologique où elle a séjourné jusqu’au 1er mars 2013.

M. A______ a pris des nouvelles de la patiente, y compris durant son séjour à Nottwil jusqu’en mars 2013.

e. Le 22 juin 2012, M. A______ a fait rapport de la complication opératoire du 14 juin 2012 au Docteur J______, médecin répondant de la clinique de C______.

9. Le 29 août 2013, après avoir visionné la vidéo de l’opération, le Dr J______ a dénoncé les faits à la commission de surveillance des professions de la santé (ci-après : la commission).

10. Le 12 novembre 2013, le bureau de la commission a décidé d’ouvrir une procédure administrative à l’encontre de M. A______. L’instruction de l’affaire a été confiée à la sous-commission 3.

11. Le 11 décembre 2013, Mme B______ a déposé plainte à l’encontre de M. A______ auprès de la commission. La patiente considérait que M. A______ avait commis une faute professionnelle grave.

12. Dans l’instruction de la cause par la commission, tant M. A______, Mme B______ que la clinique C______ ont pu s’exprimer.

Un avis du 29 mai 2015 du Docteur K______, neurochirurgien FMH, sur le mandat de l’assurance accident de la patiente, également assureur responsabilité civile de la clinique C______, a été versé au dossier. Selon celui-ci, l’atteinte à la santé avait été provoquée par une négligence grossière et extraordinaire commise par le chirurgien lors de l’insertion de la cage intersomatique. L’intervention était standard, de difficulté « faible – moyenne ».

La vidéo de l’intervention a été transmise à M. D______ par la sous-commission 3 de façon anonyme. Celui-ci a répondu que le médecin concerné avait effectué une manœuvre incorrecte. Il était impératif que les agrafes soient insérées et verrouillées l’une après l’autre, dès lors que la trajectoire dans le porte-implant impliquait un croisement. Impacter les deux agrafes en même temps n’était pas possible.

Un litige est intervenu à propos de la réponse du Dr J______ à la question de la sous-commission de connaître les événements qui avaient entouré l’absence de M. D______ lors de l’intervention. La demande de M. A______ d’écarter sa réponse n’a pas été suivie par la sous-commission, au contraire de celle d’écarter deux annexes. Selon le Dr J______, la clinique C______ n’avait été ni informée de la présence prévue d’un représentant lors de l’intervention, ni de son absence.

Lors de sa séance du 15 octobre 2015, la sous-commission 3 a clos l’instruction de la cause.

Lors de sa séance du 22 mars 2017, la commission, en plénière, a rendu un préavis à l’intention du département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé, devenu depuis lors le département de l’emploi et de la santé (ci-après : DES ou le département) proposant un retrait de l’autorisation de pratiquer de M. A______ pour une durée de trois mois.

13. L______, assurance accident de Mme B______, a pris en charge le cas, au vu de l’expertise du Dr K______.

14. Par arrêté du 29 mai 2017, le DES a retiré l’autorisation de pratiquer pour une durée de trois mois à M. A______. Ledit retrait serait publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) une fois définitif et exécutoire.

Le praticien n’avait pas usé de toute la diligence requise dans la prise en charge de la patiente. Le porte-implant était incomplet. La manœuvre opératoire était incorrecte. Le praticien aurait dû s’abstenir de poser la cage Roi C en apprenant que le technicien n’était pas présent. S’il avait été suffisamment formé comme il le prétendait, M. A______ aurait tout de suite remarqué que le porte-implant n’était pas complet. Selon ses propres explications, il n’avait été en mesure de constater les différences entre les butées et l’insertion des lamelles des cages Roi C et MC + qu’après avoir visionné la vidéo de l’opération. Aux dires de M. A______, les cages Roi C et MC + étaient quasiment identiques. En conséquence, le praticien ne connaissait pas les deux différences principales existantes entre ces cages, notamment le fait que la butée devait être ajoutée pour la Roi C alors qu’elle était intégrée dans la MC +. Les vingt-cinq interventions ultérieures de M. A______ pour poser les cages Roi C avaient été faites en présence de M. D______. Cela démontrait qu’il n’était pas suffisamment expérimenté pour procéder seul le 14 juin 2012. Le médecin aurait dû tenir compte de ses connaissances limitées de la cage Roi C et des risques qu’une intervention comportait. Les deux cages ayant le même effet sur les patients, la cage Roi C n’était pas plus indiquée médicalement que la MC +. S’il ne pouvait simplement refermer l’incision, le médecin aurait été en mesure de poser une cage MC +. En prenant la décision de poser la cage Roi C nonobstant l’absence du technicien, le médecin avait outrepassé ses compétences et violé son devoir de diligence.

Le médecin avait procédé à la pose de la cage Roi C sans le consentement de sa patiente. L’explication de M. A______, selon laquelle il avait décidé de choisir le type de cage au cours même de l’opération, raison pour laquelle il n’avait jamais eu d’accord à ce sujet avec la patiente, était de prime abord plausible. Toutefois, si le médecin avait décidé de choisir le type de cage « in situ », il avait prévu de poser celle-ci avec l’aide d’un technicien quelle que soit la cage sélectionnée. Or, le praticien avait décidé en cours d’opération de modifier sa façon de procéder. Il allait de soi que la patiente n’aurait jamais donné son accord pour l’utilisation d’une cage que le médecin connaissait mal, hors la présence de tout technicien, au vu du risque de complication qu’elle encourait. Ainsi, en posant une cage Roi C sans la présence de M. D______ et sans disposer des connaissances et aptitudes nécessaires, le médecin avait procédé sans le consentement de sa patiente.

En l’absence d’antécédents, mais compte tenu de la gravité certaine des manquements constatés, le département partageait l’appréciation de la commission et estimait que la sanction proposée était proportionnée, l’interdiction de pratiquer une profession de la santé, à titre temporaire pouvant aller jusqu’à six ans au plus ou une radiation définitive.

15. Par acte du 30 juin 2017, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre l’arrêté précité. Il a conclu à son audition et à celles des Drs F______, M______, K______ et de M. D______. Il sollicitait l’apport à la procédure du dossier médical de Mme B______ et la production du préavis de la commission du 27 mars 2017. Cela fait, il devait être autorisé à compléter son recours.

Principalement, l’arrêté devait être annulé. Subsidiairement, la cause devait être renvoyée au département pour nouvelle décision au sens des considérants.

Le département avait violé son droit d’être entendu en refusant de remettre le préavis à l’appui de la décision avant de prononcer la décision querellée. Il avait par ailleurs refusé d’admettre des pièces nouvelles (détermination du recourant sur l’avis du Dr K______ et résumé de la détermination du Dr M______).

Le département avait violé le principe de la proportionnalité. Il n’avait pas suffisamment tenu compte de l’absence d’antécédents du recourant qui, en près de quarante ans de carrière, n’avait commis qu’une faute qu’il n’avait jamais contestée aussi dramatique soit-elle. La décision querellée ne tenait pas compte de différents éléments pour apprécier le degré de la faute du recourant, celui-ci n’ayant pas pu participer à l’administration de toutes les preuves essentielles ou à tout le moins s’exprimer sur ces preuves. Il contestait toutefois avoir agi sans le consentement de sa patiente. Il avait tout entrepris pour que cette intervention se passe bien. À aucun moment, il n’avait pu imaginer une issue aussi tragique. Parmi les éléments sous-évalués, le recourant n’avait pas pu se douter que le montage de la cage Roi C n’était pas complet, ledit montage n’étant pas particulièrement technique. L’œillet de la cage Roi C pouvait aisément être confondu comme étant la butée elle-même déjà incorporée sur la cage MC +. Le Dr F______ s’était aussi indigné du fait que M. A______ n’avait pas été informé que M. D______ ne serait pas présent. Le Dr M______ partageait l’avis que la gravité de la faute objective du recourant pouvait être atténuée, compte tenu des circonstances. L’empathie dont il avait fait preuve envers Mme B______ n’avait pas été non plus retenue.

Seule une interdiction de pratiquer à titre indépendant pouvait être rendue, ce que la décision ne précisait pas, en violation du droit fédéral. La décision n’examinait pas non plus l’effet de la mesure sur la situation particulière du recourant. Elle était disproportionnée au vu du temps écoulé, soit plus de cinq ans, et des nombreuses interventions réalisées par le recourant, opérations qui dans ce domaine améliorent grandement la vie des patients. Un retrait provisoire était une pure punition et n’était pas de nature à améliorer le fonctionnement du corps social auquel le recourant appartenait, but d’une sanction administrative.

16. Par observations du 15 septembre 2017, le département a conclu au rejet du recours.

17. Le 26 juillet 2017, Mme B______ a conclu au rejet du recours.

Son état de santé s’était aggravé de manière continue depuis l’intervention chirurgicale. Elle avait totalement perdu l’usage de ses membres inférieurs et majoritairement de ses membres supérieurs. Depuis la date de l’intervention chirurgicale, elle se trouvait en chaise roulante et souffrait d’importantes douleurs persistantes et permanentes. Son intégrité corporelle, son état de santé et sa vie avaient été totalement détruits par l’intervention litigieuse. Elle s’opposait à l’audition en qualité de témoins de médecins qui n’avaient pas assisté à l’intervention. Le Dr F______ n’avait jamais assisté M. A______.
Celui-ci n’avait jamais suivi Mme B______ après l’intervention.

18. Par réplique du 16 novembre 2017, le recourant a persisté dans ses conclusions. La publication de la sanction dans la FAO était contraire au droit fédéral.

19. Dans le délai imparti par la chambre de céans, le recourant et le département ont déposé des listes de témoins. Mme B______ s’est opposée à l’audition de témoins, l’instruction ayant été effectuée de manière complète et approfondie par la commission.

20. À la demande du juge délégué, le recourant a produit une copie du rapport d’expertise du Professeur N______, médecin spécialiste en chirurgie orthopédique, sur mandat de l’assurance responsabilité civile du recourant, daté du 3 juin 2014. Il retenait des manipulations fautives, qui pouvaient être qualifiées de graves.

Le recourant sollicitait l’audition du Prof. N______. Celui-ci ne l’avait jamais entendu.

21. En réponse à une interpellation du juge délégué, les parties ont précisé que Mme B______ n’avait, pour l’heure, pas initié de procédure ni civile ni pénale à l’encontre du recourant. Elle avait préféré privilégier la discussion amiable. Les négociations étaient toujours en cours, aucun règlement n’étant intervenu en l’état.

22. Par courrier du 7 mai 2018, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

23. Par courrier spontané du 14 mai 2018, M. A______ s’est étonné de ce que la cause soit gardée à juger. Il n’avait jamais été entendu, ni par la commission, ni par le département, malgré ses demandes. Par ailleurs, les différents rapports rendus par des confrères avaient été réalisés sans qu’il ne puisse poser de questions ou expliquer la procédure.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 135 LS).

2. Le recourant se plaint de plusieurs violations de son droit d’être entendu par la commission et le département.

a. Il conteste le refus du DES de lui soumettre le préavis de la commission à l’appui de son arrêté pour pouvoir en contester le contenu dans l’acte de recours.

Selon les art. 7 al. 1 let. a et art. 19 de la loi genevoise sur la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 7 avril 2006 (LComPS; K 3 03), la commission instruit l'affaire et exprime un préavis à l'intention du département. Ce préavis répond à la définition de l'acte interne à l'administration, destiné à faciliter la tâche de l'organe de décision, telle que définie. Même s'il fallait admettre, avec une partie de la doctrine, que si une pièce qualifiée d'acte interne est propre à déterminer l'évaluation d'un fait pertinent pour la décision à prendre, elle doit être accessible (Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3e éd. 2011, p. 327 s. et les auteurs cités), le grief de violation du droit d'être entendu devrait être rejeté si le recourant a pu, dans la procédure de recours, avoir accès au préavis de la commission et se prononcer sur les faits retenus et les reproches formulés dans ce préavis (arrêt du Tribunal fédéral 2C_66/2013 du 7 mai 2013 consid. 3.2).

En l’espèce, le préavis figure au dossier transmis par l’autorité intimée dans le cadre de la présente procédure. Le recourant a pu se déterminer à son propos. Les termes du préavis sont par ailleurs repris dans l'arrêté du département du 29 mai 2017. Le recourant n'a donc subi aucun préjudice. Dans ces conditions, la violation du droit d'être entendu, à supposer qu'elle soit admise, devrait être considérée comme guérie.

b. Le recourant se plaint du refus de la commission d’admettre des pièces nouvelles, à savoir une correspondance du Dr M______, les explications circonstanciées de M. D______ et sa détermination sur le courrier du Dr K______.

Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (ATF 137 IV 33 consid. 9.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_265/2016 du 23 mai 2016 consid. 5.1 et les arrêts cités), de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre
(ATF 138 I 154 consid. 2.3.3 ; 137 II 266 consid. 3.2). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 140 consid. 5.3). Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; 138 IV 81 consid. 2.2).

En l’espèce, la commission a transmis au recourant le rapport du Dr K______ le 11 juin 2015. Le recourant n’a pas réagi à cet envoi. Il n’a de même pas réagi à la suite de la correspondance du 22 décembre 2015 de la commission l’informant du retard pris dans le traitement du dossier et du fait que l’instruction était close. Il n’a en conséquence ni produit d’observations, ni sollicité de pouvoir en produire. Même le courrier du 4 mai 2017 du recourant au département ne contient pas de demande de pouvoir se déterminer sur le rapport. Il n’y a en conséquence pas eu de violation du droit d’être entendu en lien avec la production du rapport du Dr K______.

Concernant la communication de pièces nouvelles, le département a, par courrier du 29 mai 2017, rappelé que l’instruction de la cause était close depuis le 15 octobre 2015, ce qui avait été indiqué à l’intéressé le 22 décembre 2015, sans qu’il réagisse. Il n’était en conséquence plus possible de déposer, à ce stade, des pièces nouvelles. Le droit d’être entendu du recourant n’a en conséquence pas été violé.

Pour le surplus, l’intéressé a produit devant la chambre de céans les pièces qu’il souhaitait verser à la procédure, à savoir le rapport du Dr M______ du 25 novembre 2016 et la lettre de M. D______ du 25 novembre 2016. Il a par ailleurs pu se déterminer sur le rapport du Dr K______.

Le grief est infondé.

3. a. Dans son acte de recours, le recourant sollicite l’audition en qualité de témoins des Drs F______, M______, K______ et de M. D______ ainsi que sa comparution personnelle. Il a par la suite sollicité en sus l’audition du Pr N______ ainsi que la projection des vidéos lors de son audition et de celle des témoins.

Interpellé sur d’éventuelles enquêtes, le département a proposé l’audition de M. D______, Mme H______ et du Dr K______.

Mme B______ s’est opposée à l’audition de témoins, les faits pertinents étant établis.

b. Le droit d’être entendu ne comprend pas le droit d’être entendu oralement (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_551/2015 du 22 mars 2016 consid. 2.2), ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1).

c. En l’espèce, le litige porte exclusivement sur la conformité au droit de l’arrêté du DES du 29 mai 2017 relatif au retrait de l’autorisation de pratiquer de l’intéressé pour une durée de trois mois.

Toutes les personnes dont l’audition est sollicitée ont eu l’occasion de se prononcer par écrit dans la présente procédure. Le recourant a pu se déterminer par écrit de manière circonstanciée tant dans son acte de recours auprès de la chambre de céans que dans sa réplique, sur l’entier des pièces produites. Le recourant ne conteste pas sa faute, mais uniquement la proportionnalité de la sanction. Les faits pertinents ressortent du dossier et sont établis. Savoir sur quels faits précisément le consentement, avant l’opération, a porté est litigieux, mais non pertinent compte tenu de ce qui suit. La chambre administrative – tout comme l’autorité intimée avant elle – dispose d’un dossier complet lui permettant de trancher les griefs soulevés en toute connaissance de cause. Il ne sera en conséquence pas donné suite aux demandes d’instruction du recourant devant la chambre administrative.

4. Le recourant invoque une violation de l’art. 36 Cst.

a. Selon l'art. 27 al. 1 Cst., la liberté économique est garantie. Elle comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (art. 27 al. 2 Cst.). Cette liberté protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d'un gain ou d'un revenu, telle celle de médecin (ATF 134 I 214 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_523/2014 du 18 mars 2015 consid. 6.1; 2C_66/2013 du 7 mai 2013 consid. 7.1; 2C_871/2008 du 6 avril 2009 consid. 5.1).

b. Conformément à l'art. 36 Cst., toute restriction d'un droit fondamental doit être fondée sur une base légale, qui doit être de rang législatif en cas de restriction grave (al. 1); elle doit en outre être justifiée par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui (al. 2) et être proportionnée au but visé (al. 3). Le principe de la proportionnalité exige que la mesure envisagée soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude) et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité). En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts; ATF 142 I 76 consid. 3.5.1; 140 I 218 consid. 6.7.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_500/2012 du 22 novembre 2012 consid. 3.2).

5. a. Au titre des devoirs professionnels, l’art. 40 de la loi fédérale sur les professions médicales universitaires du 23 juin 2006 (LPMéd - RS 811.11) prévoit que les personnes qui exercent une profession médicale universitaire à titre indépendant doivent exercer leur activité avec soin et conscience professionnelle et respecter les limites des compétences qu’elles ont acquises dans le cadre de leur formation (let. a) et garantir les droits du patient (let. c).

b. Au niveau cantonal, les devoirs professionnels prévus à l’art. 40 LPMéd s’appliquent à tous les professionnels de la santé, sauf disposition contraire de la loi (art. 71A et 80 de la loi sur la santé du 7 avril 2006 - LS - K 1 03).

Le professionnel de la santé doit veiller au respect de la dignité et des droits de la personnalité de ses patients (art. 80A al. 1 LS). Il ne peut fournir que les soins pour lesquels il a la formation et l’expérience nécessaires (art. 84 al. 1 LS). Il doit également s’abstenir de tout acte superflu ou inapproprié, même sur requête du patient ou d’un autre professionnel de la santé (art. 84 al. 2 LS). Il ne peut déléguer des soins à un autre professionnel de la santé que si ce dernier possède la formation et les compétences pour fournir ces soins (art. 84 al. 3 LS), seuls les médecins inscrits dans le registre ayant le droit notamment d’exécuter toute opération chirurgicale (art. 19 let. d RPS).

c. Le patient a le droit d’être informé de manière claire et appropriée notamment sur les traitements et interventions possibles, leurs bienfaits et leurs risques éventuels (art. 45 al. 1 let. b LS). Dans les limites de ses compétences, tout professionnel de la santé s’assure que le patient qui s’adresse à lui a reçu les informations nécessaires afin de décider en toute connaissance de cause (art. 45 al. 4 LS), aucun soin ne pouvant être fourni sans le consentement libre et éclairé du patient capable de discernement (art. 46 al. 1 LS).

La qualité de l’information doit être adaptée aux atteintes non voulues que l’acte médical peut engendrer et doit en particulier porter sur les risques. Ainsi, la nature et la gravité de ceux reconnus par la science médicale doivent être révélées aux patients, à l’exception des risques atypiques et inhabituels ainsi que ceux inhérents à toute intervention médicale, telles les embolies, les infections, les hémorragies ou les thromboses, qui n’ont pas à être rappelés (ATA/8/2018 précité et les références citées). L’information à communiquer dépend, d’une part, de la gravité des risques et de la fréquence de leur survenance et, d’autre part, de la nécessité et de l’urgence de l’intervention. Moins une intervention est nécessaire, plus l’information doit être étendue et le devoir d’information particulièrement strict (Coralie DEVAUD, L’information en droit médical, 2009, p. 160).

L’information n’est pas soumise à une forme particulière. Selon l’art. 45 al. 3 LS, le patient peut demander au médecin privé un résumé de ces informations. En cas de litige, c’est au médecin qu’il appartient d’établir qu’il a suffisamment renseigné le patient et obtenu le consentement préalable de ce dernier (ATA/8/2018 précité et les références mentionnées).

6. a. L’art. 43 al. 1 LPMéd prévoit qu’en cas de violation des devoirs professionnels, des dispositions de la LPMed ou de ses dispositions d’exécution, l’autorité de surveillance peut prononcer les mesures disciplinaires suivantes : un avertissement (let. a), un blâme (let. b), une amende de CHF 20'000.- au plus (let. c), une interdiction de pratiquer à titre d’activité économique privée sous sa propre responsabilité professionnelle pendant six ans au plus (let. d), une interdiction définitive de pratiquer à titre d’activité économique privée sous propre responsabilité professionnelle pour tout ou partie du champ d’activité
(let. e).

L’art. 43 LPMéd contient une liste exhaustive de mesures disciplinaires pouvant être prononcées par les cantons, que ceux-ci ne peuvent pas modifier s’agissant des personnes exerçant une profession médicale universitaire à titre indépendant (ATF 143 I 352 consid. 3.3). Les cantons ne peuvent ainsi prévoir la publication d’une sanction prononcée à l’encontre d’un professionnel de la santé tombant sous le coup de la LPMéd, en tant qu’une telle mesure n’est pas prévue par le droit fédéral et est contraire au système du registre prévu aux
art. 51 ss LPMéd, qui contient les mesures disciplinaires ne pouvant être consultées que par les autorités chargées d’octroyer les autorisations de pratiquer et par les autorités de surveillance selon l’art. 53 al. 2 LPMéd (ATF 143 I 352 consid. 4.1 et 4.2).

b. Selon l’art. 128 LS, le droit de pratiquer d’un professionnel de la santé peut être limité ou retiré notamment en cas de violation grave des devoirs professionnels ou malgré des avertissements répétés (al. 1 let. b). Le retrait peut porter sur tout ou partie du droit de pratique et être d’une durée déterminée ou indéterminée (al. 2). Le retrait et la révocation de l’autorisation font l’objet d’une publication dans la FAO (al. 4). Le département est compétent pour prononcer, à l’encontre d’un professionnel de la santé, l’interdiction de pratiquer, à titre temporaire, pour six ans au plus (art. 127 al. 1 let. b LS).

c. La quotité de la sanction doit respecter le principe de la proportionnalité, selon lequel une mesure restrictive doit être apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive. Ce principe interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATA/324/2016 du 19 avril 2016 et les références citées).

7. La commission instruit en vue d’un préavis ou d’une décision les cas de violation des dispositions de la LS, concernant les professionnels de la santé et les institutions de santé, ainsi que les cas de violation des droits des patients (art. 7 al. 1 let. a LComPS). Elle émet un préavis à l’intention du département lorsqu’elle constate, au terme de l’instruction, qu’un professionnel de la santé ou qu’une institution de santé a commis une violation de ses obligations susceptible de justifier une interdiction temporaire ou définitive de pratique, pour tout ou partie du champ d’activité, ou une limitation ou un retrait de l’autorisation d’exploitation, conformément à la LS (art. 19 LComPS). Ce préavis répond à la définition de l’acte interne à l’administration, destiné à faciliter la tâche de l’organe de décision, telle que définie (arrêt du Tribunal fédéral 2C_66/2013 du 7 mai 2013 consid. 3.2.2). Compte tenu toutefois du fait que la commission est composée de spécialistes, mieux à même d’apprécier les questions d’ordre technique, la chambre de céans s’impose une certaine retenue (ATA/8/2018 précité et les références mentionnées).

8. a. En l’espèce, il ressort du dossier que le recourant, titulaire d’un titre postgrade fédéral de spécialiste en neurochirurgie, a pratiqué sur Mme B______, le 14 juin 2012, dans les locaux de la clinique C______, une opération de type « Cloward C5-C6 pour discopathie et hernie discale », considérée comme un acte chirurgical, ayant pour ce faire eu recours, dans un premier temps, à une cage cervicale de type Roi C, puis MC +.

b. En procédant à la pose d’une cage cervicale, de type Roi C, sans que la butée de sécurité n’ait été intégrée au porte-implant, ladite cage a reculé, compressant la moelle épinière de la patiente et causant à la patiente une paraplégie.

Il n’est ni contestable, ni contesté que ce comportement est constitutif d’une faute au sens de l’art. 40 LPMed, le recourant mentionnant dans ses écritures qu’il « n’a jamais contesté et ne conteste pas avoir commis une faute qui a eu de très lourdes conséquences pour sa patiente ».

La victime peut être suivie lorsqu’elle la détaille, en disant que plusieurs décisions du recourant ont atteint ses droits, notamment :

- la pose d’une cage d’un nouveau type (Roi C) que le recourant n’avait posée que deux fois, en présence du représentant de la marque, et pour laquelle il n’avait pas suffisamment d’expérience ;

- la pose de ladite cage même après avoir constaté l’absence du technicien représentant du produit dont lui-même avait requis la présence et qu’il estimait en conséquence nécessaire ;

- la pose de ladite cage alors que ni le médecin assistant ni l’instrumentiste ne connaissaient ladite cage, ce que le recourant savait ;

- l’absence de vérification que la cage était correctement montée au moment où elle lui fut présentée.

Ces décisions appartenaient au seul recourant, seul de surcroît à effectuer des gestes chirurgicaux.

Elle peut aussi être suivie lorsqu’elle relève l’absence de son consentement à ces actes. Celle-ci n’aurait en aucun cas pu consentir à la pose du modèle Roi C, en l’absence du représentant de la marque, modèle que l’instrumentiste indique ne pas connaître, alors même qu’une cage MC+ était disponible, cage que le chirurgien connaissait parfaitement et pour laquelle le représentant était présent.

L’existence de plusieurs fautes du recourant est établie, sans qu’il soit en l’état nécessaire d’approfondir les gestes techniques effectués, notamment lors de la mise des lamelles.

Le recourant fait état de plusieurs facteurs propres, selon lui, à atténuer cette faute. Ils seront analysés sous la proportionnalité de la sanction.

9. a. L’autorité intimée a prononcé à l’encontre du recourant un retrait de l’autorisation de pratiquer pour une durée de trois mois.

b. En matière disciplinaire, la sanction n’est pas destinée à punir la personne en cause pour la faute commise ; elle vise à assurer, par une mesure de coercition administrative, le bon fonctionnement du corps social auquel l’intéressée appartient. C’est à cet objectif que doit être adaptée la sanction (ACOM/24/2007 du 26 mars 2007 ; Gabriel BOINAY, Le droit disciplinaire de la fonction publique et dans les professions libérales, particulièrement en Suisse, in Revue Jurassienne de Jurisprudence [RJJ], 1998, p. 62 ss). Le choix de la nature et de la quotité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité des violations des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer la protection des intérêts publics recherchée. L’autorité doit tenir compte en premier lieu des éléments objectifs (gravité des violations commises), puis des facteurs subjectifs, tels que les mobiles et les antécédents de l’intéressée. Enfin, elle doit prendre en considération les effets de la mesure sur la situation particulière du recourant.

Le droit disciplinaire se rattache au droit administratif, car la mesure disciplinaire n'a pas en premier lieu pour but d'infliger une peine : elle tend au maintien de l'ordre, à l'exercice correct de l'activité en question et à la préservation de la confiance du public à l'égard des personnes qui l'exercent (ATF 108 Ia 230 consid. 2b).

Il n’a aucunement trait à la protection des intérêts de celui qui serait lésé par l’acte d’un agent public (Pierre MOOR, Droit administratif, vol. III, 1992, n. 5.3.5.2).

c. En l’espèce, le recourant se prévaut de sa longue carrière, à savoir plus de quarante années, de l’absence d’antécédents, du nombre d’opérations de poses de cages cervicales, notamment de MC + ainsi que des opérations qu’il a effectuées, avec succès, après l’opération du 14 juin 2012 pour considérer que la sanction n’est pas proportionnée.

Certes, le recourant n’a pas d’antécédents. Il a une grande expérience professionnelle et pratique depuis plus de quarante années sans avoir rencontré d’incidents. De même, il a, postérieurement à l’accident, pratiqué de nombreuses interventions chirurgicales avec succès, les opérations de pose de cage Roi C ayant toutefois été effectuées en présence de M. D______. Il ressort par ailleurs du dossier que le recourant s’est préoccupé de l’état de santé de sa patiente pendant les mois qui ont suivi en ayant des échanges de courriels avec un proche de celle-ci. Le recourant se prévaut d’avoir immédiatement reconnu sa faute. Il n’en demeure pas moins qu’il tente dans le cadre de la présente procédure de la minimiser.

Contrairement à ce que soutient le recourant, la pose de deux cages Roi C avant l’intervention n’est pas un élément en sa faveur. Cette intervention ne concernait qu’un seul patient et s’était déroulée en présence de M. D______. Le recourant manquait en conséquence d’expérience, au moment de l’intervention litigieuse, pour la pose de cages cervicales Roi C.

De surcroît, la faute commise est très grave. Elle consiste notamment dans la confusion entre les cages cervicales. Le recourant soutient que le système Roi C avec l’œillet à droite peut être confondu avec la butée de sécurité existant sur le porte-implant du système MC +. Outre que l’on peine à comprendre la comparaison, s’agissant de deux systèmes de cages différentes et que le recourant n’indique pas avoir confondu les systèmes, il ressort des différentes photos versées au dossier que les butées de sécurité du système MC + sont « pleines » alors que l’œillet du système Roi C est vide en son milieu. L’œillet devant servir à maintenir la butée de sécurité, il ne doit précisément pas être « vide » au moment de la pose de la cage, ce que le recourant ne conteste pas.

La comparaison entre le porte-implant du système Roi C correctement monté et celui, incomplet, utilisé dans l’opération litigieuse ne porte pas non plus à confusion selon les photos produites. Le premier a deux tiges de métal, le second une seule. Seule la méconnaissance du système Roi C peut justifier de ne pas s’être rendu compte que l’instrument n’était pas complet.

Enfin, tant dans le système Roi C que MC +, l’instrument correctement monté comprend deux tiges métalliques. Même à suivre le recourant dans sa comparaison entre les deux systèmes pour justifier la confusion, en intervenant avec le seul porte-implant du système Roi C, sans butée de sécurité, le praticien aurait dû se rendre compte qu’il manquait un élément de l’instrument. Soutenir, comme le fait le recourant que « le montage de l’instrument permettant de poser la cage n’est pas particulièrement technique, de sorte qu’il [lui] était impossible de se douter que le montage n’était pas complet » apparaît tout à la fois contradictoire, en ce sens que cette « simplicité » devait lui permettre de vérifier facilement, et contraire aux pièces du dossier, en ce sens qu’il n’était pas « impossible » de se rendre compte de l’absence d’une tige.

Le fait d’être « concentré sur le champ opératoire au travers du microscope » est sans incidence sur ce qui précède, que seul un manque d’expérience avec le système Roi C peut expliquer.

Le recourant indique que l’absence de M. D______, dont il n’avait pas été mis au courant et les risques de confusion relevés par le Dr M______ sont de nature à atténuer sa faute.

Même à considérer que tel serait le cas, ce qui peut souffrir de rester indécis, la sanction prononcée par la commission reste clémente au vu du nombre et de la gravité des manquements du recourant. Ceux-ci sont d’autant plus graves que les risques encourus, en l’espèce, pour le patient étaient importants. S’agissant de la quotité de la sanction, dans un arrêt récent (ATA/473/2018 du 15 mai 2018), la chambre administrative a confirmé la sanction de retrait de l’autorisation de pratiquer la greffe capillaire pour une durée de trois mois, une intervention chirurgicale ayant laissé sur le crâne du patient, à la zone donneuse, une cicatrice d’une largeur de 4 à 5 mm, non hypertrophique, avec visibilité des greffons, sur les golfes frontaux-temporaux. Dans ce dernier cas, il était reproché au praticien un non-respect des règles de l’art lors de l’opération et du suivi postopératoire du patient, de même qu’un manquement à son devoir d’information.

Dans le présent cas, le recourant a agi fautivement à plusieurs moments de l’opération et les conséquences pour sa patiente, aujourd’hui invalide à la suite de cette intervention, sont d’une gravité bien plus grande que le cas précité.

La sanction arrêtée par le département ne viole pas le principe de la proportionnalité. La sanction est adéquate et apte à atteindre le but poursuivi à savoir assurer, par une mesure de coercition administrative, le bon fonctionnement du corps social auquel l’intéressé appartient. Cette sanction est nécessaire et respecte la proportionnalité au sens étroit.

Au regard des graves violations de ses devoirs professionnels, comme précédemment énumérés, cette sanction, d’une durée déterminée, respecte le principe de la proportionnalité, de sorte qu’elle sera confirmée.

10. Le recourant conteste la publication de la décision dans la FAO.

Une telle mesure n’est pas conforme au droit fédéral, comme l’a rappelé le Tribunal fédéral dans sa jurisprudence susmentionnée, postérieure au prononcé de l’arrêté. Elle ne saurait par conséquent être ordonnée par l’autorité intimée.

De même et conformément à l’art. 43 LPMed, l’interdiction de pratiquer ne peut concerner que l’activité indépendante du praticien.

Ces éléments ne faisant pas partie du dispositif de l’arrêté querellé, le recours sera rejeté.

11. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée à la plaignante à charge du recourant (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 juin 2017 par Monsieur A______ contre l’arrêté du département de l’emploi et de la santé du 29 mai 2017 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Monsieur A______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à Madame B______ , à la charge de Monsieur A______ ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Antoine Kohler, avocat du recourant, au département de l’emploi et de la santé, à Me Ariane Ayer, avocate de Madame B______ ainsi qu’au département fédéral de l’intérieur.

Siégeant : M. Verniory, président, Mmes Krauskopf et Tapponnier, M. Pagan,
Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

 

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :