Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1897/2015

ATA/1139/2017 du 02.08.2017 sur JTAPI/446/2016 ( ICC ) , REJETE

Recours TF déposé le 14.09.2017, rendu le 08.03.2018, REJETE, 2C_784/2017
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1897/2015-ICC ATA/1139/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 2 août 2017

2e section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Alexandre Faltin, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

 

_________

 


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du
2 mai 2016 (JTAPI/446/2016)



EN FAIT

1) Monsieur A______, domicilié à B______ dans le canton de Vaud, exerce notamment une activité indépendante de promoteur immobilier en Suisse romande et y exploite une raison individuelle.

2) Dans le cadre d’acquisitions immobilières, M. A______ et Monsieur C______ ont contracté, dans les années 1980, d’importants crédits auprès de banques.

Dès 1989, M. C______ a rencontré des difficultés financières, contraignant M. A______ à assumer seul l’intégralité des charges liées à ces aquisitions.

3) Entre le 23 novembre 1995 et le 17 octobre 2005, M. A______ a envoyé sans succès à M. C______ trente-trois demandes de remboursement. Le 15 décembre 2000, un acte de défaut de biens a été délivré à M. A______ pour un montant de CHF 571'595.55.

4) Le 4 janvier 2006, M. A______ et M. C______ ont conclu une convention (ci-après : la convention) aux termes de laquelle ce dernier a reconnu devoir irrévocablement à M. A______ la somme de CHF 8’000’000.-, intérêts en sus, une fois qu’il serait revenu à meilleure fortune. En préambule de cette convention, le contexte des faits était exposé, en substance, comme suit :

Dans le milieu des années 1980, M. A______ et M. C______, dans leurs activités de promoteurs et investisseurs immobiliers, avaient été amenés à effectuer diverses et importantes acquisitions immobilières, parfois au travers de structures ad hoc. Dans ce contexte, ils avaient contracté des crédits importants et avaient été régulièrement engagés au titre de caution solidaire, voire co-débiteurs à l’égard de plusieurs établissements bancaires. Ils étaient solidairement engagés pour un montant d’environ CHF 30'000’000.- de crédits.

M. C______ était devenu financièrement défaillant à la fin de l’automne 1989 et depuis lors, M. A______ avait assumé seul l’intégralité des charges financières courantes ainsi que des crédits contractés et avait de ce fait essuyé une perte et un manque à gagner estimés entre CHF 15'000'000.- et CHF 20'000'000.-.

Les efforts financiers consentis par M. A______ avaient permis à
M. C______ de se libérer totalement des engagements. Ce dernier reconnaissait ainsi être le débiteur de M. A______ du 50 % des paiements effectués par ce dernier au titre du remboursement en capital et intérêts de leurs engagements communs.

Ainsi, ils convenaient que M. C______ reconnaissait devoir irrévocablement à M. A______ la somme de CHF 8'000'000.- avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 2006 et qu’il s’engageait à lui verser ce montant dès qu’il serait revenu à meilleure fortune.

5) a. À l’actif du bilan 2006 de M. A______, remis en annexe de sa déclaration fiscale 2006, figurait sous la rubrique « débiteurs divers », un poste
« M. C______, E______ » pour un montant de CHF 4’000’000.-. Dans son compte de profits et pertes pour la même année, une perte sur débiteur de CHF 4’000’000.- était comptabilisée.

b. Une écriture similaire a été passée en 2007, mais portant sur
CHF 1'000'000.-.

6) Le 20 juin 2011, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a adressé à M. A______ les bordereaux de taxation pour l’impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) pour l’année fiscale 2006.

La perte sur débiteur C______ n’était pas admise au motif que les motivations apportées n’étaient pas probantes.

7) Le 7 juillet 2011, M. A______ a élevé réclamation contre le bordereau précité, concluant notamment à ce que la perte sur débiteur de CHF 4'000'000.- soit reconsidérée.

Elle correspondait à 50% de la créance reconnue par M. C______ selon la convention. Lors du bouclement des comptes 2006, M. C______ n’était pas revenu à meilleure fortune et n’avait effectué aucun remboursement de sa dette, raison pour laquelle la moitié de la créance avait été provisionnée au titre de l’exercice 2006 pour être conforme aux art. 957 ss de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220).

8) Le 31 août 2012, faisant suite à la demande de l’AFC-GE, la réclamation a été complétée.

Une copie des déclarations d’impôt pour les années 2005 à 2011 et des bordereaux d’impôts 2006 à 2010 de M. C______ ont été produits. Il en ressort des revenus bruts de CHF 9'591.- en 2005, CHF 12'114.- en 2006, CHF 11'689.- en 2007, CHF 38'970.- en 2008, CHF 46'777.- en 2009, CHF 32'054.- en 2010 et CHF 15'460.- en 2011 et des dettes annuelles de CHF 29'239'146.- auprès de l’office des faillites.

9) Le 19 mars 2014, l’AFC-GE a adressé à M. A______ le bordereau de taxation pour l’ICC 2007.

Elle retenait un revenu imposable nul et ne tenait pas compte des pertes sur débiteurs comptabilisées en 2006 et 2007.

10) Par décision sur réclamation du 31 mars 2014, l’AFC-GE a remis à
M. A______ un bordereau rectificatif relatif à l’année 2006, partiellement conforme à sa demande.

Elle refusait d’accepter la « perte sur débiteur C______ ». Aucune provision n’avait été constituée durant les exercices précédents et aucune preuve n’attestait des démarches entreprises pour recouvrer la créance. De même, le montant de la dette n’avait pas été justifié, ni les raisons ayant conduit M. A______ à abandonner CHF 10'000'000.- de créance envers ce débiteur. Les opérations étaient tellement anciennes, que les contribuables eux-mêmes n’avaient rien conservé. Il était dès lors très difficile pour l’administration d’accepter en l’état la provision de CHF 8'000'000.- et la perte sur débiteur de 4'000'000.-.

11) Le 25 avril 2014, ayant été informée qu’un bénéfice provisoire avait été retenu pour la vente d’un immeuble sis D______, lors de la taxation ICC 2006, alors même que ce bénéfice avait été pris en compte lors de la taxation du bénéfice net en 2008, l’AFC-GE a transmis à M. A______ un projet d’avis de taxation rectificative ICC 2006, ne tenant plus compte de ce bénéfice provisoire, mais maintenant la position du fisc s’agissant des pertes sur débiteurs.

12) Le 30 avril 2014, M. A______ a recouru contre la décision sur réclamation du 31 mars 2014 auprès du Tribunal administratif de première instance
(ci-après : le TAPI), concluant à son annulation et au renvoi du dossier à l’autorité de taxation afin qu’elle notifie un nouveau bordereau de taxation ICC 2006 dans le sens des considérants. Les conclusions étaient prises sous suite de frais et dépens.

Il convenait de considérer que la créance de M. A______ à l’encontre de
M. C______ devait être inscrite dès la signature de la convention du 4 janvier 2006 et que l’amortissement devait être admis.

13) Le 19 mai 2014, l’AFC-GE a émis un bordereau rectificatif pour
l’ICC 2006, tenant compte des observations quant au bénéfice provisoire de la vente d’un immeuble sis à Genève. Elle maintenait par contre sa décision s’agissant de la perte sur débiteur. Le revenu imposable était nul et la fortune imposable s’élevait à CHF 476'236.-.

14) Le 19 mai 2014, l’AFC-GE a adressé à M. A______ le bordereau de taxation pour l’ICC 2008.

Elle retenait un revenu imposable nul et ne tenait pas compte des pertes sur débiteurs comptabilisées en 2006 et 2007.

15) Par courriers des 28 juillet et 31 juillet 2014, l’AFC-GE a pris bonne note qu’une réclamation de pure forme avait été déposée contre les taxations 2007 et 2008, et que le contribuable se réservait le droit de faire valoir ses conclusions lors de taxations ultérieures.

16) Le 29 septembre 2014, l’AFC-GE a adressé à M. A______ le bordereau de taxation pour l’ICC pour l’année fiscale 2009.

Elle retenait un revenu imposable nul et ne tenait pas compte des pertes sur débiteurs comptabilisées en 2006 et 2007.

17) À l’actif du bilan 2010 de M. A______, remis en annexe à sa déclaration fiscale 2010, figurait sous la rubrique « débiteurs divers », le poste
« M. C______, E______ » pour un montant de CHF 3’000’000.-. Dans son compte de profits et pertes pour la même année, aucune perte sur débiteur n’était comptabilisée.

Un tableau chiffrait les pertes reportées des sept exercices précédents :

Année

Pertes

Pertes cumulées

Reprises

 

(en CHF)

(en CHF)

(en CHF)

2003

954'166.-

954'166.-

2004

42'892.-

911'270.-

2005

955'264.-

1'866'534.-

-1'603'836.-

2006

4'290'279.-

6'156'813.-

2007

1'596'191.-

7'753'004.-

2008

119'818.-

7'872'822.-

2009

217'014.-

7'655'808.-

18) Le 15 octobre 2014, l’AFC-GE a adressé à M. A______ le bordereau de taxation pour l’ICC pour l’année fiscale 2010.

Elle retenait un revenu imposable de CHF 463'197.- et une fortune imposable de CHF 1'350'185.-.

19) Le 11 novembre 2014, M. A______ a formé réclamation à l’encontre de la décision de taxation et calcul de l’impôt pour l’ICC 2010.

La taxation était contestée sur un point : l’administration avait refusé le report de pertes non compensées.

Le bordereau 2010 faisant état d’un revenu imposable à Genève, il pouvait former réclamation et était en droit de demander le report des pertes des périodes 2006 et 2007.

Il reprenait en substance les explications données à l’appui de sa réclamation du 7 juillet 2011.

20) Par jugement du 12 janvier 2015 (JTAPI/44/2015) rendu dans la cause (A/1255/2014), le TAPI a rejeté le recours interjeté par M. A______ le 30 avril 2014.

La comptabilisation en 2006 « d’une perte sur le débiteur C______ », jamais activée auparavant, dont la contrepartie comptable n’était même pas démontrée et dont la créance n’avait jamais fait l’objet d’une provision, ne saurait être admise, dès lors qu’elle violait le principe de périodicité.

Non contesté, ce jugement est entré en force.

21) Par décision du 30 avril 2015, l’AFC-GE a rejeté la réclamation formée le 11 novembre 2014 par M. A______ et a maintenu la taxation pour la période fiscale 2010.

Conformément au jugement du TAPI du 15 janvier 2015 concernant la taxation 2006, « la perte sur débiteur C______ » n’avait pas d’objet, si bien qu’il n’y avait pas de pertes à reporter sur les années suivantes.

22) Le 2 juin 2015, M. A______ a interjeté recours auprès du TAPI contre la décision sur réclamation du 30 avril 2015, concluant à son annulation et au renvoi du dossier à l’autorité de taxation afin qu’elle notifie un nouveau bordereau de taxation ICC 2010 dans le sens des considérants. Les conclusions étaient prises « sous suite de frais et dépens ».

a. Le jugement du 12 janvier 2015 était sans objet sur la question de la détermination des éléments imposables, puisque portant sur une décision de taxation annulée et remplacée par une autre, fixant le revenu imposable à CHF 0.-. La question de la déductibilité de la « perte sur le débiteur C______ » restait encore entière.

b. Il avait démontré les démarches entreprises en vue de recouvrer sa créance.

c. La créance à l’encontre de M. C______ figurait dans ses comptes
pour l’exercice 1996 à hauteur de CHF 5'000'000.-, mais avait été retirée dès 1997, celui-ci pensant à ce moment-là qu’aucun remboursement ne serait opéré par le débiteur.

d. M. C______ avait accepté de signer la convention du 4 janvier 2006, reconnaissant que son créancier avait assumé seul le remboursement des crédits dont ils étaient codébiteurs solidaires, ainsi que le paiement d’autres charges liées à leurs projets d’antan, représentant une somme de l’ordre d’une trentaine de millions de francs suisses.

Le montant de CHF 8'000'000.- avait été convenu d’entente entre les parties et était réputé correspondre aux coûts qu’il avait supportés, sous déduction des avantages qu’il avait pu obtenir. Il était certain que la somme retenue n’était qu’une part de la dette de M. C______ à son encontre, mais il s’agissait de la somme que le débiteur pensait être raisonnablement en mesure de verser.

La bonne volonté apparente de M. C______ et des expectatives réelles de remboursement avaient permis de faire figurer une créance dans son bilan dès cette date.

Entre le moment de la conclusion de la convention et la fin de l’exercice 2006, M. A______ avait appris que son débiteur ne serait pas en mesure d’honorer entièrement sa dette, faute d’être revenu à meilleure fortune.

Il avait alors considéré qu’il s’agissait d’une perte définitive, tout en estimant possible de recouvrer 50 % de la créance, raison pour laquelle il avait inscrit une charge dans son compte de pertes et profits à hauteur de
CHF 4'000'000.- (perte sur débiteur) et avait fait figurer la créance dont il était titulaire à l’égard de M. C______ pour une valeur de CHF 4’000'000.- au bilan, correspondant à la valeur totale de CHF 8'000'000.- selon la convention diminuée d’un amortissement.

En 2007, il avait comptabilisé une charge à hauteur de CHF 7'000'000.- correspondant à ce qu’il estimait ne plus être possible de recouvrer.

Les amortissements effectués respectaient le principe de périodicité.
Il avait passé les écritures correspondantes dès que possible, l’année où les circonstances l’avaient conduit à abandonner l’espoir de recouvrer la moitié de sa créance.

De plus, la créance devait être inscrite dès la signature de la convention du
4 janvier 2006, soit dès le moment où il pouvait considérer qu’elle existait.

Ainsi, les amortissements, dans leurs deux aspects, pertes inscrites dans les charges du compte de résultats et dépréciation de la créance activée au bilan, devaient être admis tant en 2006, qu’en 2007.

e. La créance ne devait pas nécessairement être inscrite et une provision constituée lors des périodes fiscales antérieures.

Ayant perdu l’espoir de se voir verser les montants qu’il avait payés, notamment aux banques, il n’avait pas estimé utile, de continuer à faire figurer dès 1997 une créance à son bilan qui n’avait pas de valeur. Ce n’était qu’en 2006 et afin que sa comptabilité reflète au mieux la situation, qu’il avait décidé d’activer une créance.

S’il devait être considéré que la créance avait encore une valeur avant 2006, alors l’écriture comptabilisée était admissible conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral.

Dans tous les cas, il ne pouvait être retenu qu’il avait procédé à cet amortissement en 2006 pour de pures raisons fiscales : en effet, son revenu n’avait que peu varié durant ces années. On ne pouvait donc considérer qu’il n’avait procédé à l’amortissement qu’en 2006, dans le but de contrebalancer des recettes exceptionnellement élevées.

23) Le 14 octobre 2015, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

24) Par réplique du 29 octobre 2015 et duplique du 2 décembre 2015, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

25) Par jugement du 2 mai 2016, le TAPI a rejeté le recours.

Le report des pertes qui aurait pour conséquence de devoir revenir sur une taxation déjà entrée en force était exclu. Son jugement du 12 janvier 2015 n’ayant pas été contesté, la taxation pour l’année fiscale 2006 était entrée en force.

Selon le bordereau initial pour l’année 2006, le revenu et la fortune imposables étaient positifs. Dans le bordereau rectificatif du 19 mai 2014, l'AFC-GE avait ramené le revenu imposable à CHF 0.-, mais maintenu le montant de la fortune imposable, de même que le refus d’admettre l’existence de la créance litigieuse de CHF 8'000'000.-.

L’amortissement de CHF 4'000'000.- concernait le revenu imposable, mais également la fortune, puisqu’il était intrinsèquement lié à celle-ci par la créance qui en faisait partie. Ainsi, même si le TAPI avait eu connaissance du bordereau rectificatif, soit d’un revenu imposable nul, il aurait dû garder le recours à juger et examiner le bien-fondé de la taxation initiale du 20 juin 2011, en tant qu’elle concernait la fortune du contribuable. Or, le jugement du 12 janvier 2015, niait l’existence de la créance de CHF 8'000'000.-, et la justification de l’amortissement de CHF 4'000'000.-. Ce jugement n’ayant pas été contesté, la taxation du recourant pour l’année fiscale 2006 était entrée en force et le report sur l’exercice 2010 d’une perte inexistante était exclu.

Aurait-il examiné pour la première fois l’admissibilité des amortissements enregistrés en 2006 et 2007, qu’il n’aurait pu que les refuser. En effet, M. A______ aurait dû opérer les amortissements litigieux dès l’année 2000, puisqu’il admettait que la créance litigieuse était alors devenue irrécupérable de façon durable. Par conséquent, l'enregistrement de ces amortissements en 2006 et 2007 seulement ne pouvait pas être pris en compte fiscalement.

26) Le 2 juin 2016, M. A______ a interjeté recours contre le jugement précité auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant à l’annulation du jugement et au renvoi du dossier à l’autorité de taxation afin qu’elle notifie un nouveau bordereau de taxation
ICC 2010 dans le sens des considérants, en ramenant le revenu imposable à
CHF 0.-. Les conclusions étaient prises sous suite de frais et dépens.

En substance, il a repris les mêmes arguments que ceux développés le 2 juin 2015 devant le TAPI.

27) Le 8 juin 2016, le TAPI a transmis son dossier sans formuler d’observation.

28) Le 22 juillet 2016, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

a. Le jugement du 12 janvier 2015 n’ayant pas été contesté, la taxation du contribuable pour 2006 était entrée en force, avec pour conséquence que le report sur l’exercice 2010, de la perte sur créance non retenue dans cette taxation, était exclu.

Il incombait au contribuable de contester ce jugement pour faire reconnaître l’existence même de la créance de CHF 8'000'000.- et se réserver le droit de faire valoir les pertes subies en 2006 à l’occasion du premier bordereau qui ferait mention d’un revenu imposable.

b. Les explications fournies dans le recours portant sur 2010 ne permettaient ni de justifier la réalité de la créance invoquée pour 2006, ni le fait que celle-ci était devenue irrécouvrable à hauteur de 50 % lors de la même année, puis irrécouvrable à hauteur de CHF 1'000'000.- en 2007, ni qu’aucun amortissement des créances alléguées n’avait été opéré en 2000, voire en 1997 (puisque c’était en 1997 que le contribuable avait purement et simplement omis de déclarer les créances dont le recouvrement lui paraissait incertain).

29) Par courrier du 25 juillet 2016, l’AFC-GE a transmis à la chambre administrative le jugement du TAPI du 12 janvier 2015 rendu dans la cause A/1255/2014 et celui du 2 mai 2016, objet de la présente procédure.

30) Dans sa réplique du 15 août 2016, M. A______ a persisté dans ses conclusions.

a. Le courrier de l’AFC-GE du 25 juillet 2016 de même que les nouvelles pièces produites devaient être ignorés, dès lors qu’ils avaient été produits hors délai.

b. La présente affaire portait sur 2010 et n’était donc pas visée par le jugement du TAPI du 12 janvier 2015 qui concernait l’année 2006. Dès lors que la question du report des pertes ne faisait pas partie du dispositif du jugement du TAPI pour 2006, il n’y avait pas d’autorité de la chose jugée pour le report des pertes non absorbées en 2006 et cette question était donc pleinement ouverte pour 2010.

c. Les opérations comptables étaient justifiées commercialement. En effet, la comptabilisation en janvier 2006 de la créance de CHF 8'000'000.- reposait sur la convention signée par M. C______ et lui-même, soit un fait nouveau et la loi imposait de comptabiliser la créance établie par la convention signée en janvier 2006.

Il n’était pas contradictoire de comptabiliser une créance en janvier 2006 et de l’amortir partiellement lors du bouclement au 31 décembre 2006. Le délai entre ces deux écritures comptables n’était pas bref, le bouclement ayant été réalisé alors que l’année 2007 était déjà bien entamée. De plus, ces écritures comptables étaient imposées par la loi.

Amortir la moitié d’une créance en 2006, puis CHF 1'000'000.- en 2007, reposait sur le principe de prudence, consistant à mitiger un risque certain.

d. L’extrait des poursuites, bien que sollicité en 2008, permettait de démontrer que de nombreuses poursuites antérieures à 2006 entachaient la solvabilité de
M. C______.

31) Le 2 septembre 2016, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17).

2) Les pièces transmises par l’intimée le 25 juillet 2016 ne seront pas écartées, dès lors qu’elles avaient déjà été produites par le recourant et figurent au dossier.

3) a. Le litige porte sur la taxation relative à l’ICC 2010 et sur l’existence et le report des pertes des années 2006 et 2007 sur l’exercice 2010.

b. S’agissant d’une question relative à la détermination du revenu imposable sont applicables pour cette période en matière d’ICC les dispositions de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14), de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08) et de la loi sur l’imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM - D 3 15).

4) a. En droit cantonal, l’impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus, prestations et avantages du contribuable, qu’ils soient uniques ou périodiques, en espèces ou en nature et quelle qu’en soit l’origine, avant déductions
(art. 17 LIPP).

b. Le revenu imposable comprend le produit de l’activité lucrative indépendante. Aux termes de l’art. 19 al. 4 LIPP, la détermination du bénéfice net imposable pour les contribuables tenant une comptabilité en bonne et due forme s’effectue selon les règles applicables aux personnes morales. Les dispositions de la LIPP relatives aux frais et dépenses non déductibles demeurent réservées.

c. Des déductions liées à l’exercice d’une activité lucrative indépendante sont admises par la loi. Aux termes de l’art. 30 LIPP, sont déduits du revenu les frais qui sont justifiés par l’usage commercial ou professionnel. Font notamment partie de ces frais :

- les amortissements justifiés par l’usage commercial à la condition qu’ils soient comptabilisés ou, à défaut de comptabilité tenue en bonne et due forme, qu’ils apparaissent dans un plan spécial d’amortissement (let. d) ;

- les pertes subies durant les 7 exercices ayant précédé la période fiscale, pour la part qui n’a pas pu être prise en considération lors du calcul du revenu imposable des années antérieures (let. f).

5) a. L’impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net (art. 24 LHID et
art. 11 LIPM).

b. Aux termes de l’art. 12 al. 1 let. a et e LIPM, sont considérés comme bénéfice net imposable le bénéfice net tel qu’il résulte du compte de profits et pertes, les amortissements et les provisions qui ne sont pas justifiés par l’usage commercial.

6) L’art. 12 al. 1 let. e LIPM est conforme à l’art. 58 al. 1 let. b de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) quand bien même il est rédigé différemment (ATA/94/2016 du
2 février 2016 et les arrêts cités), de sorte que l'interprétation donnée par la jurisprudence en relation avec la LIFD est aussi applicable en matière d'ICC
(ATF 137 II 353 consid. 6.1). Il en va de même du principe de la périodicité, qui s'applique de manière générale aux cantons (ATF 137 II 353 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_895/2008 du 9 juin 2009 consid. 2.1).

7) a. En définissant le bénéfice imposable par renvoi au solde du compte de résultat, les art. 58 al. 1 let. a LIFD et 12 al. 1 let. a LIPM énoncent le principe de l’autorité du bilan commercial ou de déterminance, selon lequel le bilan commercial est déterminant en droit fiscal. Les comptes établis conformément aux règles du droit commercial lient les autorités fiscales, à moins que le droit fiscal ne prévoie des règles correctrices spécifiques. L’autorité peut en revanche s’écarter du bilan remis par le contribuable lorsque des dispositions impératives du droit commercial sont violées ou des normes fiscales correctrices l’exigent (ATF 137 II 353 consid. 6.2 ; ATF 136 II 88 consid. 3.1 ; ATF 119 Ib 111 consid. 2c ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_645/2012 du 13 février 2013 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_71/2009 du 10 juin 2009 consid. 7.1 ; Robert DANON, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN, Impôt fédéral direct, Commentaire romand de la LIFD, 2ème éd. 2017, n. 57 à 80 et 127
ad art. 57-58 LIFD).

b. Le droit fiscal et le droit comptable suisses poursuivent en effet des objectifs différents. Le premier recherche une présentation qui fasse ressortir au mieux le résultat effectif et la réelle capacité contributive de l’entreprise, tandis que le second est avant tout orienté sur la protection des créanciers et fortement marqué par le principe de prudence. Dans ce contexte, les règles correctrices fiscales figurant à l’art. 58 al. 1 let. b et c LIFD visent à compenser le fait que le résultat comptable puisse s’éloigner de la réalité économique ; elles assurent une imposition du bénéfice qui tienne compte au mieux de la réelle situation patrimoniale d’une société. Par leur intermédiaire, le droit fiscal cherche à se rapprocher d’un système fondé sur le principe de l’image fidèle (« true and fair »), qui prévaut dans les normes de comptabilité internationales
(Pierre-Marie GLAUSER, Apports et impôt sur le bénéfice, vol. 2, 2005, p. 96 s.).

c. Les créances ne doivent figurer au bilan que pour le montant qui est recouvrable, compte tenu du risque de perte. Ce risque de perte s'apprécie essentiellement au regard de la solvabilité du débiteur. Cette solvabilité sera évaluée sur la base des faits passés ou présents, par exemple en fonction des retards intervenus dans les paiements, de l'évolution antérieure de la situation financière, de l'état des poursuites en cours ou de la qualité des éventuelles garanties. Lorsqu'un risque de perte est constaté, une correction de valeur, c'est-à-dire une provision pour ducroire, doit être enregistrée dans les comptes (Robert DANON, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN op. cit., n. 30 ad art. 63 LIFD).

d. La provision pour débiteurs douteux n’est admise que si le recourant expose avoir entrepris des opérations de recouvrement infructueuses (arrêt du Tribunal fédéral 2P.12/2006 du 6 juin 2006).

8) a. Pour être admise en droit fiscal, la provision doit être justifiée par l’usage commercial et, conformément au principe de périodicité, porter sur des faits dont l’origine se déroule durant la période de calcul (ATF 137 II 353 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_392/2009 du 23 août 2010 consid. 2.1 ; ATA/619/2017 du 30 mai 2017). Est justifiée par l’usage commercial toute provision portée au passif du bilan qui exprime le fait que le résultat de l’exercice ne peut pas être tenu pour définitif ; cette correction prévient le risque que le résultat ne soit pas conforme à la réalité et qu’une perte apparaisse ultérieurement, qui existait déjà au moment du bouclement des comptes. Encore faut-il que ce risque de perte soit réel et concret (arrêt du Tribunal fédéral 2C_392/2009 du 23 août 2010 consid. 2.3).

b. Seules sont justifiées par l'usage commercial, et partant déductibles fiscalement, les provisions qui sont portées au bilan en vue de couvrir un risque de perte imminent ; il s'agit de réserves d'amortissement qui doivent être enregistrées, afin que le bilan de la société ne paraisse pas inexact, à savoir trop favorable (arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 3.1 et les références citées ; ATA/619/2017 précité).

c. Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, deux conditions doivent être réunies pour que des provisions soient admises : les faits qui sont la cause du risque de perte doivent s’être produits au cours de l’exercice clos pendant la période de calcul ; le risque de perte doit être certain ou quasi certain, mais non nécessairement définitif. Par ailleurs, l’appréciation du risque doit être faite en tenant compte de tous les faits connus à la date du bouclement des comptes et non de faits ultérieurs qui viendraient confirmer ou infirmer le montant de la provision (ATA/176/2016 du 23 février 2016; ATA/1238/2015 du 17 novembre 2015; ATA/520/2014 du 1er juillet 2014 et les références citées).

9) La maxime inquisitoire est applicable à la détermination de la dette fiscale. L’administration fiscale supporte le fardeau de la preuve de l’existence d’éléments imposables et, selon un principe généralement admis en matière fiscale, il incombe à celui qui prétend à l’existence d’un fait de nature à éteindre ou à diminuer sa dette fiscale d’en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l’échec de cette preuve (arrêt du Tribunal fédéral 2C_288/2008 du 1er  octobre 2008 consid 4.4 ; ATA/777/2016 du 13 septembre 2016). Le montant et la justification commerciale des provisions étant de nature à diminuer la dette fiscale, c'est au contribuable d'en apporter la preuve (arrêt du Tribunal fédéral 2A.71/2006 du 21 juin 2006 consid. 3.3.3 ; arrêt du Tribunal administratif de Bâle-Ville 510 09 13 du 3 juillet 2009 consid. 4c).

10) a. En l’espèce, le recourant n’a pas rendu vraisemblable l’existence même de la créance inscrite en 2006.

En effet, aux termes de la convention, le recourant et son débiteur étaient solidairement engagés pour un montant d’environ CHF 30'000'000.- de crédit. En assumant seul l’intégralité des charges financières courantes ainsi que des crédits contractés, le recourant avait essuyé une perte et un manque à gagner estimés entre CHF 15'000'000.- et CHF 20'000'000.-. Pourtant, le montant de
CHF 8'000'000.-, qui correspond à peine au tiers du montant des engagements des partenaires en affaires et ne couvre que la moitié des pertes essuyées par le recourant du fait de son débiteur, a été arrêté d’entente entre les parties selon les explications succinctes du recourant, soit que cette somme correspondait au montant que M. C______ pensait pouvoir rembourser.

Or, la dernière déclaration fiscale de celui-ci faisait état de revenus bruts de CHF 9'591.- en 2005, CHF 12'114.- en 2006 et des dettes annuelles de
CHF 29'239'146.- auprès de l’office des faillites, étant encore rappelé que la situation du débiteur était alors obérée depuis presque dix ans, qu’un acte de défaut de bien avait été délivré au recourant et que les trente-trois demandes de remboursement de celui-ci étaient restées sans suite. Malgré ces éléments, le recourant n’explique pas les raisons qui lui auraient permis d’espérer à la signature de la convention que son débiteur pourrait rapidement revenir à meilleure fortune et lui rembourser la somme de CHF 8'000'000.-.

Il reste également muet sur les motifs lui ayant permis d’espérer, malgré le fait qu’aucun remboursement n’était intervenu durant l’année 2006, qu’à la fin de l’exercice, le montant de la dette pouvait être maintenu à CHF 4'000'000.-, soit une somme importante par rapport aux capacités financières de son débiteur telles qu’établies à teneur du dossier.

Enfin, ses explications sont contradictoires, dès lors qu’il explique qu’à la fin de l’année 2006, il avait abandonné tout espoir de recouvrer l’intégralité de sa créance, tant la situation de son débiteur était obérée, tout en ayant gardé l’espoir de récupérer une créance CHF 4'000'000.-.

Par conséquent, les explications du recourant quant à l’existence de la créance inscrite en 2006 n’apparaissent pas crédibles.

b. De plus, l’enregistrement des amortissements sur les exercices 2006 et 2007 est contraire au principe de périodicité et ne peut être pris en compte fiscalement.

Le recourant ne saurait prétendre que la créance existait depuis la signature de la convention seulement, dès lors que selon ses explications, il avait supprimé la dette de M. C______ en 1997 déjà. Il a également reçu un acte de défaut de biens en 2000 et a adressé à son débiteur trente-trois demandes de remboursement entre le 23 novembre 1995 et le 17 octobre 2005. Il est ainsi établi que la créance est antérieure à 2006.

Si la question de l’obligation d’inscrire la créance avant l’exercice 2006 peut en l’état souffrir de rester ouverte, le recourant aurait toutefois dû la faire figurer dans ses comptes, de même que son amortissement, à tout le moins à l’issue de l’exercice 2000, soit à réception de l’acte de défaut de biens, lorsqu’il devait de bonne foi admettre que la dette était devenue durablement irrécupérable.

c. Par conséquent, et dès lors qu’il appartenait au recourant de démontrer le bien-fondé des écritures comptables susceptibles de diminuer sa dette fiscale, aucun motif ne permet de s’écarter de l’appréciation faite par le TAPI dans son jugement du 12 janvier 2015, soit que la comptabilisation en 2006 d’une perte sur le débiteur C______, jamais activée auparavant, dont la contrepartie comptable n’était même pas démontrée et dont la créance n’avait jamais fait l’objet d’une provision, ne saurait être admise, dès lors qu’elle violait le principe de périodicité.

11) Au vu de l’issue du litige, la question de l’entrée en force du bordereau initial de la taxation 2006 suite au jugement rendu par le TAPI le 12 janvier 2015 peut souffrir de rester ouverte.

12) En tous points infondés, le recours sera rejeté.

13) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al.2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 juin 2016 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 mai 2016 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Alexandre Faltin, mandataire du recourant, à l'administration fiscale cantonale, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance

Siégeant : Mme Junod, présidente, MM. Dumartheray et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :