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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2439/2018

ATA/995/2019 du 11.06.2019 ( MARPU ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2439/2018-MARPU ATA/995/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 juin 2019

 

dans la cause


A______
représentée par Me Simon Othenin-Girard, avocat

contre

CENTRALE COMMUNE D'ACHATS

et

B______ SA
représentée par Me François Hay, avocat


EN FAIT

1) Le 10 avril 2018, la centrale commune d'achats (ci-après : CCA) a fait paraître dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) et sur la plateforme internet simap (www.simap.ch) un appel d'offres en procédure ouverte, soumis aux accords internationaux et portant sur un marché de fournitures.

Le marché s'intitulait « Appel d'offres public pour l'acquisition de mobilier scolaire (chaises, pupitres, tables, etc) ». Le marché était divisé en six lots. Les offres étaient possibles pour tous les lots.

Sous « critères d'adjudication », le dossier d'appel d'offres indiquait :

« Le marché sera adjugé au soumissionnaire ayant présenté des offres économiquement les plus avantageuses au regard des critères suivants, énoncés dans l'ordre d'importance décroissant :

1. qualité du mobilier proposé (solidité et durabilité, fonctionnalité, caractéristiques écologiques, questionnaire écologique, garantie et service après vente, etc.) ;

2. prix ;

3. qualité de l'entreprise, soit :

a) contribution à la composante sociale du développement durable (annexe 6)

b) contribution à la composante environnementale du développement durable (annexe 7) ».

À l'issue de la procédure d'adjudication, le ou les adjudicataires qui se verraient attribuer un ou plusieurs lots concluraient un contrat pour une durée de trois ans. Le début des prestations était prévu pour le 1er août 2018.

Un délai pour d'éventuelles questions était fixé au 30 avril 2018.

2) A______ (ci-après : A______) a déposé une offre dans le délai utile pour les lots 1, 2, 3 et 5.

3) Par courrier du 28 juin 2018, la CCA a informé A______ que les lots 1 et 3 lui étaient attribués.

Son offre pour le lot 2 avait été écartée.

Le lot n° 5 était attribué à B______ SA. A______ était placée deuxième sur deux offres valables. Elle était classée deuxième pour le critère 1 (qualité) et première pour les critères 2 (prix) et 3 (qualité de l'entreprise).

4) Le présent litige porte sur le lot 5 lequel avait pour objet des « tables 4 pieds, de laboratoire, à dessin et diverses ».

5) Par courrier recommandé du 10 juillet 2018, à la demande d'A______, le pouvoir adjudicateur a indiqué que les critères d'adjudication étaient énoncés dans l'ordre décroissant et que le premier critère était « nettement plus important que les deux autres critères réunis », « raison pour laquelle A______ pouvait être au premier rang pour les critères 2 et 3 sans pour autant remporter le marché ».

6) Par acte du 12 juillet 2018, A______ a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre l'adjudication du lot n° 5 à B______ SA.

Elle a conclu à l'annulation de la décision litigieuse et à ce que le marché lui soit adjugé. Préalablement, l'effet suspensif devait être accordé au recours et l'interdiction de conclure les contrats avec l'adjudicataire ou tous tiers devait être faite à l'intimée dans l'attente de la décision au fond.

Le principe de transparence avait été violé. Selon la jurisprudence, le pouvoir adjudicateur devait spécifier clairement l'importance relative qu'il entendait accorder à chacun des critères d'adjudication. Il aurait de même dû communiquer par avance aux soumissionnaires les sous-critères en indiquant leur pondération respective.

Le pouvoir adjudicateur avait abusé de son pouvoir d'appréciation. L'opacité des critères d'évaluation donnait l'apparence d'un manque d'impartialité et d'objectivité dans l'évaluation des offres. Ce sentiment était accru par la présentation, a posteriori et à la demande de la recourante, d'un tableau d'évaluation des notes, de surcroît sans aucune indication de celles attribuées à l'autre soumissionnaire.

7) La CCA a conclu au rejet de la requête en restitution de l'effet suspensif au recours. Les méthodes d'évaluation des lots 1 et 3 étaient identiques à celle du lot 5. Elles n'avaient pas été contestées par la recourante.

Elle a produit l'entier du tableau d'évaluation, dont il ressortait les éléments suivants :

 

 

 

Lot 5 Tables 4 pieds, de laboratoire, à dessin et diverses

P*

A______

B______ SA

Notes

Points

Notes

Points

1. Qualité du mobilier proposé

 

4,87

263,2

5,39

291,3

Solidité et durabilité

5

5,29

 

6,00

 

Fonctionnalité

3

5,29

 

6,00

 

Caractéristiques écologiques

2

2,67

 

2,67

 

Garantie et service après-vente

1

6,00

 

6,00

 

Total pondération

11

 

 

 

 

Rang sur qualité

 

2

1

2. Prix

 

CHF 3'951.16

 

CHF 3'962.40

 

II. Note du prix

 

6,00

240,00

5,97

238,6

Rang sur le prix

 

1

2

3. Qualité de l'entreprise

 

0,83

4,98

0,77

4,59

Contribution à la composante
sociale du développement durable

1

1,00

 

1,00

 

Contribution à la composante environnementale du développement durable

 

0,66

 

0,53

 

Rang sur le développement durable

 

1

2

Total

 

 

508,2

 

534,5

Rang total nombre de points

 

 

2

 

1

(P* : pondération)

8) B______ SA a conclu au rejet de la requête en restitution de l'effet suspensif. Il appartenait à la recourante de se plaindre de l'appel d'offres et non de la décision d'adjudication.

9) Lors de sa réplique sur effet suspensif, A______ a persisté dans ses conclusions. Elle ne pouvait pas se rendre compte des vices affectant les documents d'appel d'offres au moment de leur publication, faute de pondération annoncée.

10) Par décision du 4 septembre 2018, la présidence de la chambre administrative a refusé de restituer l'effet suspensif au recours.

11) Au fond, la CCA a conclu au rejet du recours.

Elle avait fixé les pondérations et leur répartition avant la publication du dossier d'appel d'offres comme suit :

 

 

Pondération

1. Qualité du mobilier

54 %

Solidité et durabilité

24,55 %

Fonctionnalité

14,73 %

Caractéristiques écologiques

9,83 %

Garantie service après-vente

4,91 %

2. Prix

40 %

Note du prix

Méthode au carré

3. Qualité de l'entreprise

6 %

Contribution à la composante sociale du développement durable

3 %

Contribution à la composante environnementale du développement durable

3 %

 

La recourante se plaignait de ne pas avoir eu connaissance des pondérations des divers critères d'adjudication et alléguait qu'ils auraient dû être publiés en même temps que l'appel d'offres. Ce grief relatif au contenu de l'appel d'offres était tardif. La recourante était forclose à s'en prévaloir. Son recours devait être déclaré irrecevable.

Au fond, l'évaluation de tous les lots avait suivi la même méthodologie. La recourante ne s'était pas plainte de l'adjudication des lots 1 et 3 dont elle avait bénéficié. L'importance des critères d'adjudication avait été mentionnée dans le dossier d'appel d'offres : ils avaient été annoncés dans l'ordre d'importance décroissant, conformément aux dispositions du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01) qui ne faisait pas obligation à l'autorité adjudicatrice de préciser les pondérations. L'autorité adjudicatrice avait pris la peine, sans que cela soit imposé, d'expliciter les éléments concrétisant chaque critère d'adjudication en les mentionnant également par ordre d'importance décroissant. Le grief de violation du principe de transparence était infondé.

Le fait de ne pas annoncer quelle méthode serait utilisée pour l'évaluation du prix n'était pas arbitraire. La méthode au carré était reconnue et admise. L'autorité intimée n'avait pas abusé ou excédé de son pouvoir d'appréciation ni apprécié de manière arbitraire les critères d'adjudication.

12) Dans sa réplique, la recourante a rappelé avoir requis la production par le pouvoir adjudicateur de l'intégralité des offres soumises par l'ensemble des soumissionnaires. Sur effet suspensif, le pouvoir adjudicateur n'avait produit que l'offre de l'adjudicataire entièrement caviardée et un tableau comparatif des notes attribuées aux soumissionnaires.

La recourante n'avait pas de raison de remettre en question les critères d'évaluation au moment de l'appel d'offres. Elle ne pouvait pas s'attendre à ce que le pouvoir adjudicateur ne s'en tienne pas à la méthode annoncée (rang des offres), mais utiliserait une méthode d'évaluation avec pondération spécifique pour les critères et sous-critères annoncés. Personne n'était en mesure de vérifier le bien-fondé de l'affirmation du pouvoir adjudicateur selon laquelle tous les lots avaient été évalués de la même manière en suivant la même méthodologie en se fondant sur les mêmes critères d'adjudication annoncés et en appliquant les pondérations fixées avant la publication de l'appel d'offres.

La recourante n'était pas en mesure de se déterminer, sur la base des pièces mises à sa disposition, pour quelle raison l'offre de la recourante obtenait une note de 5,29 pour la solidité et la durabilité alors que l'adjudicataire avait obtenu un 6.

La recourante n'était pas en mesure de déceler les vices du document d'appel d'offres au moment de la publication de celui-ci. Elle ne pouvait se rendre compte que les éléments mentionnés au critère 1 constituaient des sous-critères dotés d'une pondération propre, mentionnés par ordre d'importance, alors que les
sous-critères énumérés au chiffre 3 étaient équivalents. Il était en conséquence exclu d'affirmer que les vices qui frappaient le document d'appel d'offres étaient manifestes au point d'imposer un recours immédiat sous peine de forclusion. Ce n'était qu'à la lecture du tableau annexé à la lettre de la CCA du 10 juillet 2018 qu'elle s'était rendue compte de la pondération précise, qu'une sous-pondération avait été employée et que les critères 2 et 3 avaient une signification et une pondération tellement marginales qu'ils seraient neutralisés dans la notation finale, violant ainsi le principe de transparence. Trois pondérations des
sous-critères du critère 1 (24 %, 14,73 % et 9,82 %) avaient un poids supérieur au critère 3 (6 %).

Selon la jurisprudence, le pouvoir adjudicateur qui fixait un critère concret et une pondération avec des pourcentages fixes et qui entendait s'en servir pour l'évaluation des offres devait en informer les participants à l'avance.

Elle requérait le dépôt du dossier complet de l'adjudicataire ainsi que de toutes pièces en lien avec l'évaluation et la notation des offres par le pouvoir adjudicateur.

13) La CCA a produit l'entier de l'offre de B______ SA le 8 novembre 2018. Seuls les prix des articles étaient caviardés.

14) Le 13 novembre 2018, la CCA a informé la chambre administrative que le contrat pour le lot 5 avait été signé avec l'adjudicataire.

15) Dans ses observations du 15 janvier 2019, A______ a relevé que son offre avait fait l'objet d'une notation inférieure en matière de solidité / durabilité au motif que certaines de ses tables ne comprenaient pas de traverses supplémentaires et de renforcement au milieu, contrairement aux produits offerts par B______ SA. Elle développait différents arguments tendant à démontrer que son matériel était plus robuste que celui de sa concurrente. La comparaison effectuée par le pouvoir adjudicateur avait été superficielle et erronée.

S'agissant du sous-critère « fonctionnalité », elle relevait la mauvaise qualité des photos transmises par la CCA. Elle développait les arguments en faveur de la qualité de son produit.

L'une des personnes chargées de l'acquisition du matériel scolaire à la CCA avait travaillé auprès de B______ SA du 1er juin 2016 au 31 décembre 2016 à tout le moins selon les pièces versées au dossier.

A______ sollicitait une expertise des tables tendant notamment à évaluer et à comparer la robustesse des châssis, la durabilité de la peinture et la complexité des manipulations des mises à niveau. Elle concluait au constat du caractère illicite de la décision d'adjudication du 28 juin 2018 d'adjuger le lot 5 à B______ SA. Les frais de la procédure devaient être mis à la charge du pouvoir adjudicateur et une indemnité de dépens allouée à la recourante.

16) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

17) La CCA, ayant sollicité la possibilité de répondre aux dernières écritures d'A______, a été autorisée à dupliquer. Une expertise était inutile. Elle contestait les éléments avancés par A______. S'agissant du soupçon injustifié de favoritisme, il était inadmissible, jetant le doute quant à la possible réalisation d'actes répréhensibles pénalement. La personne concernée n'avait pas un poste d'acheteur, mais de commise administrative, engagée temporairement à la CCA en remplacement d'un congé maternité pour une durée limitée. Elle ne travaillait pas dans le secteur en charge de la procédure depuis l'automne 2017.

18) Dans son ultime réplique du 5 avril 2019, A______ s'est étonnée de n'avoir obtenu certaines réponses techniques que dans la duplique. L'autorité adjudicatrice n'avait pas fourni en temps voulu l'entier des documents. Il devait en être tenu compte dans la décision sur les frais et indemnités.

Elle maintenait ses conclusions, y compris en expertise des produits offerts.

Elle prenait note des explications concernant la collaboratrice de la CCA.

19) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) a. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable sur ces points (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

b. Le contrat ayant été conclu avec l'adjudicataire (art. 14 al. 1 AIMP et 46 RMP), se pose la question de l'intérêt digne de protection de la recourante au maintien du recours. Toutefois, en tant que soumissionnaire évincée, la recourante conserve un intérêt juridique à recourir contre la décision litigieuse, son recours étant à même d'ouvrir son droit à une éventuelle indemnisation (ATF 125 II 86 consid. 5b ; ATA/492/2018 du 22 mai 2018 consid. 3e).

Le recours est par conséquent également recevable de ce point de vue.

2) Les contrats d'adjudication ayant été signés, B______, qui n'a plus d'intérêt au litige (art. 71 al. 1 LPA), sera mise hors de cause.

3) Les conclusions en apport à la procédure de l'entier du dossier de
B______ SA ont été satisfaites et la recourante a pu se déterminer à leur propos.

4) La recourante sollicite la mise en oeuvre d'une expertise afin de comparer la qualité de ses produits et de ceux de son concurrent.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend en particulier le droit pour le justiciable de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; 142 III 48 consid. 4.1.1) et de participer à l'administration des preuves (arrêt du Tribunal fédéral 1C_279/2016 du 27 février 2017 consid. 6.1). Toutefois, le droit d'être entendu ne peut être exercé que sur les éléments qui sont déterminants pour décider de l'issue du litige (ATF 135 I 279 consid. 2.3 ; 132 V 368 consid. 3.1). L'autorité de décision peut donc se livrer à une appréciation anticipée de la pertinence du fait à prouver et de l'utilité du moyen de preuve offert et, sur cette base, refuser de l'administrer. Ce refus ne viole le droit d'être entendu que si l'appréciation à laquelle elle a ainsi procédé est entachée d'arbitraire (art. 9 Cst. ; ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 136 I 229 consid. 5.3).

b. En l'espèce, compte tenu de ce qui suit, il ne sera pas fait droit aux réquisitions de preuves formées par la recourante, lesquelles ne sont pas pertinentes pour la résolution du présent litige.

5) Dans un premier grief la recourante se plaint de plusieurs violations du principe de la transparence.

6) a. L'AIMP a pour objectif l'ouverture des marchés publics (art. 1 al. 1 AIMP). Il poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l'égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l'impartialité de l'adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP), assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP) et permettre l'utilisation parcimonieuse des deniers publics (art. 1 al. 3 let. d AIMP). Ces principes doivent être respectés, notamment dans la phase de passation des marchés (art. 11 AIMP, notamment let. a et b AIMP).

b. Les offres sont évaluées en fonction des critères d'aptitude et des critères d'adjudication (art. 12 RMP).

L'autorité adjudicatrice choisit des critères objectifs, vérifiables et pertinents par rapport au marché. Elle doit les énoncer clairement et par ordre d'importance au moment de l'appel d'offres (art. 24 RMP).

Selon l'art. 43 RMP, l'évaluation est faite selon les critères prédéfinis conformément à l'art. 24 RMP et énumérés dans l'avis d'appel d'offres et / ou les documents d'appel d'offres (al. 1) ; le résultat de l'évaluation des offres fait l'objet d'un tableau comparatif (al. 2) ; le marché est adjugé au soumissionnaire ayant déposé l'offre économiquement la plus avantageuse, c'est-à-dire celle qui présente le meilleur rapport qualité / prix ; outre le prix, les critères suivants peuvent notamment être pris en considération : la qualité, les délais, l'adéquation aux besoins, le service après-vente, l'esthétique, l'organisation, le respect de l'environnement (al. 3) ; l'adjudication de biens largement standardisés peut intervenir selon le critère du prix le plus bas (al. 4).

c. La transparence des procédures de passation des marchés n'est toutefois pas un objectif, mais un moyen contribuant à atteindre le but central du droit des marchés publics qui est le fonctionnement d'une concurrence efficace, garanti par l'ouverture des marchés et en vue d'une utilisation rationnelle des deniers publics (ATF 141 II 353 consid. 8.2.3 et les références citées).

7) La recourante fait grief à l'autorité intimée de ne pas avoir publié les pondérations des critères d'adjudication.

a. Le principe de transparence exige l'annonce de l'ensemble des critères, soit dans l'avis de marché, soit dans les documents d'appel d'offre. Au regard du principe de transparence, les règles du droit interne posent des exigences complémentaires, qui vont plus ou moins loin. Elles prévoient à tout le moins que les critères d'aptitude ou d'évaluation doivent être énumérés (dans l'appel d'offres ou les documents d'appel d'offres) par ordre d'importance ; souvent le droit positif exige que la pondération des différents critères soit donnée dans l'appel d'offres.

Les directives AIMP prévoient l'alternative entre l'énoncé des critères selon leur ordre d'importance ou l'indication de leur pondération (Etienne POLTIER, droit des marchés publics, 2014, p. 182 n. 291).

b. Selon la jurisprudence, en vertu du principe de la bonne foi et sauf exceptions non pertinentes en l'espèce, le soumissionnaire qui désire contester certains éléments de l'appel d'offres doit le faire immédiatement, sous peine de forclusion, dans le délai prévu par la législation topique (ATF 130 I 241 consid. 4.2 ; 129 I 313 consid. 6.2). Dans le canton de Genève, il doit recourir contre l'appel d'offres dans un délai de dix jours, conformément aux art. 55 let. a et 56 al. 1 RMP, dispositions qui correspondent à l'art. 15 al. 1bis let. a et al. 2 de l'AIMP (arrêt du Tribunal fédéral 2C_841/2016 du 25 août 2017 consid. 1.2.2).

La recourante est forclose à se prévaloir de ce grief.

Pour le surplus, à Genève, le RMP n'exige pas la publication de la pondération des critères dans l'appel d'offres.

Par ailleurs, il n'est pas contesté que les critères d'adjudication ont été énoncés par ordre d'importance, conformément au RMP et aux directives AIMP.

Enfin, l'arrêt du Tribunal fédéral cité par la recourante (2P.299/2000 du 24 août 2001 consid. 2) pour fonder une obligation du pouvoir adjudicateur de publier les pondérations des critères lorsque ceux-ci sont connus avant l'appel d'offres n'est pas pertinent en l'espèce, s'agissant d'une jurisprudence relative à un canton qui connaît l'obligation de publier les pondérations.

Le grief est infondé.

8) La recourante critique la pondération entre les critères et sous-critères. Elle évoque une neutralisation d'un critère, en l'espèce le 3, par des sous-critères, en l'espèce ceux du critère 1.

9) Dans un récent arrêt (2D_31/2018 du 1er février 2019 consid. 5.2, cause citée comme encore pendante dans le Droit de la construction 1/2019, p. 33 n. 43), le Tribunal fédéral a rappelé que le principe de la transparence commande que l'appel d'offres mentionne les critères d'aptitude et d'adjudication. Ces critères ne peuvent en principe être modifiés par la suite. Les critères d'adjudication doivent être indiqués selon leur pondération en pourcent ou au moins dans leur ordre d'importance. L'indication des sous-critères n'est en revanche pas requise d'un point de vue constitutionnel, pour autant qu'ils ne fassent que concrétiser les critères principaux (ATF 143 II 553 consid. 7.7), en étant inhérents à ceux-ci. Ainsi, le principe de transparence n'exige pas, en principe, la communication préalable de sous-critères ou de catégories qui tendent uniquement à concrétiser le critère publié, à moins que ceux-ci ne sortent de ce qui est communément observé pour définir le critère principal auquel ils se rapportent ou que l'adjudicateur ne leur accorde une importance prépondérante et leur confère un rôle équivalent à celui d'un critère publié. De la même manière, une simple grille d'évaluation ou d'autres aides destinées à noter les différents critères et sous-critères utilisés (telles une échelle de notes, une matrice de calcul, etc.) ne doivent pas nécessairement être portées par avance à la connaissance des soumissionnaires, sous réserve d'abus ou d'excès du pouvoir d'appréciation. Savoir si l'on se trouve en présence d'un sous-critère dont la publication est nécessaire dépend d'une appréciation de l'ensemble des circonstances du cas, soit notamment des documents d'appel d'offres, du cahier des charges et des conditions du marché (ATF 130 I 241 consid. 5.1 ; ATA/695/2015 du 30 juin 2015 ; ATA/368/2015 du 21 avril 2015 ; ATA/972/2014 du 9 décembre 2014).

Un adjudicateur viole le principe de la transparence, s'il utilise à plusieurs reprises le sous-critère « présence sur le chantier » pour évaluer l'offre aussi bien sous l'angle de la « compréhension du projet et de sa démarche » (critère d'adjudication A) que sous l'angle de son « approche technique » (critère B), alors que la « présence sur le chantier » n'est annoncée dans les documents remis aux soumissionnaires qu'en relation avec le critère du prix (critère C), plus précisément sous le sous-critère « risque sur le coût de l'ouvrage par rapport aux prestations de l'ingénieur » (ATF 130 I 241 consid. 5.2).

10) Il convient en premier lieu d'analyser si le choix des sous-critères du critère 1 se limitent à concrétiser le critère principal.

En l'espèce, le critère 1 portait sur la qualité du mobilier proposé.
Les sous-critères, énoncés par ordre d'importance selon les documents d'appel d'offres, consistaient premièrement en la solidité et durabilité, deuxièmement la fonctionnalité, troisièmement les caractéristiques écologiques, puis enfin les garanties et services après-vente. La mention « etc. » suivait.

Ces sous-critères du critère 1 ne sortent pas de ce qui est communément observé pour définir le critère principal auquel ils se rapportent. En effet, il apparaît cohérent et usuel que le premier sous-critère, s'agissant de mobilier scolaire, porte sur la solidité de celui-ci et sa durabilité. Optimiser la fonctionnalité du matériel, soit le sous-critère 2, est aussi nécessaire. Les caractéristiques écologiques sont importantes, mais l'autorité intimée n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation en les plaçant après les deux sous-critères précités. Finalement, les questions de garantie et de service après-vente, interviennent comme dernier sous-critère, toujours en lien avec le critère principal de la qualité du produit auquel il se rapporte.

Le choix des sous-critères du critère 1 se limitent en conséquence à concrétiser le critère principal et sont inhérents à celui-ci, ce que la recourante ne conteste d'ailleurs pas.

11) Autre est la question de déterminer si le pouvoir adjudicateur a accordé à un sous-critère une importance prépondérante et lui a conféré un rôle équivalent à celui d'un critère publié.

Est en l'espèce litigieuse l'importance prise par trois sous-critères du critère 1, valant respectivement 24,55 %, 14,73 % et 9,83 % en comparaison du critère 3, valant 6 %, la recourante évoquant une « neutralisation » du 3ème critère, de surcroît inattendue en l'absence de toute précision avant la décision d'adjudication.

Conformément à la jurisprudence, savoir si l'on se trouve en présence d'un sous-critère dont la publication est nécessaire dépend d'une appréciation de l'ensemble des circonstances du cas.

a. En l'espèce, il est exact que la pondération de chaque sous-critère n'était pas annoncée dans l'appel d'offres. Toutefois, l'autorité intimée n'y était pas tenue. La mention des sous-critères n'était du reste même pas obligatoire (ATF 143 II 553 consid. 7.7).

Suivre l'argumentation de la recourante reviendrait en conséquence à reprocher au pouvoir adjudicateur d'avoir précisé les sous-critères alors même que ces indications sont favorables aux soumissionnaires.

b. Certes, la présentation des sous-critères différait entre le critère 1 et le critère 3. Les premiers étaient mentionnés entre parenthèses et non ceux du critère 3, énumérés sous let. a et let. b. Ce point est toutefois sans incidence, dès lors que cette différence tendait uniquement à démontrer que les sous-critères du critère 3 étaient égaux alors que ceux du critère 1 étaient en ordre décroissant ce que l'appel d'offres mentionnait expressément (page 12) et que la recourante ne conteste pas.

c. De surcroît, il ressort de la seule lecture de l'appel d'offres que le critère 3 n'était constitué que des annexes 6 et 7. Il s'agit, pour la première, d'un formulaire de dix-sept questions à compléter, parfois par oui ou non ou par un chiffre, à l'instar des questions telles que le nombre de sous-traitants, ou de sous-traitants certifiés SA8000 ou OHSAS18'001. L'annexe 7 relative à la composante environnementale du développement durable consiste en un formulaire de deux pages, sur lequel l'entreprise doit brièvement décrire les mesures prises par l'entreprise pour préserver les ressources naturelles et matérielles non renouvelables.

À l'inverse, le critère 1 consistait à remplir un tableau détaillé, en fournissant, pour chacun des quatorze produits décrits en détail, au minimum neuf précisions, comprenant notamment les références du fournisseur, le prix catalogue, le rabais accordé, le prix unitaire hors TVA, le délai de livraison, la durée de la garantie, la durée du service après-vente. En sus, des questions spécifiques étaient posées, respectivement pour les éléments en métal, ceux en bois, les revêtements et traitements de surface et les colles. Des informations complémentaires générales étaient sollicitées. Les questions étaient précises et techniques à l'instar de la confirmation que les émissions de formaldéhyde des meubles en bois ne dépassaient pas 0,05 ppm après 28 jours ou la confirmation que la peinture ou le vernis ne contenaient pas plus de 0,01 % de masse de cadmium et plus de 0,01 % de masse de plomb et de mercure.

d. Il n'est pas inusuel qu'un sous-critère représente, quantitativement dans le cadre de la pondération, une part plus importante qu'un critère principal (ATA/322/2018 du 10 avril 2018 ; ATA/570/2017 du 19 mai 2017). À ce titre, les contributions au développement durable ont fréquemment une faible pondération, d'autant plus dans des marchés de fournitures. Une pondération à 6 % est usuelle et ne pouvait surprendre la recourante.

En effet, pour les marchés de fournitures les critères de la qualité et du prix correspondent respectivement à 100 % des critères d'adjudication en cas de marché peu complexe, voire à 90 % en cas de marché moyennement complexe. Dans ce dernier cas, 10 % de la pondération correspond au critère organisation de l'entreprise (Guide romand pour les marchés publics, annexe G, version du 1er octobre 2015).

Rien n'indique en l'espèce, et la recourante ne le soutient pas, que le marché serait moyennement complexe s'agissant de « tables 4 pieds, de laboratoire, à dessin et diverses ».

e. Enfin, la recourante n'a pas critiqué ces mêmes pondérations pour l'attribution à elle-même des lots 1 et 3.

Dans ces conditions, et compte tenu de l'ensemble des circonstances susmentionnées, le pouvoir adjudicateur n'a pas accordé à un sous-critère une importance prépondérante ni ne lui a conféré un rôle équivalent à celui d'un critère publié au sens de la jurisprudence précitée.

Le grief de violation du principe de la transparence est infondé.

12) La recourante critique l'évaluation du critère de la qualité du mobilier, estimant son offre sous-évaluée par rapport à celle de l'adjudicataire. Elle soutient que son mobilier est plus robuste que celui de sa concurrente. Elle développe des arguments en lien avec le bien-fondé d'avoir une traverse supplémentaire, un renforcement au milieu, l'épaisseur des tubes des châssis, les soudures de ceux-ci ou le thermo laquage.

a. En matière de marchés publics, le droit matériel laisse en principe une grande liberté d'appréciation au pouvoir adjudicateur, en particulier dans la phase de l'appréciation et de la comparaison des offres (arrêt 2C_418/2014 du 20 août 2014 consid. 4.1, in SJ 2015 I 52). Si elle substitue son pouvoir d'appréciation à celui de l'adjudicateur, l'autorité judiciaire juge en opportunité, ce qui est interdit, tant par l'art. 16 al. 2 AIMP (ATF 141 II 14 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 4.1 ; arrêt 2D_52/2011 du 10 février 2012 consid. 3.2) que par l'art. 61 al. 2 LPA. L'autorité judiciaire ne peut intervenir qu'en cas d'abus ou d'excès du pouvoir de décision de l'adjudicateur (ATF 141 II 353 consid. 3 et les références citées). 

Ainsi, même dans les marchés publics soumis à l'AIMP, le pouvoir adjudicateur n'est pas lié par telle ou telle méthode, mais il lui est loisible de choisir celle qui est la plus appropriée au marché. La loi ne lui impose aucune méthode de notation particulière. Le choix de ladite méthode relève ainsi du pouvoir d'appréciation de l'autorité adjudicatrice, sous réserve d'abus ou d'excès du pouvoir d'appréciation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_549/2011 du 27 mars 2011 consid. 2.3 et 2.4 ; ATA/851/2014 du 4 novembre 2014 et ATA/20/2014 du 14 janvier 2014).

L'opportunité de ce choix ne peut être revue par l'autorité de recours. En outre, aucune norme n'impose à l'autorité de faire connaître à l'avance la méthode de notation (ATF 2P.172/2002 précité consid. 2.3 ; ATA/20/2014 précité et les références citées). Il est donc parfaitement admissible d'attribuer une plus ou moins grande importance à tel ou tel critère, le prix par exemple, suivant le type de marché à adjuger. De plus, l'offre économiquement la plus avantageuse ne signifie pas qu'elle doit être la moins chère. Ce n'est qu'en présence de biens standardisés que l'adjudicateur peut alors se fonder exclusivement sur le critère du prix le plus bas (ATA/20/2014 précité et les références citées).

b. En l'espèce, il apparaît que la recourante se limite à substituer sa propre appréciation à celle du pouvoir adjudicateur lorsqu'elle estime que sa note devrait être supérieure et qu'elle développe les détails techniques en lien avec la nécessité d'une traverse supplémentaire, d'un renforcement de la table en son milieu, l'épaisseur des tubes des châssis, les soudures de ceux-ci ou le thermo-laquage. Or, à la lecture des explications données par le pouvoir adjudicateur, sa notation ne prête pas le flanc à la critique, celui-ci ayant justifié en détail son appréciation. De surcroît, la chambre de céans ne revoit pas l'opportunité des décisions attaquées.

Au vu de ce qui précède, l'évaluation des offres faite par l'autorité adjudicatrice, sous l'angle du critère de la qualité technique n'est constitutive d'aucun excès ou abus de son pouvoir d'appréciation, pas plus qu'elle n'est arbitraire.

Le grief sera écarté et le recours rejeté.

13) Vu l'issue du recours, un émolument de CHF 1'300.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à l'autorité intimée, qui bénéficie d'un service juridique à même de traiter la procédure (ATA/1129/2017 du 2 août 2017 et l'arrêt cité). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à l'appelée en cause qui a mandaté un avocat et y a conclu (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

préalablement :

met hors de cause B______ SA ;

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 juillet 2018 par A______ contre la décision de la Centrale commune d'achats du 28 juin 2018.

au fond :

le rejette ;

met un émolument de procédure de CHF 1'300.- à la charge de A______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à B______ SA appelée en cause, à la charge d'A______ ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n'est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s'il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Simon Othenin-Girard, avocat de la recourante ainsi qu'à la centrale commune d'achats et à Me François Hay, avocat de B______ SA.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, MM. Thélin et Verniory, Mmes Payot
Zen-Ruffinen et Cuendet, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

F. Cichocki

 

 

la présidente siégeant :

 

F. Krauskopf


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

la greffière :