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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/804/2021

ATA/948/2022 du 20.09.2022 sur JTAPI/73/2022 ( LCI ) , REJETE

Recours TF déposé le 24.10.2022, rendu le 06.06.2023, REJETE, 1C_63/2022
En fait
En droit

république et

canton de genève

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/804/2021-LCI ATA/948/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 septembre 2022

3ème section

 

dans la cause

A______ SA
représentée par Me Yannick Fernandez, avocat

contre

B______ SA
représentée par Me Cécile Berger Meyer, avocate

et

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 janvier 2022 (JTAPI/73/2022)


EN FAIT

1) a. A______ SA (ci-après : A______) est une société anonyme inscrite depuis le 28 mai 1947 au registre du commerce (ci-après : RC) F______, canton dans lequel elle a son siège.

Elle a pour but la propriété, le financement et la gestion de restaurants, bars, hôtels de toute nature et catégorie et des établissements se rapportant à la restauration, l'hôtellerie, le tourisme, les loisirs et les métiers de services, et notamment de l'hôtel en question.

b. Elle est propriétaire de la parcelle n° 1'514, feuille 38 de la commune de C______ d’une superficie de 834 m2, aux adresses 1______, rue D______ et 2______, quai E______, sur laquelle sont érigés quatre bâtiments dont le n° ______ qui accueille l'établissement hôtelier cinq étoiles du même nom.

2) La Ville F______ est propriétaire de la parcelle n° 6'936, feuille ______ de la commune C______, d’une superficie de 5'784 m2, aux adresses ______, rue G______, 3______, rue D______ et 4______, quai E______, qui abrite l'hôtel à l'enseigne « H______ », d’une surface de 5'240 m2, cadastré sous n° A429, un autre bâtiment de moins de 20 m2 et un parking public de 5'815 m2.

3) a. B______ SA (ci-après : B______) est une société anonyme inscrite depuis le 22 mai 2001 au RC genevois, canton dans lequel elle a son siège.

Elle a pour but l'exploitation de commerces, en particulier dans le domaine hôtelier et les activités y relatives, y compris l'acquisition d'immeubles aux fins d'exploitation hôtelière ou commerciale (non soumis à la loi fédérale sur l’acquisition d’immeubles par des personnes à l’étranger du 16 décembre 1983 - LFAIE - RS 211.412.41).

b. Elle est titulaire d'un droit distinct et permanent sur la parcelle n° 6'936 précitée.

4) a. Les parcelles précitées, sises en deuxième zone de construction, se situent dans le périmètre du plan de site de I______ n° 6______, établi le 17 avril 1991 et adopté par le Conseil d'État les 25 novembre 1992 et 4 octobre 1993.

Le plan de site a pour but de préserver le site de I______ et à ce titre le caractère architectural et historique des bâtiments situés à front de quai de I______ et des places attenantes, ainsi que les autres éléments rattachés aux quais et au plan d'eau, qui méritent protection (art. 1 du règlement du plan de site ; ci-après : le règlement).

Sur le pourtour de I______, il recense les bâtiments devant être maintenus (art. 4 du règlement), les bâtiments avec éléments intéressants (art. 5 du règlement), et les bâtiments d'architecture contemporaine (1945-1970) maintenus (art. 4 du règlement). Les bâtiments ne figurant dans aucune de ces catégories constituent les « autres bâtiments » (art. 6 du règlement).

Le bâtiment de l'A______ est recensé comme devant être maintenu. Celui du B______ est recensé comme « autre bâtiment » au sens de l'art. 6 du règlement.

b. Par deux arrêtés séparés du 27 avril 2020, le Conseil d'État a approuvé le plan de site n° 7______modifiant partiellement le plan de site de I______ n° 6______.

Ces arrêtés ont été attaqués par deux propriétaires de parcelles intégrées dans ledit plan de site par-devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Ces recours ont donné lieu aux ATA/352/2021 et ATA/353/2021 du 23 mars 2021 les rejetant. L'un des arrêts a été porté par-devant le Tribunal fédéral. Toutefois, le recours a été retiré (arrêt du Tribunal fédéral 1C_258/2021 du 14 février 2022).

5) Le 8 avril 2020, la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS), dans sa composition « plénière », a rendu un préavis de « consultation », sur la base d'un projet qui lui avait été présenté le 18 décembre 2019 par les architectes et le représentant du B______, aux termes de laquelle elle avait sollicité la production de pièces complémentaires et la modification dudit projet.

Le bâtiment lui-même ne « présent[ait] pas d’intérêt patrimonial », de sorte que l’« enjeu patrimonial » se concentrait sur « l’insertion dans le périmètre du plan de site de I______ (alignements, gabarits, intégration générale au site, rapport à l’espace public, façades et matériaux) en lien avec le paysage et la vue, sur et depuis l’hôtel, le quai E______, I______, depuis le lac et la rive gauche ». « L’effort de l’analyse urbaine comprenant le principe des alignements des façades et des toitures, leur traitement et l’importance du site » était salué, étant précisé que le projet « s’inscri[vai]t de manière adéquate dans la problématique du plan de site de I______ ». Étaient accueillis favorablement la « suppression des installations techniques en toiture, la création d’une véritable toiture dans l’alignement des bâtiments du quai J______, l’amélioration énergétique du complexe qui répondra[it] aux soucis d’énergie, la suppression de la grande ouverture de l’entrée principale sur le quai, la transformation du socle actuellement vitré en socle "dur" mieux intégré dans le contexte urbain, la création de balcons donnant sur les chambres, lesquels permettr[aie]nt d’animer les façades et offrir[aie]nt la jouissance de la vue sur I______ ».

En vue de l’appréciation de l’intégration du projet dans le site, la production d’« images (vues isométriques) de l’insertion du projet dans le contexte bâti existant à une plus large échelle englobant une partie du quai J______ » (pt. 1) et de gabarits cotés et officiels du nouveau projet (pt. 2) était requise. Si la création d’un socle « dur » était saluée, celui-ci était cependant trop imposant et méritait une « limitation en hauteur de manière à ne pas englober le premier niveau habité » (pt. 1). La toiture, dont le principe était bienvenu, méritait d’être revue dans son expression, afin de lui donner plus de « "légèreté", en supprimant la double casquette et la partie amovible (cette dernière pos[ait] des problèmes de gabarits légaux et esthétiques » (pt. 2). La pose des panneaux solaires serait validée seulement en cas d’intégration totale dans la nouvelle toiture (pt. 3). La profondeur de la marquise de l’entrée sur le quai devrait être réduite (pt. 4), tout comme la « grande profondeur des balcons donnant sur I______ », qui devrait être réduite de manière conséquente (pt. 5). L’utilisation du marbre pour le revêtement des loggias n’était pas admise, ce matériau étant inapproprié par rapport au « langage historique, urbain et régional du site » (pt. 6). Le dispositif alternant miroirs et éléments de marbre – qui visait à atténuer la profondeur des balcons et à amener de la lumière naturelle à l’intérieur des chambres – restait artificiel et ne contribuait pas aux économies d’énergie prônées, de sorte qu’un dispositif plus léger et transparent devrait être trouvé, le cas échéant (pt. 7). Le « rapport à la rue et à l’espace public [était] aujourd’hui totalement insatisfaisant. Il serait fortement souhaitable que ce projet permette de l’améliorer » (pt. 8).

6) Par requête enregistrée le 30 juin 2020 par le département du territoire (ci-après : DT ou le département) sous la référence DD 5______, B______ a sollicité, par l'intermédiaire d’un architecte, la délivrance d’une autorisation de construire en vue de la « transformation et rénovation des façades et énergétique » de l'hôtel sis sur la parcelle n° 6’936.

7) Dans le cadre de l'instruction de cette demande, diverses instances de préavis ont été consultées par le département et B______ a produit, par l'intermédiaire de son architecte, deux versions modifiées du projet, les 8 octobre et 14 décembre 2020, accompagnées de nouveaux documents, plans et explications, de façon à répondre à certains d'entre eux. Notamment :

- les 1er juillet et 14 août 2020, la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC), tout en retenant que la distance aux limites parcellaires et les vues droites étaient respectées, a requis la modification du projet en formulant notamment la requête suivante, au regard de l’art. 25 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI - L 5 05.01) : « pour les saillies (avant-toits, stores et marquises sur rues D______ et G______) veuillez respecter les dépassements maximum des alignements et la hauteur minimum par rapport au sol ». Le 12 octobre 2020, elle a émis un préavis favorable, sous conditions, tout en confirmant que la distance aux limites parcellaires ainsi que les vues droites étaient respectées. Le gabarit théorique du bâtiment n'était pas respecté au niveau de la rue K______ mais il restait dans le gabarit de toiture de l'existant (35 degrés) ;

- par préavis respectifs des 6, 10, 21 et 27 juillet 2020, la direction de l’information du territoire (ci-après : DIT), l’office cantonal de l’énergie (ci-après : OCEn), le service de l’air, du bruit et des rayons non-ionisants (ci-après : SABRA), le service de la consommation et des affaires vétérinaires (ci-après : SCAV) se sont prononcés favorablement, sous conditions. Le service compétent de l'office de l’urbanisme (ci-après : SPI) s’est lui prononcé favorablement, sans observation, le 16 juillet 2020 ;

- après avoir requis des modifications du projet ou la transmission de pièces complémentaires, l’office cantonal des transports (ci-après : OCT), le 2 novembre 2020, l’office cantonal de l’eau (ci-après : OCEau), le 5 novembre 2020, et la police du feu, les 17 juillet 2020 et 12 janvier 2021, ont rendu un préavis favorable sous conditions, tandis que l’office cantonal de l’agriculture et de la nature (ci-après : OCAN) s'est déclaré favorable, sans observation, le 16 octobre 2020 ;

- le 30 juillet 2020, la Ville F______ a émis un préavis favorable, sous conditions, soit que l’avis de la CMNS soit requis, dès lors qu’il s’agissait d’un bâtiment situé dans un périmètre protégé ;

- le 10 août 2020, le service des monuments et des sites (ci-après : SMS) a transmis le dossier à la CMNS en vue de la rédaction d’un avis circonstancié ;

- faisant suite à cette transmission, la CMNS a requis, par préavis du 18 août 2020, la production de pièces complémentaires, ainsi que la modification du projet. Tout en rappelant que celui-ci avait fait l’objet d’une « présentation en consultation » en séance plénière le 18 décembre 2019 et d’un « préavis de consultation », elle s’est déterminée à propos des points « demandant à être modifiés lors de la future demande officielle d’autorisation de construire », à teneur dudit « préavis de consultation », notamment : (1) Diminution de la hauteur du socle : même si la nouvelle image proposée ne répondait pas totalement aux directives du « préavis de consultation », « l’abaissement de la hauteur de cet élément rend[ait] les proportions générales désormais tout à fait acceptables à l’échelle du bâtiment et de ses abords directs » ; (2) Expression de la toiture : nonobstant certaines améliorations, les « réponses proposées [n’étaient] pas satisfaisantes » et la « légèreté » ainsi que la « suppression de la double casquette » requises dans le « préavis de consultation » n’étaient pas atteintes. Ainsi, il était préconisé de revoir « le traitement général de la toiture », afin de « réduire la profondeur de ce qui appara[issait] comme une sorte d’avant-toit, tant du côté du quai E______ que de celui des rues D______ et G______ ». Un « alignement avec le nu de façade moyen aux étages courants » semblait approprié « pour limiter la perception de lourdeur de cette toiture ». Il convenait également de « revoir le traitement des arêtiers qui, partiellement ouverts, génér[ai]ent une cassure dans le volume de cette toiture en pente (l’idée étant d’unifier les pans depuis le faîte jusqu’à la rive, au moins aux angles du bâtiment) » ; (3) Panneaux solaires ; (4) Diminution de la profondeur de la marquise et (5) Diminution de la profondeur des balcons donnant sur I______ : les options proposées étaient admises ; (8) Rapport à la rue et à l’espace public : « la volonté d’améliorer l’insatisfaisante situation actuelle » était saluée. « Un dialogue avec les services publics concernés a[vait] été entamé et, de fait, la question d[evait] encore être finalisée », de sorte que la soumission de « l’étude définitive réglant cette importante question » était attendue ;

- à la suite de ce préavis, le SMS, après avoir requis la modification du projet le 13 novembre 2020, a émis un préavis favorable, sous conditions, le 22 janvier 2021, suite à la séance de consultation du 3 décembre 2020. Le projet répondait désormais à « presque toutes les demandes émises par la commission et le service », de sorte qu’il était accepté [sous réserve de conditions sans lien avec l'objet du litige].

8) Le 18 août 2020, l’association Patrimoine suisse Genève (ci-après : L______), relevant que l’hôtel concerné par la requête était situé dans le plan de site de I______, a demandé que la « skyline de I______ soit préservée ». Ainsi, la « réinterprétation du toit » devait être réalisée « avec précaution », sans utiliser des matériaux de contraste, tel que le métal noir brillant. Un soin particulier devait être apporté à l’« accrochage au bâtiment XIXe sur la rue K______, seul vestige de l’îlot ancien ». Les accès publics devaient être garantis pour les espaces des rez-de-chaussée et de la terrasse.

9) Le 16 décembre 2020, B______ a fait remarquer à L______ que le revêtement de la toiture du projet serait en plaque d’ardoise et de grand format, tout comme la partie en attique existante du bâtiment K______. La « toiture inférieure existante à un pan sur le bâtiment XIXème et recouverte actuellement en travertin » ferait l’objet d’une proposition ultérieure. Le rez-de-chaussée du bâtiment donnant sur le quai E______ serait librement accessible et l’extension en terrasse au-dessus de l’entrée principale (E______) permettrait de relier ces dernières et de circuler de l’une à l’autre.

10) Par décision du 28 janvier 2021, se référant à la version du projet n° 3 du 14 décembre 2020, le département a délivré l’autorisation DD 5______, qui a été publiée dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton F______ (ci-après : FAO) du même jour.

Les conditions figurant notamment dans les préavis du SMS du 22 janvier 2021, de la police du feu du 12 janvier 2021, de l’OCEau du 5 novembre 2020, de l’OCT du 2 novembre 2020, du SCAV du 27 juillet 2020, du SABRA du 21 juillet 2020, de l’OCEn du 10 juillet 2020 et de la DIT du 6 juillet 2020 devraient être strictement respectées et faisaient partie intégrante de l’autorisation, étant précisé que les réserves figurant sur celle-ci primaient sur les plans visés ne varietur.

11) Le 28 janvier 2021, le département a informé L______ de la délivrance de cette autorisation.

12) Par acte du 1er mars 2021, A______ a interjeté recours par-devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, dont elle a requis l’annulation, sous suite de frais et dépens.

Le gabarit de la construction projetée était contraire aux art. 22 et ss ainsi que 37 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05). Le plan de coupe C-C (recte : C-C’) du 11 décembre 2020 démontrait que le gabarit à l’angle de la rue D______ et du quai E______ avait été mesuré en application de l’art. 37 LCI, soit en prenant en compte le gabarit de la façade côté I______, qui « bénéfici[ait] d’un alignement très avantageux côté M______ », et constituait donc le gabarit « le plus haut autorisable » en zone 2. La hauteur du bâtiment n’était « en soi pas problématique », dès lors que les transformations projetées ne conduisaient pas à une augmentation de la hauteur de la ligne verticale, soit la valeur « H » dans l’équation H D + 3, par rapport au bâtiment existant. Le problème était la valeur « D », qui n’avait pas été calculée depuis son propre immeuble, nonobstant le fait que celui-ci « représentait de son point de vue l’alignement de constructions », mais à partir de la nouvelle façade de l’immeuble du projet. Ainsi, « les plans de géomètre du 11 décembre 2020 montr[ai]ent logiquement un empiétement de la ligne de gabarit sur sa parcelle ». L’art. 37 LCI permettait de « construire plus haut, à l’angle de deux rues », non « de construire plus proche ». Quant aux petits balcons envisagés sur la façade sise côté rue D______, il ressortait du plan de coupe C-C (recte : C-C’) que le gabarit avait été « mesuré en application de l’art. 38 LCI, à savoir en prenant en considération l’alignement entre constructions situé côté rue G______ ». Cette manière de procéder n’était pas admissible, « puisque la façade donnant sur la rue D______ ne donn[ait] pas immédiatement sur la rue G______ de l’autre côté ». En outre, la ligne de gabarit empiétait sur sa propre parcelle et la vue de ces nouveaux balcons « plongera[it] directement sur les chambres de son hôtel ».

L’autorisation querellée consacrait également une violation de l’art. 25 al. 1 let. d RCI. L’« alignement étant de 21 m » les balcons ne devaient pas dépasser 1,40 m, soit 1/15 x 21 m, de sorte que les balcons projetés, d’une profondeur de 4 m, étaient « manifestement trop profonds ».

Enfin, le plan de site de I______ et le règlement y relatif avaient été violés. La « nouvelle image de l’hôtel », telle qu’autorisée, « détonn[ait] très fortement avec le style classique, remontant au XIXème siècle, des bâtiments voisins, et notamment des hôtels historiques de I______ ». De plus, l’ajout d’importants balcons profonds de 4 m était de nature à « modifier l’implantation originelle de la construction et, par conséquent, son alignement avec les bâtiments voisins », alors même que la CMNS avait rappelé, dans son préavis du 18 décembre 2019, que l’enjeu patrimonial se concentrait sur l’insertion du bâtiment dans le périmètre du plan de site de I______. Pour le surplus, les transformations projetées étaient incompatibles avec la « nouvelle image directrice de I______ », qui demandait le respect de l’architecture existante du bâtiment.

13) Le 7 mai 2021, le département a conclu au rejet du recours.

Il a joint à son écriture une reproduction de la coupe C-C’ annotée par ses soins.

14) Le même jour, B______ a conclu au rejet du recours.

15) Le 16 juillet 2021, A______ a répliqué, persistant dans ses conclusions et arguments.

S’agissant de la problématique du gabarit, elle contestait toujours que le « report admissible du gabarit de hauteur » permette une « extension de la largeur du bâtiment » sur la profondeur admissible de 20 m. L’art. 37 al. 1 LCI prévoyait que les constructions d’angle ne pouvaient avoir un gabarit différent du gabarit applicable au bloc auxquelles elles appartenaient et, s'agissant du calcul du gabarit, l’art. 35 LCI se référait « uniquement à la ligne verticale du gabarit ». Une comparaison intercantonale et intercommunale des dispositions régissant les problématiques des constructions d’angles dans les cantons de Vaud et de Zurich (lesquels se référaient expressément à « un gabarit de hauteur et non de largeur »), démontrait que ce type de normes permettait « uniquement de bénéficier d’un report de hauteur et non d’étendre les bâtiments sur leurs flancs latéraux ». En outre, les croquis n°s I et III annexés au RCI indiquaient « clairement que le point de départ de la mesure des gabarits théoriques sur rue d[evai]t se fixer à un flanc de bâtiment voisin, dans l’angle que celui-ci form[ait] avec la rue en question », de sorte qu’ils ne faisaient état que de la question de hauteur des gabarits concernés et non pas de largeur ou d’extension latérale des bâtiments. L’art. 37 al. 3 LCI visait en réalité « à fixer une longueur admissible de 20 m, le long de la voie la plus étroite, sur laquelle p[ouvai]t être reporté le gabarit de hauteur de la façade principale ». Or, le bâtiment actuel s’élevait déjà à la hauteur maximale légale (24 m) et la valeur « D » (21 m) résultant du report de gabarit de la façade donnant sur le quai E______ sur la rue D______ n’avait pas été « répercutée », comme l’imposaient pourtant les schémas du RCI susmentionnés. En effet, la mesure n’avait pas été prise à flanc de bâtiment, dans l’angle formé avec la rue, mais « en partant depuis l’extension projetée ».

Un schéma – joint – inspiré de celui réalisé par le département, sur lequel elle avait tracé la ligne de 21 m à 45° en partant du bas de son propre bâtiment, démontrait que l’extension prévue était « hors gabarit (latéral) », celui-ci étant « approximativement défini par la façade du bâtiment existant ». Tel qu’opéré par B______, le report de la distance « D » de 21 m revenait « indirectement à permettre un élargissement du bâtiment sur son flanc latéral et non à permettre de bénéficier d’un gabarit de hauteur plus favorable, celui-ci étant déjà à son maximal », ce qui avait pour conséquence de « dénaturer l’esprit » de l’art. 37 LCI. Le report de cette distance « D » de 21 m – mesuré correctement – n’aurait fait que concrétiser la hauteur admissible, et donc la largeur amissible, du bâti existant. L’allégation selon laquelle, sans report, la façade côté quai E______ ne serait qu’une façade de décor était « étonnante », dans la mesure où la majorité des constructions étaient dépourvues de telles « ailes ».

16) Le 10 août 2021, le département a dupliqué, persistant dans ses développements et conclusions.

17) Le 1er septembre 2021, B______ a dupliqué, persistant dans ses conclusions et arguments.

18) Par jugement du 27 janvier 2022, le TAPI a rejeté le recours.

À la lecture des plans du projet, le TAPI constatait que des terrasses couvertes étaient projetées sur la façade du bâtiment située face au quai E______. Il ressortait de ces plans que ces terrasses étaient également présentes – sur une longueur de 14 m – sur chacune des façades latérales du bâtiment donnant respectivement sur les rues D______ et G______.

Il ressortait du plan de coupes et gabarits C-C’ visés ne varietur le 28 janvier 2021 que le gabarit du bâtiment côté quai E______, défini par la largeur de ce quai et la hauteur du bâtiment concerné, soit 21 m, avait servi de référence au calcul du gabarit de la façade du bâtiment donnant sur la rue D______, en application de l’art. 37 al. 3 LCI. Cette disposition prévoyait expressément que les constructions d’angle ne peuvent avoir un « gabarit différent » de celui applicable au bloc auquel elles apparteaient, sur une profondeur égale à celle de ce bloc, mais de 20 m au maximum. Rien ne laissait ainsi à penser, à la lecture de cette disposition, que l’argument d'A______, selon lequel celle-ci permettrait d’ériger des constructions d’angles plus hautes que celles prévues à l’art. 23 al. 1 LCI, mais non plus larges, était fondé. Ainsi, il n’était aucunement précisé que la notion de « gabarit » concernerait uniquement la hauteur du bâtiment, étant relevé que d’autres dispositions, notamment les art. 23 et 35 LCI, mentionnaient quant à elles clairement les notions de « hauteur du gabarit » ou encore de « hauteur de la ligne verticale du gabarit » et non celle de « gabarit » uniquement, comme cela était le cas de l’art. 37 al. 1 LCI. À ce titre, l’art. 35 LCI invoqué, qui prévoyait que la hauteur de la ligne verticale du gabarit se mesurait, pour chaque construction, à partir du niveau moyen du sol adjacent, ne lui était d’aucun secours. Il en allait de même des dispositions cantonales vaudoises et zurichoises invoquées, les principes retenus par d'autres cantons n'étant déterminants s’agissant de l’application et de l’interprétation d’une disposition de droit cantonal genevois dont le+ texte était clair.

Le grief d'A______ selon lequel la distance, soit la valeur « D » retenue dans le cadre de l’équation (H D + 3) prévue par l’art. 23 al. 1 LCI, n’avait pas été calculée depuis son propre immeuble, alors même que celui-ci constituerait « l’alignement de construction » à prendre en compte, mais depuis la nouvelle façade du bâtiment projeté, n’emportait pas conviction. En effet, en l’absence de plan d’alignement, aucun élément au dossier ne laissait à penser que son bâtiment représenterait davantage un alignement de construction dans la rue D______ que celui faisant l’objet de l’autorisation contestée. Partant, aucune disposition légale ou réglementaire n’imposait de calculer l’alignement à partir du bâtiment de d'A______. Pour le surplus, le fait que le gabarit autorisé selon l’art. 23 LCI, fondé sur l’équation H D + 3, ne soit in casu pas respecté était précisément dû à l’application de l’art. 37 LCI, qui constituait une « lex specialis », de sorte que cet argument tombait également à faux.

La même conclusion devait être retenue s’agissant de la violation alléguée de l’art. 38 LCI, en lien avec le calcul du gabarit de la façade côté rue D______. En effet, c’était à juste titre que le gabarit précité se fondait sur la largeur de la rue G______ et non sur celle D______, comme cela ressortait du plan de coupes et gabarits B-B’. En application de l’art. 38 LCI, le fait que la largeur de la rue G______, plus importante que celle de la rue D______, fût retenue pour calculer le gabarit de la façade donnant sur la rue D______ ne prêtait pas flanc à la critique, au vu du texte clair de la loi. L’argument selon lequel la disposition légale précitée ne trouvait pas application in casu en raison du fait que la façade du bâtiment côté rue D______ ne donnait pas directement sur la rue G______ de l’autre côté n’était pas pertinent. En effet, le bâtiment destiné à accueillir les travaux litigieux, cadastré sous un numéro unique (n° ______), devait être considéré comme une construction d’un seul tenant, dont les façades donnaient tant sur la rue D______ que sur celle G______, lesquelles avaient chacune une largeur différente. Partant, l’application de l’art. 38 LCI ne pouvait être remise en cause du seul fait que la façade située sur la rue D______ ne donnait pas directement sur la rue G______, le but visé par cette disposition légale étant une uniformisation du bâtiment en tant que tel et non uniquement l’uniformisation de façades qui donneraient directement sur deux rues de part et d’autre.

Quant au fait que la vue des nouveaux « balcons » sis rue D______ plongerait directement sur les chambres de son hôtel, il ressortait des plans et du schéma produit en annexe des observations de B______ que les balcons existants côté rue D______ seraient, suite aux transformations autorisées dans la décision litigieuse, remplacés par une structure « en créneaux », laquelle entrait dans le gabarit du bâtiment et comportait une paroi vitrée orientée vers le lac, alors que les parois côté Pâquis seraient réalisées en matériaux durs non transparents. Ainsi, la vue des occupants des chambres du bâtiment modifié sur les chambres de l’établissement d'A______ serait en réalité réduite par rapport à la situation actuelle, le traitement retenu dirigeant en effet les vues depuis les chambres du bâtiment projeté vers le lac. Cet argument, sans portée, n'apparaissait donc pas pertinent.

En outre, les questions relatives à l’alignement et à la distance aux limites parcellaires avaient été dûment examinées par la DAC, laquelle, après avoir requis, « pour les saillies (avant-toits, stores et marquises sur rues D______ et G______) », le respect des dépassements maximum des alignements et de la hauteur minimum par rapport au sol, avait confirmé que la distance aux limites parcellaires était respectée, à l'instar des vues droites. À toutes fins utiles, la CMNS n'avait émis aucune réserve à propos du gabarit de la construction. Dans son « préavis de consultation », elle avait au contraire mis en évidence « l’effort de l’analyse urbaine comprenant le principe des alignements des façades et des toitures ». De même, dans son préavis du 18 août 2020, elle avait préconisé de revoir le traitement général de la toiture du projet, afin de « réduire la profondeur de ce qui apparaît comme une sorte d’avant-toit », tant côtés quai E______ que rues D______ et G______. Elle avait en outre précisé qu’un « alignement avec le nu de façade moyen aux étages courants » semblait approprié et qu’il convenait de revoir le traitement des « arêtiers », qui généraient une cassure dans le volume de la toiture en pente, afin d’« unifier les pans depuis le faîte jusqu’à la rive, au moins aux angles du bâtiment ».

Le grief tiré de la violation des art. 22 ss, 37 et 38 LCI devait être écarté.

Il ressortait des plans que les terrasses couvertes – qualifiées de « balcons » par A______ –, d’une profondeur de 4 m, prévues sur les façades côté quai E______ et, pour une longueur de 14 m, côté rues D______ et G______, étaient situées en retrait de la voie publique. Au vu notamment du plan de coupes et gabarits C-C’, ces terrasses faisaient partie intégrante des façades concernées, de sorte qu’elles étaient comprises dans l’alignement du bâtiment. Partant, l’art. 25 al. 1 let. d RCI ne trouvait pas application in casu. Dans ces conditions, et pour le surplus, l’argument selon lequel le prétendu dépassement de gabarit des terrasses modifierait l’alignement existant de manière incompatible avec le plan de site de I______ tombait à faux.

Le grief tiré de violation de l’art. 25 al. 1 let. d RCI devait aussi être écarté.

Le bâtiment concerné par l’autorisation de construire litigieuse se trouvait dans le périmètre du plan de site de I______ n° 6______. Le 20 avril 2020, le Conseil d’État avait adopté le projet de plan de site n° 7______, modifiant partiellement ce dernier, lequel, toutefois, faisait l’objet d’une procédure de recours alors pendante devant le Tribunal fédéral, de sorte qu'il n'était pas en vigueur. C'était par conséquent sous le seul angle du plan n° 6______, applicable tant lors du prononcé de la décision attaquée qu'au moment où le jugement était rendu, que le cas d'espèce devait être examiné.

À teneur du plan de site de I______, l’objet de l’autorisation de construire querellée n'était ni un « bâtiment maintenu », ni un bâtiment présentant des éléments architecturaux dignes d’intérêt. Il s'agissait par conséquent d'un « autre bâtiment », au sens de l'art. 6 du règlement précité, de sorte qu'il pouvait en soi être modifié (démolition, reconstruction ou agrandissement, aux conditions fixées par le règlement). À toutes fins utiles, la qualification de cet immeuble n'avait pas été remise en cause par le Conseil d’État avec l’adoption récente du plan n° 7______. En effet, à teneur de celui-ci, il ne figurait pas dans la liste des immeubles modifiés en « bâtiments maintenus ».

Cela étant, la CMNS – puis pour elle le SMS – avaient précisément examiné le projet sous l’angle de la préservation du site de I______ et s'étaient au final déclarées favorable au projet. La CMNS avait notamment retenu, dans son « préavis de consultation », que le bâtiment lui-même ne présentait « pas d’intérêt patrimonial », de sorte que l’enjeu du projet se concentrait sur « l’insertion dans le périmètre du plan de site de I______ (alignements, gabarits, intégration générale au site, rapport à l’espace public, façades et matériaux) en lien avec le paysage et la vue, sur et depuis l’hôtel, le quai E______, I______, depuis le lac et la rive gauche ». Elle avait également retenu que le projet s’inscrivait « de manière adéquate dans la problématique du plan de site de I______ ». Tout en relevant le « rapport à la rue et à l’espace public » actuel, qui était totalement insuffisant, elle avait salué plusieurs modifications apportées par le projet susceptibles d’améliorer son intégration dans le contexte particulier de I______, soit notamment la transformation du socle actuellement vitré en « socle dur », mieux intégré dans le contexte urbain, et la création de balcons donnant sur les chambres, qui permettraient d’animer les façades et offriraient la jouissance de la vue sur I______. En outre, dans son préavis du 18 août 2020, aux termes duquel elle avait requis la modification du projet, elle avait relevé, s’agissant du rapport à la rue et à l’espace public, « la volonté d’améliorer l’insatisfaisante situation actuelle », tout en précisant qu’un dialogue avait été entamé avec les services publics concernés, de sorte que la question devait encore être finalisée et que la soumission de « l’étude définitive réglant cette importante question » était attendue. Enfin, le 22 janvier 2021, suite à une séance de consultation tenue le 3 décembre 2020, elle avait estimé que le projet répondait désormais à « presque toutes les demandes émises par la commission et le service ».

Dans ces circonstances, il ne pouvait être reproché au département d'avoir choisi de suivre ce préavis. Il n’apparaissait pas en effet que, ce faisant, il avait fait un usage excessif ou abusif de son pouvoir d'appréciation. En somme, A______ entendait avant tout substituer sa propre appréciation à celle du département. Or, le TAPI, qui devait faire preuve de retenue et respecter la latitude de jugement conférée au département, ne pouvait en corriger le résultat en fonction d'une autre conception, même si celle-ci n'était pas dénuée de pertinence, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdisait de faire (art. 61 al. 2 LPA).

L’argument selon lequel la « nouvelle image » du bâtiment litigieux, telle qu’autorisée, dénoterait très fortement avec le style « classique » des bâtiments voisins, notamment les « hôtels historiques de I______ », n’apparaissait pas pertinent. Dans son état actuel, ce bâtiment différait déjà de nombreux autres bâtiments situés dans le périmètre, autour de I______, notamment celui appartenant à l’A______, dans la mesure où, comme l’explique B______, il avait été construit dans les années 1970, après une démolition du bâtiment antérieur et il avait fait l'objet de « travaux d’habillage » en 2006-2007. Cela étant, il n’apparaissait pas que les modifications autorisées dans la décision querellée changeraient substantiellement son style, qui conserverait son apparence plus moderne que celle des constructions voisines. Cette dissemblance stylistique ne résultait donc pas de la décision attaquée. Le même constat pouvait être opéré s'agissant de l’allégation selon laquelle le projet ne respecterait pas « l’organisation traditionnelle des bâtiments », étant aussi souligné que le projet litigieux ne modifiait pas l’implantation du bâtiment en cause. Enfin, la légende accompagnant le plan de I______ relatif à l’« image directrice de I______ » dont se prévalait A______, précisait expressément qu’il s’agissait seulement de « principes directeurs », réunis dans « instrument d’aménagement souple, concis, formul[ant] des objectifs clairs mais d’ordre général dont la nature devra[it] être précisée dans le cadre de la révision du plan directeur communal prévue en 2020 ». Il ressort du document y relatif, intitulé « I______ - Image directrice - rapport final », daté de mai 2019 et validé par le conseil administratif de la Ville F______ le 26 juin 2019 (https://www.geneve.ch/fr/themes/amenagement-construction-energie/urbanisme-planification/image-directrice-I______), que l'objectif poursuivi lors de l'élaboration de ce concept, qui avait trait à « I______ de demain » et était le fruit d'un « large processus de concertation des milieux concernés », était en effet de pouvoir disposer d’un « outil d’aménagement » susceptible d'être « aisément mis en place », de façon à « ouvrir le débat démocratique mais sans lancer une longue procédure d'adoption », dans le but de « guider les opérations futures sans les contraindre » (p. 4). Il ne s'agissait donc avant tout que d'un outil de travail non contraignant.

Le grief tiré de la violation du plan de site de I______ devait également être écarté.

19) Par acte du 28 février 2022, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation « sous suite de frais et dépens ».

La notion de « gabarit » contenue à l'art. 37 al. 1 LCI n'était ni précisée dans la LCI, ni dans le RCI. Le « Guide d'application LCI/Atelier avec la FAI » publié le 7 février 2020 (ci-après : le Guide), disponible à l'adresse https://www.ge.ch/document/guide-application-lci/atelier-fai, n'apportait pas davantage de précisions au sujet de cette notion. Dans son acception classique et selon le dictionnaire en ligne Larousse, le gabarit était un « modèle servant à tracer, générer, vérifier ou contrôler le profil ou les dimensions que d[evaient] avoir certains objets ». En droit genevois, la notion de « gabarit » se recoupait essentiellement avec celle de la hauteur (notamment les art. 11 LCI, 114A al. 3 LCI, 35 al. 1 LCI). Une comparaison intrecantonale (Vaud) et intercommunale (Renens par exemple) de dispositions similaires à l'art. 37 al. 1 LCI permettait de démontrer qu'une telle norme permettait uniquement de bénéficier d'un report de hauteur et non d'étendre les bâtiments sur leurs flancs latéraux. La notion de « gabarit des constructions » selon l'art. 37 al. 1 LCI n'avait de sens que si elle était interprétée dans le sens de ces dispositions cantonales : seule la hauteur de la construction pouvait être reportée.

Les croquis n° 1 et 3 annexés au RCI indiquaient que le point de départ de la mesure des gabarits théoriques « sur rue » devait se fixer à flanc de bâtiment voisin, dans l'angle que celui-ci formait avec la rue en question. La profondeur de 20 m (art. 37 al. 3 LCI) visait en réalité à fixer une « longueur » admissible de 20 m, le long de la voie la plus étroite, sur laquelle pouvait être reporté le gabarit de hauteur de la façade principale.

Elle ne contestait pas que le gabarit du bâtiment côté quai E______ ait été défini par la largeur de ce quai, soit 21 m, comme relevé par le TAPI. Elle ne contestait pas non plus que ce gabarit, côté quai E______, puisse être appliqué côté rue D______, comme cela était déjà le cas en réalité. En effet, le gabarit du bâtiment resterait quasiment inchangé après construction. Toutefois et contrairement à ce qu'avait retenu le TAPI, la notion de « gabarit » n'était pas claire, puisqu'elle connaissait en droit genevois différentes acceptions. Dans la loi genevoise, la notion de « gabarit » était essentiellement employée pour définir la hauteur de la construction contrairement aux termes « distances aux limites de propriété » qui étaient utilisés lorsqu'il s'agissait d'évoquer la longueur et/ou la largeur. Aussi, la logique de l'art. 37 al. 1 LCI voulait que l'on reporte une hauteur et non une largeur ou une longueur. La raison d'être de l'art. 37 al. 1 LCI n'était pas de permettre un élargissement d'un bâtiment (qui conduirait au rétrécissement d'une rue déjà étroite et n'aurait aucun sens), mais de répercuter une seule et même hauteur afin d'éviter la présence de « dents creuses » ou de renforcements aux derniers étages.

Concrètement, tel qu'opéré par B______, le report de la distance D de 21 m comme nouvelle « distance aux limites de propriété » sur la largeur du bâtiment revenait indirectement à permettre un élargissement du bâtiment sur son flanc latéral et non à faire bénéficier la construction d'un gabarit de hauteur plus favorable sur la base de l'alignement côté quai E______, Le plan de coupe C-C (recte : C-C’) montrait clairement le rapprochement critiqué, les terrasses ajoutées se trouvant hors gabarit. Dans la mesure où le gabarit maximal était déjà atteint, l'art. 37 LCI n'aurait même pas dû entrer en ligne de compte et ne pouvait quoiqu'il en soit, justifier l'extension de la construction existante du côté du bâtiment voisin.

L'explication de B______ selon laquelle sans ce report, la façade côté quai E______ ne serait qu’une façade de décor, sans épaisseur, qui serait choquant pour l'œil tombait à faux, dans la mesure où la majorité des constructions étaient dépourvues de telles « ailes ».

En tout état, l'interprétation extensive de l'art. 37 al. 1 LCI admise par le TAPI revenait à dénaturer l'esprit de cette disposition légale.

Enfin, contrairement à ce qu'avait retenu le TAPI, s'il eût fallu retenir un alignement de constructions, c'eût été celui d'A______, parfaitement aligné sur toute la longueur de la rue et formant de fait un alignement au sens du Guide, contrairement à celui de B______.

L'ensemble de ces éléments étaient propres à démontrer que l'art. 37 al. 1 LCI ne permettait qu'un report de la hauteur admissibles et non celui du gabarit tout entier du bâtiment.

20) Le 1er avril 2022, le département a conclu au rejet du recours.

Le projet se situait en deuxième zone. Le gabarit applicable à cette zone était régi par l'art. 22 al. 1 LCI dont la teneur était sans équivoque. Les constructions ne devaient en aucun cas dépasser un gabarit limité par un alignement et une ligne verticale de façade dont la hauteur était définie à l'art. 23 LCI. Le gabarit au sens de cette disposition correspondait donc à un rapport entre la hauteur et la distance entre alignements.

Lorsqu'une disposition ne visait que la hauteur du gabarit, elle le précisait expressément. Tel était le cas des art. 23 et 25 LCI. Or, ce n'était pas le cas de l'art. 37 LCI.

Par ailleurs, même à suivre le raisonnement d'A______ selon lequel son bâtiment aurait dû servir d'alignement pour calculer le gabarit du bâtiment projeté et que l'art. 37 LCI ne permettrait qu'un report de la hauteur du gabarit, les dispositions applicables en matière de gabarit seraient tout de même respectées.

En effet, la coupe C-C' visée ne varietur produite en annexe de son écriture du 7 mai 2021 illustrait en rouge le calcul du gabarit légal (art. 22 ss LCI) appliqué au bâtiment autorisé, lequel tenait compte des alignements et distances réels sur la rue D______. Selon ce calcul, le bâtiment d'A______ servait d'alignement. La « largeur » du bâtiment entrait dans le gabarit légal. Il y avait en revanche un dépassement en hauteur du bâtiment autorisé par rapport au gabarit légal. Toutefois, ce dépassement résultait de l'application de l'art. 37 al. 1 LCI qui prévoyait que les constructions d'angle ne pouvaient avoir un gabarit différent du gabarit applicable au bloc sur une profondeur égale à ce bloc, mais d'au maximum 20 m. Ainsi, en application de l'art. 37 al. 1 LCI, la hauteur sur façade des constructions d'angle côté rue D______ et côté rue G______ devait atteindre la même hauteur que celle de la façade côté quai E______, soit 24 m, sur une profondeur de 20 m, cela quelle que soit la distance réelle entre alignements sur rue.

21) Le même jour, B______ a conclu au rejet du recours.

La demande d’autorisation de construire querellée faisait suite à la « rénovation thermique imposée » pour des « raisons réglementaires et réalisée en conformité d’une convention de partenariat signée avec l’OCEN ».

Côté quai E______, à la place des balcons existants, des terrasses couvertes, d'une profondeur de 4 m, étaient prévues. Elles se poursuivaient sur 14 m des deux côtés du bâtiment pour assurer la cohérence de la façade principale côté rue D______ et rue G______, le gabarit au « retour » avait été calculé par le géomètre sur la base de l'art. 37 LCI. Sur les façades latérales, les balcons existants étaient supprimés et remplacés par une façade en créneaux, dotant toutes les chambres donnant sur les rues latérales d'une baie vitrée orientée en direction du lac, qui faisait partie intégrante des chambres et entrait en totalité dans le gabarit du bâtiment, calculé sur les plans de géomètre selon l'art. 38 LCI.

La notion de « gabarit » était défini par l'art. 22 al. 1 LCI. Le fait que le Guide ne définisse par cette notion était la preuve que celle-ci était claire et ne faisait pas débat parmi les architectes. Le TAPI avait donc à bon droit considéré que le texte de l'art. 37 LCI était clair.

Les croquis invoqués par la recourante ne traitaient pas de l'application de l'art. 37 LCI, celle-ci étant illustrée exclusivement par le croquis n° 7. A______ faisait sa propre lecture de cette disposition légale. Le texte ne prévoyait nulle part que la notion de « gabarit » ne concernait que la hauteur, à l'exclusion de toute largeur et longueur. Il n'y avait pas de lacune à combler, de telle sorte que l'interprétation proposée par la recourante était dénuée de toute pertinence. Elle faisait en outre fi de l'art. 22 al. 1 LCI qui définissait la notion de « gabarit ».

Lorsque le législateur avait souhaité désigner uniquement la hauteur d'un bâtiment, il s'était servi de ce terme, comme c'était le cas des art. 23 et 35 LCI. Dans ces dispositions, le législateur avait voulu limiter la notion de « gabarit » à celle de hauteur, ce qui n'était pas le cas de l'art. 37 al. 1 LCI.

Comme un calcul rue par rue de la hauteur admissible conduirait à des bâtiments présentant des faces de hauteurs différentes sur chaque rue, la LCI prévoyait, pour les quatre premières zones, que le même gabarit devait être appliqué à toutes les faces d'une construction, à l'exception des murs en attente. Afin de répondre à cette exigence, la loi réglementait la manière de déterminer la rue dont la longueur devait être prise en compte pour déterminer la hauteur du bâtiment sur ses différentes faces. Dans cette optique, l'art. 37 al. 1 cum al. 3 LCI permettait de reporter l'entier du gabarit côté quai E______ (défini par la largeur du quai E______ et la hauteur calculée sur cette base conformément à l'art. 23 al. 1 LCI) du côté de la rue D______, et sur une profondeur de 20 m. Dans ce contexte, l'art. 37 al. 1 LCI avait d'ailleurs déjà été appliqué à de nombreux endroits à Genève, notamment au bâtiment situé au 8______, quai E______. En effet, la hauteur de la façade à front de rue de ce bâtiment, du côté de la rue G______, avait été calculée sur la base de la largeur du quai E______, aboutissant à un empiètement identique à celui contesté par A______.

Enfin, la valeur « D » prévue par l'art. 23 al. 1 LCI résultait du report de gabarit du quai E______ sur les quatorze premiers mètres de la rue D______ et ce, conformément à l'art. 37 LCI. C'était ainsi à juste titre que le gabarit avait été calculé depuis son bâtiment et non depuis celui de la recourante.

22) Le 9 juin 2022, A______ a répliqué, persistant dans ses conclusions.

Si la notion de « gabarit » avait été claire, le département n'aurait pas consacré la majorité des chapitres d'un guide pratique au calcul du gabarit. Par ailleurs, les schémas explicatifs du guide faisaient essentiellement état de situations se rapportant à la hauteur des bâtiments pour expliciter la notion de « gabarit légal » et non celle de « ligne verticale » ou de « gabarit hauteur ».

A______ pouvait sans mal concevoir que la notion de « gabarit » n'était pas synonyme de hauteur. Il découlait néanmoins de la loi et de son règlement d'application que ce terme n'était pas employé uniformément et qu'il signifiait uniquement, dans certains cas, « hauteur » par opposition à « largeur » et « longueur ».

À titre d'exemple, l'art. 11 al. 3 LCI qui prévoyait que le département pouvait, après consultation de la commission d'architecture (ci-après : CA), autoriser un dépassement du gabarit prescrit par la loi, lorsque le vide d'étage était réduit jusqu'à 2,40 m. Il était indiscutable que le dépassement de gabarit se rapportait uniquement à la hauteur de l'immeuble.

Dans ses écritures, le département reconnaissait un dépassement de hauteur. Ce dépassement était dû au report de la largeur sur la rue D______, du fait de l'application incorrecte de l'art. 37 LCI.

23) Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées par courrier du juge délégué du 10 juin 2022.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 17 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La recourante fait grief au TAPI d'avoir procédé à une interprétation extensive de l'art. 37 LCI, qui ne permettrait, selon elle, qu'un report de la hauteur admissible et non celui du gabarit tout entier du bâtiment. Le gabarit de la construction projetée serait ainsi contraire aux art. 22 ss LCI.

3) En vertu de l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b) ; les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3). Il y a excès du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité dépasse le cadre de ses pouvoirs. En outre, celle-ci doit exercer son libre pouvoir d’appréciation conformément au droit, ce qui signifie qu’elle doit respecter le but dans lequel un tel pouvoir lui a été conféré, procéder à un examen complet de toutes les circonstances pertinentes, user de critères transparents et objectifs, ne pas commettre d’inégalité de traitement et appliquer le principe de la proportionnalité. Si elle ne respecte pas ces principes, elle abuse de son pouvoir (ATA/827/2018 du 28 août 2018 consid. 2b ; ATA/845/2015 du 20 août 2015 consid. 2b ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3ème éd., 2012, p. 743 ss et les références citées).

Une décision est arbitraire lorsqu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. À cet égard, le Tribunal fédéral ne s’écarte de la solution retenue par l’autorité cantonale de dernière instance que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d’un droit certain. L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable. Pour qu’une décision soit annulée pour cause d’arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 128 I 177 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4P.149/2000 du 2 avril 2001 consid. 2 et les arrêts cités).

4) a. Le gabarit de hauteur des constructions sises en 2ème zone est réglé aux art. 22 et ss LCI.

b. Selon l'art. 22 LCI, les constructions ne doivent en aucun cas dépasser un gabarit limité par un alignement et une ligne verticale de façade dont la hauteur est définie à l’art. 23 LCI (al. 1). Le même gabarit doit être appliqué à toutes les faces d’une construction, à l’exception des murs en attente (al. 2).

L'art. 23 LCI prévoit qu'à front ou en retrait des voies publiques ou privées, la hauteur du gabarit ne peut dépasser de plus de 3 m la distance fixée entre alignements (H D + 3) (al. 1). La hauteur du gabarit est calculée, par rapport aux limites de propriétés privées, conformément aux dispositions de l'art. 25 al. 1 (H  2D + 3) (al. 2). Afin de permettre la construction de logements supplémentaires, le département peut autoriser une augmentation de la hauteur du gabarit, à condition que celle-ci ne compromette pas l'harmonie urbanistique de la rue ; il est notamment tenu compte du gabarit des immeubles voisins (al. 3). Après consultation de la commune et de la CMNS, le département établit des cartes indicatives, par quartier, des immeubles susceptibles d'être surélevés. La délivrance d'une autorisation en application de l'al. 3 est subordonnée à l'adoption par le Conseil d'État de la carte applicable à l'immeuble concerné (al. 4). À front ou en retrait des voies publiques ou privées, la hauteur du gabarit ne peut toutefois pas dépasser de plus de 6 m la distance fixée entre alignements (H D + 6). La hauteur du gabarit est calculée, par rapport aux limites de propriétés privées, conformément aux dispositions de l'art. 25 al. 2 (H 2D + 6) (al. 5). La hauteur de la ligne verticale du gabarit ne peut dépasser nulle part 24 m (H 24). Afin de permettre la construction de logements supplémentaires au sens des al. 3 à 5, la hauteur de la ligne verticale du gabarit ne peut dépasser nulle part 30 m (H 30) (al. 6).

c. Aux termes de l'art. 20 RCI, pour le calcul du gabarit, le point de référence au sol est mesuré conformément aux dispositions du plan d'aménagement ou des prescriptions du département ou, à défaut, à partir du niveau moyen du terrain naturel adjacent (al. 1). En bordure des voies en pente, le point de référence est mesuré à l'axe des sections de façades, conformément aux dispositions des art. 35 al. 2 et 63 al. 2 LCI (voir croquis n° VI) (al. 2). Le point de référence du sol du gabarit des constructions situées à l'angle de deux rues en pente est mesuré du niveau moyen des deux rues (al. 3). Pour les constructions basses ou de peu d’importance, édifiées à la limite de propriété, le niveau considéré est celui de la parcelle sur laquelle elles reposent (al. 4).

Dans les quatre premières zones, les constructions doivent s'inscrire dans un gabarit théorique défini par le gabarit mesuré conformément aux dispositions de la loi pour chaque zone et le gabarit de toiture défini à l'art. 36 LCI (voir croquis n° I, II et III) (art. 21 al. 1 RCI).

Tant sur rue que sur cour, les constructions ne doivent pas dépasser les gabarits figurés aux croquis nos I et II (voir également : modes de calcul, art. 20 à 31 RCI) (art. 230 RCI).

d. L'art. 37 LCI, qui est une disposition commune aux quatre premières zones de construction, précise que sous réserve des dispositions de l’art. 10 LCI, les constructions d’angle ne peuvent avoir un gabarit différent du gabarit applicable au bloc auxquelles elles appartiennent, et cela sur une profondeur égale à celle de ce bloc (al. 1). Toutefois, sur préavis de la CA ou de la CMNS, le département peut déroger à cette disposition lorsqu’il est fait application de l’art. 21 al. 5 LCI (al. 2). En aucun cas cette profondeur ne peut dépasser 20 m (al. 3).

Lorsqu’une construction, sans être à angle de rues, a des façades sur des rues de largeurs différentes, la hauteur de la ligne verticale du gabarit est fixée par les dimensions de la rue la plus large (art. 38 LCI).

e. Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 LCI). Ils n'ont qu'un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi ; l'autorité reste libre de s'en écarter pour des motifs pertinents et en raison d'un intérêt public supérieur. Toutefois, lorsqu'un préavis est obligatoire, il convient de ne pas le minimiser (ATA/462/2020 du 7 mai 2020 consid.18 et les références citées).

Les préavis recueillis au cours de la procédure d'autorisation ne lient ni l'autorité exécutive cantonale, ni les autorités judiciaires. Ils sont en principe sans caractère contraignant pour l'autorité administrative, étant précisé que cette dernière ne saurait faire abstraction des préavis exprimés dans des conditions prévues par la loi (Stéphane GRODECKI, La jurisprudence en matière d'aménagement du territoire et de droit public des constructions rendue par le Tribunal administratif genevois en 2008, in RDAF 2009, n° 2, p. 130).

Chaque fois que l'autorité administrative suit les préavis des instances consultatives, les juridictions de recours observent une certaine retenue, lorsqu'il s'agit de tenir compte des circonstances locales ou de trancher de pures questions d'appréciation (ATF 136 I 265 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_579/2015 du 4 juillet 2016 consid. 5.1). Elles se limitent à examiner si le département ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (arrêt du Tribunal fédéral 1C_891/2013 du 29 mars 2015 consid. 8.2 ; ATA/258/2020 du 3 mars 2020 consid. 3c).

5) La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme au regard notamment de la volonté du législateur, telle qu'elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, en particulier de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique ; ATF 140 II 202 consid. 5.1). Appelé à interpréter une loi, le juge ne privilégie aucune de ces méthodes, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique (ATF 139 IV 270 consid. 2.2).

Le juge est en principe lié par un texte clair et sans équivoque. Ce principe n'est toutefois pas absolu, dès lors que le texte d'une norme peut ne pas correspondre à son sens véritable. L'autorité qui applique le droit ne peut ainsi s'en écarter que s'il existe des motifs sérieux de penser que sa lettre ne correspond pas en tous points au sens véritable de la disposition visée. De tels motifs sérieux peuvent résulter des travaux préparatoires, du fondement et du but de la prescription en cause, de même que de sa relation avec d'autres dispositions (ATF 138 II 557 consid. 7.1). En dehors du cadre ainsi défini, des considérations fondées sur le droit désirable ne permettent pas de s'écarter du texte clair de la loi, surtout si elle est récente (ATF 118 II 333 consid. 3e).

6) En l'espèce, la recourante ne conteste pas que le gabarit côté quai E______ ait été défini par la largeur de ce quai, soit 21 m, comme relevé par le TAPI. Elle ne conteste pas non plus que ce gabarit puisse être appliqué côté rue D______, comme cela était déjà le cas en réalité. En effet, le gabarit du bâtiment resterait quasiment inchangé après construction.

Elle ne peut toutefois pas être suivie lorsqu'elle soutient que la notion de « gabarit » ne concernerait que la hauteur de la façade du bâtiment.

En effet, l'art. 22 al. 1 LCI définit la notion de « gabarit » en expliquant que celui-ci est limité par un alignement et une ligne verticale de façade. En outre, comme l'a justement retenu le TAPI, l'art. 37 al. 1 LCI prévoit expressément que les constructions d’angle ne peuvent avoir un « gabarit différent » de celui applicable au bloc auquel elles appartiennent, sur une profondeur égale à celle de ce bloc, mais de 20 m au maximum. Or, la référence à l'idée d'un « bloc », qui constitue forcément l'ensemble d'un bâtiment avec ses caractéristiques en hauteur et en largeur, permet de conclure que l'art. 37 LCI ne limite pas le report uniquement à la hauteur de la façade du bâtiment. En outre, l'idée de « profondeur » ne peut que se rapporter à la largeur du bâtiment par opposition à sa hauteur.

Cette analyse est confirmée par la lecture d’autres dispositions de la LCI, notamment les art. 23 et 35 LCI, qui, elles, mentionnent spécifiquement les notions de « hauteur du gabarit » ou encore de « hauteur de la ligne verticale du gabarit ».

Il est vrai que d'autres dispositions de la LCI, par exemple l'art. 11 al. 3 LCI, se limitent à la notion de « gabarit », pour exprimer que cette notion se rattache uniquement à une question de hauteur de l'immeuble. Néanmoins, les références aux notions de « bloc » et de « profondeur » contenues à l'art. 37 al. 1 LCI permettent d'exclure que cette disposition limite le report uniquement à la hauteur de la façade du bâtiment.

Il apparaît ainsi que le législateur a effectué une dichotomie claire lorsqu'il a voulu préciser que la notion de « gabarit » devait exclusivement se rapporter à la hauteur.

En outre et comme l'a retenu le TAPI, une comparaison intercantonale et intercommunale n'est d'aucun secours à la recourante. En effet, les dispositions cantonales vaudoises invoquées et les principes retenus par d'autres cantons ne sont pas déterminants s’agissant de l’application et de l’interprétation d’une disposition de droit cantonal genevois dont le texte est, quoi qu’en pense l'intéressée, clair.

S'agissant de la question du point de départ des mesures de gabarits, qui aurait dû selon la recourante être calculé depuis son propre immeuble, les explications du département sur ce point sont convaincantes, en ce sens que même si son bâtiment avait dû servir d'alignement, la coupe C-C' annexée à son écriture du 7 mai 2021 démontre que la « largeur » du projet entrait dans le gabarit légal. Pour le surplus, le fait que le gabarit autorisé selon l’art. 23 LCI, fondé sur l’équation H D + 3, ne soit in casu pas respecté est précisément dû à l’application de l’art. 37 LCI, qui constitue une « lex specialis », comme retenu à nouveau à juste titre par le TAPI.

Les griefs sont ainsi mal fondés.

Enfin, il ressort du dossier que toutes les instances sollicitées ont délivré un préavis favorable, certaines sous conditions impératives à respecter, et ce après avoir sollicité des pièces complémentaires voire une modification du projet. Il en va ainsi par exemple de la DAC, du SMS ou encore de la CMNS, ce qui dénote d'un examen particulièrement minutieux du projet, notamment quant à la question du gabarit de l'immeuble en cause.

C'est partant sans violer la loi, ni son pouvoir d'appréciation, ni tomber dans l'arbitraire, que le département, se fondant sur l'ensemble de ces préavis, a délivré l'autorisation de construire querellée, ce que le TAPI a confirmé à juste titre.

7) En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.

8) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée à B______ à la charge de la recourante (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 février 2022 par A______ SA contre contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 janvier 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de A______ SA ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à B______ SA, à la charge de A______ SA ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Yannick Fernandez, avocat de la recourante, à Me Cécile Berger Meyer, avocate de B______ SA, au département du territoire-oac ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Poinsot

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :