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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3100/2018

ATA/1248/2018 du 20.11.2018 ( TAXIS ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3100/2018-TAXIS ATA/1248/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 novembre 2018

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Vincent Maitre, avocat

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR



EN FAIT

1. Selon le rapport établi le 16 janvier 2016 par la police de la sécurité internationale, unité de l’aéroport de Genève et transmis au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN), Monsieur A______, domicilié dans le canton de Genève, avait été contrôlé le mardi 15 décembre 2015 alors qu’il venait de déposer un passager dans la zone « dépose rapide » de l’aéroport. Il circulait au volant d’un véhicule immatriculé dans le canton de Vaud au nom d’une société vaudoise et n’était pas au bénéfice d’une carte professionnelle de chauffeur de limousine. Selon les déclarations de l’intéressé, il utilisait l’application « Uber » et avait pris en charge le client près de Balexert. C’était là son activité principale, qu’il exerçait légalement.

2. Le 10 juin 2016, le PCTN a délivré à M. A______ une carte professionnelle de chauffeur de limousine l’autorisant à exercer une activité indépendante.

3. Par courrier du 20 octobre 2017, le PCTN a transmis à M. A______ une copie du rapport du 16 janvier 2016. Il constatait qu’il n’était pas au bénéfice d’une carte professionnelle de chauffeur de limousine, ni d’une autorisation d’exploiter une limousine en qualité d’indépendant, en infraction à la législation genevoise applicable. Il lui a imparti un délai au 1er novembre 2017, prolongé au 24 novembre 2017, pour faire valoir son droit d’être entendu. Une sanction à son encontre était envisagée.

4. Le 24 novembre 2017, M. A______, a communiqué au PCTN des renseignements sur sa situation personnelle et financière, en indiquant que les faits étaient entièrement contestés, de même que les infractions qui lui étaient reprochées. Il était légitimé à exercer dans toute la Suisse, selon la loi fédérale sur le marché intérieur du 6 octobre 1995 (LMI - RS 943.02), notamment.

5. Par décision du 10 juillet 2018, le PCTN a infligé à M. A______ une amende administrative de CHF 1'500.- pour avoir, le 15 décembre 2015, exercé une activité de chauffeur professionnel de limousine sur le territoire du canton de Genève, sans être titulaire de la carte professionnelle prévue à cet effet par la législation genevoise régissant le transport professionnel de personnes.

6. Le 11 septembre 2018, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision susmentionnée, concluant principalement à son annulation, subsidiairement à une réduction de l’amende.

Titulaire d’un permis de conduire de catégorie B depuis 1988, il avait obtenu un permis professionnel fin 2015. Dès lors, il était arrivé qu’il exerce en tant que conducteur de voiture de transport avec chauffeur (ci-après : VTC), nomment avec l’application « Uber », au moyen d’un véhicule loué immatriculé dans le canton de Vaud. Il était gérant d’une entreprise de produits cosmétiques et poursuivait, comme appoint, une activité de chauffeur VTC.

Il n’avait jamais admis avoir exercé une activité de chauffeur professionnel de limousine, contrairement à ce qui était indiqué dans le rapport de police.

La décision querellée était entachée d’un vice procédural car elle avait été prise sans que soit requis le préavis de la commission de discipline. En outre, lors de la consultation de son dossier, il n’y avait pas trouvé le barème des sanctions, de sorte qu’il n’avait pas eu accès à un dossier complet. La motivation de la décision ne permettait pas de comprendre comment avait été fixée l’amende. Son droit d’être entendu avait ainsi été violé. Enfin, il pouvait se prévaloir de la LMI pour exercer son activité dans le canton de Genève avec un véhicule immatriculé dans le canton de Vaud, les exigences genevoises en matière de chauffeur de VTC violant la primauté du droit fédéral et la liberté du commerce et de l’industrie. La sanction était disproportionnée. Le fait qu’il ait demandé en 2016 une carte professionnelle de chauffeur de limousine ne saurait constituer un aveu de culpabilité mais avait uniquement pour but d’éviter de futurs ennuis infondés.

7. Le 12 octobre 2018, le PCTN a conclu au rejet du recours.

Il avait correctement appliqué le droit, en tenant compte des modifications législatives intervenues entre les faits reprochés et la décision querellée, et qui avait supprimé la commission de discipline. M. A______ n’avait jamais demandé à consulter ou à obtenir le barème des sanctions, document accessible sur simple requête. La motivation de la décision querellée était conforme aux exigences en la matière. La décision était bien fondée.

8. Le 14 novembre 2018, M. A______ a exercé son droit à la réplique, persistant dans son argumentation et ses conclusions et a produit des pièces relatives à sa situation financière ainsi qu’un extrait du rapport n° 140 d’octobre 2018 de la Cour des comptes relatif à l’audit de conformité et de gestion du secteur juridique du PCTN.

9. Le 15 novembre 2018, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile, en tenant compte de la suspension de délai intervenant entre le 15 juillet et le 15 août, devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le recourant sollicite son audition et celle du responsable du PCTN.

a. Selon la jurisprudence développée par le Tribunal fédéral et reprise par la chambre de céans (ATA/1140/2018 du 30 octobre 2018 consid. 2a et les références citées), tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Il ne comprend pas le droit d’être entendu oralement, ni celui d’obtenir l’audition de témoins.

Enfin, le juge peut renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier.

b. En l’espèce, le dossier contient les pièces nécessaires à l’établissement des faits. Le recourant a eu l’occasion d’exercer son droit d’être entendu par écrit tant devant le PCTN que dans ses écritures dans le cadre de la présente procédure. Il a pu produire les pièces qu’il estime utile. Le PCTN s’est exprimé sur les griefs formulés contre sa décision du 10 juillet 2018. Ainsi, les auditions sollicitées n’apparaissent pas de nature à apporter un éclairage utile aux questions à trancher. Il ne sera dès lors pas donné suite à la requête du recourant.

C’est le lieu de rappeler que selon l’art. 118 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE A 2 00), la publicité des audiences est garantie sauf exceptions prévues par la loi, ce qui n’est pas invoqué en l’espèce, de sorte que si des auditions avaient été ordonnées, elles auraient été publiques sans que la chambre de céans ait à le dire, comme l’a demandé le recourant.

3. a. Le 1er juillet 2017 est entrée en vigueur la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 13 octobre 2016 (LTVTC - H 1 31) et le règlement d'exécution de la LTVTC du 21 juin 2017 (RTVTC - H 1 31.01), abrogeant l’ancienne loi sur les taxis et limousines (transport professionnel de personnes au moyen de voitures automobiles) du 21 janvier 2005 (LTaxis) et son règlement d’exécution du 4 mai 2005 (RTaxis ; art. 40 LTVTC et 53 RTVTC).

b. Aux termes des dispositions transitoires du RTVTC, les faits constatés avant l'entrée en vigueur de la LTVTC se poursuivent selon l'ancien droit et devant les autorités compétentes sous l'empire de ce droit. L’art. 48 LTaxis, concernant la commission de discipline, n’est toutefois pas applicable (art. 66 al. 1 RTVTC). L’application du nouveau droit est réservée, si ce dernier est plus favorable à l’auteur de l’infraction (art. 66 al. 2 RTVTC).

c. À cet égard, l’art. 66 al. 1 première phrase RTVTC ne fait que reprendre la règle générale selon laquelle s'appliquent aux faits dont les conséquences juridiques sont en cause, les normes en vigueur au moment où ces faits se produisent (ATA/629/2018 du 19 juin 2018 ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/ Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. 1, 3ème éd., 2012, p. 184). L’art. 66 al. 2 RTVTC reprend quant à lui le principe de la lex mitior applicable aux sanctions.

d. En l’espèce, les faits retenus dans la décision attaquée se sont déroulés entièrement sous l’ancien droit. S’agissant de l’amende, la chambre administrative a déjà retenu que le nouveau droit (art. 38 al. 1 LTVTC), prévoyant en cas de violation de ses prescriptions ou de ses dispositions d’exécution une amende de CHF 200.- à CHF 20'000.-, n’était pas plus favorable que l’art. 45 al. 1 LTaxis, punissant d’une amende administrative de CHF 100.- à CHF 20'000.- toute personne ayant enfreint les prescriptions de la LTaxis ou de ses dispositions d’exécution (ATA/629/2018 précité et les références citées).

La présente cause est donc soumise à la LTaxis et au RTaxis.

4. Le recourant se plaint d’une violation de son droit d’être entendu parce que le barème des sanctions ne figurait pas dans son dossier qu’il avait consulté et en raison du défaut de motivation de la décision querellée.

a. Dans le cadre de l’exercice du droit d’être entendu, la possibilité pour l’administré de faire valoir ses arguments dans une procédure suppose la connaissance préalable des éléments dont l’autorité dispose (ATA/987/2018 du 25 septembre 2018 consid. 4c).

En l’espèce, dans le cadre des échanges de correspondance qu’il a eus avec le recourant, le PCTN lui a indiqué qu’il ne disposait pas d’autres pièces le concernant que le rapport de police du 16 janvier 2016. Il ne ressort pas de la décision querellée que des éléments hors dossiers aient été pris en compte.

Par ailleurs, le fait que le barème des sanctions ne figure pas dans le dossier consulté ne saurait constituer une informalité. De jurisprudence constante, ce barème est un document accessible à tout un chacun (ATA/ 235/2014 du 8 avril 2014 consid. 12). Cela n’emporte pas qu’il doive figurer dans le dossier de chaque administré faisant l’objet d’une procédure de sanction, pas plus que ne devraient s’y trouver les textes légaux ou réglementaires appliqués par l’autorité. Il doit en revanche être mis à disposition à première demande. Le recourant n’a pas formulé une telle demande au PCTN. Le recourant soutient que l’autorité intimée aurait dû comprendre que sa demande de consultation de son dossier emportait demande de consultation du barème compte tenu d’échanges de vue antérieurs entre le PCTN et son conseil dans une procédure de 2015 concernant une autre partie. Il ne peut toutefois être suivi. En effet, son allégation n’est étayée par aucune pièce pertinente, le seul extrait produit d’observations du PCTN dans le cadre de cette procédure de 2015 portant sur la position d’alors de ce service au sujet de la portée du barème en question.

Le grief doit être écarté sur point.

b. Le droit d'être entendu implique également pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision. La motivation d'une décision est suffisante lorsque l'autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée. L'autorité ne doit toutefois pas se prononcer sur tous les moyens des parties; elle peut se limiter aux questions décisives (ATF 134 I 83 consid. 4.1 ; 130 II 530 consid. 4.3 et les arrêts cités).

Dans le cas particulier, la motivation de la décision litigieuse permet au recourant tant de comprendre sa portée, en particulier les reproches qui lui sont adressés, que de recourir contre cet acte en toute connaissance de cause et de manière efficace.

Le grief n’est pas non plus fondé sur ce second point.

5. Le recourant soutient être libre d’exercer une activité de chauffeur VTC sans carte professionnelle de chauffeur de limousine, en application des dispositions de la LMI.

a. La LMI garantit à toute personne ayant son siège ou son établissement en Suisse l'accès libre et non discriminatoire au marché afin qu'elle puisse exercer une activité lucrative sur tout le territoire suisse (art. 1 al. 1 LMI). Toute personne a le droit d'offrir des marchandises, des services et des prestations de travail sur tout le territoire suisse pour autant que l'exercice de l'activité lucrative en question soit licite dans le canton ou la commune où elle a son siège ou son établissement (art. 2 al. 1 LMI).

Selon l’art. 3 al. 1 LMI, la liberté d’accès au marché ne peut être refusée à des offreurs externes. Les restrictions doivent prendre la forme de charges ou de conditions et ne sont autorisées que si elles s’appliquent de la même façon aux offreurs locaux (let. a), sont indispensables à la préservation d’intérêts publics prépondérants (let. b), répondent au principe de la proportionnalité (let. c). L’art. 3 al. 2 LMI dispose que les restrictions ne répondent pas au principe de la proportionnalité lorsque : une protection suffisante des intérêts publics prépondérants peut être obtenue au moyen des dispositions applicables au lieu de provenance (let. a) ; les attestations de sécurité ou certificats déjà produits par l'offreur au lieu de provenance sont suffisants (let. b) ; le siège ou l'établissement au lieu de destination est exigé comme préalable à l'autorisation d'exercer une activité lucrative (let. c) ; une protection suffisante des intérêts publics prépondérants peut être garantie par l'activité que l'offreur a exercée au lieu de provenance (let. d). Les restrictions visées à l'al. 1 ne doivent en aucun cas constituer une barrière déguisée à l'accès au marché destinée à favoriser les intérêts économiques locaux (art. 3 al. 3 LMI).

La LMI pose le principe du libre accès au marché selon les prescriptions du lieu de provenance, qui est l’un de ses principes fondamentaux avec celui de la non-discrimination entre les offreurs externes et locaux (Vincent  MARTENET/ Pierre TERCIER in Vincent MARTENET/Christian BOVET/Pierre TERCIER [éd.], Droit de la concurrence, 2ème éd., 2013, n. 65 ss ad Intro. LMI). Le principe du libre accès au marché a été renforcé par la modification de la LMI du 16 décembre 2005 entrée en vigueur le 1er juillet 2006, au travers de laquelle le législateur a tendu, en supprimant les entraves cantonales et communales à l’accès au marché, à consacrer la primauté du marché intérieur sur le fédéralisme (FF 2005 4221, 422). L’idée du législateur était entre autres d’empêcher que le principe du fédéralisme ne l’emporte sur celui du marché intérieur (ATF 134 II 329 consid. 5.2). Cela ne signifie pas pour autant que toutes les limitations cantonales au libre accès au marché sont prohibées, notamment lorsqu’elles résultent du droit fédéral (ATF 141 II 280 consid. 5.1).

b. Lors du contrôle dont il a fait l’objet, le recourant était domicilié dans le canton de Genève. Il a certes contesté les faits dans son courrier du 24 novembre 2017, sans toutefois donner sa propre version. Toutefois, dans son recours, il n’a plus contesté avoir admis qu’il exerçait une activité de chauffeur professionnel de limousine, et a exercé une activité occasionnelle de chauffeur VTC à partir de fin 2015, une fois obtenu le permis de conduire professionnel ad hoc. Il y a ainsi lieu de retenir que lors du contrôle du 15 décembre 2015, il exerçait bien une activité de chauffeur professionnel de limousine.

Au moment des faits, le recourant était domicilié dans le canton de Genève. À teneur du rapport de police, le transport de personnes effectué a eu lieu dans ce canton. Le recourant ne le conteste pas dans ses écritures et ne produit au demeurant aucune pièce démontrant que tel n’aurait pas été le cas.

Il résulte du dossier qu’il a exercé son activité au moyen d’un véhicule loué à une entreprise vaudoise, immatriculé dans le canton de Vaud. Le fait que l’entreprise de location se trouve dans un canton ne disposant pas des mêmes restrictions d’accès à la profession est sans pertinence, dès lors que le recourant indique exercer cette activité professionnelle à titre individuel, pour son propre compte. Il est donc seul entrepreneur.

Ainsi, l’activité s’étant déroulée dans le canton de Genève, où était domicilié l’entrepreneur concerné, cela constitue un motif suffisant d’exclure l’application de la LMI.

Le grief du recourant sera écarté.

6. La LTaxis a pour objet d’assurer un exercice des professions de transport de personnes au moyen de voitures automobiles et une exploitation des services de taxis et de limousines conformes, notamment, aux exigences de la sécurité publique, de la moralité publique, du respect de l’environnement et de la loyauté dans les transactions commerciales ainsi qu’aux règles relatives à l’utilisation du domaine public (art. 1 LTaxis).

Aux termes de l’art. 5 al. 1 LTaxis, seul le titulaire d’une carte professionnelle de chauffeur de taxi ou de chauffeur de limousine peut conduire un véhicule pour transporter professionnellement des personnes. Selon l’art. 7 LTaxis, la carte professionnelle de chauffeur de limousine confère au chauffeur le droit d’exercer son activité comme chauffeur indépendant d’une limousine ou comme employé d’un exploitant indépendant ou d’une entreprise de limousines (al. 1).

L’autorisation est strictement personnelle et intransmissible ; elle est délivrée par le département lorsque le requérant a l’exercice des droits civils (al. 2 let. a), est Suisse ou est au bénéfice d’une autorisation lui permettant de travailler en Suisse comme indépendant ou comme employé (al. 2 let. b), offre des garanties de moralité et de comportement suffisantes (al. 2 let. c), a réussi les examens prévus à l’article 27 (al. 2 let. d), est détenteur du permis de conduire et de transporter professionnellement des personnes et, pour la conduite des minibus, des autorisations et certificat fédéral de capacité prévus par le droit fédéral (al. 2 let.  e).

7. Le recourant soutient que la LTaxis, en instaurant des exigences supplémentaires à celles prévues par le droit fédéral pour autoriser un chauffeur professionnel à conduire une limousine, violerait les principes de la liberté économique et de la primauté du droit fédéral.

8. a. Selon l'art. 27 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), la liberté économique est garantie. Elle comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (art. 27 al. 2 Cst.). Cette liberté protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d'un gain ou d'un revenu (ATF 128 I 19 consid. 4c.aa p. 29 ; Message du Conseil fédéral du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle Constitution fédérale, in FF 1997 I 1 ss p. 176).

b. Toute restriction d'un droit fondamental doit être fondée sur une base légale (art. 36 al. 1 Cst.), être justifiée par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui (art. 36 al. 2 Cst.) et apparaître proportionnée au but visé (art. 36 al. 3 Cst.). L'essence des droits fondamentaux est inviolable (art. 36 al. 4 Cst.).

Au titre de l'intérêt public pouvant justifier une restriction à la liberté économique, sont autorisées les prescriptions cantonales instaurant des mesures de police, des mesures de politique sociale ou des mesures dictées par la réalisation d'autres intérêts publics (ATF 125 I 322 consid. 3a p. 326 ; arrêt du Tribunal fédéral 2P.90/2005 du 18 avril 2006 ; ATA/509/2006 du 19 septembre 2006 ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. 2, 2006, n. 976 ss, p. 457 ss). Sont en revanche prohibées les mesures de politique économique ou de protection d'une profession qui entravent la libre concurrence en vue de favoriser certaines branches professionnelles ou certaines formes d'exploitation (arrêt du Tribunal fédéral 2P.83/2005 du 26 janvier 2006, consid. 2.3 et la jurisprudence citée).

c. En l’espèce, le législateur cantonal a choisi de soumettre l’exercice de la profession de chauffeur de limousine à la possession d’une carte professionnelle visant à garantir la qualité du service offert, en particulier en assurant que lesdits chauffeurs maîtrisent le français, des rudiments d’anglais ainsi que les obligations résultant de la loi.

La chambre administrative a jugé que ces conditions étaient compatibles avec le droit fédéral supérieur (ATA/313/2017 du 20 mars 2017 consid.6). Elle a retenu que, dans une ville internationale comme Genève, ces exigences remplissent un intérêt public, soit de garantir aux utilisateurs un haut niveau de la qualité du service.

Le grief doit ainsi être écarté.

9. a. Selon l’art. 49 al. 1 Cst., le droit fédéral prime le droit cantonal qui lui est contraire. Ce principe constitutionnel fait obstacle à l’adoption ou à l’application de règles cantonales qui éludent des prescriptions de droit fédéral ou qui en contredisent le sens ou l’esprit, notamment par leur but ou par les moyens qu’elles mettent en œuvre ou qui empiètent sur des matières que le législateur fédéral a réglementées de manière exhaustive (ATF 140 I 277 consid. 4.1 ; 138 I 468 consid. 2.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_405/2015 du 6 avril 2016 consid. 3.1). L'existence ou l'absence d'une législation fédérale exhaustive constitue donc le critère principal pour déterminer s'il y a conflit avec une règle cantonale. Il faut toutefois souligner que, même si la législation fédérale est considérée comme exhaustive dans un domaine donné, une loi cantonale peut subsister dans le même domaine si la preuve est rapportée qu'elle poursuit un autre but que celui recherché par la mesure fédérale (arrêt du Tribunal fédéral 2P.83/2005 du 26 janvier 2006 consid. 2.4 et les références citées). Cela a conduit le Tribunal fédéral à considérer par exemple que, dans la mesure où une loi cantonale renforçait l'efficacité de la réglementation fédérale, le principe de la force dérogatoire n'était pas violé (ATF 91 I 17 consid. 5). En outre, même si, en raison du caractère exhaustif de la législation fédérale, le canton ne peut plus légiférer dans une matière, il n'est pas toujours privé de toute possibilité d'action (arrêt du Tribunal fédéral 2P.83/2005 précité consid. 2.4 et les références citées). Ce n'est que lorsque la législation fédérale exclut toute réglementation dans un domaine particulier que le canton perd toute compétence pour adopter des dispositions complétives, quand bien même celles-ci ne contrediraient pas le droit fédéral ou seraient même en accord avec celui-ci (arrêt du Tribunal fédéral 2P.83/2005 précité consid. 2.4 et les références citées). Le Tribunal fédéral examine librement la conformité d'une règle de droit cantonal au droit fédéral lorsqu'il est appelé à examiner cette question au regard du grief de violation de l'art. 49 al. 1 Cst. (ATF 131 I 394 consid. 3.2). 

b. Selon l'art. 82 al. 1 Cst., la Confédération légifère sur la circulation routière. Cet article donne une compétence législative globale à la Confédération qui est concrétisée par la LCR (FF 1997 I 1, 262). 

Les cantons restent compétents pour édicter des prescriptions complémentaires sur la circulation routière, sauf en ce qui concerne les véhicules automobiles et les cycles, les tramways et chemins de fer routiers (art. 106
al. 3 LCR).

Malgré l’art. 106 al. 3 LCR, le Conseil fédéral a néanmoins délégué ses compétences aux cantons en matière de taxis par l’intermédiaire de
l’art. 25 OTR-2 (André BUSSY/Baptiste RUSCONI/Yvan JEANNERET/André KUHN/Cédric MIZEL/Christoph MÜLLER, Code suisse de la circulation routière commenté, 4ème éd., 2015, n. 2.2 ad art. 106 LCR et les références citées ; 2P.83/2005 du 26 janvier 2006 consid. 6.1).

Les cantons peuvent édicter, pour les conducteurs de taxis qui exercent leur activité dans des agglomérations urbaines, des prescriptions dérogeant aux art. 5, 6, 8, 9, 11, 12, 17, 18 et 21 OTR-2 et peuvent même déclarer que ces prescriptions s'appliqueront aussi aux conducteurs de taxis indépendants. Les cantons peuvent déléguer cette compétence aux communes (art. 25 al. 1 OTR-2).

c. Saisi d’un recours visant l’annulation de l’entier de la LTaxis, subsidiairement celle de nombre de ses dispositions, le Tribunal fédéral, dans son arrêt 2P.83/2005 précité, a examiné la constitutionnalité de plusieurs articles traitant des limousines, notamment sous l’angle de la liberté économique. Les cartes professionnelles de chauffeurs en faisaient partie. Le Tribunal fédéral n’a pas annulé les dispositions y relatives. Il n’a pas non plus fait mention d’une éventuelle contrariété au droit fédéral de la circulation routière.

Le grief sera dès lors écarté.

Au vu de ce qui précède, la décision entreprise doit être confirmée en ce qu’elle qualifie les faits du 15 décembre 2015 d’infractions aux art. 5 al. 1, 7 et 45 al. 1 LTaxis.

10. Le PCTN, à teneur de l’art. 1 al. 1 et 2 RTaxis, peut infliger une amende administrative de CHF 100.- à CHF 20'000.- à toute personne ayant enfreint les prescriptions de la LTaxis ou de ses dispositions d’exécution (art. 45 al. 1 LTaxis).

11. a. Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut, au demeurant, aussi exister (ATA/313/2017 du 21 mars 2017).

b. En vertu de l’art. 1 al. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s’appliquent à titre de droit cantonal supplétif, sous réserve de celles qui concernent exclusivement le juge pénal (notamment les art. 34 ss, 42 ss, 56 ss, 74 ss, 106 al. 1 et 3 et 107 CP). La LTaxis ne contenant pas de disposition réglant la question de la prescription, il y a lieu de faire application, par analogie, de l’art. 109 CP, à teneur duquel la prescription de l'action pénale est de trois ans (ATA/313/2017 précité et les références citées).

c. Selon l’art. 98 CP, la prescription court, alternativement, dès le jour où l'auteur a exercé son activité coupable, dès le jour du dernier acte si cette activité s'est exercée à plusieurs reprises ou encore dès le jour où les agissements coupables ont cessé s'ils ont eu une certaine durée. En vertu de l’art. 97 al. 3 CP, elle ne court plus si, avant son échéance, un jugement de première instance a été rendu.

d. La prescription est une question de droit matériel qu’il y a lieu d’examiner d'office lorsqu'elle joue en faveur de l’administré (ATF 138 II 169 consid. 3.2 ; ATA/1368/2017 du 10 octobre 2017 ; ATA/647/2016 du 26 juillet 2016).

e. En l'espèce, au vu de la date du présent arrêt, la prescription de l'action pénale n’est pas acquise pour les faits du 15 décembre 2015.

12. a. Selon la jurisprudence constante, l’administration doit faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi et jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour infliger une amende. La juridiction de céans ne la censure qu’en cas d’excès ou d'abus. Enfin, l’amende doit respecter le principe de la proportionnalité (ATA/1239/2017 du 29 août 2017).

b. L’autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d’une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l’auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/1472/2017 du 14 novembre 2017).

c. Une commission de discipline, formée des représentants des milieux professionnels, des organes de police et de la direction générale des véhicules, est appelée à donner son préavis sur les mesures et sanctions administratives prononcées par le département. Ses préavis ont valeur consultative et ne lient pas le département (art. 48 al. 1 LTaxis).

Il ressort du dossier que le PCTN n’a pas recueilli le préavis de la commission de discipline, en se fondant sur une jurisprudence de la chambre administrative du 16 janvier 2018 (ATA/38/2018 consid 2 d.) retenant l’application de la LTaxis et du Rtaxis, avec la précision que l'art. 48 LTaxis restait applicable puisque la décision attaquée avait été rendue avant l'entrée en vigueur de la nouvelle législation. Il ne s’ensuit pas que, par un raisonnement a contrario, le préavis ne doive plus être recueilli lorsque la décision intervient, comme en l’espèce, après l’entrée en vigueur de la LTVTC. Si, après l’entrée en vigueur de cette loi, la LTaxis et le RTaxis sont demeurés applicables aux situations nées sous leur empire, l’art. 66 al. 1 in fine RTVTC prévoit que l'art. 48 de la loi sur les taxis et limousines n'est toutefois pas applicable. La chambre de céans n’a pas encore eu à trancher la question de la légalité de cette disposition réglementaire dérogeant au principe général du droit qu’elle énonce dans sa première phrase. Cette question souffrira toutefois de demeurer indécise.

En effet, dans le cas examiné dans l’ATA/38/2018, un préavis avait bien été émis par la commission de discipline, sans toutefois que le PCTN ne soumette le dossier à ses membres. La chambre administrative a estimé que cette façon de procéder n’était pas conforme au droit. Elle avait toutefois renoncé à renvoyer la cause au PCTN dans la mesure où il ressortait des écritures du recourant qu'il ne contestait pas les faits constitutifs des infractions retenues. Cette dernière solution a été retenue dans d’autres espèces, notamment dans l’ATA/1212/2018 du 13 novembre 2018 (consid. 7 f.). In casu, il en sera fait de même, dès lors que dans ses écritures devant la chambre de céans le recourant ne conteste pas ne pas avoir été titulaire de l’autorisation nécessaire pour exercer son activité de chauffeur VTC, lors du contrôle du 15 décembre 2015.

Le grief tiré de l’absence de préavis de la commission de discipline sera donc écarté.

d. Le fait de prendre en charge des clients en se présentant comme un professionnel sans y être autorisé, constitue une infraction grave à la LTaxis, eu égard au but de cette loi, soit notamment d’assurer une exploitation des services de taxis et de limousines conforme aux exigences de la sécurité publique (ATA/1212/2018 précité). Le recourant ne pouvait ignorer que son activité était soumise à autorisation, sans cela il n’aurait pas tenté de se soustraire à cette obligation en louant un véhicule dans le canton de Vaud. Ses explications sur le flou qui régnait à l’époque au sujet de l’application Uber, source d’erreur de droit ne sont pas étayées. Il s’agit toutefois d’une infraction unique qui remonte à près de trois ans, que le PCTN n’a entreprise de poursuivre que vingt-deux mois après les faits. Par ailleurs, le recourant n’a pas d’antécédents. En outre, il a, peu de temps après les faits, obtenu la carte professionnelle de chauffeur de limousine auprès du PCTN.

Quant à sa situation financière, elle ressort désormais de pièces fournies devant la chambre administrative, au stade de la réplique seulement, alors que son devoir de collaboration et le fardeau de la preuve lui incombaient dès le stade initial de la procédure, de sorte que l’on ne peut reprocher au PCTN de ne pas avoir tenu compte de tous les éléments pertinents dans la fixation du montant de l’amende. Selon l’avis de taxation 2016 du recourant et de son conjoint, le couple réalise un revenu net de CHF 39'271.- pour les impôts cantonaux et communaux et de CHF 41'210.- pour l’impôt fédéral direct. Il a deux enfants. Le recourant, qui a déclaré un bénéfice net de CHF 18'456.- provenant de son activé indépendante, dispose d’une fortune brute immobilière de CHF 148'222.-, mais a des dettes hypothécaires ascendant à CHF 167'961.-. Les dettes chirographaires des deux conjoints se montent à CHF 11'335.-. Il s’agit donc d’une situation peu aisée.

Compte tenu de l’ensemble de ces circonstances, l’amende doit être confirmée dans son principe, mais elle sera ramenée à CHF 800.-.

Au vu de ce qui précède, le recours sera admis partiellement. La décision querellée sera annulée en tant qu'elle inflige au recourant une amende administrative de CHF 1’500.-, le montant de celle-ci étant réduit à CHF 800.-.

13. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe pour l’essentiel (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure réduite de CHF 500.- lui sera allouée, à la charge de l’État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 11 septembre 2018 par Monsieur A______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 10 juillet 2018 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

réduit le montant de l’amende administrative infligée à Monsieur A______ à CHF 800.- ;

confirme la décision attaquée pour le surplus ;

met un émolument du CHF 500.- à la charge de Monsieur A______N ;

alloue à Monsieur A______ une indemnité de procédure du CHF 500.- à la charge de l’État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Vincent Maitre, avocat du recourant ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir, ainsi qu’à la commission de la concurrence (COMCO).

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, Mmes Junod et Payot Zen-Ruffinen, juges.

 


Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :