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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3934/2016

ATA/1237/2017 du 29.08.2017 sur JTAPI/521/2017 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3934/2016-PE ATA/1237/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 29 août 2017

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Imed Abdelli, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 mai 2017 (JTAPI/521/2017)


EN FAIT

1) En dates des 1er juillet 2015 et 5 novembre 2015, Madame A______, née au mois de _____ 1986 et ressortissante tunisienne, a reçu de l’ambassade espagnole en Tunisie deux visas Schengen, valables respectivement du 26 juillet au 24 août 2015 et du 20 décembre 2015 au 30 janvier 2016, étant précisé que la page à côté du premier de ces visas portait un tampon « Genève » avec la date du 9 août 2015.

2) En début d’année 2016, l’intéressée est venue en Suisse, au moyen de son second visa Schengen.

3) Par courriel du 17 février 2016, l’Université de Genève (ci-après : UNIGE) a accusé réception de sa demande d’inscription « dans le domaine externe », effectuée par internet.

4) Faisant suite à une demande de renseignements complémentaires, Mme A______ a, le 27 avril 2016, adressé à l’UNIGE le formulaire de « demande d’admission en master /maîtrise universitaire » rempli.

Étaient notamment annexés :

- un curriculum vitae indiquant qu’elle était titulaire d’une « licence en espagnol appliqué (tourisme et patrimoine) » et inscrite « en master en langue, littérature et civilisations étrangères », et avait effectué des stages d’un mois « en campus des langues Mahdia », de six mois « auprès d’Always travel service », d’un mois « en recensement 2014 » et d’un mois « en campus » à l’Université internationale d’Andalousie ;

- un « diplôme de baccalauréat » émis le 5 juillet 2009 par le gouvernement tunisien, pour la section « lettres », un relevé de notes pour l’année universitaire 2009-2010 et des admissions jusqu’en troisième année dans le cadre du diplôme « licence universitaire appliquée en espagnol : tourisme et patrimoine » de l’institut supérieur des sciences appliquées et d’informatique de Beja en Tunisie, ainsi qu’une copie du diplôme d’« aprovechamento » délivré le 31 juillet 2015 par l’Université internationale d’Andalousie, pour son assistance à un cours en langue, littérature et traduction du 27 au 31 juillet 2015 ;

- une « lettre explicative » du 26 avril 2016 dans laquelle Mme A______ précisait avoir mentionné par erreur « diplôme en master » dans sa demande d’inscription et dans son curriculum vitae en lieu et place d’« inscription en master », dès lors qu’elle avait été retenue pour effectuer un master auprès de la Faculté des lettres, des arts et des humanités en Tunisie ;

- une « lettre de motivation » datée du 27 avril 2016, à teneur de laquelle elle désirait préparer un master en lettres en langues étrangères auprès de la Faculté des lettres de l’UNIGE (ci-après : faculté) « dans le cadre de l’échange culturel que [celle-ci proposait] » ; très intéressée par la culture européenne, elle souhaitait s’installer en Europe et travailler dans le domaine éducatif : grâce à sa formation initiale, elle possédait de solides bases en tourisme et en patrimoine international.

5) Par courrier du 4 juillet 2016, la faculté a informé Mme A______ que sa candidature au programme de master en histoire générale avec spécialisation n’avait pas été retenue, du fait que sa formation antérieure n’avait aucun rapport avec les études d’histoire générale proposées par la faculté.

6) Par « lettre explicative » du 15 juillet 2016, Mme A______ a indiqué à la faculté qu’elle souhaitait modifier son inscription pour un bachelor en histoire, en lieu et place du master initialement visé.

7) Par courriel du 18 août 2016, l’UNIGE a confirmé à Mme A______ son admission.

8) Le 25 août 2016, l’intéressée a déposé auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une demande d’autorisation de séjour pour études, en vue d’obtenir, en septembre 2019, un bachelor auprès de l’UNIGE. Elle avait choisi l’UNIGE pour sa réputation internationale, la qualité de ses cours et la diversité cosmopolite, et elle souhaitait, au terme de ses études, enseigner en Tunisie.

Était jointe à cette requête, outre des documents de prise en charge financière par un tiers, une « lettre explicative » datée du même jour. À teneur de celle-ci, Mme A______ était venue en Suisse dans l’intention de déposer son dossier d’inscription auprès de l’UNIGE pour continuer ses études de master en littérature et linguistique ; elle avait été obligée de rester en Suisse après la période de validité de son visa parce que l’UNIGE avait refusé son dossier de master et qu’elle avait dû « refaire » l’intégralité de son dossier d’inscription au programme de bachelor et n’avait eu confirmation de son admission que le 18 août 2016 ; elle sollicitait le pardon de l’OCPM « pour cette erreur ».

9) Par pli du 12 septembre 2016, l’OCPM a fait part à Mme A______ de son intention de refuser sa demande d’autorisation de séjour pour études et de prononcer son renvoi de Suisse, un délai lui étant imparti pour faire valoir son droit d’être entendue.

10) Par attestation du 15 septembre 2016, la faculté a confirmé l’inscription de Mme A______ à un bachelor en langues, littérature et culture hispaniques et en linguistique pour l’année 2016-2017, au vu de la réussite des deux examens de français obligatoires.

11) Par courrier du 26 septembre 2016, faisant usage de son droit d’être entendue, Mme A______ a indiqué à l’OCPM que le cursus qu’elle visait n’était pas enseigné en Tunisie. Elle avait passé avec succès les examens pour entrer en propédeutique pour l’année universitaire qui commençait et s’était déjà acquittée des frais y relatifs. Elle était au bénéfice d’une promesse de travail dans le canton de Genève pour deux après-midi par semaine. Nonobstant le fait que son visa était échu depuis début 2016, elle n’avait pas pu quitter Genève, car elle y avait préparé « [ses] examens donc l’équivalence », qui lui avaient permis de s’inscrire à l’UNIGE, alors qu’elle aurait été, à Tunis, démunie des livres et des informations nécessaires. En cas d’échec, elle aurait cependant immédiatement quitté la Suisse. Ses études étaient l’unique raison de sa présence dans ce pays et elle s’engageait à retourner, à la fin de celles-ci, en Tunisie, où l’attendaient son fiancé et sa famille.

Étaient notamment annexés à ce courrier :

- un formulaire de demande d’autorisation de séjour pour ressortissant étranger sans activité lucrative daté du 20 septembre 2016 ;

- un formulaire de demande d’autorisation de séjour pour études du 20 septembre 2016, à teneur duquel la formation visée – le bachelor en lettres – débutait le 21 septembre 2016 pour s’achever en septembre 2020, son souhait étant, à l’issue de ses études, d’enseigner en Tunisie ;

- une attestation établie le 23 septembre 2016 par un citoyen suisse domicilié dans le canton de Genève, qui s’engageait à l’héberger durant ses études ;

- un formulaire O de prise en charge financière daté du 20 septembre 2016 et signé par une citoyenne suisse, sans mention du montant mensuel concerné ;

- une déclaration écrite non datée par laquelle sa sœur s’engageait à la prendre financièrement en charge pendant ses études, à hauteur de 31'258.063 dinars (l’équivalent d’environ CHF 13’000.-) ;

- une attestation du 15 septembre 2016 de la faculté, certifiant son immatriculation et son inscription à un bachelor en langues, littérature et culture hispaniques et en linguistique pour l’année académique 2016-2017, après qu’elle avait réussi les deux examens d’admission de français obligatoires.

12) Par décision du 12 octobre 2016, déclarée exécutoire nonobstant recours, l’OCPM a refusé d’octroyer une autorisation de séjour pour études à Mme A______ et lui a imparti un délai au 31 décembre 2016 pour quitter la Suisse.

L’intéressée était déjà titulaire d’une formation antérieure, de sorte que la nécessité de poursuivre impérativement des études en Suisse ne se justifiait pas. De plus, le commencement d’un cycle d’études d’un minimum de quatre ans aurait pour conséquence qu’elle terminerait sa formation à l’âge de 34 ans au plus tôt, étant rappelé qu’aucune autorisation de séjour pour études n’était généralement accordée à des requérants âgés de plus de 30 ans. Enfin, elle n’avait pas respecté la procédure applicable, dès lors qu’elle aurait dû solliciter un visa d’études auprès de la représentation helvétique à Tunis avant son entrée en Suisse et attendre la réponse à sa requête à l’étranger.

Elle n’avait pas fait valoir que l’exécution de son renvoi serait impossible, illicite ou inexigible.

13) Par acte du 17 novembre 2016 signé de son conseil, Mme A______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) à l’encontre de cette décision de l’OCPM, concluant préalablement à la restitution de l’effet suspensif, au fond à l’annulation de la décision précitée et, principalement, à l’octroi de l’autorisation de séjour sollicitée, subsidiairement au renvoi de son dossier à l’OCPM pour nouvelle décision au sens des considérants, « avec suite de frais et dépens ».

Dans sa décision querellée, l’OCPM avait constaté les faits de manière inexacte, dès lors qu’il aurait dû examiner si la formation concrètement envisagée représentait un prolongement de sa formation de base effectuée en Tunisie, puis déterminer si cette formation de base pouvait être prise en compte, dès lors que celle-ci n’avait pas même été reconnue par l’UNIGE. Compte tenu de son souhait de travailler dans l’enseignement dans son pays, le bachelor déjà obtenu était à lui seul insuffisant pour travailler dans ce domaine. La durée de sa présence envisagée en Suisse n’était que de quatre ans, étant rappelé qu’elle était âgée, lors du dépôt de sa demande d’inscription auprès de l’UNIGE, de moins de 30 ans.

L’OCPM avait également commis un abus de son pouvoir d’appréciation en ne constatant pas qu’elle disposait des qualifications personnelles nécessaires au sens de l’art. 27 de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20). À l’exception de son âge, qui n’était pas une condition absolue, et du fait qu’elle était déjà titulaire d’un bachelor en Tunisie, aucun élément ne jouait en sa défaveur. L’obtention d’un bachelor de l’UNIGE constituait le prolongement de sa formation de base effectuée en Tunisie et lui permettrait d’accroître ses chances, actuellement faibles, voire nulles, de trouver un emploi dans ce pays, dans lequel l’accès au poste d’enseignant était très sélectif car très demandé et nécessitait dès lors la titularité d’un, voire plusieurs titres universitaires en plus d’une formation complémentaire en pédagogie. À cet égard, il ressortait de son curriculum vitae qu’en dehors de stages de quelques mois dans des campus de langues, elle n’avait jamais vraiment pu travailler dans le domaine couvert par les études qu’elle avait suivies. Elle maintenait ses projets de vie en Tunisie.

L’attitude contradictoire de l’autorité intimée, soit le fait que l’UNIGE ne reconnaissait pas sa formation antérieure effectuée en Tunisie alors que l’OCPM fondait son refus d’octroi de permis de séjour sur cette même formation contrevenait, de plus, au principe de la bonne foi.

Enfin, entachée d’arbitraire, la décision attaquée devait être annulée. Contrairement aux allégations de l’autorité intimée, elle était de bonne foi lorsqu’elle avait entamé les démarches d’inscription auprès de l’UNIGE, dans le cadre du délai de validité du deuxième visa Schengen obtenu. Déçue des opportunités et de la qualité des formations offertes par l’Université internationale d’Andalousie ainsi que de leur inadéquation avec le cursus universitaire tunisien, elle était venue à Genève dans le cadre d’une visite à une personne proche vivant en Suisse (« son contact »), avait été impressionnée par la qualité de l’enseignement proposé par l’UNIGE (cours, moyens et perspectives pratiques) et avait été assurée par la personne proche qu’elle ne devrait pas avoir de difficultés à obtenir les autorisations nécessaires pour s’inscrire auprès de l’UNIGE. Par conséquent, elle n’avait cherché qu’à saisir une occasion qui se présentait, sans aucune intention de transgresser la loi.

14) Dans ses observations du 28 novembre 2016, l’OCPM s’est opposé à la restitution de l’effet suspensif.

15) Par décision du 1er décembre 2016, le TAPI a rejeté la demande d’effet suspensif au recours formée par Mme A______.

16) Le 15 décembre 2016, Mme A______ a recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

Aux termes d’une attestation du directeur de l’école de langue et de civilisation françaises de la faculté du 12 décembre 2016, après avoir obtenu une licence de l’Université de langues et d’informatique de Beja (Tunisie) avec une spécialisation en espagnol dans le domaine du tourisme et du patrimoine ainsi qu’après une formation inachevée de master à la Faculté des lettres, des arts et des humanités de la Manouba (Tunisie), elle avait sollicité une inscription à l’UNIGE pour y compléter un master en espagnol. Comme l’orientation des études d’espagnol à Genève n’était pas la même que celle que l’intéressée avait suivie en Tunisie, la faculté avait exigé qu’elle obtienne le bachelor genevois au préalable. Son projet d’études était cohérent et le passage imposé par un nouveau bachelor pour l’obtention du master, après un passage préalable et nécessaire en année propédeutique, était indépendant de sa volonté et différerait nécessairement l’obtention de son titre de master.

17) Dans ses observations au fond du 9 janvier 2017, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

Mme A______ n’avait pas démontré de manière convaincante la nécessité de venir spécialement à Genève pour préparer un master en lettres avec l’espagnol comme discipline. Elle était déjà titulaire d’une licence universitaire en langues et informatique acquise en Tunisie, avec une spécialisation en espagnol dans le domaine du tourisme et du patrimoine, et avait également débuté des études de master auprès de la Faculté des lettres, des arts et des humanités de la Manouba également en Tunisie. En outre, il résultait de l’attestation de l’UNIGE du 12 décembre 2016 que pour accéder aux études de master, l’intéressée devait recommencer un nouveau cycle d’études et refaire par conséquent un bachelor, ce qui rallongeait sensiblement la durée de son cursus. Âgée à ce jour de 30 ans, elle terminerait ses études au plus tôt en 2020, soit à l’âge de 34 ans. Enfin, on comprenait mal son intérêt à venir étudier l’espagnol en Suisse plutôt que dans un pays hispanophone.

18) Par jugement du 16 mai 2017, notifié le 18 mai suivant, le TAPI a rejeté le recours de Mme A______ du 17 novembre 2016 et a mis un émolument de CHF 500.- à sa charge.

Au vu des écritures des parties et des pièces produites, Mme A______ disposait d’une licence en espagnol appliqué (tourisme et patrimoine) obtenue dans son pays d'origine et désirait étudier à l’UNIGE durant quatre ans pour y obtenir un master en lettres avec l’espagnol comme discipline. Elle était à ce jour âgée de presque 31 ans, le fait qu’elle ait déposé sa demande avant son trentième anniversaire ne modifiant ni cette constatation ni le fait qu’elle aurait 34 ans en septembre 2020, mois auquel elle était censée achever son master. Elle n’avait de plus pas respecté la procédure applicable, mettant l’autorité intimée devant le fait accompli en s’installant à Genève, le fait qu’elle l’ignorait au motif qu’elle avait été « assurée par son contact » qu’il ne devrait pas y avoir de difficultés à obtenir les autorisations nécessaires ne justifiant nullement son comportement.

Dans ces circonstances, sous l'angle de la pratique restrictive des autorités helvétiques en matière de réglementation des conditions de résidence des étudiants étrangers et de délivrance de permis de séjour pour études, d'une part, et du large pouvoir d'appréciation dont bénéficiait l'autorité intimée, d'autre part, la décision entreprise n'apparaissait pas consacrer une violation de l'art. 27 al. 1 ou de l'art. 96 LEtr.

En effet, Mme A______ ne démontrait pas en quoi la décision de refus de l'OCPM, qui, sans se fonder sur des considérations dénuées de pertinence ou étrangères au but visé par la législation, avait notamment estimé que la nécessité de la formation en cause n'avait pas été suffisamment démontrée, serait constitutive d'un excès ou d'un abus dudit pouvoir d'appréciation. Elle se contentait simplement d’indiquer, après avoir écarté la question de son âge et le fait qu’elle était déjà titulaire d’un bachelor, qu’aucun élément ne jouait en sa défaveur.

De plus, l’OCPM n’a pas contrevenu au principe de la bonne foi en constatant que l’intéressée avait obtenu un bachelor en Tunisie. L’existence de ce diplôme n’était d’ailleurs pas non plus contestée par la faculté. Au surplus, il ne pouvait pas y avoir une attitude contradictoire de « l’autorité » puisqu’il y avait en l’espèce deux autorités, l’OCPM et l’UNIGE, qui se prononçaient chacune en vertu de leurs propres critères.

19) Par décision du 18 mai 2017, la chambre administrative a dit que le recours interjeté contre la décision du TAPI sur effet suspensif du 1er décembre 2016 était devenu sans objet, le TAPI ayant tranché le litige au fond par son jugement du 16 mai 2017, et a rayé la cause du rôle, sans émolument ni indemnité de procédure.

20) Par pli du 26 mai 2017, l’OCPM a imparti à Mme A______ un délai au 26 juin 2017 pour quitter la Suisse.

21) Par acte déposé le 19 juin 2017 au greffe de la chambre administrative, Mme A______ a formé recours contre le jugement du TAPI susmentionné, sollicitant préalablement la restitution de l’effet suspensif au recours et la production intégrale des dossiers du TAPI et de l’OCMP, concluant au fond à l’annulation dudit jugement et reprenant pour le reste ses conclusions prises devant le TAPI, « avec suite de frais et dépens ». À titre de moyen de preuve, sa comparution personnelle était à nouveau sollicitée.

Elle reprenait et complétait ses allégations et arguments énoncés en première instance de recours, invoquant notamment « l’absence totale de tout profil migratoire à risque ». On ne pouvait pas retenir que la formation en espagnol (tourisme et patrimoine) suivie en Tunisie lui permette, à elle seule, de travailler dans l’enseignement comme elle l’envisageait.

Selon une attestation d’un conseiller aux études de la faculté du 15 juin 2017, les étudiants admis à l’année propédeutique, à laquelle Mme A______ avait été admise, étaient ceux qui avaient échoué de peu aux examens de français obligatoires et éliminatoires pour une admission à l’UNIGE ; ladite année propédeutique proposait des enseignements de mise à niveau en français sur deux semestres, préalables à l’admission dans une faculté ; l’intéressée souhaitait ensuite s’inscrire à un baccalauréat de la faculté en linguistique générale et en langue, littérature et culture hispaniques ; ces disciplines étaient différentes de ses études antérieures en Tunisie.

Par attestation du 13 juin 2017, le directeur de l’école de langue et de civilisation françaises de la faculté confirmait que les examens de l’année propédeutique 2016-2017 étaient terminés pour la session de mai-juin 2017.

22) Par courrier du 23 juin 2017, le TAPI a transmis son dossier à la chambre administrative sans formuler d’observations.

23) Dans ses observations du 6 juillet 2017, l’OCPM a conclu au rejet de la demande de restitution de l’effet suspensif et au déboutement de la recourante au fond.

24) Dans sa réplique du 16 août 2017, Mme A______ a persisté dans ses conclusions et griefs. La licence en tourisme et patrimoine obtenue en Tunisie était insuffisante pour lui ouvrir toute voie professionnelle concrète, d’où son souci d’avoir un diplôme plus utile.

25) Par lettre du 23 août 2017, la chambre administrative a informé les parties que la cause était gardée à juger au fond.

26) Pour le reste, les arguments des parties seront repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit ci-après.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le droit d'être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 41 LPA, comprend, en particulier, le droit pour la personne concernée de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d'avoir accès au dossier, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos. En tant que droit de participation, le droit d'être entendu englobe donc tous les droits qui doivent être attribués à une partie pour qu'elle puisse faire valoir efficacement son point de vue dans une procédure (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 II 497 consid. 2.2 et les références citées).

Le droit d’être entendu ne comprend pas le droit d'être entendu oralement (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_551/2015 du 22 mars 2016 consid. 2.2) ni celui d'obtenir l’audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1 ; ATA/356/2016 du 26 avril 2016).

Le droit de faire administrer des preuves découlant du droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 Cst. n’empêche pas l’autorité de mettre un terme à l’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu’elles ne pourraient l’amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 134 I 140 consid. 5.3).

3) En l’occurrence, la chambre de céans dispose d’un dossier complet et, en tout état de cause, les allégations sur lesquelles la recourante sollicite d’être auditionnée ne sauraient, si elles étaient admises, avoir en tant que telles une influence sur l’issue du litige.

4) a. Aux termes l’art. 27 LEtr dans sa version en vigueur dès le 1er janvier 2017 – qui ne modifie pas dans sa substance le contenu antérieur –, un étranger peut être admis en vue d’une formation ou d’une formation continue aux conditions suivantes : la direction de l’établissement confirme qu’il peut suivre la formation ou la formation continue envisagées (let. a) ; il dispose d’un logement approprié (let. b) ; il dispose des moyens financiers nécessaires (let. c) ; il a le niveau de formation et les qualifications personnelles requis pour suivre la formation ou la formation continue prévues (let. d ; al. 1) ; la poursuite du séjour en Suisse après l’achèvement ou l’interruption de la formation ou de la formation continue est régie par les conditions générales d’admission prévues par la LEtr (al. 3).

Les conditions spécifiées dans la disposition de l'art. 27 LEtr étant cumulatives, une autorisation de séjour pour l'accomplissement d'une formation ne saurait être délivrée que si l'étudiant étranger satisfait à chacune d'elles (arrêt du Tribunal fédéral administratif [ci-après : TAF] C-1359/2010 du 1er septembre 2010 consid. 5.3).

b. À teneur de l’art. 23 al. 2 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), les qualifications personnelles (art. 27 al. 1 let. d LEtr) sont suffisantes notamment lorsqu’aucun séjour antérieur, aucune procédure de demande antérieure ni aucun autre élément n’indique que la formation ou le perfectionnement invoqués visent uniquement à éluder les prescriptions générales sur l’admission et le séjour des étrangers.

Il convient donc de tenir notamment compte, lors de l'examen de chaque cas, des circonstances suivantes : situation personnelle du requérant (âge, situation familiale, formation scolaire préalable, environnement social), séjours ou demandes antérieurs, région de provenance (situation économique et politique, marché du travail indigène pour les diplômés des hautes écoles ; secrétariat d’État aux migrations [ci-après : SEM], Directives et commentaires, Domaine des étrangers, octobre 2013, état au 3 juillet 2017, ch. 5.1.2 p. 195, dont la teneur était identique lors du prononcé de la décision attaquée).

c. Aux termes de l’art. 23 al. 3 OASA, une formation ou un perfectionnement est en principe admis pour une durée maximale de huit ans ; des dérogations peuvent être accordées en vue d'une formation ou d'un perfectionnement visant un but précis.

Sous réserve de circonstances particulières, les personnes de plus de 30 ans ne peuvent en principe se voir attribuer une autorisation de séjour pour se former ou se perfectionner. Les exceptions doivent être suffisamment motivées (SEM, op. cit., ch. 5.1.2 p. 196, dont le contenu n’a pas été modifié depuis le prononcé de la décision litigieuse ; aussi ATA/599/2016 du 12 juillet 2016 consid. 3d ; ATA/1182/2015 du 3 novembre 2015 consid. 5).

Un changement d’orientation en cours de formation ou de perfectionnement ou une formation supplémentaire ne peuvent être autorisés que dans des cas d’exception suffisamment motivés (ATA/89/2017 du 3 février 2017 consid. 4e ; ATA/785/2014 du 7 octobre 2014 consid. 5d ; SEM, op. cit., ch. 5.1.2 p. 197).

d. L’autorité cantonale compétente dispose d’un large pouvoir d’appréciation, l’étranger ne bénéficiant pas d’un droit de séjour en Suisse fondé sur l’art. 27 LEtr (arrêts du Tribunal fédéral 2C_697/2016 du 20 septembre 2016 consid. 4.1 ; 2D_49/2015 du 3 septembre 2015 consid. 3 ; 2C_802/2010 du 22 octobre 2010 consid. 4).

S’il est vrai que la nécessité du perfectionnement souhaité ne fait pas partie des conditions posées à l’art. 27 LEtr pour l’obtention d’une autorisation de séjour pour études, cette question doit cependant être examinée sous l’angle du large pouvoir d’appréciation conféré à l’autorité par l’art. 96 LEtr (arrêts du TAF F-3095/2015 du 8 novembre 2016 consid. 7.2.5 ; C-219/2011 du 8 août 2013 consid. 7.2.2).

En vertu de cette disposition légale, les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d’appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son degré d’intégration (al. 1) ; lorsqu’une mesure serait justifiée, mais qu’elle n’est pas adéquate, l’autorité compétente peut donner un simple avertissement à la personne concernée en lui adressant un avis comminatoire (al. 2).

Dans sa jurisprudence constante, le TAF a retenu qu'il convenait de procéder à une pondération globale de tous les éléments en présence afin de décider de l'octroi ou non de l'autorisation de séjour (arrêts du TAF C-5718/2013 du 10 avril 2014 ; C-3139/2013 du 10 mars 2014 consid. 7.2 ; C 2291/2013 du 31 décembre 2013 consid. 7.2).

Compte tenu de l'encombrement des établissements (écoles, universités, etc.) et de la nécessité de sauvegarder la possibilité d'accueillir aussi largement que possible de nouveaux étudiants sur le territoire de la Confédération, il importe de faire preuve de rigueur dans l'examen des demandes, tant et si bien que la priorité sera donnée aux jeunes étudiants désireux d'acquérir une première formation en Suisse. Parmi les ressortissants étrangers déjà au bénéfice d'une première formation acquise dans leur pays d'origine, seront prioritaires ceux qui envisagent d'accomplir en Suisse un perfectionnement professionnel constituant un prolongement direct de leur formation de base (arrêts du TAF C-5015/2015 du 6 juin 2016 consid. 7.1 ; C-5718/2013 précité consid. 7.2.3).

5) En l’espèce, la recourante est déjà au bénéfice d'une formation universitaire consistant en une licence en espagnol appliqué (tourisme et patrimoine) obtenue dans son pays d’origine. Elle ne démontre pas en quoi l’obtention auprès de l’UNIGE d’un bachelor, voire d’un master, en langues, littérature et culture hispaniques et en linguistique serait nécessaire pour enseigner en Tunisie. En effet, le cursus choisi à Genève consiste à recommencer, dans un premier temps à tout le moins, un bachelor, alors que, dans son pays, l’intéressée a pu entamer – sans le finir – un master. Il est difficilement compréhensible que celle-ci, en vue d’augmenter ses chances d’accéder à un emploi d’enseignante dans son pays d’origine, vise à Genève un titre qui n’est pas d’un niveau supérieur à la licence qu’elle a déjà obtenue en Tunisie. Certes, il est concevable que, pour l’enseignement de l’espagnol en Tunisie, une formation universitaire axée principalement sur les langues, littérature et culture hispaniques soit préférable à la formation suivie déjà dans cette langue et centrée sur le tourisme et le patrimoine, et que celle-ci ne suffise pas à elle seule à permettre à l’intéressée de travailler dans cette profession comme elle l’envisage, voire dans une autre profession. Mais, comme relevé par l’intimé, on ne voit pas en quoi des études en langue espagnole seraient particulièrement profitables à la recourante en Suisse, pays qui n’est pas hispanophone, et il n’est pas établi qu’une formation universitaire en langues, littérature et culture hispaniques n’existe pas en Tunisie.

Par ailleurs, d’une part, comme cela ressort notamment des attestations de la faculté des 12 décembre 2016 et 15 juin 2017, le bachelor visé auprès de l’UNIGE diffère de la formation de base en espagnol accomplie par l’intéressée en Tunisie et n’en constitue donc pas un prolongement direct. D’autre part, la recourante est actuellement âgée de plus de 30 ans et aurait 31 ans lorsqu’elle serait susceptible d’entamer réellement le bachelor visé, en automne 2017. Dans ces conditions, elle ne fait pas valoir des circonstances particulières qui justifieraient de déroger à la pratique et à la jurisprudence relatives à la priorité entre étudiants n’ayant pas encore une formation universitaire et à l’exigence d’un âge inférieur à 30 ans.

L’invocation par la recourante de la protection de la bonne foi (art. 9 Cst.) frise la témérité. En effet, l’UNIGE n’est pas tenue de prendre en compte les aspects afférents au droit des étrangers dans le cadre de l’admission des étudiants et l’OCPM n’est aucunement lié par les décisions de l’UNIGE.

Pour le surplus, la recourante ne saurait invoquer la protection de la bonne foi en se prévalant de renseignements fournis par une personne étrangère à l’administration quant à la possibilité d’obtenir un titre de séjour valable.

Vu ce qui précède, l’office intimé n’a pas mésusé de son large pouvoir d’appréciation en refusant, par sa décision 12 octobre 2016, l’autorisation de séjour pour formation de l’intéressé, et le jugement du TAPI la confirmant est conforme au droit sur ce point.

6) Pour le reste, le prononcé du renvoi conformément à l’art. 64 al. 1 let. c LEtr et l’exécution de celui-ci au sens de l’art. 83 LEtr (possibilité, licéité et exigibilité) ne sont pas contestés par la recourante, ni contestables.

7) Le jugement querellé étant conforme au droit, le recours sera rejeté.

Le présent arrêt au fond rend sans objet la demande de restitution de l’effet suspensif formulée par la recourante.

8) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- – et non de CHF 550.- comme requis pour l’avance de frais vu l’absence de décision de la chambre de céans en matière d’effet suspensif – sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA), et il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 juin 2017 par Madame A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 mai 2017 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Madame A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Imed Abdelli, avocat de la recourante, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.