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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4163/2020

ATA/94/2022 du 01.02.2022 sur JTAPI/650/2021 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : ZONE DE DÉVELOPPEMENT;SERVICES;AMÉNAGEMENT DES ABORDS;PRISE DE POSITION DE L'AUTORITÉ;EXCÈS ET ABUS DU POUVOIR D'APPRÉCIATION;POUVOIR DE DÉCISION;COMPÉTENCE
Normes : Cst.29.al2; LCI.3.al3; LaLAT.19; LaLAT.12.al4; LaLAT.22; LaLAT.30; LZIAM.4; RAZIDI.5.al1; RAZIDI.10; RAZIDI.9a
Résumé : Recours contre un refus du département d'autoriser la construction d'un service de vente au volant d'un restaurant existant en zone de développement industriel et artisanal. Tous les préavis étaient favorables mais le département a considéré avoir un motif objectif prépondérant pour s'en écarter, soit que les instances spécialisées n'avaient pas examiné la question de l'art. 5 RAZIDI, qui précise qu'une activité tertiaire peut être autorisée pour autant qu'elle "contribue à la diminution des mouvements pendulaires" notamment, et qu'elle contribue à l'accroissement du bien être des utilisateurs de la zone. Pas d'abus du pouvoir d'appréciation du département et rejet du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4163/2020-LCI ATA/94/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er février 2022

3ème section

 

dans la cause

 

A______, B_______ et C______
représentées par Me François Canonica, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 juin 2021 (JTAPI/650/2021)


EN FAIT

1) a. La parcelle n° 1______, située sur la commune de ______ (ci-après : la commune), à l’adresse ______, appartient à la société de droit français A______ (ci-après : A______). Elle jouxte les parcelles nos 2______, 3______ (toutes deux à l'ouest) et 4______ (au nord : occupée par la ______), appartenant respectivement au même propriétaire, à la commune et au canton de Genève.

b. Toutes ces parcelles se situent en zone de développement industriel et artisanal. Elles sont comprises dans un triangle rectangle (ci-après : le triangle) entre la ______ et la ______, avec un giratoire à leur croisement.

Ce triangle, d’une surface approximative d’un hectare, est régi :

- par la loi 13______ modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune (création d’une zone de développement industriel et artisanal au lieu-dit « D______») du 7 mai 1992 (ci-après : la loi 13______), et approuvant le plan n° 5______, ainsi que

- par l’arrêté du Conseil d’État du 19 mai 1993 déclarant le plan n° 6______ (ci-après : le plan directeur) et le règlement du 31 mars 1993 (ci-après : le règlement directeur), plan et règlement directeur au sens de l’art. 5 de la loi générale sur les zones de développement industriel du 13 décembre 1984 (LGZDI, devenue la loi générale sur les zones de développement industriel ou d’activités mixtes du 13 décembre 1984 (LZIAM - L 1 45).

2) Par arrêté du 31 janvier 2001, le Conseil d’État a autorisé l’application, aux conditions énoncées dans les considérants, des normes de la zone industrielle au bâtiment à construire, selon dossier DD 7______ présenté par la société à responsabilité limitée B______ sur les parcelles précédemment nos 8______ et 9______.

3) Un plan directeur de la zone de développement industriel et artisanal n° 10______ a été adopté par le Conseil d’État le 26 juillet 2017 pour le secteur adjacent, au sud-est du triangle, pour une surface d’environ huit hectares au lieu-dit « E______ ». Il était prévu la création, dans ce secteur, de plus de deux mille emplois.

4) C______ (ci-après : C______ ou l’exploitant) exploite un restaurant sur la parcelle no 1______ depuis 2004, pour le compte de B ______ (ci-après : B______), propriétaire du lieu.

5) Le 25 février 2020, B______ a déposé une demande d’autorisation de construire définitive auprès du département du territoire (ci-après : le département ou le DT), enregistrée sous DD 11______, afin de mettre en place un système de service au volant, pour fluidifier le service et améliorer l’accès et le départ du site. La zone où était situé le restaurant n’était plus adaptée aux besoins des utilisateurs et entraînait des problèmes de sécurité. Le projet visait en outre le réaménagement des extérieurs et une redéfinition des places de stationnement.

Le document A08 était joint à cette demande, faisant état de l’accord des propriétaires des parcelles nos 3______ et 4______, également concernées par ce projet.

Étaient notamment joints deux rapports : l’un de F______ (ci-après : F______), de novembre 2019, traitant de l’impact du projet en matière de protection de l’air, du climat et de bruit ; l’autre de G______ (ci-après : G______), de février 2020, sur les « éléments de circulation ». Leur contenu sera repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

6) Dans le cadre de l’instruction du dossier, toutes les instances spécialisées consultées se sont prononcées favorablement sur le projet, cas échéant sous conditions.

- l’office de l’urbanisme (ci-après : OU) s’est prononcé, à deux reprises. Dans son premier préavis le 15 mars 2020, il a précisé que ce projet avait été anticipé lors de la réalisation du bâtiment, et était « conforme à la zone actuelle, car il répondait au besoin de service de restauration de la zone industrielle ». Il allait permettre un « réaménagement qualitatif d’une cour de bâtiments industriels » et une meilleure gestion du trafic, chaotique dans cette zone aux heures des repas. Au vu des arguments et du soin apporté à l’étude par le mandataire, la direction était favorable à ce projet.

Le 2 septembre 2020, il a confirmé son premier préavis ;

- la Fondation pour les terrains industriels de Genève (ci-après : FTI) a émis deux préavis favorables sur le projet, sans observation, les 22 avril et 2 septembre 2020. Dans son premier préavis, la FTI précisait qu’une réflexion sur la mobilité avait été menée et des mesures prises afin de favoriser la mobilité douce. Un travail sur le cheminement des piétons allait être effectué, avec une sécurisation de la traversée entre les bâtiments, accompagnée d’une « stratégie végétale ». Selon une étude de mobilité réalisée par G______, le service au volant allait permettre de diminuer « la demande stationnement ( ) et le trafic induit par ce service serait très faible, sans impact significatif sur le réseau routier et l’environnement (air et bruit) » ;

- le service de l’air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA) s’est prononcé le 16 avril 2020. Le projet de service au volant était conforme à la zone selon l’ordonnance sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986 (OPB - RS 814.41). En outre, selon le rapport de F______ du 29 novembre 2019, le trafic induit par l’exploitation du service de vente au volant serait inférieur à 1 % sur les routes adjacentes au restaurant et n’allait pas engendrer une perception du bruit plus importante qu’à l’état futur sans projet. Les exigences de l’art. 9 OPB étaient respectées ;

- l’office cantonal des transports (ci-après : OCT) s’est prononcé à deux reprises sur le projet. Dans un premier préavis du 30 mars 2020, il a sollicité une modification des accès, de la giration des véhicules dans la file d’attente, de l’accès au parking souterrain, de la pérennité de l’aménagement prévu le long de la ______ et l’adaptation du formulaire N03, concernant les places de stationnement ;

le 26 juin 2020, au vu des modifications et compléments apportés, il s’est prononcé de manière favorable, sous condition. Il convenait de garantir que les totems indiquant l’accès au C______ n’empiètent pas sur la route carrossable et ne lèsent pas les conditions de visibilité. La végétation composant les massifs de graminées vivaces prévues sur les bandes végétalisées ne devait pas excéder 60 cm de hauteur ;

- le 10 juin 2020, l'office des autorisations de construire (ci-après : OAC), a confirmé, sans observations, son préavis du 26 février 2020 ;

- le 7 mai 2020, la commune n'a pas émis d’observations.

7) Par décision du 5 novembre 2020, le département a refusé d’octroyer l’autorisation de construire sollicitée.

Le projet n’était pas conforme à l’art. 19 al. 4 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) ni à l’art. 4 LZIAM.

Vu sa vocation commerciale, soit une activité appartenant au secteur tertiaire, le projet n’était pas conforme à l’affectation de la zone, vouée au secteur secondaire, ni conforme aux affectations spécifiées à l'art. 3 al. 2 du règlement directeur.

Il ne pouvait pas bénéficier du régime dérogatoire prévu à l’art. 5 du règlement sur les activités admissibles en zone industrielle ou de développement industriel, respectivement en zone de développement d'activités mixtes du 21 août 2013 (RAZIDI - L 1 45.05) les conditions n'étant pas remplies : 1) il n’était pas utile directement aux utilisateurs de la zone ; 2) il n'était pas de nature à accroître le bien-être des utilisateurs et 3) il allait manifestement à l’encontre de l’objectif de réduction des mouvements pendulaires, étant au contraire de nature à les accroître.

Si, certes, la FTI avait émis un préavis favorable, elle n’avait pas identifié la dérogation de l’art. 5 RAZIDI et n’avait pas examiné les exigences liées à son octroi. Il en allait de même du préavis favorable de l’OU.

8) Par acte du 9 décembre 2020, C______ et A______ (ci-après : les requérantes) ont interjeté recours auprès Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) contre la décision de refus d’autorisation précitée, concluant à son annulation et à ce que l’autorisation de construire soit octroyée. Cas échéant, il convenait de renvoyer le dossier au département pour nouvelle décision au sens des considérants. Préalablement, un transport sur place devait être ordonné.

Le département avait retenu à tort que le projet n’était pas conforme à l’affectation de la zone, vouée au secteur secondaire, ni aux affectations spécifiques du règlement directeur. La conformité d’une activité devait être examinée au regard de la loi 13______ et du règlement directeur. Ce n’était qu’à défaut de règles applicables dans ces deux instruments que les dispositions de la LZIAM et de son règlement d’application pouvaient trouver subsidiairement application.

En effet, le règlement directeur était une norme spéciale, spécifique à la zone concernée. Il réservait d’ailleurs expressément l’application des normes qu’il contenait.

Toutes les autorités consultées avaient délivré des préavis favorables, soulignant pour certaines que le projet était conforme à la zone actuelle et répondait au besoin de service de restauration dans la zone industrielle. L’autorité intimée avait méconnu le droit en considérant qu’il fallait appliquer le régime dérogatoire prévu à l’art. 5 RAZIDI, ignorant de ce fait la réglementation spécifique relative à la zone.

Or, selon celle-ci, le projet répondait à un réel besoin des utilisateurs et permettait de résoudre les problèmes de stationnement et de sécurité actuellement présents. En outre, le rapport G______ permettait de constater qu’un service au volant diminuerait la demande de stationnement dans la zone. Le trafic induit par service était « très faible, sans impact significatif sur le réseau routier et sur l’environnement (air et bruit). »

Le département avait en outre abusé de son pouvoir d’appréciation, dès lors que toutes les autorités techniques avaient émis un préavis favorable. Le département s’en était écarté sans motif prépondérant ni dûment établi, contrairement à ce qu’il indiquait dans ses écritures.

9) Le 17 décembre 2020, la commune a indiqué ne pas souhaiter intervenir dans la procédure.

10) Dans ses observations du 9 février 2021, le département a conclu au rejet du recours.

La position des instances de préavis consultées dans le cadre de l’instruction du projet n’était pas soutenable, raison pour laquelle il s’était écarté de leurs préavis. Elles n’avaient en effet pas analysé les dispositions légales topiques, soit notamment le plan directeur et l’art. 5 al. 1 RAZIDI.

Le projet, tel qu’envisagé, ne répondrait plus aux « besoins des utilisateurs de la zone », mais à ceux des personnes extérieures. Au regard du petit périmètre que représentait la zone, il était erroné de prétendre que les aménagements allaient répondre aux besoins de ses utilisateurs, puisque ceux-ci pouvaient facilement se déplacer à pied afin de pouvoir consommer sur place leurs repas ou à l’emporter.

11) Dans leurs observations du 3 mars 2021, les requérantes ont rappelé que le règlement directeur constituait une norme spéciale par rapport au RAZIDI. En effet, il réglait spécialement l’affectation de la zone concernée, tandis que le RAZIDI ne trouvait application qu’en l’absence de normes spécifiques ou à titre subsidiaire. Il ne ressortait d’ailleurs pas du RAZIDI qu’il avait pour vocation, lors de son adoption, d’abroger l’ensemble des règlements directeurs adoptés antérieurement.

Le projet répondait aux besoins des utilisateurs de la zone. Il avait d’ailleurs été élaboré à la suite du constat que cette dernière connaissait un réel problème de sécurité, lequel mettait ses utilisateurs en danger. L’aménagement de la zone, soit notamment la sécurisation du trafic, du transit et du cheminement piéton, était rendu possible par la mise en place du service de restauration au volant.

Il ressortait de la lecture des préavis que les instances spécialisées avaient examiné le projet en prenant en considération les dispositions applicables. En particulier, l’OU avait précisé que le projet était conforme à la zone actuelle et retenu qu’il permettait un réaménagement de qualité et une meilleure gestion du trafic.

La FTI avait, quant à elle, souligné les avantages en matière de mobilité douce et de sécurisation de la traversée entre les bâtiments. Sa compétence, en tant qu’instance spécialisée, ne pouvait être contestée ou remise en cause, la LZIAM lui déléguant diverses tâches liées aux zones de développement industriel et artisanal (art. 5 et 6 LZIAM notamment).

L’autorité intimée s’était écartée des préavis sans motifs prépondérants, abusant de ce fait de son pouvoir d’appréciation, voire faisant preuve d’arbitraire.

12) Dans ses observations du 25 mars 2021, le département a indiqué que les principes des art. 1 et 5 du RAZIDI étaient identiques à ceux de l’art. 3 du règlement directeur, c’est-à-dire que, dans les zones industrielles ou de développement industriel, les surfaces brutes de plancher (ci-après : SBP) étaient destinées à des activités économiques à vocation industrielle ou artisanale. Les exceptions, envisagées aux art. 5 al. 2 RAZIDI et 3 al. 2 du règlement directeur, visaient à contribuer au bien-être et aux besoins des utilisateurs de la zone.

Des activités de service étaient possibles à condition qu’elles soient utiles aux personnes actives dans le périmètre. Or, la création du service au volant n’était ainsi pas justifiée, les utilisateurs pouvant se déplacer à pied pour consommer sur place ou prendre des repas à l’emporter.

Ce genre de service favorisait uniquement les intérêts propres des requérantes, celles-ci ayant déjà, dès la construction du restaurant, eu comme volonté de le proposer. Le service au volant s’adressait en réalité aux entreprises non actives dans le périmètre de ce plan directeur. La preuve en était que la zone concernée n’était pas très dense et que les personnes actives n’étaient pas nombreuses. Il était légitime de s’écarter des préavis favorables des instances spécialisées, dès lors que ceux-ci ne mentionnaient pas les dispositions légales ni le plan directeur et son règlement, démontrant que les dispositions topiques n’avaient pas été analysées.

13) Dans une ultime réplique, les requérantes ont relevé « une analyse partisane de la situation » faite par le département et donc une conclusion arbitraire.

Le DT éludait la lettre claire de l’art. 3 al. 2 du règlement directeur. En outre, il ignorait l’art. 2 de la loi 13______, lequel précisait que les terrains compris dans la zone concernée étaient destinés à des activités industrielles, artisanales, commerciales et de services. Il existait un réel besoin sécuritaire et le projet faisait partie d’une vaste réflexion menée en amont sur ce point.

Le département ne pouvait justifier le refus de l’autorisation de construire au motif que l’activité envisagée profiterait également à des personnes extérieures à la zone, dès lors que le règlement directeur n’exigeait pas que l’activité déployée soit exclusivement destinée aux utilisateurs de la zone.

14) Par jugement du 24 juin 2021, le TAPI a rejeté le recours.

Le RAZIDI, adopté en application de la LZIAM, entré en vigueur en août 2013, était postérieur à la loi n° 13______ et au règlement directeur. Il n’avait pas abrogé les règlements antérieurs spécifiques à certaines zones, mais ajouté une strate normative supplémentaire. Conformément à l’art. 11 RAZIDI, ce règlement s’appliquait à toutes les demandes d’autorisation déposées après son entrée en vigueur.

Le département avait considéré que les deux règlements étaient de même rang législatif. Au plan systématique, le règlement directeur de la zone industrielle « E______ », adjacente, prévoyait l’application du RAZIDI. Il serait dès lors contraire à la systématique légale de ne pas l’appliquer aussi à la zone litigieuse.

Le département n'avait pas excédé son pouvoir d'appréciation en estimant que le service au volant ne s'adressait pas aux utilisateurs de la zone, mais plutôt aux personnes externes au périmètre et ne contribuait pas à une diminution des mouvements pendulaires. Les problèmes de sécurité et d'aménagement de la zone pouvaient être réglés sans être obligatoirement liés à la création d'un service de vente au volant.

Il s'était écarté des préavis des instances consultées pour des motifs prépondérants dûment établis, puisque ces dernières n'avaient pas retenu l'application des dispositions légales applicables ou uniquement partiellement, omettant en particulier l'analyse des conditions spécifiques du RAZIDI, avant de rendre les préavis.

Le but du règlement directeur et du RAZIDI était similaire s'agissant d'autoriser certaines activités de service. Les deux règlements visaient à autoriser de manière contrôlée l'implantation d'activités tertiaires dans des zones de développement industriel ou d'activités mixtes pour autant qu'elles soient utiles aux besoins des utilisateurs de la zone tout en garantissant dans la mesure du possible, qu'une telle zone reste dédiée aux secteurs industriels et artisanaux auxquelles elle était réservée, à l'exclusion des activités tertiaires. Le RAZIDI, plus précis et spécifique, imposait comme condition supplémentaire, la réduction du mouvement des pendulaires.

15) Par acte déposé au greffe le 27 août 2021, les précitées ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI en concluant à son annulation ainsi qu'à celle de la décision de refus d'autorisation de construire. Préalablement, devaient être ordonnés, un transport sur place, la production des procès-verbaux des séances de la direction de l'office des autorisations de construire (ci-après : OAC) relatives à l'autorisation de construire DD 11______, ainsi que la production d'éventuelles instructions écrites données par la hiérarchie du département du territoire en lien avec la demande d'autorisation de construire DD 11______.

Le projet était conforme à l’affectation de la zone. Il n’impliquait ni changement d’affectation, ni nouvelle construction puisqu’il portait uniquement sur le mode de retrait des repas, les voies d’accès et les aménagements extérieurs.

Le TAPI avait fait une application erronée de la LZIAM et du RAZIDI. Certes, les terrains compris dans la zone étaient régis par les dispositions applicables de la LZIAM, mais uniquement sous réserve expresse des règles spécifiques contenues dans le règlement directeur (art. 3 al. 1 du règlement directeur). C’était à tort que le TAPI avait considéré que le RAZIDI complétait le règlement directeur. L’application de chacun de ces règlements au cas d’espèce conduisait à un résultat différent, voire contradictoire puisque le RAZIDI venait ajouter une condition supplémentaire à l’admission d’une activité de service dans la zone considérée. Le conflit de norme devait être réglé en tenant compte du fait que le RAZIDI était une norme spéciale. Ainsi, seul l’art. 3 al. 2 du règlement directeur trouvait application. Tant l’OU que le SABRA l'avaient d’ailleurs reconnu. À raison, aucune des autorités consultées n’avait considéré, pas même l’OAC, qu’il fallait faire application du régime dérogatoire prévu à l’art. 5 RAZIDI.

Les conditions posées par l’art. 3 al. 1 et 2 du règlement directeur étaient remplies. Les terrains étaient affectés prioritairement, mais non exclusivement, à des activités industrielles et artisanales et, l’implantation de certaines activités commerciales et de services pouvait être autorisée en fonction des besoins des utilisateurs de la zone. Le projet répondait à un réel besoin des utilisateurs de la zone. Il permettait de rationaliser les déplacements sur l’ensemble de la zone, tout en tenant compte des projets futurs en matière de mobilité, notamment de mobilité douce. Il tenait également largement compte du bien-être et du confort de tous les usagers de la zone, de par l’aménagement d’espaces verts et la sécurisation des trajets piétons. Selon G______, 55 % des repas servis par le restaurant étaient pris à l’emporter, étant précisé que 90 % des clients étaient motorisés et que 80 % d’entre eux feraient usage du service au volant. La mise en place d’un service au volant permettait donc de résoudre, de manière efficace et sans engorger la zone, les besoins des utilisateurs. G______ précisait encore que l’augmentation du trafic engendré par le projet serait très marginale puisqu’elle ne serait de l’ordre de 0.2 à 0.4 %. Le projet était en conséquence conforme à la réglementation spécifique relative à la zone.

Les conditions exigées par la jurisprudence pour permettre au DT de s’écarter des préavis n’étaient pas remplies. Tous les préavis des autorités techniques consultatives étaient positifs y compris ceux du DT. L’OU avait expressément précisé que le projet était conforme à la zone actuelle. Le SABRA avait fait référence au plan n° 5______. Le DT n’avait pas pris en compte les spécificités du lieu notamment celle de la zone adjacente à venir. En appliquant l’art. 5 al. 1 RAZIDI, le département avait fait un usage excessif, respectivement abusif, de son pouvoir d’appréciation en refusant d’octroyer l’autorisation sollicitée.

16) Dans ses observations du 27 septembre 2021, le département a conclu au rejet du recours.

Le service au volant n'était pas conforme à l'affectation de la zone dans la mesure où il ne visait pas à améliorer la situation des personnes actives dans
celle-ci, mais celles de personnes venant de l'extérieur.

Il n'était pas contesté que l'ensemble des préavis émis était favorable à ce projet, avec ou sans réserves. Le département considérait cependant qu'il était en droit de s'en écarter, dès lors que l'examen que certaines instances avaient fait de la situation était contraire à la mise en œuvre du plan directeur n° 12______ et de son règlement d'application en son art. 3 al. 1 ainsi que des art. 1 et 5 RAZIDI. Il n'y avait rien de contradictoire à ce qu'il refuse l'autorisation de construire sollicitée, alors que, par exemple, il avait rendu deux préavis favorables concernant la conformité du projet avec les articles 1er et ss de la loi sur les constructions et installations diverses du 14 avril 1988 (L 5 05- LCI).

La décision finale prise par le DT, en l’occurrence de refuser l’autorisation, devait tenir compte de tous les préavis et procéder à une pesée de tous les intérêts en présence. B______ et consorts étaient conscients qu’un service au volant n’était pas autorisé puisque le Conseil d’État les en avait déjà informés dans une décision du 26 août 2009.

La problématique juridique ne relevait pas d’un conflit de normes. Seule la question de la mise en œuvre des art. 1 et 5 RAZIDI pouvait tout au plus se poser dès lors que l’adoption du règlement directeur était antérieure [recte : postérieure] à la loi 13______. Les études techniques produites par les recourantes prouvaient que des personnes extérieures à la zone feraient principalement appel à ses services. Le périmètre concerné s’étendait, approximativement et pour les points les plus « péjorants» sur une longueur de 441 m pour une largeur de 391 m, distance qui pouvait être facilement parcourue à pied, l’utilisation de véhicules pouvant même être considérée comme étant plus contraignante. La création d’un service au volant allait surtout profiter aux personnes qui n’étaient pas actives dans le périmètre du plan.

Était produite copie d’un courrier du 26 août 2009 du Conseil d’État. « Ainsi que ses différents départements et offices ont déjà eu l’occasion de vous l’expliquer à plusieurs reprises, la possibilité d’exploiter un restaurant avec " service au volant" sur la zone dans laquelle votre établissement est situé n’est pas envisageable ». Cela n’était pas compatible avec le plan directeur et son règlement. Si l’ouverture du restaurant avait pu, à l’époque, être considérée comme respectant le but du plan directeur et du règlement idoine, force était malheureusement de constater qu’il n’en allait pas de même de l’exploitation d’un service au volant, par définition, exclusivement dévolu à une clientèle de passage. Les préavis de la FTI et de la direction générale de l’aménagement du territoire étaient par ailleurs défavorables.

17) Les recourantes ont répliqué le 21 octobre 2021.

L’OAC reconnaissait qu’aujourd’hui déjà « l’essentiel des personnes amenées à fréquenter ce restaurant ne sont pas actives dans cette zone ». Ainsi, les futurs utilisateurs du service au volant fréquentaient en conséquence déjà le restaurant. Le projet proposait une solution logistique permettant de résoudre les importants problèmes de stationnement et, par corollaire, de sécurité. D’évidence, cette redéfinition bénéficierait, en premier lieu, aux utilisateurs de la zone.

18) Le 19 novembre 2021, le département a dupliqué.

Contrairement à ce qu’affirmaient les recourantes à aucun moment le département n’avait évoqué une quelconque problématique de changement d’affectation. L’autorisation portait uniquement sur des modifications liées aux aménagements extérieurs. Les recourantes faisaient état du « pouvoir d’attraction de l’enseigne ». Le fait que le restaurant ne réponde en conséquence plus aux principes définis par le plan directeur et à son règlement en raison dudit "pouvoir d’attraction " de l’enseigne ne pouvait pas justifier une péjoration de la situation, par, notamment, la mise en œuvre d’un service au volant. Le projet n’était pas compatible avec la zone de développement artisanal et industriel concernée. Il devait être refusé ne serait-ce que par application de l’art. 22 al. 2 LAT.

19) Sur quoi, les parties ont été informées le 23 novembre 2021, que la cause a était gardée à juger.

20) Les arguments des parties et le contenu des pièces seront repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 -LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Le droit d'être entendu, garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit pour les parties de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Ce droit ne s'étend toutefois qu'aux éléments pertinents pour décider de l'issue du litige et le droit de faire administrer des preuves n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3).

Ces principes s'appliquent en particulier à la tenue d'une inspection locale, en l'absence d'une disposition cantonale qui imposerait une telle mesure d'instruction, étant précisé qu'une telle disposition n'existe pas en droit genevois (ATF 120 Ib 224 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_243/2013 du 27 septembre 2013 consid. 3.2.1 ; ATA/720/2012 du 30 octobre 2012 consid. 3).

b. En l'espèce, les recourantes sollicitent préalablement un transport sur place ainsi que la production d'une part, des procès-verbaux des séances de la direction de l'OAC relatives à l'autorisation de construire DD 11______, d'autre part des éventuelles instructions écrites de la hiérarchie du département en lien avec cette demande.

Le transport sur place devait prouver les problèmes auxquels est actuellement confrontée la zone et permettre de déterminer l’évolution attendue des parcelles concernées en cas de réalisation du projet. Les procès-verbaux devaient servir à établir les raisons du revirement de position du DT afin de comprendre pour quelle(s) raison(s) l’OAC, après avoir préavisé favorablement le projet à deux reprises, a finalement refusé de délivrer l’autorisation de construire sollicitée.

La chambre de céans, à l'instar du TAPI, estime que le dossier contient les éléments suffisants et nécessaires à l'examen des griefs et arguments mis en avant par les parties. En particulier, les plans versés au dossier ainsi que les outils disponibles sur internet, soit notamment le système d'information du territoire genevois (ci-après : SITG), permettent parfaitement de visualiser l'emplacement du projet litigieux, de sorte qu'une inspection locale, non obligatoire en soi, ne fournirait pas d'informations pertinentes supplémentaires.

Par ailleurs, les problèmes de stationnement ou de circulation auxquels la zone est actuellement confrontée ne sont pas pertinents pour l’issue du litige. De même, l’évolution attendue des parcelles concernées en cas de réalisation du projet ressort notamment du document complet et fouillé produit par les recourantes sous la plume de G______.

S'agissant de la production des autres documents, celle-ci n'est pas pertinente dans la mesure où le département a expliqué de manière détaillée sa position dans le cadre des échanges intervenus au cours de la procédure.

Les différentes instances consultent et formulent un préavis dans leur domaine de compétence. Il appartient au seul département, à la suite d’une pesée des intérêts, de rendre une décision tenant compte de l’ensemble des avis formulés dans le cadre de l’instruction d’un dossier. Dès lors, la production des
procès-verbaux sollicités n’est pas pertinente. Elle ne l’est pas non plus pour les motifs détaillés dans les considérants qui suivent.

Partant, ces requêtes seront rejetées.

3) L’objet du litige consiste à déterminer si le DT était fondé à refuser la DD en application notamment de l’art. 5 RAZIDI, les recourantes contestant qu’il soit applicable, subsidiairement que ses conditions en soient remplies.

4) Aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente (art. 22 al. 1 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 - LAT - RS 700 ; art. 1 al. 1 LCI). L'autorisation est délivrée si la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone (art. 22 al. 2 let. a LAT) et si le terrain est équipé (art. 22 al. 2 let. b LAT). Le droit fédéral et le droit cantonal peuvent poser d'autres conditions (art. 22 al. 3 LAT). Dès que les conditions légales sont réunies, le département est tenu de délivrer l'autorisation de construire (art. 1 al. 5 LCI).

5) a. Selon l’art. 14 LAT, les plans d’affectation règlent le mode d’utilisation du sol. Ils définissent en premier lieu les zones à bâtir, les zones agricoles et les zones à protéger.

b. À Genève, l’art. 12 LaLAT précise que, pour déterminer l’affectation du sol sur l’ensemble du territoire cantonal, celui-ci est réparti en zones (al. 1), lesquelles sont de trois types (al. 2), à savoir les zones ordinaires (let. a ; voir aussi art. 18 à 27), les zones de développement (let. b ; voir aussi art. 30 à 30B) et les zones protégées (let. c ; voir aussi art. 28).

c. L’art. 19 LaLAT détaille les zones à bâtir. L’art. 19 al. 4 LaLAT prévoit que les zones industrielles et artisanales sont destinées aux constructions industrielles, artisanales et ferroviaires. Ainsi, selon la systématique suivie par le législateur genevois, les zones industrielles font partie des zones à bâtir, qui sont elles-mêmes englobées dans les zones ordinaires au sens des art. 12 et 18 LaLAT (ATA/518/2010 du 3 août 2010 consid. 4b).

d. Selon l’art. 12 al. 4 LaLAT, dont la note marginale est « zones de développement », en vue de favoriser l’urbanisation, la restructuration de certains territoires, l’extension des villages ou de zones existantes, la création de zones d’activités publiques ou privées, le Grand Conseil peut délimiter des périmètres de développement, dits zones de développement, dont il fixe le régime d’affectation. Le Grand Conseil peut créer des zones de développement vouées à des affectations spécifiques qui précisent celles visées aux art. 19, 30 et 30A ou au besoin s’en écartent. À l’intérieur de ces périmètres, le Conseil d’État peut, en vue de la délivrance d’une autorisation de construire, autoriser le département à faire application des normes résultant de la zone de développement, en lieu et place de celles de la zone à laquelle elle se substitue.

e. Selon l’art. 30 LaLAT, les zones de développement sont régies, selon leur affectation, par la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35) et par la LZIAM.

f. La LaLAT distingue ainsi les zones industrielles et artisanales « ordinaires » (art. 19 al. 4 LaLAT) et les zones de développement industriel et artisanal (art. 30 LaLAT et LZIAM).

6) Le 2 novembre 2011, le Conseil d’État a présenté le projet de loi PL 10'861 modifiant l’ancienne loi générale sur les zones de développement industriel du 13 décembre 1984 (LGZDI, devenue LZIAM). Il s’agissait d’instaurer un nouveau type de zone d’activités (« zone de développement d’activités mixtes »), dans le but de favoriser la mixité entre les activités secondaires et tertiaires et d’assurer ainsi une densification des espaces disponibles et une meilleure intégration des activités aux zones urbanisées (PL 10'861, p. 6). La nouvelle loi 10'861 a été adoptée par le Grand Conseil le 22 mars 2012 et est entrée en vigueur le 28 août 2013.

7) a. La LZIAM a pour but de fixer les conditions applicables à l’aménagement et l’occupation rationnelle des zones de développement industriel, dévolues aux activités industrielles et artisanales (ci-après : activités du secteur secondaire), ainsi que des zones de développement d’activités mixtes, dévolues aux activités des secteurs secondaire et tertiaire, y compris les activités culturelles et festives (art. 1 al. 1 LZIAM). Les zones de développement d’activités mixtes comportent au minimum 60 % des surfaces brutes de plancher dévolues à des activités du secteur secondaire (art. 1 al. 2 LZIAM).

b. Selon l’art. 4 al. 1 LZIAM, dans les zones de développement industriel et les zones de développement d’activités mixtes, le Conseil d’État peut, en vue de la délivrance de l’autorisation de construire, autoriser l’application des normes de la zone industrielle ou de la zone de développement d’activités mixtes au sens de la LaLAT. Cette décision est subordonnée à l’approbation préalable : a) des plans et règlements directeurs au sens des art. 2 et 3 ou, le cas échéant, d’un plan localisé de quartier (ci-après : PLQ) fixant tout ou partie des éléments énoncés dans
l’art. 3 LGZD ; b) des conditions particulières applicables au projet présenté, notamment : 1° le prix du terrain, qui doit être agréé sur la base des prix admis dans chaque zone de développement industriel ou d’activités mixtes, 2° les loyers et les prix des locaux industriels ou artisanaux répondant à un besoin d’intérêt général, qui doivent respecter les montants maximums fixés pour chaque zone de développement d’activités mixtes par le Conseil d’État, 3° les loyers et les prix des locaux destinés à des activités tertiaires dans les zones de développement d’activités mixtes, dont les montants doivent être comparables aux prix du marché.

8) a. Le RAZIDI a été adopté par le Conseil d’État le 21 août 2013 et est entré en vigueur le 28 août 2013.

b. L’art. 1 RAZIDI, norme secondaire concrétisant l’art. 1 LZIAM et définissant les activités admissibles dans les zones concernées, connaît un régime d’exception à l’art. 5 RAZIDI.

c. Selon l’art. 5 al. 1 RAZIDI, en dérogation à l'art. 1, un régime d’exception peut être conféré à certaines entreprises prestataires de services utiles aux utilisateurs des zones industrielles (travailleurs, clients, fournisseurs), si l'implantation de ces entreprises en zone industrielle est susceptible de contribuer significativement à la réduction des mouvements pendulaires et à l'accroissement du bien-être des utilisateurs. Le régime d’exception pourra être accordé notamment en faveur de tea-rooms et cafés-restaurants, d'épiceries, d'agences de distribution de tabacs et journaux, de guichets bancaires, de fitness, d'offices postaux, ou encore de garderies d’enfants.

d. Selon l’art. 10 RAZIDI, l’art. 9A s’applique à toutes les demandes d’autorisation déposées après son entrée en vigueur.

e. Selon ce dernier article, après examen de la demande définitive d’autorisation de construire, le département chargé des autorisations de construire, en application de l’art. 4 al. 1 let. b LZIAM, fixe les conditions particulières conformément à cet article et statue sur l’application au projet présenté des normes de la zone de développement industriel, respectivement de la zone de développement d’activités mixtes (art. 9A RAZIDI).

9) a. Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 LCI). Ils n'ont qu'un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi ; l'autorité reste libre de s'en écarter pour des motifs pertinents et en raison d'un intérêt public supérieur. Toutefois, lorsqu'un préavis est obligatoire, il convient de ne pas le minimiser (ATA/462/2020 du 7 mai 2020 consid.18 et les références citées).

Les préavis recueillis au cours de la procédure d'autorisation ne lient ni l'autorité exécutive cantonale, ni les autorités judiciaires. Ils sont en principe sans caractère contraignant pour l'autorité administrative, étant précisé que cette dernière ne saurait faire abstraction des préavis exprimés dans des conditions prévues par la loi (Stéphane GRODECKI, La jurisprudence en matière d'aménagement du territoire et de droit public des constructions rendue par le Tribunal administratif genevois en 2008, in RDAF 2009, n° 2, p. 130).

b. Selon une jurisprudence bien établie, les juridictions administratives observent une certaine retenue pour éviter de substituer leur propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l'autorité inférieure suive l'avis de celles-ci. Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/1125/2020 du 10 novembre 2020 ; ATA/1279/2018 du 27 novembre 2018). De même, s'agissant des jugements rendus par le TAPI, la chambre administrative exerce son pouvoir d'examen avec retenue car celui-ci se compose pour partie de personnes possédant des compétences techniques spécifiques (ATA/439/2021 du 20 avril 2021 consid. 6d ; ATA/373/2016 du 3 mai 2016 consid. 9d et les références).

c. Lorsque l'autorité s'écarte des préavis, le tribunal peut revoir librement l'interprétation des notions juridiques indéterminées, mais contrôle sous le seul angle de l'excès et de l'abus de pouvoir l'exercice de la liberté d'appréciation de l'administration, en mettant l'accent sur le principe de la proportionnalité en cas de refus malgré un préavis favorable, et sur le respect de l'intérêt public en cas d'octroi de l'autorisation malgré un préavis défavorable (ATA/1357/2017 du 3 octobre 2017 consid. 5b ; ATA/534/2016 du 21 juin 2016 et les références citées).

10) La délivrance des autorisations de construire demeure de la compétence exclusive du département à qui il appartient de statuer en tenant compte de tous les intérêts en présence (ATA/439/2021 du 20 avril 2021 ; ATA/318/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/828/2015 du 11 août 2015 ; ATA/699/2015 du 30 juin 2015).

11) Une décision est arbitraire lorsqu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. À cet égard, le Tribunal fédéral ne s’écarte de la solution retenue par l’autorité cantonale de dernière instance que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d’un droit certain. L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable. Pour qu’une décision soit annulée pour cause d’arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 128 I 177consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4P.149/2000 du 2 avril 2001 consid. 2 et les arrêts cités).

12) En l’espèce, les parties ne contestent pas que la LZIAM trouve application, à l’instar de la loi 13______ et du règlement directeur. Seule l’application du RAZIDI est litigieuse.

a. Aux termes de la loi 13______, les terrains compris dans [le triangle] sont destinés à des activités industrielles, artisanales, commerciales et de services (art. 2).

b. Selon le règlement directeur, les terrains situés dans le périmètre du plan visé à l’art. 2 sont affectés prioritairement à des activités industrielles et artisanales ; ils sont régis, sous réserve des règles spécifiques contenues dans le présent règlement, par des dispositions applicables aux zones industrielles et artisanales (art 19 al. 4 LaLAT et 80 et 81 LCI), ainsi que par les dispositions de la LGZD (art. 3 al. 1).

En fonction des besoins des utilisateurs de la zone, l’implantation de certaines activités commerciales et de service peut être autorisé (art. 3 al. 2 du règlement directeur).

Si les circonstances le justifient et que cette mesure ne porte pas atteinte au but général visé, le département des travaux publics peut déroger, après consultation de la commune et de la commission d’urbanisme, aux dispositions du plan et du règlement directeur (art. 7 al. 1 du règlement directeur).

c. Il ressort en conséquence de l’art. 3 al. 2 du règlement directeur que, si des activités commerciales et de services peuvent être autorisées, elles doivent l’être en fonction des besoins des utilisateurs de la zone. Référence est faite au seul triangle.

L’étude de G______ a mis en évidence le nombre de repas servis à divers moments de la journée. Il a comparé l’état actuel en 2016 avec un état de référence en 2020, sans service au volant et un état futur pour 2020 avec service au volant. Il a fait la distinction entre les jours de semaine et le week-end, entre les repas de midi et ceux du soir. Il peut être retenu que les utilisateurs d’une zone industrielle et artisanale s’y trouvent principalement en jour de semaine, pendant la journée et quittent ladite zone à compter de 19 heures. En conséquence, les graphiques relatifs aux repas du soir ainsi qu’au week-end n’apparaissent pas pertinents pour l’analyse des besoins des utilisateurs de la zone. Selon les chiffres produits, les repas de midi du lundi au vendredi représentaient en 2016 deux cent vingt repas au total. Parmi les clients venus en transport individuel motorisé (le 90 % des clients), cent dix emportaient leur repas alors que quatre-vingt-huit mangeaient à table. Vingt-deux repas concernaient des personnes venues en mobilité douce, à pied, en vélo ou en transports en communs (10 %).

La projection pour 2020, sans services au volant, laissait apparaître une augmentation des clients, pour un total de deux cent quarante-deux repas à midi en semaine. La proportion de 90 % de clients venus en transport motorisé et 10 % en mobilité douce restait identique. Le nombre de repas délivrés à des personnes venues en véhicule motorisé s’élevait à deux cent dix-huit.

Or, en 2020, avec le projet de service au volant, les recourantes escomptaient la vente de deux cent septante-huit repas en semaine à midi. La proportion des clients venus en mobilité douce été réduite à 8 % et celle des personnes en transport individuel motorisé augmenté à 92 %. Il était projeté que cent quarante-trois bénéficieraient de la nouvelle possibilité du service au volant, vingt-quatre continueraient avec des repas emportés alors que quatre-vingt-sept s’attableraient, soit un total de deux cent cinquante-quatre repas en lien avec du trafic motorisé.

Il ressort de ces chiffres que le projet doit permettre aux recourantes d’augmenter considérablement le nombre de repas servis, ne serait-ce qu’en semaine à midi. L’accroissement de leur activité commerciale devait intervenir grâce au développement du transport individuel motorisé. Or, il est patent qu'un tel mode de transport n'est pas compatible avec une zone d’un hectare. En conséquence et indépendamment de l’application du RAZIDI, le projet de construction soumis au département ne respecte pas le règlement directeur.

d. Les recourantes soutiennent que le projet serait utile aux utilisateurs de la zone afin de régler les importants problèmes de stationnement et, par corollaire, de sécurité. Elles soutiennent toutefois aussi que le projet ne consiste qu’en la modification des modalités de délivrance des repas aux utilisateurs. Les chiffres de l’étude de G______ prouvent cependant que la modification des seules « modalités de délivrance des repas » va augmenter pendant les heures d’activité des utilisateurs de la zone concernée, notamment, le nombre de véhicules motorisés y accédant. L’argument des recourantes relatif à l’augmentation de la sécurité et à la résolution des problèmes de stationnement ne peut en conséquence pas être suivi.

e. Par ailleurs et contrairement à ce que soutiennent les recourantes, le DT a tenu compte de l’extension de la zone industrielle et artisanale « E______ ». Il a mentionné dans ses écritures une zone plus grande que le triangle, d’une surface de 441 m de longueur pour une largeur de 391 m. Plus vaste, cette superficie pourrait plus facilement justifier l’utilisation d’un transport individuel motorisé. Outre que sa prise en compte n’est toutefois pas prévue par le règlement directeur concerné, elle ne peut justifier un service au volant pour les utilisateurs d’un périmètre tel que précité distants de quelques centaines de mètres tout au plus du restaurant concerné.

f. En conséquence, il existe des motifs prépondérants et dûment établis qui justifient que le département se soit écarté des préavis émis par les autorités techniques et consultatives, en l’absence, par les services spécialisés, de prise en compte, voire de définitions, de la zone concernée, des utilisateurs visés par le règlement directeur et de leurs besoins, et d’analyse des conséquences du projet avec la zone à l’aune des documents produits par les recourantes. Outre que les instances concernées n’ont pas appliqué le RAZIDI et se sont limitées au règlement directeur, la lecture qu’ils en ont fait ne correspond pas à son texte. C’est en conséquence sans abus ni excès de son pouvoir d’appréciation que le département a refusé l’autorisation sollicitée en considérant que le projet n’était pas compatible avec la zone de développement artisanal et industriel concernée.

La décision contestée respecte le principe de la proportionnalité. Les recourantes n’indiquent d’ailleurs pas se plaindre d’une violation de celui-ci. Le département explique, sans être contredit, qu’à l’époque où l’autorisation de construire a été délivrée, le 13 février 2001, le périmètre était particulièrement décentré. Le département avait considéré qu’il était utile en conséquence de proposer cette prestation afin d’éviter le déplacement des personnes qui étaient actives dans la zone. Or, la situation n’avait pas évolué dans le sens souhaité puisque l’essentiel des personnes amenées à fréquenter le restaurant n’étaient pas actives dans cette zone. La tendance s'était en conséquence inversée. Au vu du développement prévu de la zone industrielle et artisanale « E______ » les recourantes pourront bénéficier d’un large bassin de nouvelle clientèle apte à se déplacer en mobilité douce pour s’approvisionner dans leur établissement, de sorte que le principe de proportionnalité n'a pas été violé.

Partant, pour ce motif encore, la décision querellée sera confirmée.

13) La solution qui précède est confortée par l’analyse du grief portant sur le conflit de normes entre le RAZIDI et le règlement directeur invoqué par les recourantes.

a. On parle de conflit de normes lorsque plusieurs règles de droit sont susceptibles de s'appliquer à un état de fait donné, avec des conséquences juridiques différentes voire contradictoires (ATF 135 V 80 consid. 2.1 ; ATA/1000/2014 du 16 décembre 2014 ; Ernst A. KRAMER, Juristische Methodenlehre, 4ème éd., 2013, p. 111 s.).

b. En cas de conflit de normes s'appliquent trois règles classiques principales : lex superior derogat inferiori (la norme supérieure prime la norme inférieure), lex specialis derogat generali (la norme spéciale prime la norme générale), et lex posterior derogat anteriori (la norme postérieure prime la norme antérieure).

c. La primauté du droit supérieur découle du principe de la hiérarchie des normes (arrêt du Tribunal fédéral 2C_736/2010 du 23 février 2012 consid. 6.3). En présence de règles de droit contradictoires de rangs différents, le juge est tenu de se conformer à la règle supérieure. Entre les principes lex specialis derogat generali et lex posterior derogat anteriori, il n'existe pas de hiérarchie stricte (ATF 134 II 329 consid. 5.2).

14) a. Le RAZIDI est un règlement adopté par le Conseil d’État en application de l’art. 109 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst - GE - A 2 00) selon lequel le Conseil d’État promulgue les lois. Il est chargé de leur exécution et adopte à cet effet les règlements et arrêtés nécessaires (al. 4).

Selon l’art. 5 let a de la loi sur l'exercice des compétences du Conseil d'État et l'organisation de l'administration du 16 septembre 1993 (LECO - B 1 15), le Conseil d’État ne peut pas déléguer sa compétence règlementaire.

Aux termes de l’art. 1 du règlement d’exécution de la loi sur la forme, la publication et la promulgation des actes officiels du 15 janvier 1957 (RFPP -
B 2 05.01), les règlements sont les textes de portée générale adoptés par le Conseil d’État. Sont également qualifiés de règlements les textes dont l’une au moins des dispositions est de portée générale (al. 1). Les arrêtés et les décisions sont les textes sans portée générale adoptés par le Conseil d’État, conformément à l’art. 19 al. 1 let. a à f, de la loi sur la forme, la publication et la promulgation des actes officiels du 8 décembre 1956 (LFPP - B 2 05). Selon ce dernier, le recueil systématique de la législation genevoise contient l’ensemble des textes en vigueur adoptés par le corps électoral, par le Grand Conseil, par le Conseil d’État, ou par une autre autorité lorsque la loi le prévoit, à l’exclusion des actes qui concernent notamment un lieu considéré isolément (let. c) ou l’applicabilité d’un acte, d’un texte ou d’un plan déterminés (let. d).

En l’espèce, le RAZIDI est un règlement au sens de l’al. 1 de l’art. 1 RFF. Il est publié dans le recueil systématique genevois, conformément aux
art. 19 LFFP et 7 RFPP.

b. Le règlement directeur se réfère à l’art. 3 al. 1 LaLAT, la LCI et la LZDI, devenue la LZIAM.

Il a été approuvé par le Conseil d’État par un arrêté du 19 mai 1993. Un tel règlement est prévu par l’art. 3 LZIAM, lequel décrit son contenu. Il est établi par le département, lequel peut déléguer cette compétence (art. 5 al. 1 LZIAM). La procédure de son adoption est régie par la LGZD (art. 5 al. 3).

À certaines conditions, précisées à l’art. 4 al. 3 LZIAM, le Conseil d’État peut renoncer à l’élaboration d’un règlement directeur et autoriser l’application des normes de la ZI (art. 4 al. 1 LZIAM). Dans cette hypothèse, la construction prévue sera soumise à la LZIAM et son règlement d’application, le RAZIDI. L’absence de nécessité d’un règlement directeur confirme l’infériorité de son rang.

c. Les deux règlements ne sont en conséquence pas comparables et ne se trouvent pas au même niveau dans la hiérarchie des normes. Si, certes, le règlement directeur est plus spécifique, traitant de quelques parcelles précises, il ne peut déroger, sauf à le prévoir expressément, au RAZIDI, norme générale et abstraite s’appliquant à un nombre indéfini de situations. Le règlement directeur rappelle d’ailleurs en son art. 3 al. 1 qu’il est régi, sous réserve des règles spécifiques qu’il contiendrait, aux dispositions applicables aux zones industrielles et artisanales.

En conséquence, le projet querellé doit respecter non seulement le règlement directeur, mais aussi le RAZIDI, notamment la condition posée à l’art. 5, à savoir qu’il contribue significativement à la réduction des mouvements pendulaires et à l’accroissement du bien-être des consommateurs. Cet objectif, même s’il a été fixé dans une norme postérieure au plan et au règlement directeur, s’applique à la demande d’autorisation (art. 10 RAZIDI).

Or, conformément aux considérants qui précèdent, un service au volant contribuera à augmenter le trafic dans la zone concernée.

Les conditions posées tant par le règlement directeur que par l’art. 5 RAZIDI n’étant pas remplies le département n’a ni abusé ni excédé son pouvoir d’appréciation en refusant l’autorisation.

Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

15) Un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge des recourantes, prises solidairement (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 août 2021 par A______, B______ et C______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 juin 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de 1'500.- à charge de A______, B______ et C______ prises solidairement ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;


 

communique le présent arrêt à Me François Canonica, avocat des recourantes, au département du territoire-oac ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :