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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3054/2021

ATA/912/2022 du 13.09.2022 ( FPUBL ) , REJETE

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;VIOLATIONS DES DEVOIRS DE SERVICE;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;DROIT DE S'EXPLIQUER;MESURE DISCIPLINAIRE;RÉPRIMANDE;HARCÈLEMENT SEXUEL(DROIT DU TRAVAIL);PROPORTIONNALITÉ;ÉPIDÉMIE;VIRUS(MALADIE)
Normes : Cst.29.al2; LPA.61; LEPM.1.al1; RPAC.20; RPAC.21; HUG-statut.20; HUG-statut.21; HUG-statut.22.al1; HUG-statut.28.al1; LEPM.9; LPAC.16; LEg.3.al1; LEg.4; LPAC.2B.al1; RPAC.2; Cst.5.al2
Résumé : Confirmation d'un blâme prononcé aux motifs que le collaborateur, coordinateur infirmier, a tenu des propos, des plaisanteries, inappropriés en présence de trois collaboratrices sur lesquelles il exerçait un certain ascendant. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3054/2021-FPUBL ATA/912/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 septembre 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Didier Bottge, avocat

contre

HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENÈVE
représentés par Me Marc Hochmann Favre, avocat

 



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1970, a été engagé en 2002 en qualité d’infirmier en soins généraux par les Hôpitaux universitaires de Genève
(ci-après : HUG).

2) En 2002, 2003, 2004, 2007 et 2013, M. A______ a fait l’objet d’entretiens d’évaluation et de développement des compétences (ci-après : EEDC). Son évaluation globale a été jugée bonne à excellente de 2003 à 2013.

3) Dès la fin du mois de février 2020, M. A______ a été mis à la disposition de la Direction générale de la santé (ci-après : DGS), au sein de la cellule B______
(ci-après également : la cellule), rattachée au Service du médecin cantonal
(ci-après : SMC), en qualité d’expert infirmier. En avril 2020, il a été nommé infirmier coordinateur de la cellule.

Pour son activité professionnelle effectuée au SMC, M. A______ était sous la responsabilité du médecin cantonal, soit de Monsieur C______ jusqu’à fin juillet 2020, puis de Madame D______. M. A______ travaillait également en collaboration avec Monsieur E______, médecin coordinateur de la cellule.

4) M. A______ a cessé son activité à la cellule le 22 janvier 2021 pour reprendre ses fonctions aux HUG. Depuis le 1er mars 2021, l’intéressé occupe un poste à la Direction des soins des HUG, sous la supervision de Madame F______, adjointe de direction.

5) Par courrier du 19 janvier 2021, le Syndicat interprofessionnel des travailleuses et des travailleurs (ci-après : le SIT) a informé le directeur général du Département de la sécurité, de l’emploi et de la santé (ci-après : DSES) du fait qu’il avait reçu un témoignage de l’une de ses membres faisant état « d’attouchements sexuels » de la part d’un supérieur hiérarchique. Une plainte pénale avait été déposée le 29 décembre 2020. La personne avait déclaré avoir subi des attouchements sexuels lors d’un rendez-vous avec le coordinateur en date du 26 juin 2020. Elle avait exigé la cessation immédiate de ces actes. Suite à ce rendez-vous, elle s’était vu convoquée le 30 juin 2020 pour se voir signifier le non‑renouvellement de son contrat. Jusqu’à ce moment-là, le coordinateur lui avait assuré qu’il était très satisfait de son travail et souhaitait prolonger son contrat.

6) Par courrier du 21 janvier 2021, Mme D______ a informé Monsieur G______, directeur des ressources humaines (ci-après : DRH) des HUG de faits concernant M. A______.

En novembre 2020, une collaboratrice avait fait part d’un comportement irrespectueux et rapporté que M. A______ lui aurait fait une remarque inadéquate à connotation sexuelle. Surprise, la collaboratrice aurait répondu ne pas être intéressée. M. A______ aurait rétorqué trouver cela dommage. La collaboratrice n’avait pas relaté de geste ou de contact physique déplacé. Le 3 novembre 2020, en accord avec la médecin cantonale, le coordinateur médical avait convoqué M. A______ en entretien pour lui faire part des éléments rapportés. M. A______ aurait alors reconnu avoir eu des propos qu’il considérait être « quelques mauvaises blagues ». Il lui aurait expressément été demandé de cesser de tenir de tels propos, d’utiliser un vocabulaire adéquat et respectueux et de ne pas minimiser l’impact de ses paroles. M. A______ s’était engagé à fournir l’effort demandé.

En décembre 2020, une deuxième collaboratrice avait demandé à s’entretenir avec le coordinateur médical. Elle avait indiqué trouver anormal le comportement de M. A______. Depuis août, celui-ci aurait fréquemment fait des allusions sexuelles lorsqu’ils étaient seuls. Il n’y avait pas eu de geste déplacé ni de contact physique direct. C’était la répétition d’allusions qui la dérangeait. Néanmoins, deux semaines avant cet entretien, les allusions avaient cessé. Au vu de ce deuxième dévoilement de propos à connotation sexuelle de la part de M. A______, la médecin cantonale l’avait convoqué en entretien, le 23 décembre 2020. Elle avait partagé les faits rapportés, le collaborateur avait été entendu et avait nié les faits. Elle avait posé le cadre, rappelé que de tels propos n’étaient pas tolérés et exigé que cela cesse de suite. M. A______ s’était engagé clairement à maintenir un comportement irréprochable.

Le 17 janvier 2021, une troisième collaboratrice s’était entretenue avec le coordinateur médical. Elle avait rapporté que M. A______ aurait eu des paroles déplacées envers elle à connotation sexuelle et sur un ton suggestif. La collaboratrice aurait réagi de manière outrée en lui demandant de répéter ce qu’il avait dit. N’ayant pas obtenu de réponse, elle aurait décidé de conserver une certaine distance. Début janvier 2021, il y aurait eu un épisode de contact physique non consenti, épisode bref et unique (contact entre le dos de la main de M. A______ et les vêtements de la collaboratrice au niveau de la fesse) lors d’une séance de groupe.

Suite à cette nouvelle plainte, la médecin cantonale et le coordinateur médical avaient convoqué M. A______ à un nouvel entretien le 19 janvier 2021 au cours duquel ils avaient repris les faits évoqués, annoncé la transmission des événements au DRH des HUG et confirmé au collaborateur son retour aux HUG dans le délai convenu (pas d’élément de gravité entrainant un départ immédiat). Afin de respecter la demande de confidentialité des trois collaboratrices concernées, leur identité n’avait pas été révélée à M. A______. Seuls les faits susmentionnés lui avaient été rapportés.

Il importait également de préciser que des faits graves avaient été rapportés ultérieurement par une collaboratrice via les médias et le SIT. Cette collaboratrice n’avait pas donné satisfaction dans ses tâches, tant sur le plan du comportement que de ses prestations. Cette personne avait multiplié les demandes de rendez-vous car elle souhaitait que son contrat soit renouvelé malgré les reproches relatifs à la qualité de ses prestations. Elle n’avait à aucun moment fait état d’un comportement inapproprié à connotation sexuelle de la part de M. A______. Ils n’avaient pas d’éléments qui confirmeraient un comportement inapproprié de sa part à son égard.

7) Par courrier du 26 janvier 2021 adressé à M. G______, M. A______, par l’intermédiaire de son conseil, a contesté l’intégralité des faits dénoncés par Madame H______ par l’intermédiaire du SIT. De nombreux éléments tendaient à démontrer que la plainte avait été montée de toutes pièces et répondait manifestement à des desseins vengeurs, destinés à la destruction de la réputation et du parcours professionnel d’une personne.

8) Par courrier du 27 janvier 2021, M. G______ a demandé à Mme D______ s’il existait des procès-verbaux d’entretiens s’agissant des trois premières plaintes. Il souhaitait également vérifier si les plaignantes entendaient maintenir leurs plaintes et conserver leur anonymat.

9) Par courrier du 29 janvier 2021, les HUG ont pris acte du fait que M. A______ contestait l’intégralité des faits faisant l’objet de la dénonciation au DSES.

10) Le 15 février 2021, M. A______ a été convoqué à un entretien de service.

11) L’entretien de service a eu lieu le 5 mars 2021 en présence de M. A______, son avocate, Mme F______ et Monsieur I______, responsable des RH et adjoint de direction.

Le sujet de l’entretien se rapportait aux allégations de harcèlement sexuel et/ou de comportement inadapté en violation des art. 20, 21 et 23 du statut du personnel des HUG du 16 décembre 1999 (ci-après : le statut). Les faits allégués ont été exposés à M. A______, soit des extraits du courrier de Mme D______ du 21 janvier 2021, des extraits du courrier du SIT du 20 janvier 2021, ainsi que des extraits « des informations complémentaires transmises par M. E______ en date du 14 février 2021 ».

M. A______ s’est déterminé sur le contexte de la cellule, ainsi que sur les quatre plaintes. S’agissant du contexte, il a relevé que lorsqu’il avait commencé sa mission à la DGS, la cellule était très petite, soit composée d’une dizaine de personnes. Il avait rapidement pris un rôle de leader et d’expert. Lorsque la situation épidémiologique s’était aggravée, des renforts avaient été envoyés par des institutions partenaires et l’équipe s’était rapidement agrandie. Des vagues importantes de collaborateurs étaient venues prêter main-forte à la DGS. Il avait fallu former et encadrer ces personnes, ce qui avait engendré un volume de travail et d’heures effectuées très important. Le rythme était très intense et soutenu. Cette charge de travail et le stress liés aux situations à gérer avaient engendré un besoin de « se décharger » et « se détendre le soir venu ». Des moments d’échanges informels s’étaient ainsi créés en fin de journée et différentes personnes y participaient, y compris des médecins. Des sortes d’« apéros improvisés » s’organisaient et les gens « buvaient un coup » pour décompresser de la journée. En préparation de la deuxième vague, un groupe d’aspirants policiers était venu en renfort. L’atmosphère de travail avait alors changé. Il s’agissait d’un groupe de jeunes hommes d’environ une vingtaine d’années qu’il avait fallu canaliser. Leur attitude n’était pas la même que celle des soignants plus expérimentés, il fallait les reprendre sur leur posture et il y avait beaucoup de blagues orientées sur le sexe, les drogues, etc. Leur attitude était bien plus désinhibée. Il avait alors toléré, en partie, des comportements visiblement appréciés de tous. Il parlait d’ambiance « de caserne ». Les aspirants policiers étaient partis le 30 août 2020 après quoi quarante civilistes étaient arrivés. L’atmosphère était restée la même (humour, détente, etc.).

S’agissant de la première plainte, il a notamment indiqué qu’il échangeait de manière informelle à la machine à café avec un médecin qui lui avait demandé ce qu’il ferait une fois sa mission terminée à la DGS. Il lui avait dit qu’il partirait à la plage, ce à quoi le médecin avait répondu : « pour trouver les Allemandes en topless ? ». À ce moment-là était arrivée une personne qu’il considérait comme « fragile » et il lui avait demandé si elle irait à la plage avec lui, ce à quoi elle avait répondu « certainement pas ». Il s’agissait d’humour et non pas d’une invitation. Le lendemain, soit le 3 novembre 2020, M. A______ avait rencontré M. E______ pour leur point de situation hebdomadaire, lors duquel ce dernier lui avait mentionné que des « propos déplacés » lui avaient été rapportés. Il avait alors reconnu devoir être prudent car cela pouvait être mal interprété et qu’il fallait faire attention à ne pas heurter les personnes hypersensibles. C’était la première fois que cela lui avait été rapporté. Il a précisé que ces moments de détente étaient appréciés de tous et qu’il reconnaissait avoir « lâché du lest ». Il n’encourageait pas ce type de comportement mais tolérait d’une certaine manière ces moments informels où des blagues pouvaient être échangées. Il ne s’agissait pas de blagues sexistes ou inappropriées. L’exemple des « Allemandes aux seins nus » était pour la lui « la réalité des plages de l’Atlantique et rien de plus ».

S’agissant de la deuxième plainte, il réfutait catégoriquement les faits allégués. Il n’avait été seul avec personne. La personne qui avait porté cette allégation était amie avec celle ayant été soutenue par le SIT. Il s’interrogeait sur la temporalité de la plainte qui coïncidait avec celle de la collaboratrice du SIT. Il avait fait un sondage auprès de plus de 250 personnes afin d’avoir des retours et suggestions sur les choses à améliorer. Ce sondage était anonyme, de sorte que les personnes pouvaient s’exprimer librement. Il n’y avait pas eu de retours négatifs.

S’agissant de la troisième plainte, il n’avait jamais voulu toucher les fesses d’une collaboratrice. S’il avait voulu le faire, il ne l’aurait pas fait du revers de la main. Cet incident était survenu alors qu’ils se rendaient à une réunion et que beaucoup de monde y allait en même temps dans des couloirs exigus. Au passage d’une porte, le dos de sa main avait effleuré accidentellement la cuisse d’une collègue. Il s’était excusé et la personne avait répondu qu’il n’y avait pas de mal.

Il réfutait catégoriquement la plainte du SIT. Il avait déposé une plainte pénale à l’encontre de cette personne pour dénonciation calomnieuse le 26 février 2021.

Globalement, il a relevé que les entretiens de novembre 2020, décembre 2020 et janvier 2021 faisaient état de propos tenus en novembre 2020 et avant. Lorsqu’il lui avait été fait la remarque que ses propos étaient inappropriés, il les avait immédiatement cessés. Il convenait de faire la balance entre ces trois, voire quatre, plaintes et les plus de 200 retours positifs. Il estimait avoir été toujours intègre et professionnel. Il avait été très affecté par ces allégations qui avaient une incidence sur sa famille. Il n’avait jamais harcelé qui que ce soit, il s’agissait de malentendus. Il avait reçu beaucoup d’avances, qu’il avait toujours refusées.

12) Par courrier du 9 mars 2021, les HUG ont adressé à M. A______ le compte rendu de l’entretien de service du 5 mars 2021.

13) Par courrier du 26 mars 2021, M. A______ a fait part de ses observations.

Concernant la plainte du SIT, les HUG ne disposaient d’aucun élément avéré à son encontre, mais des preuves que la plaignante était dysfonctionnelle et cherchait à détruire sa personne par vengeance envers la médecin cantonale.

Concernant les allégations de comportement éventuellement inapproprié, les éléments reportés étaient des données ressenties, interprétées et retransmises quatre fois. Il était difficile d’apporter la lumière sur ces situations anciennes, en l’absence de précisions, de noms, de dates, de préjudices. Il s’agissait de malentendus et de perceptions dans un contexte de crise hors norme où seule la résilience d’équipe avait permis le succès de ses missions.

S’agissant de l’« ambiance de caserne », il s’agissait de la cohésion de groupe. Concernant les blagues, au sujet des drogues ou de sexe, c’était ce qu’il lui avait été rapporté par une collaboratrice peu avant le départ des aspirants policiers, ils étaient dans leurs derniers jours et difficilement gérables. Néanmoins, leurs plaisanteries n’étaient pas sexistes, mais plutôt des blagues d’adolescents et il n’avait reçu aucune plainte à ce sujet. Il avait eu des retours d’infirmières lui demandant d’entretenir cette ambiance.

En dépit de sa bonne entente avec M. E______ et de ses excellentes aptitudes professionnelles dans la gestion de la crise et son leadership naturel. Les infirmiers coordinateurs adjoints avaient souffert de l’attitude de M. E______, qui tendait parfois à l’autoritarisme, le clivage et à outrepasser la coordination infirmière. Ces attitudes changeantes les avaient déstabilisés. Les relations s’étaient tendues fin septembre. Alors que selon l’organigramme, ils devaient coordonner la cellule, M. E______ avait de plus en plus besoin de prendre l’ascendant. Il prenait souvent les collaborateurs à part pour leur poser des questions, pour connaître leur sentiment concernant telle ou telle personne.

Il n’avait fait aucune proposition sexuelle ciblant une personne de la cellule. Il pouvait même apporter les preuves qu’il refusait systématiquement les avances dans le but d’être irréprochable. Deux cents personnes (dont cent par écrit) lui avaient témoigné leur gratitude concernant son comportement personnel et professionnel. Il souhaitait être considéré comme victime au regard de l’atteinte violente et injuste à sa personne et des préjudices subis.

14) Par décision du 9 avril 2021, les HUG ont infligé un blâme à M. A______.

La décision reposait sur les propos à connotation sexuelle et/ou de caractère inadapté qui lui avaient été rapportés durant l’entretien du 5 mars 2021. En dépit de la lecture que M. A______ en faisait, les HUG estimaient que les propos tenus étaient constitutifs de harcèlement sexuel. En aucun cas les HUG ne pouvaient tolérer, même sous couvert de l’humour, que des propos à caractère sexiste puissent être tenus sur le lieu de travail et encore moins par des personnes chargées de fonction d’autorité. L’attention de M. A______ était attirée sur le fait que la décision ne tenait pas compte des allégations de harcèlement sexuel liées à la plainte pénale déposée à son encontre.

15) Le 19 avril 2021, M. A______ a formé recours contre cette décision auprès de la direction générale des HUG.

La direction des RH avait violé son pouvoir d’appréciation, le principe de proportionnalité et son droit d’être entendu.

Les faits rapportés ne comportaient aucun détail, de sorte que leur teneur n’était pas connue, ni même leur contexte, voire les personnes présentes et les dates. Les collaboratrices n’avaient donné aucun détail ni n’avaient été entendues dans le cadre de la procédure. Il n’avait jamais eu de propos de nature à blesser ou humilier qui que ce soit, ni de geste déplacé dans le cadre du travail. Il n’avait jamais eu de relations intimes avec un collaborateur. Seules des « plaisanteries collectives », dont il n’était pas le meneur, avaient été entretenues à la cellule, étant précisé que l’équipe avait un réel besoin de plaisanter pour relâcher l’incroyable tension psychologique, émotionnelle et physique compte tenu des types de cas traités et de la charge de travail liée à la situation sanitaire. Il n’avait jamais créé de climat de crainte et avait contribué à une bonne ambiance au travail, dans un esprit collégial, tel que cela avait été rapporté par les nombreux témoignages écrits, versés à la procédure. La récurrence des faits reprochés devait également être relativisée, dès lors qu’il avait dû coordonner une très grande équipe, dans des circonstances exceptionnelles, tant sur le plan humain que psychique et organisationnel. Son dossier ne comportait aucune plainte en près de 20 ans de carrière au sein des HUG. Les motifs avancés par les HUG ne démontraient pas qu’il avait eu des visées sexuelles à l’égard des dénonciatrices, pas plus qu’il avait eu l’intention de les humilier ou de les rabaisser, de sorte qu’un cas de harcèlement sexuel n’était pas démontré.

Son droit d’être entendu avait été violé à plusieurs titres. Les informations complémentaires transmises par M. E______ le 14 février 2021, figurant au compte rendu d’entretien du 5 mars 2021, ne lui avaient pas été transmises. La directive interne sur la protection de la personnalité ne lui avait pas été notifiée. Les personnes concernées par les plaintes n’avaient pas été entendues, ni auditionnées par les HUG.

16) Par décision du 3 août 2021, la direction générale des HUG a confirmé la décision du 9 avril 2021.

En sa qualité de supérieur hiérarchique, M. A______ se devait de rappeler les aspirants policiers à l’ordre et de maintenir un climat de travail sain, ou à tout le moins, non hostile, et ce d’autant plus qu’il avait lui-même considéré que certaines personnes étaient plus « fragiles » que le reste des collaborateurs, sans compter le fait qu’il avait également tenu certains propos incorrects. Cette ambiance de travail inappropriée et ces propos à connotation sexuelle, constitutifs de harcèlement sexuel peu important dans le contexte dans lequel ils avait été tenus, avaient heurté, à tout le moins, trois collaboratrices, dont la gestion était effectuée par M. A______, qui s’en étaient plaintes auprès de M. E______. M. A______ aurait dû faire preuve de retenue et ne pas penser que tous les collaborateurs et collaboratrices appréciaient cet « humour » déplacé et ce langage grossier, vexant et à connotation sexuelle. En raison du devoir de protection de l’employeur, les faits étaient présentés de manière anonymisée. Enfin, le blâme était la sanction la moins grave prévue par la LPAC, de sorte que la sanction respectait le principe de la proportionnalité.

17) Par acte expédié le 14 septembre 2021, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant, à titre préalable, à ce qu’il soit ordonné à la direction générale des HUG de produire l’identité des auteurs, circonstances et contenus exacts des dénonciations portées à son encontre. Principalement, il a conclu à l’annulation de la décision et au renvoi de la cause à la direction générale des HUG pour nouvelle décision.

Il a repris la motivation de son précédent recours concernant les griefs d’une violation de son droit d’être entendu et l’absence de harcèlement.

Il était dans l’impossibilité de défendre ses droits. Le fait de ne pas lui donner accès aux noms des dénonciatrices, de renoncer à procéder à leur audition et de renoncer à l’informer de la teneur des prétendus propos tenus constituait une limitation injustifiée du droit à pouvoir se déterminer en toute connaissance de cause. Il était contraint de se défendre sur des généralités pouvant être mal interprétées et décontextualisées. Le récit des collaboratrices n’était pas d’une gravité telle qu’il justifiait de conserver l’anonymat de ces dernières. S’ajoutait à cela qu’il n’avait jamais tenu de propos de nature à blesser ou humilier qui que ce soit, ni de geste déplacé dans le cadre du travail. Les termes « blagues de caserne » étaient contestés.

La décision contestée passait complètement sous silence la particularité du contexte professionnel de la cellule B______ ainsi que les nombreux témoignages figurant au dossier. L’appréciation du caractère inopportun, grossier et sexuel des prétendus propos tenus aurait néanmoins dû être faite à la lumière d’une telle situation.

À l’appui de son recours, il a notamment produit :

-          de nombreux témoignages, échanges Whatsapp et courriers électroniques, messages manuscrits de collègues ;

-          de nombreuses photographies de moments informels au sein de la cellule B______ ;

-          une plainte pénale datée du 26 février 2021 pour dénonciation calomnieuse au sens de l’art. 303 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) à l’encontre de Mme H______ ;

-          un procès-verbal d’audition devant la police judiciaire du 29 juin 2021 de Madame J______, infirmière, qui a notamment indiqué, au sujet de M. A______, qu’il s’agissait de « quelqu’un d’honnête et de bienveillant [(…)] qui menait son équipe avec souplesse et fermeté [(et)] était toujours à l’écoute des besoins des personnes ». Elle n’avait jamais vu M. A______ avoir un geste déplacé. S’agissant des mots, « dans les soins, il y avait des blagues qui pouvaient être mal perçues. Mais c’était pour la détente et non pour blesser les gens, ni pour les draguer. C’était aussi un moment de détente ou de légèreté. Et les blagues, c’était autant aux hommes qu’aux femmes. Et tout le monde fait ce genre de blagues, surtout dans les soins infirmiers, les médecins [(…)]. Ce n’était pas seulement M. A______ qui faisait ce genre de blagues ».

18) Le 11 novembre 2021, les HUG ont répondu au recours, concluant à son rejet.

La première plainte avait été déposée le 2 novembre 2020 par Madame K______, collaboratrice de la cellule B______. Il ressortait d’un document intitulé « compte rendu de situation du 2 novembre 2020 », non daté et rédigé par M. E______ et produit par les HUG dans leur réponse, que, le 2 novembre 2020, cette collaboratrice avait demandé à lui parler « en toute confidentialité » afin de lui rapporter le « comportement jugé irrespectueux de M. A______ ». La collaboratrice avait déclaré rapporter l’opinion partagée de plusieurs collaborateurs et collaboratrices craignant pour leur place de travail et leur contrat futur et hésitant à témoigner. Elle avait indiqué vouloir parler suite à l’affaire récente ayant secoué la RTS le 31 octobre 2020. Elle avait relevé que M. A______ lui avait fait « plusieurs allusions sexuelles » peu après son arrivée entre août et septembre 2020, rapportant notamment que, durant un entretien de service lié à la prolongation de son contrat de travail, M. A______ lui avait fait la remarque que ces choses « se discut[aient] contre une fessée ». Surprise, la collaboratrice avait répondu ne pas être intéressée. M. A______ avait alors rétorqué « trouver cela dommage et qu’il comptait proposer aux aspirants policiers traceurs à la cellule de l’assister ». La collaboratrice avait également rapporté plusieurs remarques jugées sexistes, sans précision, faites par M. A______ devant d’autres collaborateurs. Ces collaborateurs n'avaient pas réagi devant M. A______ ou avaient ri doucement mais avaient indiqué par la suite que si elle était leur sœur, ils n’auraient pas laissé passer la remarque. Elle avait ajouté que plusieurs collaboratrices avaient également reçu des allusions à caractère sexuel de la part de M. A______. Elle avait ressenti un profond malaise. La collaboratrice avait demandé à ce que son anonymat soit préservé, notamment par crainte pour sa carrière et de représailles de la part de M. A______.

Il avait alors convenu avec elle qu’elle lui indiquerait tout progrès ou problème constaté depuis ce jour et qu’elle encouragerait les collaborateurs et collaboratrices à venir lui parler de tout dysfonctionnement de ce type. Il avait également demandé à la collaboratrice d’indiquer à ces personnes que les responsables RH étaient à leur disposition pour toute confidence. Il avait rapporté l’ensemble des faits indiqués à sa supérieure hiérarchique le 2 novembre 2020. Ils avaient alors convenu qu’il verrait M. A______ en entretien afin de l’entendre et de s’assurer que si vérifiée, cette attitude cesserait immédiatement. Ils avaient également convenu que toute récidive signifierait un entretien avec elle. L’entretien avec M. A______ avait eu lieu le lendemain. Dans un souci de protection, il n’avait alors mentionné que des « conversations surprises et non la dénonciation d’une collaboratrice ». M. A______ avait alors réfuté toute notion de harcèlement sexuel ou d’avances à caractère sexuel. Il avait reconnu des « blagues de caserne » et indiqué vouloir contrôler son langage et son comportement et cesser immédiatement toute allusion à connotation sexuelle. Le 10 décembre 2020, Mme K______ s’était à nouveau entretenue avec lui. Elle lui avait indiqué avoir poussé d’autres personnes à lui parler. Elle avait reçu une nouvelle remarque de la part de M. A______ le jour même. Alors qu’elle lui indiquait se sentir impuissante face à l’actualité sanitaire, celui-ci lui avait glissé à l’oreille tout bas « ne t’en fais pas, moi je ne suis pas impuissant ». La collaboratrice ne souhaitait pas témoigner officiellement, craignant pour la suite de sa carrière auprès de son employeur et au vu de la position hiérarchique de M. A______. Elle ne souhaitait donc pas non plus que les citations, reproduites à fin informative, soient portées à sa connaissance.

La deuxième plainte avait été déposée le 9 décembre 2020 par Madame L______, collaboratrice de la cellule B______. Il ressortait d’un document intitulé « compte rendu de situation du 9 décembre 2020 », non daté et rédigé par M. E______ et produit par les HUG dans leur réponse, que la collaboratrice avait demandé à le voir pour lui parler d’un sujet qu’elle estimait grave et sensible. Elle avait indiqué « trouver anormal le comportement de M. A______ ». À aucun moment, elle n’avait évoqué de geste déplacé mais la répétition d’allusions. Elle ressentait un malaise par rapport à cette situation, qu’elle estimait inadéquate. Elle avait été figée par les remarques et ne pas avoir pu répondre sur le moment, bien que ressentant un malaise. À une occasion, lorsqu’elle avait dit à un traceur qui savait cuisiner « on doit te mettre en cage », M. A______ lui aurait dit : « j’étais sûr que tu aimais ça ». Elle avait également évoqué des « regards appuyés et une proximité physique inadéquate sans qu’il y ait d’attouchement proprement dit ». Par deux fois au minimum, lors de discussions avec M. A______, ce dernier avait fait mine de se caresser l’entrejambe devant les yeux de la collaboratrice. Les allusions avaient continué de façon itérative, sans régularité. Elles avaient cessé deux semaines auparavant. La collaboratrice avait souhaité lui parler sur l’impulsion d’une personne décrite comme proche et après avoir reçu le courriel de l’OCE parlant du harcèlement sexuel. Elle souhaitait rester anonyme mais ne s’opposait pas à un témoignage nominatif auprès de sa supérieure hiérarchique si elle avait l’assurance qu’il n’y aurait pas d’impact sur son travail. Il avait transmis ces nouvelles informations à sa supérieure hiérarchique le 10 décembre 2020. La collaboratrice craignait pour son contrat de travail et espérait que son témoignage éventuel n’aurait pas de conséquence sur celui-ci. Elle souhaitait que son nom ne soit pas connu de M. A______.

La troisième plainte avait été déposée le 17 janvier 2021 par une collaboratrice de la cellule. Il ressortait d’un document intitulé « compte rendu de situation du 17 janvier 2021 », non daté et rédigé par M. E______ et produit par les HUG dans leur réponse, que la collaboratrice avait demandé à le voir pour la première fois, ceci à la suggestion de sa supérieure hiérarchique de son autre temps partiel. Elle était en arrêt maladie lorsqu’elle avait demandé à le rencontrer. La rencontre avait eu lieu à l’extérieur des locaux de la cellule. Elle avait rapporté qu’en octobre 2020, M. A______ avait eu des paroles déplacées envers elle. Alors qu’elle s’adressait à M. A______ au sujet du logiciel utilisé dans la cellule et dans le cadre du travail, ce dernier lui avait répondu « moi aussi, j’ai bien pensé à toi… » d’un ton très suggestif. La collaboratrice avait alors été outrée et lui avait demandé de répéter ses propos, ce qu’il n'avait pas fait. Elle avait alors décidé de conserver une certaine distance à son égard. Elle avait également indiqué qu’à l’occasion d’une photographie de groupe le 7 janvier 2020 (sic), M. A______ lui avait proposé de « prendre un verre à l’extérieur », les mains posées sur son entrejambe dans un geste que la collaboratrice jugeait ostensible. Peu après, alors que M. A______ se tenait proche d’elle pour la photographie de groupe, ce dernier avait déplacé sa main et avait frotté sa fesse. Le contact avait été très bref.

Elle avait été sidérée par les agissements de M. A______ et elle éprouvait des difficultés à dormir depuis lors, en raison d’un sentiment de culpabilité, se demandant comment elle aurait dû et pu réagir. Elle s’en était confiée à son médecin. Plusieurs collaboratrices avaient subi des remarques déplacées émanant de M. A______. Elle craignait pour son contrat de travail et espérait que son témoignage n’aurait pas de conséquence sur celui-ci. Elle ne souhaitait pas être contactée dans le cadre de cette affaire, disant vouloir prioriser sa vie privée. Elle était d’accord que l’ensemble du compte rendu soit porté au dossier et partagé avec les parties. Il avait transmis ces nouvelles informations à sa supérieure hiérarchique le 17 janvier 2021, en indiquant que la dynamique négative rendait impossible de ne rien faire et que le dossier devait à ses yeux être investigué indépendamment du retour de M. A______ vers son employeur habituel. Ils avaient convenu de voir M. A______ en entretien le 19 janvier 2021. L’entretien avait principalement porté sur un courrier du SIT, reçu le matin même. M. A______ avait réfuté toute notion de harcèlement sexuel ou de geste déplacé et indiqué avoir stoppé ce qu’il estimait toujours être des « blagues de caserne » à la suite de l’entretien du 3 novembre 2020.

Il ressortait du courrier de Mme D______ du 21 janvier 2021 et des trois compte rendus de M. E______ que trois collaboratrices avaient été importunées par des propos à connotation sexuelle et le comportement déplacé de M. A______ à leur égard. Il s’agissait de remarques et de comportements grossiers et embarrassants à connotation sexuelle, soit de harcèlement sexuel au sens de
l’art. 4 de la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes du 24 mars 1995 (Loi sur l’égalité - LEg - RS 151.1). M. A______ n’avait pas seulement laissé cette « ambiance de caserne » s’instaurer mais avait également contribué à ce que cette ambiance nuisible perdure et se renforce en faisant lui-même des blagues qu’il qualifiait de « blagues de caserne » ou de « mauvaises blagues ». La surcharge ne pouvait justifier qu’il soit fait fi des règles élémentaires de courtoisie et de respect. Son comportement s’inscrivait dans une attitude répétée, malgré les remises à l’ordre données par ses supérieurs hiérarchiques.

Le fait que l’identité des collaboratrices ou les propos exacts tenus à leur égard n’aient pas été révélés n’était pas déterminant, leur intérêt à l’anonymat l’emportant sur celui de M. A______. En tout état, la violation de l’éventuel droit d’être entendu était réparable devant la chambre administrative.

La décision de prononcer un blâme respectait le principe de la proportionnalité ; aucune mesure moins incisive n’aurait pu atteindre le but visé par les HUG.

19) Dans sa réplique du 19 janvier 2022, M. A______ a persisté dans les conclusions de son recours, sollicitant l’audition de plusieurs témoins.

Il n’avait jamais employé le terme « blagues de caserne ». Il s’agissait d’un terme utilisé par M. E______. La cellule était débordée et sous pression permanente. Des ambiances de cohésion de groupe étaient nées dans ce contexte. L’humour était favorisé comme levier pour maintenir la cohésion. Le directeur des HUG, M. M______, utilisait ce même levier. Il avait même encouragé les collaborateurs des HUG à faire des vidéos humoristiques en déclarant notamment : « faites des petites vidéos et exprimez ce que vous avez besoin de dire à vos collègues […] allez y lâchez-vous on a besoin de rigoler, on a besoin aussi de sourire, on a besoin aussi d’émotions, on a besoin de vivre tout simplement ». L’humour était particulièrement pratiqué dans le milieu de la santé.

Il n’avait pas été le supérieur hiérarchique direct de Mme K______. Sa supérieure était Mme J______. Mme K______ n’était pas amenée à travailler à ses côtés. Plusieurs remarques relatives à l’attitude de celle-ci avaient été rapportées à Mme J______. Elle avait un comportement désinhibé, voire inadapté, sur son lieu de travail et faisait ostensiblement du charme aux aspirants policiers. Des propos tels qu’elle « passait plus de temps à draguer les aspirants policiers qu’à travailler » avaient également été rapportés. Il s’était toujours comporté de manière bienveillante et respectueuse à son égard, allant jusqu’à appuyer sa candidature auprès de la médecin cantonale. Les remarques jugées sexistes ou à connotation sexuelle relevaient uniquement d’interprétations subjectives de Mme K______. Elle n’avait jamais rapporté le moindre élément à sa supérieure, ni montré de prétendu malaise à son égard. Il ne s’était du reste jamais entretenu avec Mme K______ au sujet de la prolongation de son contrat de travail. Il n’avait pas été convoqué à un entretien avec M. E______ le 3 novembre 2020. La discussion avait eu lieu lors d’une séance hebdomadaire. L’échange avait été très bref et ne constituait en aucun cas un recadrage. En omettant de s’entretenir avec lui au sujet de la dénonciation d’une collaboratrice et en invitant celle-ci à encourager ses collègues à dénoncer tout comportement jugé inadapté, M. E______ avait éveillé une certaine forme de suspicion d’un comportement inadéquat et initié une sorte de campagne de dénigrement.

Mme L______ était « de nature plutôt fragile et dotée d’une personnalité correspondant peu à une cellule de crise ». Il ressortait de son rapport d’entretien individuel du 15 juin 2020 que l’intéressée se sentait « dans des conditions idéales. Elle était « très satisfaite de l’encadrement et de l’accueil ». C’était principalement dans le contexte « informel » d’un déjeuner sur un ponton situé sur le Pont de la Machine qu’il avait eu l’occasion d’échanger avec elle. Il n’avait jamais fait de remarques ou d’allusions sexistes ou déplacées. En janvier 2021, elle l’avait d’ailleurs remercié pour « l’accueil et les repas partagés au ponton ». Les « regards appuyés » et la « proximité physique inadéquate » étaient contestés, étant précisé que les regards, par le port journalier d’un masque chirurgical, étaient susceptibles d’être intensifiés. Il avait pu parfois avoir les mains posées sur ses cuisses, de manière tout à fait ordinaire, sans que cette gestuelle s’apparente à un quelconque comportement à connotation sexuelle.

Il avait reconnu la troisième plaignante comme étant Madame N______. S’agissant de la photographie du 7 janvier 2021 et bien qu’il n’ait aucun souvenir d’un quelconque frottement avec sa main, il était possible qu’il y ait eu un contact non intentionnel avec elle lorsqu’il avait descendu le bras. Il ne lui avait jamais proposé de prendre un verre à l’extérieur, dans la mesure où il n’entretenait pas de relation amicale particulière avec celle-ci. Il n’avait jamais « pensé » à elle, cette attitude ne reflétant en rien son comportement avec ses collaborateurs. Compte tenu du profil de l’intéressée, particulièrement axé sur les libertés de genre et de sexe, il avait été particulièrement vigilant dans leurs rapports. Elle marquait une sensibilité particulière dans ses échanges avec des collaborateurs masculins. Il avait même dû intervenir à sa demande car elle n’arrivait pas à dialoguer avec un collaborateur de la cellule. Il avait fini par affecter le collaborateur à une autre mission. Son témoignage n’était que le prolongement de la campagne d’investigation menée par Mme K______, encouragée par M. E______.

20) a. Lors de l’audience de comparution personnelle des parties qui s’est tenue le 28 janvier 2022, M. A______ a confirmé avoir intégré la cellule B______ dès la fin du mois de février 2020. La direction des soins avait accepté la prolongation de ses activités jusqu’en décembre 2020. En pratique, il y était resté jusqu’en janvier 2021 afin d’accompagner le nouveau responsable et terminer les travaux en cours. Il était responsable de la coordination et de la gestion de l’équipe, étant précisé que le personnel de la cellule restait affilié à leur institution. Il n’était dès lors pas leur responsable hiérarchique, même s’il était leur référant pour les problèmes professionnels rencontrés au sein de la cellule ; en revanche, en cas de problèmes personnels, il devait s’adresser à leur supérieur hiérarchique. Il n’était donc pas officiellement responsable du recrutement et de la résiliation des contrats des membres de son équipe. En sa qualité d’expert infirmier, il connaissait toutefois les profils adaptés aux besoins de la cellule. Il avait pu demander à ce que certaines personnes, qui avaient une expertise particulière, restent dans la cellule alors qu’il était prévu qu’elles réintègrent leur poste.

Au départ, les relations professionnelles avec M. E______ étaient excellentes, mais, au fil du temps, une tension s’était instaurée. Il avait constaté un changement d’attitude en septembre 2020, sans en comprendre les raisons. Les coordinateurs adjoints lui avaient d’ailleurs demandé de les protéger et il avait dû intervenir à fin octobre 2020. M. E______ avait adopté une attitude d’autoritarisme et souhaitait contrôler les infirmiers et le personnel administratif. On lui avait indiqué que la situation était difficile lorsqu’il n’était pas présent. Il arrivait à M. E______ d’initier un entretien sur des questions de personnes. Plusieurs collaborateurs s’en étaient plaints, notamment parce qu’il provoquait un clivage au sein des équipes et tenait des propos déloyaux. Dans le cadre de son équipe, il avait été régulièrement amené à recadrer les aspirants policiers et les civilistes pour leur attitude peu professionnelle. À une seule reprise, on lui avait rapporté des blagues d’aspirants policiers orientées sur la drogue et le sexe.

Il a contesté avoir été convoqué à un entretien pour discuter de la plainte de Mme K______. Il s’agissait d’une séance hebdomadaire de coordination. En fin de séance, M. E______ avait évoqué des blagues mal comprises autour de la machine à café, précisant qu’une personne avait été gênée par ces blagues. Il n’avait toutefois pas indiqué s’il s’agissait de l’une de ses blagues. M. A______ avait alors répondu qu’il resterait vigilant. Il contestait intégralement les faits décrits dans le compte rendu de situation du 2 novembre 2020. Il n’y avait jamais pu avoir d’entretien sur la question de la prolongation d’un contrat d’un membre de l’équipe puisque ces discussions se faisaient directement avec le médecin cantonal. Il ne se souvenait, en particulier, pas lui avoir dit qu’il n’était « pas impuissant », précisant que de tels propos ne correspondaient pas à sa personnalité.

S’agissant de la deuxième plainte, il a répondu qu’il ne se trouvait jamais seul avec les infirmières de la cellule. Il contestait vigoureusement les propos cités dans le compte rendu du 9 décembre 2020. Les locaux étaient tels que les frictions physiques étaient quotidiennes entre les personnes présentes.

Quant à la troisième plainte, M. A______ a contesté avoir employé le terme de « blagues de caserne ». Il avait peut-être évoqué des blagues de cohésion de groupe et des moments de relâchement autour de la machine à café. Il s’agissait de la deuxième fois en deux semaines qu’il lui faisait ce genre de reproches, de sorte qu’il avait tout de suite pensé à un complot. Pour lui, M. E______ était à l’origine de cette situation. Il contestait les propos mentionnés dans le compte rendu du 17 janvier 2021. La photographie avait été prise de manière conviviale et rapprochée. S’il avait pu avoir un geste en descendant son bras, ce geste avait été furtif et non volontaire.

Il vivait avec sa partenaire, avec qui il avait signé une convention de pacte civil de solidarité (PACS) de droit français, et leurs deux enfants.

21) Le 11 mars 2022, la chambre administrative a procédé à une audience d’enquêtes.

a. M. E______ a indiqué qu’il coordonnait l’intégralité de la cellule B______ sous la responsabilité de la médecin cantonale. Techniquement, il était le supérieur hiérarchique direct de M. A______. Le 2 novembre 2020, pendant la journée, Mme K______ était venue le voir à son bureau pour convenir d’un
rendez-vous. Ils s’étaient retrouvés à 18h00 dans un autre local du 2ème étage. Il ignorait pourquoi la plaignante était venue le voir, plutôt que sa responsable RH, précisant qu’il avait une bonne relation avec elle car ils avaient déjà eu des discussions sur ses ambitions professionnelles. Il l’avait encouragée à en parler avec sa responsable RH, soit Mme O______, précisant que les plaignantes avaient des contrats de durée déterminée et qu’il était possible qu’elles étaient mal à l’aise d’en parler avec la hiérarchie. Lors de la discussion du 2 novembre 2020, l’intéressée avait qualifié la situation dans laquelle elle se trouvait de grave. Le soir-même, il avait contacté la médecin cantonale pour lui faire part de la discussion et ils avaient convenu qu’il en discuterait le lendemain avec M. A______, ce qu’il avait fait en fin de séance. Il lui avait alors fait part d’un comportement jugé irrespectueux envers les collaboratrices, en particulier l’une d’entre elles, sans toutefois évoquer la rencontre de la veille. À son souvenir, M. A______ avait alors évoqué « des blagues de caserne », ce à quoi il avait répondu que même des blagues pouvaient constituer du harcèlement sexuel et qu’il convenait qu’il adopte un autre comportement, cessant toute allusion à connotation sexuelle. Il se souvenait précisément du terme « blague de caserne » utilisé par M. A______ car ce terme l’avait « percuté ». M. A______ l’avait alors remercié du feedback et ils avaient convenu d’en rester là. S’agissant de la discussion avec Mme L______ du 9 décembre 2020, le facteur déclencheur avait été une formation e-learning portant sur le harcèlement sexuel ainsi qu’une discussion avec la première plaignante qui l’avait encouragée à en parler. Lors de la discussion, Mme L______ avait exposé un malaise profond par rapport à la situation, qui relevait selon elle d’un harcèlement sexuel depuis août 2020. Il avait de la peine à discerner si les propos relayés par Mme L______ au sujet des allusions de M. A______ dataient d’avant ou d’après la discussion qu’il avait eue avec lui. La discussion avec la troisième plaignante avait eu lieu au parc des Bastions alors que celle-ci était en arrêt maladie. La demande de rendez-vous avait été faite par l’intermédiaire d’une collègue. La plaignante lui avait indiqué qu’elle était en arrêt maladie en lien avec la situation qu’elle lui avait décrite. Il avait réagi avec une forme de dépit. Lors de l’entretien du 19 janvier 2021, en présence de la médecin cantonale, M. A______ avait réitéré le terme de « blagues de caserne ». Il lui était arrivé, à une reprise, d’entendre M. A______ tenir des « propos ayant une allusion qui n’avait pas lieu d’être ». Il se souvient avoir dit « Dominique » en se retournant et cela s’était arrêté là. M. A______ jouait un rôle essentiel dans la continuité des contrats des infirmiers, étant précisé qu’il ne s’agissait pas d’un pouvoir décisionnel. Il proposait la continuité des contrats à la DGS.

b. Mme K______ a indiqué avoir intégré la cellule B______ en août 2020 en qualité d’infirmière. Ses supérieurs hiérarchiques étaient M. A______ et Mme J______. Au départ, les relations étaient bonnes avec M. A______. Il était « moyennement apprécié » des collègues. Au niveau du travail « strict », les relations étaient plutôt bonnes, mais « les filles étaient mal à l’aise avec lui ». Il était fréquent qu’elle prenne des pauses autour de la machine à café avec M. A______. Il y avait des plaisanteries déplacées de la part de ce dernier qui pouvaient faire rire certains collègues, toujours des hommes. Elle avait décidé de parler avec M. E______ car le scandale de la RTS venait d’éclater et qu’elle avait entendu « plein de choses avec d’autres filles » qui, selon elle, n’allaient jamais oser en parler, de sorte qu’elle devait le faire pour elles. Un lien de confiance s’était créé avec M. E______. Elle n’avait pas envisagé d’en parler avec Mme J______, faute d’un tel lien. Une des premières allusions de M. A______ datait d’un ou deux jours après son arrivée à la cellule B______. Elle était allée boire un verre dans le café en bas avec M. A______ et les aspirants policiers. Lors de ce café, un collègue lui avait demandé comment elle avait été engagée. M. A______ avait alors répondu que sa mère lui avait demandé « s’il pouvait me prendre », ce à quoi il avait répondu « oui, je débroche ma ceinture et baisse mon pantalon ». Il avait ensuite rigolé, ce qui avait été suivi par certains des aspirants policiers. Il lui semblait qu’il n’y avait que des hommes lors du café. Elle se souvenait que « U______ » et « Q______ » étaient présents et qu’ils lui avaient reparlé de cette situation, qui les avait choqués. Aux alentours du 1er septembre 2020, elle était allée voir M. A______ en relation avec son contrat de travail qui devait passer de 100 % à 30 %. Elle lui avait alors demandé s’il avait obtenu la réponse de Mme D______ au sujet de son contrat, précisant, pour rigoler, qu’elle ne « voulait pas aller en prison si elle démissionnait trop tard ». M. A______ avait alors répondu que « cela se négocierait en fessées ». Elle avait alors répondu qu’elle préférait aller en prison. M. A______ avait alors ajouté « dommage, j’aurais demandé aux aspirants policiers de m’aider ». À ce moment-là, Mme J______ était arrivée, ce qui avait mis fin à la discussion.

Ensuite, il y avait eu des sous-entendus environ une fois par mois, étant précisé qu’elle ne travaillait plus qu’à 30 % depuis le 1er septembre 2020. Par exemple, alors que les collègues discutaient des décisions politiques et qu’elle avait indiqué qu’ils étaient impuissants dans cette situation, M. A______ avait répondu : « en tout cas moi je ne suis pas impuissant ». Les autres personnes n’avaient pas entendu cette remarque, étant précisé qu’il l’avait formulée pour qu’elle puisse l’entendre. Elle n’avait pas peur d’aller au travail. Elle était surtout sidérée d’entendre de telles remarques et choquée à chaque fois. D’autres personnes lui disaient qu’elles n’étaient pas à l’aise de s’habiller comme elles le souhaitaient à cause du regard de M. A______. Il y avait des rumeurs. Des hommes aussi pouvaient témoigner de son regard appuyé envers les femmes. Elle avait ressenti un profond malaise. Personne d’autre ne manifestait ce genre de comportement. Elle avait encouragé une collègue à parler de cette situation et à s’adresser à M. E______. Les hommes, dont les aspirants policiers, les collègues infirmiers et des traceurs civilistes, étaient également surpris du comportement de M. A______. « V______ », traceur, lui avait notamment relayé une situation dans laquelle il discutait avec M. A______ du cadeau de Noël qu’il cherchait pour sa copine, ce à quoi ce dernier avait répondu : « un bon pour des bains thermaux, mais il faut bien qu’elle baise pour que ça vaille la peine ». Cette phrase avait ensuite circulé au sein de la cellule B______. Elle essayait d’éviter M. A______ le plus possible et travaillait les week-ends car il n’était pas là. Environ cinq autres personnes lui avaient signalé directement des problèmes de comportement de la part de M. A______, dont les deux autres plaignantes. Elle avait également entendu des rumeurs de plaintes d’autres personnes qui portaient surtout sur le regard de M. A______, les tenues qu’elles n’osaient pas porter et son comportement « limite-limite ». Elle n’avait encouragé que l’une d’entre elles à en parler avec M. E______. Beaucoup de collègues venaient du chômage et étaient très contents d’avoir retrouvé un travail, de sorte qu’il pouvait être difficile de se plaindre à la hiérarchie.

c. Madame P______, infirmière, a indiqué avoir intégré la cellule B______ en mars 2020 en qualité d’infirmière. Ses relations professionnelles avec M. A______ se passaient bien. Il était apprécié de ses collègues. Elle avait participé à des pauses autour de la machine à café et l’ambiance était bonne. Elle n’avait jamais entendu de remarques ou de plaisanteries qui auraient pu mettre certaines personnes mal à l’aise. Après certaines situations, il pouvait y avoir des moments de décharge qui pouvaient parfois prendre la forme de plaisanteries, mais qui ne constituaient jamais de la moquerie. Il y avait un esprit convivial au sein de la cellule qui nécessitait un cadre. Elle n’avait pas connaissance de reproches ni de plaintes ou dénonciations formulés à l’encontre de M. A______. Il avait toujours été très bienveillant envers le personnel et adoptait une attitude peu autoritaire. À sa connaissance, il ne se comportait pas différemment avec les hommes qu’avec les femmes. Il adoptait une attitude très inclusive et un management toujours disponible et à l’écoute. Elle n’avait jamais vu de regards appuyés sur quiconque, ni de gestes à connotation sexuelle. Elle n’avait pas non plus entendu de bruits de couloirs. Il était exact que des apéritifs avaient eu lieu, mais il n’y avait jamais eu de débordements. Ils faisaient toujours attention à ce que les distances soient respectées. Elle n’avait jamais ressenti de malaise dans sa relation avec M. A______.

d. Le 6 mai 2022, Mme L______, infirmière a indiqué avoir intégré la cellule B______ le 3 juin 2020. M. A______ était son supérieur hiérarchique direct jusqu’au départ de ce dernier en janvier 2021. Au début, les relations professionnelles avec lui étaient assez détendues. L’ambiance était très légère et il avait toujours « le mot pour rire ». « Assez rapidement », elle avait commencé à se sentir mal à l’aise en sa présence. Il avait des regards appuyés, insistants qui la « déshabillaient » de haut en bas. Ses réflexions avaient commencé dès le mois de juin 2020. À l’époque, elle s’interrogeait sur la durée de son contrat de travail, étant précisé que son premier contrat avait été conclu pour un mois, prolongeable. M. A______ l’avait alors convoquée dans une salle fermée, dépendante d’un « open space », dans lequel travaillaient des aspirants policiers. Devant la porte, il lui avait dit de manière suffisamment forte pour que toute la salle puisse entre : « je vais fermer la porte pour éviter que tout le monde puisse voir la fessée que je vais te mettre ». D’autres réflexions de cet ordre avaient suivi par la suite. Fin octobre 2020, alors qu’ils s’apprêtaient à assister à une cérémonie de remise de prix, M. A______ lui avait dit à l’oreille : « j’aime bien attacher ». Sur le moment, elle avait été choquée, même si cette réflexion s’inscrivait dans la lignée des précédentes. Elle avait répondu que « ce n’était pas [s]on truc ». Elle avait déjà entendu des réflexions portant sur des fessées lors de moments informels au sein de la cellule. Ces réflexions étaient toujours dirigées vers certaines personnes mais tenues de manière à ce que tout le monde puisse entendre. Elle avait décidé d’en parler avec M. E______ car elle avait confiance en lui. À l’époque sa responsable RH était Mme O______ mais elle n’avait pas envisagé de parler avec elle. Les réflexions sur le physique et les regards appuyés étaient devenus particulièrement pénibles. Elle n’avait plus envie d’aller au travail de peur de croiser M. A______ et d’être confrontée à lui. Si elle avait une question à lui poser, elle s’arrangeait toujours pour qu’une collègue soit présente dans le bureau. Elle avait entendu des bruits de couloir au sujet de gestes physiques déplacés et, surtout, de réflexions. À chaque mot qu’elle prononçait, M. A______ en profitait pour faire une allusion à connotation sexuelle. Par deux fois, il avait fait mine de se caresser l’entre-jambe lorsqu’il répondait à ses questions. Sa réaction était celle de dégoût et d’incompréhension. Deux semaines avant l’entretien avec M. E______, les allusions avaient cessé. Elle avait effectivement remarqué un changement d’attitude de sa part. Elle n’avait jamais dit à M. A______ qu’elle ressentait un malaise en sa présence. Elle n’osait pas, étant précisé qu’elle était dans une situation professionnelle précaire et qu’elle tenait à son travail.

e. Monsieur Q______, policier, a indiqué avoir intégré la cellule B______ en avril 2020. À l’époque, il était en formation et avait été appelé pour travailler en qualité d’opérateur téléphonique. Son référent à ce poste était M. A______, avec lequel il avait eu des relations professionnelles excellentes. Il n’avait jamais entendu quelqu’un parler négativement de lui. Après son départ de la cellule, en août 2020, il avait entendu des bruits de couloir au sujet de reproches formulés à son encontre, étant précisé que durant son travail il n’en avait jamais entendu. Il lui arrivait de prendre des pauses devant la machine à café, parfois en présence de M. A______. L’ambiance était toujours très détendue. Il ne se souvenait pas d’une plaisanterie en particulier en présence de Mme K______. Interrogé par la chambre de céans sur l’épisode du « pantalon » évoqué par Mme K______, il a indiqué qu’il s’en souvenait, mais n’en avait « pas pensé grand-chose ». Connaissant M. A______, il ne pensait pas que cela avait été méchant. Il ne se souvenait pas si Mme K______ était étonnée ou choquée ni s’il avait reparlé de cette plaisanterie avec elle. Il n’avait pas le souvenir d’autres plaisanteries de cet ordre. Les plaisanteries étaient amicales, entre bons collègues et n’étaient pas spécialement à caractère sexuel. Il convenait de replacer ces plaisanteries dans leur contexte, à savoir entre très bons collègues. C’était une période compliquée et ils avaient besoin de décompresser. Les terrasses venaient de rouvrir. Il se souvenait d’une blague en particulier que M. A______ répétait et qui « tournait autour du topless ». La blague ne visait « pas que les filles mais tout le monde ». Le contexte était amusant et ces blagues n’étaient pas méchantes. Il n’avait jamais entendu quelqu’un s’en plaindre ni en reparler. M. A______ était très sympathique, accueillant, toujours à l’écoute et bienveillant. Il n’avait pas remarqué de regards particuliers de M. A______ envers les femmes, ni vu de gestes physiques.

f. À l’issue de l’audience, M. A______ a déposé une nouvelle pièce et sollicité le témoignage de Mesdames R______, S______ et T______, infirmières à la cellule B______ depuis mars 2020. Il s’en remettait à l’appréciation de la chambre de céans s’agissant de l’audition de Monsieur U______ et de Mme D______. Les HUG se sont opposés à l’audition des infirmières, estimant que les faits étaient suffisamment établis, et se sont rapportés à justice s’agissant de l’audition de Mme D______.

22) Par pli du 17 mai 2022, la chambre de céans a invité les parties à produire des écritures après enquêtes.

23) Le 30 juin 2022, M. A______ a persisté dans ses conclusions.

Les trois dénonciations étaient contestées dans leur intégralité. Les faits relatés dans les différents compte rendus de situation étaient erronés ou découlaient d’une mauvaise appréciation ou d’une sensibilité plus élevée que la moyenne. Si une certaine forme d’humour avait pu être mal perçue par les dénonciatrices, il convenait d’en relativiser les propos, dans la mesure où le contexte sanitaire et l’ambiance de travail favorisaient de telles circonstances. De tels propos étaient du reste appréciés et même sollicités par la très grande majorité, voire l’ensemble, des collaborateurs de la cellule.

Il apparaissait que Mme K______ avait conversé avec une à trois personnes exclusivement, avec lesquelles des histoires avaient été montées en épingle, en raison de perceptions « abjectes et subjectives », voire « montées de toutes pièces ». Par son comportement consistant à pousser d’autres personnes à parler à M. E______, c’était Mme K______ qui avait délibérément tenté de véhiculer des bruits de couloir. Les seules rumeurs existantes étaient celles qu’elle avait elle-même créées et diffusées. Mme K______ déformait la réalité et portait une vision étroite de la situation, ce qui mettait en lumière sa subjectivité et ses déclarations largement orientées contre lui. Il était d’ailleurs surprenant de constater qu’elle souhaitait prolonger son contrat de travail alors qu’elle prétendait ressentir un profond malaise.

Les déclarations de Mme L______ relevaient d’une appréciation subjective selon ses peurs et ses propres convictions, voire une interprétation malveillante. Il était notoirement connu qu’avec le port du masque, un regard pouvait facilement être sur-interprété dans la mesure où l’impression d’être davantage dévisagé était fréquente. Elle lui prêtait une image très éloignée de la réalité et en complète contradiction avec le personnage décrit par les collègues. S’il avait réellement donné des fessées, s’était caressé l’entrejambe ou avait tenu des allusions à connotation sexuelle, des bruits de couloir auraient forcément été véhiculés. Or, l’enquête avait montré que tel n’était pas le cas.

Force était de constater qu’un très grand nombre de messages de collaborateurs attestaient du plaisir qu’ils avaient eu à travailler avec lui, cela en raison de son respect, de sa bienveillance et de son approche humaine. L’instruction de l’affaire avait démontré que l’humour était un levier de cohésion et de stabilité au sein de la cellule, composée de collaborateurs différents, de sorte que les plaisanteries étaient naturelles et collectives, notamment pour permettre de gérer la charge de travail et le stress en situation de crise. Les centaines de témoignages élogieux, datés et signés des différents collaborateurs de la cellule attestaient de son comportement excellent et contrebalançaient largement les trois plaintes sur lesquelles se fondait la décision querellée. Bien que la sanction prononcée soit la moins sévère des sanctions, il n’en restait pas moins que le simple fait de prononcer un blâme était déjà la constatation d’un comportement illicite, alors que celui-ci relevait d’une appréciation subjective de trois collaboratrices dans un panel de plus de deux cents collaborateurs, composé majoritairement de personnel féminin. La souffrance morale et le préjudice en lien avec sa réputation allaient bien au-delà de la sanction et le privaient définitivement de postes à responsabilité au sein des HUG.

24) Le 30 juin 2022, les HUG ont également persisté dans leurs conclusions.

Les enquêtes avaient permis de s’assurer de la réalité de faits dénoncés par M. E______, Mme K______, Mme L______ et la troisième collaboratrice. Les manquements étaient graves, les trois collaboratrices ayant été atteintes dans leur dignité par les propos à connotation sexuelle et le comportement déplacé de M. A______ à leur égard. Alors qu’il était leur supérieur hiérarchique, il avait laissé s’instaurer une « ambiance de caserne », soit une ambiance délétère et irrespectueuse des collaboratrices et collaborateurs, respectivement avait participé à son instauration.

25) Le 19 juillet 2022, la chambre de céans a informé les parties que la cause avait été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10 ; art. 30 al. 2 et 32 al. 1 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 - LPAC - B 5 05).

2) Dans un grief d’ordre formel qu’il convient d’examiner en premier lieu, le recourant se plaint d’une violation de son droit d’être entendu.

a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_545/2014 du 9 janvier 2015 consid. 3.1 ; 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3), de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre
(ATF 138 I 154 consid. 2.3.3 ; 138 V 125 consid. 2.1 ; 137 II 266 consid. 3.2).

Le droit d'être entendu droit sert non seulement à établir correctement les faits, mais constitue également un droit indissociable de la personnalité garantissant à un particulier de participer à la prise d'une décision qui touche sa position juridique (ATF 135 I 279 consid. 3.2 ; 132 II 485 consid. 3.2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_37/2020 du 7 septembre 2020 consid. 3.1). L'étendue du droit de s'exprimer ne peut pas être déterminée de manière générale, mais doit être définie au regard des intérêts concrètement en jeu; l'idée maîtresse est qu'il faut permettre à une partie de pouvoir mettre en évidence son point de vue de manière efficace (ATF 144 I 11 consid. 5.3 et les arrêts cités). En matière de rapports de travail de droit public, la jurisprudence admet que des occasions relativement informelles de s'exprimer avant le licenciement peuvent remplir les exigences du droit constitutionnel d'être entendu, pour autant que la personne concernée ait compris qu'une telle mesure pouvait entrer en ligne de compte à son encontre (ATF 144 I 11 consid. 5.3 in fine). La personne concernée ne doit pas seulement connaître les faits qui lui sont reprochés, mais doit également savoir qu'une décision allant dans une certaine direction est envisagée à son égard (arrêt du Tribunal fédéral 8C_158/2009 du 2 septembre 2009 consid. 5.2, non publié aux 
ATF 136 I 39, et les arrêts cités).  

b. Le recourant reproche à l’autorité intimée ne de pas lui avoir transmis les « informations complémentaires transmises par M. E______ le 14 février 2021 », telles qu’évoquées lors de son entretien de service du 5 mars 2021, ainsi que la directive interne sur la Protection de la personnalité.

S’agissant d’abord des « informations complémentaires transmises par M. E______ le 14 février 2021 », force est de relever qu’il s’agit des trois
compte-rendus rédigés par M. E______ au sujet des plaintes déposées le 3 novembre 2020, 9 décembre 2020 et 17 janvier 2021, produits par les intimés à l’appui de leur réponse devant la chambre de céans. Ces documents, pas plus que l’identité des dénonciatrices, n’ont certes pas été transmis au recourant avant que la décision litigieuse n’ait été rendue. Il convient toutefois de relever que des extraits de ces compte rendus ont été lus au recourant lors de son entretien de service du 5 mars 2021. Les éléments rapportés dans ces compte rendus ont également été reproduits dans le courrier de Mme D______ du 21 janvier 2021, dont le recourant avait connaissance. Les manquements principaux reprochés au recourant lui ont ainsi été révélés lors de cet entretien et ce dernier savait qu’une sanction disciplinaire était envisagée. L’intéressé a non seulement eu l’occasion de s’exprimer par oral au sujet de ces faits lors de son entretien de service, mais également par écrit en déposant des observations circonstanciées après ledit entretien. C’est ainsi à tort qu’il se plaint d’une violation de son droit d’être entendu à ce titre. Au demeurant, même à admettre une violation de son droit d’être entendu avant la prise de décision de la direction des HUG, elle aurait été réparée dans le cadre de la procédure devant la chambre de céans, celle-ci disposant d'un libre pouvoir d'examen en fait et en droit (arrêts du Tribunal fédéral 8C_257/2019 du 12 mai 2020 consid. 5.2 ; 8C_541/2017 du 14 mai 2018 consid. 2.5 ; 8C_47/2013 du 28 octobre 2013 consid. 4.2 et les nombreuses références).

La directive intitulée « protection de la personnalité » est, selon les intimés qui n’ont pas été contredits sur ce point par le recourant, accessible sur intranet et reprend la définition de harcèlement sexuel contenue dans la LEg. On ne saurait dès lors déceler aucune violation de son droit d’être entendu à ce titre.

3) Le recourant sollicite l’audition de trois infirmières ayant collaboré avec lui depuis mars 2020, précisant qu’elles pourraient témoigner de l’absence de bruits de couloir au sein de la cellule en 2020. Il conclut également à ce qu’il soit ordonné aux intimés de produire les identités des auteurs, circonstances et contenus exacts des dénonciations portées à son encontre.

a. Le droit de faire administrer des preuves sur des faits pertinents, tel que la jurisprudence l'a déduit du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient pas l'amener à modifier son opinion
(ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités). Le refus d'une mesure probatoire par appréciation anticipée des preuves ne peut être remis en cause devant le Tribunal fédéral qu'en invoquant l'arbitraire (art. 9 Cst.) de manière claire et détaillée (art. 106 al. 2 LTF; arrêt du Tribunal fédéral 8C_159/2018 du 17 décembre 2018 consid. 3.2 et les références).

b. En l’occurrence, trois échanges d’écritures ont été ordonnés. Les pièces du dossier documentent les faits dénoncés et les griefs articulés. La chambre de céans a également procédé à la comparution personnelle des parties, ainsi qu’à l’audition de cinq témoins, soit M. E______, Mme K______, Mme L______, Mme P______ et M. Q______. Les témoins Q______ et P______ ont, en particulier, affirmé n’avoir jamais entendu de bruits de couloir concernant des réflexions ou comportements inappropriés du recourant durant leur activité au sein de la cellule. Dans ces conditions, la chambre administrative ne voit pas quels éléments complémentaires les auditions sollicitées pourraient apporter, étant du reste précisé que, comme cela sera exposé ci-après, ce point n’est en tout état pas déterminant. La chambre de céans dispose ainsi des éléments pertinents lui permettant de se prononcer sur les griefs soulevés et trancher le litige en connaissance de cause. Il ne sera donc pas donné suite aux actes d’instruction complémentaires sollicités par le recourant.

S’agissant de la conclusion en production de l’identité des auteurs de la dénonciation, force est de constater que, dans leur réponse devant la chambre de céans, les intimés ont dévoilé l’identité des deux premières plaignantes et produit les compte rendus des trois plaintes rédigées par M. E______. La conclusion est ainsi devenue sans objet.

4) Le litige porte sur la conformité au droit du blâme infligé au recourant.

5) Le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 1 let. a LPA) ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. b LPA). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

6) a. Les HUG sont des établissements publics médicaux du canton de Genève (art. 1 al. 1 de la loi sur les établissements publics médicaux du 19 septembre 1980 - LEPM - K 2 05). Les membres de leur personnel sont soumis à la LPAC et à son règlement d’application du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01), sous réserve de dispositions particulières figurant dans la LEPM et au statut.

b. Les membres du personnel sont tenus au respect de l’intérêt de l’État et doivent s’abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 20 RPAC). Ils se doivent, par leur attitude, notamment d’entretenir des relations dignes et correctes avec leurs supérieurs, leurs collègues et leurs subordonnés ; de permettre et de faciliter la collaboration entre ces personnes (art. 21 let. a RPAC) ainsi que de justifier et de renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l’objet (let. c).

c. Les devoirs du personnel des HUG sont énumérés aux art. 20 ss du statut. Les membres du personnel sont tenus au respect de l’intérêt de l’établissement et doivent s’abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 20 du statut). Selon l’art. 21 du statut, ils se doivent, par leur attitude, d’entretenir des relations dignes et correctes avec leurs supérieurs, leurs collègues et leurs subordonnés, de même que de permettre et de faciliter la collaboration entre ces personnes (let. a), ainsi que de justifier et de renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l’objet (let. c). Ils se doivent également de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence (art. 22 al. 1 du statut). Aux termes de l’art. 28 al. 1 du statut, ils sont tenus, même après la cessation de leurs fonctions, de garder le secret envers quiconque sur les affaires de service de quelque nature qu’elles soient, dont ils ont eu connaissance et ne doivent les utiliser d’aucune façon ni donner aucun renseignement sur les malades de l’établissement sans y être spécialement autorisés. L’art. 9 LEPM, qui a trait au secret de fonction auquel est soumis notamment le personnel des HUG (al. 1), précise qu’il couvre toutes les informations dont ledit personnel a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions, dans la mesure où la loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD ‑ A 2 08) ne lui permet pas de les communiquer à autrui (al. 2). Le personnel médical et ses auxiliaires ne communiquent des indications sur les affections des malades et les traitements suivis par eux au personnel non médical que dans les limites nécessaires à l’administration des soins et à leur facturation (al. 3).

d. Selon l'art. 16 LPAC, traitant des sanctions disciplinaires, les fonctionnaires et les employés qui enfreignent leurs devoirs de service, soit intentionnellement soit par négligence, peuvent faire l'objet, selon la gravité de la violation, des sanctions suivantes :

a) prononcé par le supérieur hiérarchique, en accord avec sa hiérarchie :

1° le blâme ;

b) prononcées, au sein de l'administration cantonale, par le chef du département ou le chancelier d'État, d'entente avec l'office du personnel de l'État ; au sein des services centraux et des greffes du pouvoir judiciaire, par le secrétaire général du pouvoir judiciaire ; au sein de l'établissement, par le directeur général :

2° la suspension d'augmentation du traitement pendant une durée déterminée,

3° la réduction de traitement à l'intérieur de la classe ;

c) prononcées, à l'encontre d'un fonctionnaire, au sein de l'administration cantonale, par le Conseil d'État ; au sein des services centraux et des greffes du pouvoir judiciaire, par la commission de gestion du pouvoir judiciaire ; au sein de l'établissement par le conseil d'administration :

4° le retour au statut d'employé en période probatoire pour une durée maximale de trois ans,

5° la révocation.

Le conseil d’administration doit ordonner l’ouverture d’une enquête administrative qu’il confie à une personne qui a les compétences requises dans les hypothèses visées à l’art. 16 al. 1 let. c LPAC, soit notamment pour le prononcé d’une révocation (art. 27 al. 2 LPAC).

e. Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu’elles ne sauraient être prononcées en l’absence de faute du fonctionnaire (Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 7ème éd., 2016, n. 1515 ; Jacques DUBEY/ Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, n. 2249). La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire et celle-ci peut être commise consciemment, par négligence ou par inconscience, la négligence n’ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l’auteur (ATA/137/2020 du 11 février 2020 ; ATA/808/2015 du 11 août 2015). La faute disciplinaire peut même être commise par méconnaissance d'une règle. Cette méconnaissance doit cependant être fautive (Gabriel BOINAY, Le droit disciplinaire dans la fonction publique et dans les professions libérales, particulièrement en suisse romande, in Revue jurassienne de jurisprudence, 1998, n. 55 p. 14).

Tout agissement, manquement ou omission, dès lors qu'il est incompatible avec le comportement que l'on est en droit d'attendre de celui qui occupe une fonction ou qui exerce une activité soumise au droit disciplinaire peut engendrer une sanction. La loi ne peut pas mentionner toutes les violations possibles des devoirs professionnels ou de fonction. Le législateur est contraint de recourir à des clauses générales susceptibles de saisir tous les agissements et les attitudes qui peuvent constituer des violations de ces devoirs (Gabriel BOINAY, op. cit., n. 50 p. 14). Dans la fonction publique, ces normes de comportement sont contenues non seulement dans les lois, mais encore dans les cahiers des charges, les règlements et circulaires internes, les ordres de service ou même les directives verbales. Bien que nécessairement imprécises, les prescriptions disciplinaires déterminantes doivent être suffisamment claires pour que chacun puisse régler sa conduite sur elles, et puisse être à même de prévoir, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences de nature à résulter d'un acte déterminé (Gabriel BOINAY, op. cit., n. 51 p. 14).

7) a. L'art. 3 al. 1 LEg précise qu'il est interdit de discriminer les travailleurs en raison du sexe, soit directement, soit indirectement, notamment en se fondant sur leur état civil ou leur situation familiale ou, s’agissant de femmes, leur grossesse.

Sous le titre marginal « Harcèlement sexuel ; discrimination », l'art. 4 LEg définit le comportement discriminatoire comme un « comportement importun de caractère sexuel ou tout autre comportement fondé sur l'appartenance sexuelle, qui porte atteinte à la dignité de la personne sur son lieu de travail, en particulier le fait de proférer des menaces, de promettre des avantages, d'imposer des contraintes ou d'exercer des pressions de toute nature sur une personne en vue d'obtenir d'elle des faveurs de nature sexuelle » (arrêt du Tribunal administratif fédéral A-4876/2020 du 28 juin 2021 consid. 7.2). Bien que les exemples cités dans l’art. 4 LEg ne se réfèrent qu'à des cas d'abus d'autorité, la définition englobe tous les comportements importuns fondés sur le sexe, soit également ceux qui contribuent à rendre le climat de travail hostile, par exemple les plaisanteries déplacées, les remarques sexistes et les commentaires grossiers ou embarrassants (ATF 126 III 395 consid. 7b/bb et les références ; arrêts du Tribunal fédéral 4A_544/2018 du 29 août 2019 consid. 3.1 ; 4A_18/2018 du 21 novembre 2018 consid. 3.1 ; 8C_422/2013 du 9 avril 2014 consid. 7.2 et les arrêts cités). Selon les procédés utilisés, plusieurs incidents peuvent être nécessaires pour constituer une discrimination au sens de l'art. 4 LEg ; la répétition d'actes ou l'accumulation d'incidents n'est toutefois pas une condition constitutive de cette forme de harcèlement sexuel (Claudia KAUFMANN, in Margrith BIGLER-EGGENBERGER/Claudia KAUFMANN [éd.], Commentaire de la loi sur l'égalité, 2000, ad art. 4 LEg, n. 59 p. 118).

L'énumération de l’art. 4 LEg n'est pas exhaustive (Message du Conseil fédéral du 24 février 1993 relatif à la loi sur l'égalité, FF 1993 I 1163, p. 1219). Sont également qualifiés de harcèlement sexuel les remarques concernant les qualités ou les défauts physiques, les propos obscènes et sexistes, les regards qui déshabillent, les actes consistant à dévisager ou siffler, les avances, les gestes non désirés et importuns (arrêt du Tribunal administratif fédéral A-4876/2020 précité consid. 7.2 ; Rémy WYLER/Boris HEINZER, Droit du travail, 3ème éd., 2014, p. 873 s.).

Le harcèlement sexuel dans le cadre du travail peut se manifester sous différentes formes allant des transgressions verbales aux agressions sexuelles. Le fait qu'il s’agit d'actes de harcèlement verbal et non physique (avec violence ou menace), est une circonstance objective justifiant de considérer que ces actes n'atteignent pas un niveau de gravité comparable à celui des agressions sexuelles. Les remarques et plaisanteries sexistes peuvent avoir un impact important sur la victime selon leur durée et leur fréquence. Le potentiel de nuisance de ce type de harcèlement est également susceptible d'être accru lorsque plusieurs personnes y prennent part (arrêt du Tribunal fédéral 8C_74/2019 du 21 octobre 2020 consid. 3.3.4). Si une intention de nuire pourrait peser comme facteur de gravité du harcèlement sexuel (arrêt du Tribunal fédéral 4C.289/2006 du 5 février 2007 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral A-4876/2020 précité consid. 7.2), l'absence d'une telle intention ne saurait en atténuer le caractère inadmissible. En effet, sauf lorsqu'il s'agit d'établir l'existence d'un chantage sexuel, la motivation de l'auteur est sans pertinence pour la qualification du harcèlement sexuel (arrêt du Tribunal fédéral 8C_74/2019 précité consid. 3.3.4).

Le harcèlement sexuel se caractérise avant tout par le fait qu'il est importun, à savoir qu'il n'est pas souhaité par la personne qui le subit, sans que l'intention de l'auteur soit déterminante (arrêts du Tribunal administratif fédéral A-4876/2020 précité consid. 7.2 ; A-6910/2009 du 25 octobre 2010 consid. 6.3). Le caractère importun de l'acte doit être déterminé non seulement d'un point de vue objectif, mais également d'un point de vue subjectif, soit en tenant compte de la sensibilité de la victime (Gabriel AUBERT/Karine LEMPEN [éd.], Commentaire de la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes, 2011, p. 104 ; Karine LEMPEN, Le harcèlement sexuel sur le lieu de travail et la responsabilité civile de l'employeur, 2006, p. 134). Il n'est en outre pas nécessaire que la personne accusée ait essayé d’obtenir des faveurs sexuelles. Il suffit de se trouver en présence d'une atteinte à la personnalité ayant un contenu sexuel ou du moins une composante sexuelle (arrêts du Tribunal administratif fédéral A-4876/2020 précité consid. 7.2 ;
A-6910/2009 précité consid. 6.2).

b. Selon la jurisprudence, les blagues grivoises peuvent constituer du harcèlement sexuel (ATF 126 III 395 consid. 7b/bb).

En cas de harcèlement sexuel, l'employeur a l'obligation de protéger son personnel contre des actes commis par la hiérarchie, des collègues ou des personnes tierces (art. 4 LEg, art. 6 de la loi fédérale sur le travail dans l’industrie, l’artisanat et le commerce du 13 mars 1964 - loi sur le travail, LTr - RS 822.11, art. 2 de l’ordonnance 3 relative à la LTr du 18 août 1993 - OLT 3 - RS 822.113). Son devoir de diligence comporte deux aspects, à savoir prévenir les actes de façon générale et y mettre fin dans les cas concrets.

Selon la jurisprudence fédérale citée par Karine LEMPEN en matière de harcèlement, lors de l’appréciation des preuves, « il n’est pas admissible d’écarter d’emblée les témoignages d’autres employés ayant également été victimes de comportements hostiles et qui éprouvent du ressentiment à l’égard de l’auteur de ceux-ci », sous peine de rendre le harcèlement « quasiment impossible à
démontrer ». De même, vu que les témoins directs des actes de harcèlement font souvent défaut, il n’est « nullement insoutenable de tenir compte d’autres indices et notamment des déclarations de personnes auxquelles la victime s’est confiée » (Karine LEMPEN, in Commentaire romand - Code des obligations I, vol. 2, Luc THÉVENOZ/Franz WERRO [éd.], 3ème éd., 2021, n. 31 ad art. 328 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 - Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220 et les arrêts cités).

c. En droit genevois, il est veillé à la protection de la personnalité des membres du personnel, notamment en matière de harcèlement psychologique et de harcèlement sexuel (art. 2B al. 1 LPAC). Des mesures sont prises pour prévenir, constater et faire cesser toute atteinte à la personnalité (al. 2). L’organisation du travail dans l’administration doit être conçue de telle sorte qu’elle assure des conditions de travail normales aux membres du personnel et leur permette de faire valoir leur personnalité, leurs aptitudes professionnelles et leurs facultés d’initiative (art. 2 al. 1 RPAC). Il est veillé à la protection de la personnalité des membres du personnel, notamment en matière de harcèlement psychologique et de harcèlement sexuel, par des mesures de prévention et d’information (al. 2).

8) Dans la décision entreprise, les intimés ont retenu que le recourant avait tenu des propos à connotation sexuelle et une attitude déplacée envers certaines collaboratrices. Ces affirmations reposaient sur des plaintes déposées par trois collaboratrices auprès de M. E______. L’ambiance de travail inappropriée et les propos à connotation sexuelle, qui avaient heurté, à tout le moins, trois collaboratrices, étaient constitutifs de harcèlement sexuel peu importait le contexte dans lequel ils avaient été tenus.

Le recourant conteste ces faits et réfute avoir commis des actes constitutifs de harcèlement envers les trois collaboratrices. D’emblée, il convient de relever que la présente cause ne traite pas d’une procédure visant la constatation d’éventuelles atteintes à la personnalité, mais le prononcé d’une sanction disciplinaire. Dans ce cadre, la qualification des éventuels actes commis par le recourant n’est pas déterminante, la question essentielle étant de savoir si le recourant a eu des comportements problématiques, et par là enfreint ses devoirs de fonction (ATA/390/2022 du 12 avril 2022 consid. 7).

Dans ses écritures, le recourant admet avoir laissé s’instaurer au sein de la cellule une « ambiance de cohésion de groupe », précisant que l’humour était favorisé comme levier pour maintenir cette cohésion dans des conditions de travail stressantes et une charge de travail importante. L’humour entre collègues était d’ailleurs encouragé par le médecin cantonal et était particulièrement pratiqué dans le milieu de la santé. Les moments de détente au sein de la cellule avaient contribué à améliorer la qualité du travail et des relations du personnel, ce qui avait été particulièrement apprécié par l’ensemble des collaborateurs de la cellule, comme en attestaient les nombreux témoignages produits.

Certes, comme le relève le recourant, le contexte particulier de la crise sanitaire liée au B______, en particulier la première vague, a entraîné un climat de peur et de stress pour l’ensemble de la population. Il n’est donc pas contesté que, pour soulager cette anxiété et renforcer le lien social, le milieu de la santé, en particulier le médecin cantonal, a encouragé l’humour, précisant que les collaborateurs avaient « besoin de rigoler, de sourire et d’émotions ». Or, comme l’a retenu la chambre de céans dans un arrêt récent (ATA/809/2021 du 10 août 2021 consid. 11), l’humour, selon son type, peut « heurter et blesser l’interlocuteur ou l’interlocutrice ». Tel est en particulier le cas si les propos, sous couvert d’humour, sont en soi dégradants et inadmissibles, ne respectent pas les subalternes et ont clairement une connotation sexuelle. La question se pose donc de savoir si tel était le cas. Cela implique de revenir sur les propos dénoncés par les trois collaboratrices.

En l’occurrence, Mme K______ allègue que le recourant lui aurait fait plusieurs allusions sexuelles peu après son arrivée dans la cellule entre août et septembre 2020. Elle a notamment rapporté que, durant un entretien de service lié à la prolongation de son contrat de travail, le recourant lui avait fait la remarque que ces choses « se discut[aient] contre une fessée ». Surprise, elle avait répondu ne pas être intéressée, ce à quoi le recourant avait rétorqué « trouver cela dommage et qu’il comptait proposer aux aspirants policiers traceurs à la cellule de l’assister ». Un autre jour, alors qu’elle indiquait se sentir impuissante face à l’actualité sanitaire, le recourant lui aurait glissé à l’oreille : « ne t’en fais pas, moi je ne suis pas impuissant ». En audience, la témoin a encore rapporté que lors d’un café avec le recourant et les aspirants policiers, un collègue lui avait demandé comment elle avait été engagée. Le recourant avait alors répondu que sa mère lui avait demandé « s’il pouvait me prendre », ce à quoi il avait répondu « oui, je débroche ma ceinture et baisse mon pantalon ». Il avait ensuite rigolé, ce qui avait été suivi par certains des aspirants policiers. Mme L______ a, pour sa part, déclaré qu’elle avait rapidement commencé à se sentir mal à l’aise en présence du recourant. Ses réflexions avaient commencé dès le début du mois de juin 2020. Elle a rapporté qu’il l’avait convoquée à un entretien pour discuter de la prolongation de son contrat de travail. Devant la porte de la salle, et alors que plusieurs aspirants policiers étaient présents, il lui avait dit de manière suffisamment forte : « je vais fermer la porte pour éviter que tout le monde puisse voir la fessée que je vais te mettre ». D’autres réflexions de cet ordre avaient suivi par la suite. Par exemple, fin octobre 2020, le recourant lui avait dit à l’oreille « j’aime bien attacher », ce à quoi elle avait répondu que « ce n’était pas [s]on truc ». Elle a également rapporté que lorsqu’elle avait dit à un traceur qui savait bien cuisiner « on doit te mettre en cage », le recourant avait répondu « j’étais sûr que tu aimais ça ». Enfin, la troisième dénonciatrice a rapporté que le recourant lui aurait indiqué, d’un ton jugé très suggestif, « moi aussi j’ai bien pensé à toi ».

Dans ses écritures, le recourant conteste l’ensemble de ces faits, alléguant n’avoir jamais tenu de propos à connotation sexuelle. Il fait valoir que, peu avant le départ des aspirants policiers, une collaboratrice lui avait fait part, à une reprise, de plaisanteries portant sur la drogue ou le sexe. Il a toutefois précisé qu’il s’agissait de blagues d’adolescents qui n’étaient pas sexistes. Or, outre que cette déclaration diffère de la version donnée lors de son entretien de service du 5 mai 2021, lors duquel il avait relevé qu’il y avait « beaucoup de blagues orientées sur le sexe, les drogues, etc. », les enquêtes ont permis d’établir qu’il avait lui-même participé à ce genre de « plaisanteries ».

En effet, entendu en qualité de témoin, M. Q______, policier, a confirmé avoir été présent lors de l’épisode du « pantalon ». Il a précisé n’en avoir pas parlé avant « car il y avait eu plusieurs plaisanteries de la part du [recourant] ». Il se souvenait également « d’une blague en particulier qu’il répétait et qui tournait autour du topless ». M. E______ a, lui aussi, indiqué avoir entendu le recourant faire une « allusion qui n’avait pas lieu d’être, soit un propos qui pouvait être considéré comme une blague de caserne ». Enfin, entendue par la police, Mme J______ a relevé ce qui suit : « on a des blagues ou autres qui peuvent être mal perçues (…) tout le monde fait ce genre de blagues, surtout dans les soins infirmiers, les médecins (…) ce n’était pas seulement M. A______ qui faisait ce genre de blagues ». Il suit de là qu’hormis les trois plaignantes, il existe des témoins directs ayant attesté de plaisanteries inappropriées tenues par le recourant.

S’ajoute à cela qu’à teneur des pièces au dossier, le recourant a lui-même admis avoir tenu des propos qu’il qualifiait de « blagues de caserne ». Si, au stade du recours, il a contesté avoir employé ces termes, il n’en reste pas moins que ceux-ci ressortent du compte rendu de M. E______ du 2 novembre 2020 et qu’entendu en audience ce dernier a relevé qu’il se « rappel[ait] précisément du terme « blague de caserne » utilisé par [le recourant] car ce terme [l]’avait percuté ». M. E______ a également relevé que le recourant « avait réitéré le terme de blague de caserne et n’avait reconnu que ces faits-là » lors de l’entretien du 19 janvier 2021. Il ressort, par ailleurs, du rapport de l’entretien de service du 5 mars 2021 que le recourant aurait à nouveau parlé « d’une ambiance dite de caserne » et qu’il reconnaissait avoir « lâché du lest ». D’après le compte rendu de situation du 2 novembre 2020, le recourant aurait même indiqué « vouloir contrôler son langage et son comportement et, à la demande de ce dernier, cesser immédiatement toute allusion à connotation sexuelle ». Si le recourant conteste avoir tenu ces propos, il a reconnu qu’il devait faire attention car cela « pouvait être mal interprété et qu’il ne fallait pas heurter les personnes hypersensibles ».

Sur la base de l’ensemble de ces éléments, il convient de retenir que le recourant participait à l’échange de plaisanteries inappropriées, ce qui permet d’accorder du crédit aux déclarations des trois plaignantes s’agissant des propos tenus par le recourant en leur présence. Le fait que, sur l’ensemble des collaborateurs de la cellule B______ – soit près de 200 personnes – seules trois collègues se soient plaintes de son comportement ne change rien au fait que de tels propos ont été entendus par les plaignantes. N’est pas non plus déterminant que d’autres collègues présents au sein de la cellule en 2020, telle Mme P______, n’aient entendu aucune plaisanterie de ce genre, ni bruit de couloir. Le témoignage de celle-ci doit du reste être accueilli avec réserve, compte tenu de sa proximité avec le recourant et du fait que ses déclarations ont été, en partie, contredites par M. Q______. En effet, alors que Mme P______ a déclaré en audience n’avoir « pas connaissance de reproches ni de plaintes ou dénonciations formulés à l’encontre [du recourant] », M. Q______ a affirmé avoir été contacté par « P______ » en janvier 2022 et que celle-ci lui aurait indiqué que « des reproches avaient été formulés à l’encontre [du recourant] ». Enfin, et dans la mesure où des témoins directs ont confirmé que le recourant participait à l’échange de tels propos, la question de savoir si, comme l’affirment les plaignantes, des « bruits de couloir » circulaient au sujet de réflexions inappropriées du recourant n’est pas non plus décisive.

En revanche, s’agissant des regards appuyés et des gestes déplacés, les enquêtes n’ont pas permis d’établir qu’ils avaient eu lieu. Hormis les dénonciatrices, aucun témoin n’a attesté avoir assisté à ce genre de comportement, étant précisé que les locaux, aménagés essentiellement en « open space », comportaient plus d’une centaine de collaborateurs. Il sera également relevé qu’il n’est pas contesté que l’ensemble des collaborateurs portaient un masque sur les lieux du travail, ce qui peut compliquer l’identification des émotions faciales. Quant au geste déplacé dénoncé par la troisième plaignante, qui n’a pas souhaité dévoiler son identité, il n’est pas possible, sur la base de ce seul témoignage, de retenir qu’il s’agissait d’un geste intentionnel de la part du recourant, ce d’autant moins que le geste aurait été perpétré lors d’une photographie de groupe où tous les collaborateurs étaient placés de manière très rapprochée.

Il convient donc de retenir, sur la base de l’ensemble des pièces au dossier et témoignages devant la chambre de céans, que le recourant a tenu des propos inappropriés en présence, à tout le moins, de trois collaboratrices. Or, en sa qualité de coordinateur infirmier, responsable de la coordination et de la gestion de l’équipe des infirmiers, il se devait d’adopter un comportement exemplaire, digne, et respectueux. Le recourant fait certes valoir qu’il n’était pas formellement le supérieur hiérarchique des trois collaboratrices. Les enquêtes ont toutefois permis de démontrer qu’il jouait un rôle important dans la reconduction de leur contrat. Le recourant a d’ailleurs lui-même relevé que s’il n’était pas officiellement responsable du recrutement et de la résiliation des contrats des membres de son équipe, le médecin cantonal lui demandait son avis lorsqu’il s’agissait d’engager du personnel ou de le réaffecter à son poste en fin de mission. En sa qualité d’expert infirmier, il connaissait les profils adaptés aux besoins de la cellule et avait pu demander à ce que certaines personnes, qui avaient une expertise particulière, restent dans la cellule alors qu’il était prévu qu’elles réintègrent leur poste. Il était, par ailleurs, le référent des infirmières pour les problèmes professionnels rencontrés au sein de la cellule. Or, force est d’admettre que cette position vis-à-vis des plaignantes était de nature à rendre plus difficile pour celles-ci de s’opposer, voire de dénoncer les faits. De par son statut, il lui appartenait de contribuer à la protection de leur personnalité, ce d’autant plus qu’elles travaillaient au bénéfice de contrats de travail précaires et s’inquiétaient de leur prolongation. Par ailleurs, s’agissant en particulier de Mme L______, le recourant a lui-même reconnu qu’il s’agissait d’une personne fragile. Or, le fait d’avoir agi en public et devant les collègues de celle-ci était propre à la dévaloriser. Les plaignantes ont d’ailleurs relevé s’être très vite senties mal à l’aise en sa présence et ont cherché à instaurer de la distance avec l’intéressé. On peut certes retenir en faveur du recourant qu’à la suite de la première discussion du 3 novembre 2020 avec M. E______, les plaisanteries de ce genre ont en partie cessé. Cela résulte en particulier de la plainte de Mme L______ du 9 décembre 2020, dont il ressort que les allusions avaient cessé environ deux semaines auparavant. La chambre de céans relève néanmoins que le 10 décembre 2020, soit un mois après la première discussion entre M. E______ et le recourant au sujet des remarques déplacées, Mme K______ a informé M. E______ avoir reçu, le jour même, une nouvelle remarque de sa part.

Ainsi, au vu de la répétition des plaisanteries inappropriées, adressées à des infirmières sur lesquelles il exerçait un certain ascendant, il convient d’admettre que le recourant a manqué aux devoirs du personnel des HUG. Si, comme on l’a vu, ces manquements doivent être placés dans leur contexte, le recourant ne saurait s’en prévaloir pour justifier un comportement inapproprié. Le nombre de plaignantes et de situations rapportées, s’ils n’attestent certes pas d’une intention de nuire dans la fréquence et la durée, révèle néanmoins qu’il ne s’agissait pas d’un acte isolé et que les plaisanteries inappropriées ont persisté, malgré un premier avertissement.

Le prononcé d’une sanction disciplinaire est ainsi justifié.

9) Reste à voir si le blâme respecte le principe de la proportionnalité.

a. L’autorité qui inflige une sanction disciplinaire doit respecter le principe de la proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_292/2011 du 9 décembre 2011 consid. 6.2). Pour satisfaire au principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.), il faut que la décision prononcée soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude), que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité) et qu'il existe un rapport raisonnable entre le but d'intérêt public recherché par cette mesure et les intérêts privés en cause, en particulier la restriction à la liberté personnelle qui en résulte pour la personne concernée (principe de la proportionnalité au sens étroit ; ATF 136 IV 97 consid. 5.2.2). Le choix de la nature et de la quotité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d’intérêt public recherchés. À cet égard, l’autorité doit tenir compte en premier lieu d’éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées pour le bon fonctionnement de la profession en cause et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l’intéressé (ATA/137/2020 précité ; ATA/118/2016 du 9 février 2016). En particulier, elle doit tenir compte de l’intérêt du recourant à poursuivre l’exercice de son métier, mais elle doit aussi veiller à la protection de l’intérêt public (ATA/694/2015 du 30 juin 2015).

En matière de sanctions disciplinaires, l’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation ; le pouvoir d’examen de la chambre de céans se limite à l’excès ou à l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/118/2016 précité ; ATA/452/2013 du 30 juillet 2013 et les références citées).

b. En l’occurrence, dans la mesure où le principe d’une sanction est fondé et que le blâme constitue la sanction la plus légère du catalogue prévu à l’art. 16 LPAC, force est de constater que l’autorité intimée n’a pas violé le principe de la proportionnalité ni outrepassé le large pouvoir d’appréciation dont elle disposait en matière de sanctions disciplinaires en prononçant un blâme.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

10) Vu l’issue du recours, un émolument de CHF 1'500.-, prenant en compte les trois audiences, sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 septembre 2021 par Monsieur A______ contre la décision des Hôpitaux universitaires de Genève du 3 août 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les
art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Didier Bottge, avocat du recourant ainsi qu'à Me Marc Hochmann Favre, avocat des Hôpitaux universitaires de Genève.

Siégeant : M. Mascotto, président, M. Verniory, Mmes Payot Zen-Ruffinen, Lauber et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. Mazza

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :