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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3681/2021

ATA/831/2022 du 23.08.2022 ( PROF ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3681/2021-PROF ATA/831/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 août 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

COMMISSION DU BARREAU

 



EN FAIT

1) Monsieur A______, né en 1956, est titulaire du brevet d'avocat depuis 1981.

2) Il est spécialisé dans le domaine du conseil en planification fiscale et a exercé seul au sein de son Étude jusqu'en 2007. Il a également présidé B______ (ci-après : B______) forte de cinq mille membres. Il n'avait pas d'activité judiciaire, hormis en matière de contentieux administratif avec l'administration fiscale.

3) Le 12 septembre 2016, la commission du barreau (ci-après : la commission), ayant eu connaissance par la presse de l'ouverture d'une procédure pénale à l'encontre d'un avocat de la place chargé du recouvrement des créances en souffrance de C______ (ci-après : C______), a requis l'entraide administrative du Ministère public s'agissant de l'identité de l'avocat et les infractions qui lui étaient reprochées, en vue de l'ouverture d'une procédure disciplinaire.

4) a. Par courrier du 14 septembre 2016, le Ministère public a informé la commission que M. A______ avait été mis en prévention le 16 septembre 2015 pour complicité, subsidiairement, instigation, de gestion déloyale des intérêts publics selon l'art. 314 du Code pénal suisse du 21 décembre1937 (CP - RS 311.0) pour avoir collaboré avec Monsieur D______ afin d'obtenir, pour son Étude ou sa société, tout le recouvrement de C______, entre les années 2007 et 2015, dans le dessein de se procurer un avantage indu et léser les intérêts publics de C______. Le Ministère public a transmis à la commission copie des principaux procès-verbaux d'auditions.

Il lui était reproché d'avoir encaissé plus de CHF 40'000'000.- d'honoraires pendant une période de sept ans. C______ n'avait pas pu se rendre compte du coût de cette externalisation, car les factures compensaient le prix des honoraires avec les encaissements effectués, de sorte que seuls 40 % du coût effectif de la prestation apparaissaient dans leur comptabilité. Le dommage subi par la partie plaignante était estimée à CHF 12'000'000.- au minimum.

Durant la procédure préliminaire, M. A______ avait indiqué qu'au moment où le mandat lui avait été proposé, un accord était intervenu entre lui et M. D______ sur un tarif horaire de CHF 220.- et une « success fee » de 8 % sur les encaissements. Par la suite, à cet accord de base s'était ajouté un forfait de CHF 42.- par facture, pour la procédure allant de la sommation jusqu'à la réquisition de continuer la poursuite, étant précisé que C______ établissait lui-même les sommations. M. A______ contestait les faits reprochés et le dommage allégué et avait exposé avoir rapporté à C______ CHF 206'000'000.- pendant la durée du mandat. Il estimait avoir fourni une très bonne performance, et sa rémunération était bien moins élevée que celle d'autres sociétés de recouvrement.

b. Le 9 mars 2016, l'instruction a été étendue à l'infraction de gestion déloyale (art. 158 CP). Il était reproché à M. A______ d'avoir, entre 2007 et 2015, en sa qualité d'avocat, et alors qu'il devait défendre leurs intérêts et en violation de son devoir de facturer ses honoraires conformément à la réalité, porté atteinte aux intérêts de C______ en surfacturant ses prestations et en facturant des prestations administratives qui n'étaient pas dues, pour un dommage à hauteur de CHF 22'211'684.-. M. A______ avait également contesté cette infraction.

5) Le 19 septembre 2016, la commission a informé M. A______ de l'ouverture d'une procédure disciplinaire pour violation éventuelle des règles professionnelles en lien avec l'instruction ouverte à son encontre auprès du Ministère public. Elle l'a invité à lui soumettre ses observations et indiqué qu'elle entendait suspendre la procédure disciplinaire comme dépendant de l'issue de la procédure pénale. Elle a également attiré son attention sur le fait que son adresse professionnelle correspondait à son adresse privée et lui a enjoint de l'informer s'il exerçait à son domicile et, dans l'affirmative, à apporter toutes les précisions utiles sur la configuration du logement et les mesures prises pour respecter ses devoirs professionnels.

6) Par courrier du 29 septembre 2016, M. A______ a fourni une nouvelle adresse professionnelle et indiqué que les faits figurant dans la mise en prévention concernaient la rémunération payée par C______ dans le cadre du « recouvrement standardisé de masse ». Il s'agissait de 400'000 factures mises au recouvrement pour un total de CHF 338'507'527.- pendant une période de huit ans et demi. Sa rémunération avait été fixée par C______ et était structurée en forfaits, dont les montants avaient été calculés par son mandant. Il avait ainsi toujours facturé ce qui avait été convenu.

7) Le 11 octobre 2016, la commission a suspendu l'instruction de la procédure disciplinaire comme dépendant de l'issue de la procédure pénale. Elle a également demandé des précisions sur les activités professionnelles exercées dans les nouveaux locaux de M. A______.

8) Le 21 octobre 2016, M. A______ a précisé que seule son activité de conseil fiscal se déroulait dans ces locaux.

9) Le 1er novembre 2016, la commission a imparti un délai à M. A______ pour indiquer dans quels locaux il exerçait son activité d'avocat et lui a rappelé que l'inscription au registre cantonal des avocats (ci-après : le registre) exigeait qu'il dispose d'une adresse professionnelle permettant le respect des conditions légales prévues pour exercer la profession.

10) Par courrier de son conseil du 18 novembre 2016, confirmé par l'intéressé le 21 novembre 2016, M. A______ a indiqué qu'il n'exerçait aucune activité d'avocat au sens strict, particulièrement la représentation en justice dans le cadre du monopole au sens de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 (LLCA - RS 935.61). En plus des mandats d'administration, il assistait ses clients « sans lien avec des procédures judiciaires ». Son activité se limitait aux procédures administratives et fiscales. Selon sa compréhension, son inscription au registre était ainsi superflue et il requérait formellement sa radiation du registre.

11) Le 24 novembre 2016, la commission a informé M. A______ de sa radiation du registre et indiqué que la procédure disciplinaire à son encontre demeurait suspendue jusqu'à l'issue de la procédure pénale.

12) Par jugement du 21 décembre 2018, le Tribunal correctionnel a acquitté M. A______ du chef d'instigation à gestion déloyale des intérêts publics mais l'a condamné pour escroquerie par métier et faux dans les titres, à une peine privative de liberté de trente-six mois, prononcée sans sursis à raison de dix mois et au bénéfice d'un sursis partiel pour le surplus. Il a en outre été condamné à payer à C______, conjointement et solidairement avec M. D______, la somme de CHF 22'313'750.90 à titre de réparation du dommage.

13) Par arrêt du 26 mai 2020, la chambre pénale d'appel et de révision (ci-après : CPAR) a réformé le jugement précité en ce sens que M. A______ était acquitté de l'infraction de faux dans les titres mais condamné pour complicité de gestion déloyale. Il a été condamné à une peine privative de liberté de deux ans et mis au bénéfice du sursis. Il a été condamné, conjointement et solidairement avec son co-prévenu, à payer à C______ la somme de CHF 20'460'487.- à titre de dommage matériel.

a. À l'appui de son raisonnement, la CPAR a notamment constaté que la conclusion du mandat avec C______ en janvier 2007 avait été formalisée par un courrier sur le papier à en-tête de l'Étude de M. A______. La rémunération fixée dans ce document prévoyait uniquement un tarif horaire de CHF 220.- et un montant de 8 % des montants encaissés par C______ sur les créances recouvrées. S'agissant de l'ajout du forfait de CHF 42.-, les co-prévenus avaient soit initialement discuté de l’activité de M. A______ dès la remise des factures mais pas de la rétribution y relative, puis, s’en rendant compte, avaient très rapidement décidé de lui appliquer le forfait de CHF 42.-, s’inspirant de l’articulation de la rémunération proposée par les bureaux de recouvrement, soit ils avaient estimé initialement que cette activité était soumise au taux horaire et à la « success fee », puis avaient très rapidement décidé de lui appliquer le forfait au lieu de la rétribution au taux horaire. Ils avaient par la suite encore convenu d'autres forfaits correspondant à des tâches administratives forfaitisées (ci-après : TAFo), activité indispensable au suivi du recouvrement.

M. A______ avait rédigé le modèle de lettre de sommation ainsi que les modalités de reconnaissance de dette à faire figurer au verso du document. C______ générait ces sommations sur le papier à en-tête modifié de M. A______ (par la mention des numéros de téléphone de C______ au lieu des siens), car son statut d'avocat était perçu comme susceptible d'avoir un effet sur les débiteurs récalcitrants, en signifiant une volonté d'aller de l'avant avec le recouvrement. M. A______ se chargeait ensuite de signer les sommations. En cas de non-paiement, C______ remplissait et imprimait les réquisitions de poursuite qui étaient ensuite signées et vérifiés par l'avocat avant d'être envoyées par C______. En cas d'opposition aux commandements de payer, C______ rassemblait les pièces nécessaires à une demande de mainlevée et les transféraient à M. A______ qui sous-traitait la représentation devant les tribunaux à d'autres avocats. En l'absence d'opposition, C______ générait les réquisitions de continuer la poursuite pour vérification et signature par M. A______. Cette activité l'occupait à un taux de 50 % en moyenne.

Durant le mandat, M. A______ avait facturé CHF 19'013'201.25 en lien avec l'activité « sommations ». L'examen des « time-sheets » avait laissé apparaître qu'il avait facturé une activité dépassant parfois largement les vingt-quatre heures par jour pour l'activité soumise au taux horaire. Il avait facturé un montant total pendant la durée du mandat de CHF 12'761'558.42 pour cette activité. Ainsi, entre février 2007 et septembre 2015, M. A______ avait facturé la somme totale de CHF 50'297'302.57 et encaissé, une fois ses sous-traitants rémunérés, un montant de CHF 46'867'911.56. Dès septembre 2009, il déduisait de ses notes d'honoraires les encaissements perçus pour le compte de C______. Une fois les encaissements déduits, C______ avait payé en définitive la somme de CHF 30'050'611.- sur le total des honoraires.

M. A______ avait certes effectué un travail très important pour C______. Cependant, il existait une importante marge de négociation et M. D______ aurait pu le convaincre d'accepter le mandat pour une rémunération annuelle nette bien inférieure à celle pratiquée. Une rémunération se situant entre CHF 1'500'000.- et CHF 2'000'000.- selon le volume de travail, était retenue au titre de l'hypothèse la plus favorable à la défense, mais restait dans la limite (extrême) du réaliste. La différence entre les montants facturés par M. A______ et ce qui aurait, au plus dû être facturé, s'élevait à CHF 20'545'521.- pour la période entre 2007 et 2015.

b. L'activité exercée par M. A______ pour C______ relevait de l'activité typique de l'avocat. Les parties au procès avaient affirmé que la qualité d'avocat du mandataire avait de l'importance, même au stade de la sommation, et le prévenu s'adressait aux débiteurs en se prévalant de son titre d'avocat et en utilisant le papier à en-tête de son Étude. De plus, la première prestation fournie avait été la rédaction du modèle de sommation et de reconnaissance de dette, une activité typique de l'avocat. Le contrat avait été formalisé au moyen d'une procuration de l'ordre des avocats (ci-après : OdA) en 2007, reconduite en 2013 et 2014. M. A______ avait pu représenter la partie plaignante auprès des offices des poursuites genevois et vaudois grâce à son inscription au registre. La législation en vigueur durant le mandat prévoyait un monopole de l'avocat en matière de poursuites dans ces deux cantons qui représentaient le bassin principal de domicile des patients-débiteurs. Bien qu'une partie de son activité eût un caractère atypique, l'ensemble de l'activité de M. A______ était intimement lié à sa qualité d'avocat, de sorte que le contrat le liant à C______ était un contrat d'avocat régi par les dispositions spéciales propres à la profession d'avocat.

c. La rémunération dont avait bénéficié M. A______ s'écartait de façon tout à fait notable et en sa très grande faveur des principes régissant la fixation des honoraires d'avocat en Suisse. À tout le moins à la fin de la première année de son mandat, M. A______ avait nécessairement « pris conscience de l'explosion de ses honoraires. ( ) Vu le caractère totalement exorbitant de cette rémunération et – ce n'[était] pas anodin – la qualité d'établissement [de droit] public de sa cliente, l'appelant A______ ne [pouvait] se retrancher derrière le fait que le représentant autorisé de celle-ci était très précisément informé des modalités de calcul de ses honoraires. ( ) Il [était] ainsi indéniable que l'appelant A______ aurait dû, conformément aux règles régissant la profession d'avocat, s'assurer que, au-delà du prévenu [D______], la hiérarchie de ce dernier était bien informée des conditions de sa rémunération et les acceptait nonobstant leur caractère et importance tout à fait inusuels. Il ne pouvait d'ailleurs d'autant moins rester passif qu'il savait que sa lettre du 24 janvier 2007 était incomplète et ses factures indécryptables pour d'autres que lui-même et son unique interlocuteur, hormis le montant réclamé ».

Il ne pouvait ignorer que son co-prévenu avait le devoir d'agir dans l'intérêt de son employeur, établissement de droit public, et qu'il sautait au yeux que la rémunération proposée était exorbitante. Bien qu'il soutînt que son activité n'avait été celle, typique, d'un avocat que pour une partie moindre, il ne pouvait « en vérité ignorer que celle-ci était régie dans son ensemble par les règles applicables à la fixation des honoraires d'avocat ( ), règles dont le mode de facturation convenu s’écartait très considérablement, au détriment du client. Indépendamment de ces règles, il ne pouvait pas ne pas réaliser que dite rémunération était totalement disproportionnée et injustifiable économiquement, par rapport au travail qu’il allait être et a été concrètement appelé à effectuer, et qui ne l’[avait] occupé, en moyenne, qu’à 50 %, lui permettant de réaliser une marge très excessive après couverture de ses charges ( ). Dans l’hypothèse la plus favorable, il ne pouvait à tout le moins plus l’ignorer passé les premiers mois de la collaboration. Aussi, le prévenu A______ savait-il que la rémunération proposée était incompatible avec les obligations de gérant du prévenu D______. En conséquence, il était en mesure de comprendre qu'il concourrait au dommage causé [à C______] par son représentant. Ce nonobstant, il [avait] accepté d’intervenir à ces conditions et [avait] persisté à le faire, tout au long de la période pénale retenue, soit de 2008 à la mi-2015 ».

Le courrier formalisant la collaboration et le mode de rémunération de janvier 2007 ne mentionnait pas le forfait de CHF 42.- pour les sommations et le forfait pour les TAFo et n'avait pas été complété par la suite. Ainsi, « contrairement à ce qu'il soutient, l'appelant A______ ne pouvait pas partir de l'idée que, dès lors que son unique interlocuteur était, à tout le moins en apparence, un représentant autorisé de l'institution et que ses factures avaient été reçues et payées sans discussion, les organes supérieurs de celle-ci étaient bien informés des modalités de sa facturation, ainsi que de son volume ». Les factures envoyées à C______ étaient opaques, les notes d'honoraires « sommations » ne mentionnant pas le forfait de CHF 42.- et ne permettant pas de comprendre comment le montant facturé était calculé. De plus, les notes d'honoraires « contentieux » et les relevés de prestations n'incluaient aucune référence aux TAFo, celle-ci ressortait exclusivement – pour autant que le système de la conversion du forfait en minutes soit connu –, des « time-sheets » que M. A______ ne communiquait pas. Il pouvait d'autant moins se satisfaire de l'apathie de C______ à l'égard du coût, qu'il était conscient de ce que les modalités de sa rémunération s'écartaient très sensiblement, et sans doute de manière non admissible au plan civil, des règles propres à la profession d'avocat, auxquelles elles étaient pourtant bien soumises, et que le bénéfice qu'il en retirait était totalement exorbitant.

14) Le 22 décembre 2020, le Tribunal fédéral a rejeté les recours formés par les différentes parties contre l'arrêt de la CPAR du 26 mai 2020 (6B_815/2020 ; 6B_823/2020 ; 6B_826/2020 ; 6B_831/2020).

La cour cantonale pouvait, sans arbitraire, retenir que M. A______ avait eu conscience – les années passant – de facturer des montants considérables, qui n'étaient aucunement corrélés à une augmentation de ses charges mais lui permettaient au contraire de réaliser des marges que son mandant n'aurait eu aucun intérêt à tolérer. M. A______ perdait de vue que la gestion déloyale retenue par la CPAR n'avait pas été constatée dans une comparaison entre les résultats obtenus en matière de recouvrement, le coût des sociétés de recouvrement et sa rémunération, mais dans la comparaison entre le travail fourni, les charges assumées et la marge réalisée par l'avocat. « Il [avait] été considéré que, dès 2008, la rémunération obtenue par [M. A______] n'était – prise dans sa globalité – plus justifiée, dès lors qu'elle permettait à ce dernier de dégager un revenu net largement trop élevé. [Il] tent[ait] dès lors en vain de démontrer l'efficacité de sa méthode ou de mettre en avant le volume des affaires traitées, puisqu'aucun de ces aspects n'entr[ait] en ligne de compte dans l'appréciation globale de sa rémunération nette ( ). La cour cantonale pouvait donc, sans violer le droit, considérer que [M. A______] avait, à tout le moins par dol éventuel, participé à la gestion déloyale – pour laquelle il avait fourni une participation indispensable et dont il avait, seul, retiré un considérable avantage – et, par conséquent, condamner l'intéressé pour complicité concernant cette infraction ».

15) Le 2 février 2021, la commission a invité M. A______ à se déterminer dans le cadre de la procédure disciplinaire à son encontre.

16) Le 1er mars 2021, M. A______ a indiqué que C______ lui avait demandé en janvier 2008 de prendre en charge leur recouvrement. Les conditions du mandat avaient été dictées par C______. Il n'avait pas fixé le tarif. Celui-ci s'inspirait des tarifs des sociétés de recouvrement du marché et correspondait à la moitié. Il n'avait jamais triché ni trompé qui que ce soit. Le dessein d'enrichissement illégitime avait été, à juste titre, abandonné et il avait scrupuleusement exécuté les instructions de son mandant, ce qui était son devoir, de sorte qu'aucun grief juridique et disciplinaire ne pouvait lui être opposé.

À l'appui de son courrier, il a produit les notes de plaidoiries de son conseil du 30 septembre 2019 ainsi que des tableaux montrant l'évolution dans le temps de la structure des coûts du recouvrement de C______, la projection des coûts forfaitaires annuels du recouvrement à disposition de C______ au début de l'année 2007, comparant ces coûts à ceux des sociétés de recouvrement, la comparaison des coûts totaux du recouvrement sans les tâches supplémentaires forfaitisées, la comparaison des coûts totaux du recouvrement avec les tâches supplémentaires forfaitisées et enfin un tableau comparatif entre sa performance et celle de la société de recouvrement E______ SA (ci-après : E______) en lien avec l'encaissement.

17) Le 21 juin 2021, M. A______ a déposé une requête devant la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après : CourEDH) contre l'arrêt du Tribunal fédéral précité. Il a invoqué une violation du principe de la légalité des délits et des peines au sens de l'art. 7 § 1 phr. 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et une violation de son droit à une défense efficace et à une procédure équitable selon l'art. 6 § 1 et 3 let. a CEDH.

Cette procédure (n° ______/21 L. c. Suisse) est encore pendante.

18) Par décision du 13 septembre 2021, notifiée le 27 septembre 2021, la commission a retenu que M. A______ avait violé les art. 12 let. a et i LLCA et prononcé une amende de CHF 20'000.- à son encontre, précisant que le délai de radiation de la sanction était de cinq ans.

La facturation pratiquée par M. A______ avait été « manifestement excessive, voire abusive ». Il avait à la fois facturé des montants « manifestement exagérés » à son mandant pour des activités qu'il avait surfacturées, comme par exemple le fait qu'il lui arrivait de facturer plus de vingt-quatre heures par jour pour l'activité soumise à « time-sheet ». Le forfait applicable aux sommations ou aux TAFo n'apparaissait pas dans le courrier formalisant le mode de rémunération. Il avait violé son devoir d'information en maintenant une opacité totale en lien avec les divers postes de sa facturation et avait renforcé cette opacité en décidant de procéder à une compensation entre les montants reçus pour le compte de C______ et ses honoraires, en ne versant à ces derniers que les montants recouvrés nets d'honoraires. Ces manquements étaient d'une gravité suffisante pour justifier une sanction disciplinaire.

M. A______ avait agi par appât du gain. L'enrichissement qu'il avait tiré de son activité illicite était d'autant plus inexcusable qu'il aurait pu, en facturant son activité de façon conforme, bénéficier de revenus considérables. Il avait agi durant une longue période et aurait dû informer son client et rediscuter de la rémunération lorsqu'il avait constaté que les honoraires qu'ils facturait « explosaient ». La gravité des faits commis par M. A______ pouvait justifier une interdiction temporaire ou définitive d'exercer la profession. Cependant, étant donné qu'il n'était plus inscrit au registre depuis novembre 2016, que l'inscription au casier judiciaire de sa condamnation ne pourrait être éliminée que dans les dix ans suivant le jugement définitif et compte tenu de l'âge de M. A______, il était peu vraisemblable qu'il requière sa réinscription.

19) Le 27 octobre 2021, M. A______ a interjeté recours par-devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant à son annulation et à ce qu'il soit constaté que la décision était erronée.

La commission se basait sur un état de fait erroné. Elle n'avait pas qualifié le contrat avec C______. Elle retenait dans l'ensemble la position de la CPAR sans fournir la sienne. Le contrat le liant à C______ n'était pas un mandat d'avocat mais un contrat composé de mandat d'encaissement, de courtage, d'entreprise et de mandat d'avocat où le volet judiciaire ne représentait que 12 % de la facturation et moins de 3 % du volume traité. Sa rémunération ne pouvait ainsi être examinée dans sa globalité uniquement en fonction du taux horaire de CHF 220.- et du nombre d'heures annuel d'un avocat. La CPAR avait retenu à tort que le contrat convenu avec C______ était un contrat d'avocat pour en déduire qu'il devait avoir conscience d'être soumis aux règles applicables à la fixation des honoraires d'avocat.

Contrairement à ce qu'avait retenu la CPAR, l'utilisation du papier professionnel modifié, notamment sur les sommations, ainsi que l'utilisation de la procuration de l'OdA n'était pas des éléments déterminants pour retenir l'existence d'un mandat d'avocat. Tant les sommations que les réquisitions de continuer la poursuite étaient préparées par C______, sa mission ne consistant qu'en leur vérification et signature. La prestation essentielle, soit le travail de recouvrement, consistait en des tâches administratives et comptables qui n'avaient rien de juridique. À l'exception des CHF 220.- de l'heure, réservés à Mes F______ et G______, tous les tarifs étaient étrangers aux tarifs d'avocat, tant au niveau de leur mode de calcul que de leur quotité. Il était ainsi absurde de qualifier de mandat le recouvrement de la période de 2007 à 2015 à cause de son statut qui, dans les faits, avait créé une agence de recouvrement sur mesure pour C______ et appliqué les tarifs de recouvrement dictés par son client. La CPAR avait retenu à tort que la prestation prépondérante du contrat de recouvrement pour la période de 2007 à 2015 correspondait aux prestations typiques d'un avocat. De plus, le poids financier de la prestation fournie par les avocats F______ et G______ était très faible par rapport à l'ensemble ce qui excluait la qualification juridique du contrat retenue par la CPAR.

Sa qualité d'avocat voulue par C______ avait pour objectif d'inciter les débiteurs récalcitrants à payer, mais ne définissait pas ses prestations. Ce rôle n'était qu'une posture formelle pour tenter d'augmenter le taux des encaissements. Dans son arrêt, la CPAR avait confondu la forme et le contenu de son activité. Le recouvrement nécessitait la mise en place d'une structure et de moyens informatiques exorbitants à la structure d'une étude d'avocats.

La CPAR avait également eu tort de considérer que le contrat de recouvrement avec C______ avait été formalisé par la procuration de l'OdA. Les procurations signées ne contenaient pas d'indications sur les tâches administratives et comptables du recouvrement, ni sur la mise en place de l'infrastructure nécessaire à leur exécution, alors qu'elles étaient les prestations très largement majoritaires par rapport aux prestations d'avocat. Les procurations ne définissaient pas non plus le contrat convenu avec C______ mais étaient uniquement un acte nécessaire en vue de la représentation en justice. Les éléments du dossier démontraient que l'activité d'avocat était reléguée à l'arrière-plan par rapport à l'ensemble des prestations effectuées par ses soins, de sorte que son contrat avec C______ ne pouvait être qualifié de mandat d'avocat.

La CPAR retenait que M. A______ s'était notablement écarté de la LLCA, mais ne précisait pas de quelle manière, en violation de son droit d'être entendu. Il était possible d'imaginer que l'arrêt de la juridiction pénale faisait référence au devoir d'information prévu à l'art. 12 let. i LLCA. Cette disposition était cependant inapplicable aux tarifs du recouvrement, à l'exception des honoraires de CHF 220.- de l'heure payés aux avocats sous-traitants. Contrairement aux avocats, il n'avait pas fixé les tarifs, ni estimé le nombre d'heures de son travail qui avaient été transformés en forfaits. Tous les tarifs avaient été déterminés par C______. Il n'avait ainsi aucune influence sur la fixation des tarifs, de sorte que son devoir d'information concernant les modalités de la fixation de la rémunération était en réalité inopérant. L'obligation d'informer découlant de cet article ne pouvait lui être transposée, s'agissant des tarifs de 8 %, CHF 42.- et TAFo, de sorte qu'il n'avait pas violé son devoir d'information.

L'argument de la CPAR selon lequel il aurait dû s'assurer que la « hiérarchie » de M. D______ était au courant de tous les tarifs était insoutenable. Il ressortait du dossier qu'il n'avait pas connaissance d'un prétendu manque d'information au sein de C______ ou d'une quelconque opposition de C______ aux tarifs et ne pouvait ainsi imaginer qu'une ratification aurait été nécessaire. Il devait se fier au responsable et au représentant autorisé de C______ et ne pouvait se voir imputer aucune faute de ce fait.

Il n'avait pas violé les règles professionnelles de la profession d'avocat dans le cadre de son activité pour C______. Il avait donné suite à toutes les doléances de son mandant, l'avait informé des modalités de facturation et renseigné périodiquement ou à sa demande sur les montants des honoraires dus. Le résultat du soin et de la diligence apportés au mandat avait toujours été salué. Toutes les factures étaient conformes aux tarifs fixés par C______ et aucune activité non réalisée n'avait été facturée. Il avait été acquitté de tous les chefs d'inculpation retenus contre lui dans l'acte d'accusation et par le Tribunal correctionnel. La CPAR avait retenu une complicité par dol éventuel d'une gestion déloyale sans dessein d'enrichissement illégitime au sens de l'art. 158 ch. 1 al. 1 CP, de sorte qu'il ne pouvait y avoir une facturation excessive.

L'argument de la commission de l'opacité dans sa facturation était erroné. En effet, les montants reçus avaient été décomptés des honoraires qui lui étaient dus à la demande expresse de C______ afin de ne pas faire l'objet d'une note de crédit sur les factures des patients concernés lors de leur comptabilisation. Il avait enfin été établi qu'il remettait ses factures avec un relevé de compte sur lequel figuraient le solde en sa faveur, le montant de ses factures et les montants reçus pour le compte de C______. Ce chef d'accusation avait par ailleurs été écarté par la CPAR.

20) Par courrier du 15 décembre 2021, la commission a transmis son dossier sans formuler d'observations complémentaires.

21) Le 20 décembre 2021, la chambre administrative a imparti un délai au recourant afin qu'il se détermine sur l'usage qu'il avait fait du titre d'avocat dans la procédure 2C_93/2021 du 9 novembre 2021 auprès du Tribunal fédéral.

22) Par courrier du 10 janvier 2022, M. A______ a indiqué que la procédure 2C_93/2021 ayant trait aux taxations d'un contribuable pour l'année 2007 était en cours depuis des années.

À la suite de la notification le 11 janvier 2021 de l'arrêt du Tribunal fédéral dans la procédure pénale à son encontre, il avait modifié son papier à en-tête de façon à ce que la mention « titulaire du brevet d'avocat » remplace celle d'avocat. Dans le cadre du recours au Tribunal fédéral dans la procédure 2C_93/2021, il avait cependant involontairement omis de modifier l'ancien modèle d'écriture sur lequel il était encore mentionné en tant qu'avocat.

23) Les parties ont ensuite été informées que la cause était gardée à juger.

 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant considère que la décision de la commission se base sur un état de fait erroné et qu'aucune violation des règles sur la profession d'avocat ne peut lui être reprochée.

a. L'avocat autorisé à pratiquer doit respecter les règles professionnelles énoncées à l'art. 12 LLCA. Ces règles professionnelles sont des normes destinées à réglementer, dans l'intérêt public, la profession d'avocat, afin d'assurer son exercice correct et de préserver la confiance du public à l'égard des avocats (ATF 135 III 145 consid. 6.1).

Aux termes de l’art. 12 let. a LLCA, l’avocat exerce sa profession avec soin et diligence. Cette disposition constitue une clause générale, visant le soin et la diligence de l’avocat dans l’exercice de son activité professionnelle. L'obligation de diligence imposée à l'art. 12 let. a LLCA est directement déduite de l'art. 398 al. 2 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse - CO, Code des obligations - RS 220 ; elle interdit à l'avocat d'entreprendre des actes qui pourraient nuire aux intérêts de son client (Walter FELLMANN, Kommentar zum Anwaltsgesetz, 2011, n. 25 ad art. 12 LLCA) et lui impose un devoir de fidélité et de loyauté (ATF 135 II 145 consid. 9.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_358/2014 du 12 décembre 2014 consid. 3.1 et les références citées).

Toute violation du devoir de diligence contractuel n’implique pas l’existence d’un manquement de nature disciplinaire au sens de l’art. 12 let. a LLCA. Cette disposition suppose l'existence d'un manquement significatif aux devoirs de la profession (ATF 144 II 473 consid. 4). L’avocat ne risque une sanction disciplinaire que lorsqu’il viole de manière intentionnelle ou gravement négligente son devoir de diligence. Un mauvais conseil ou une erreur de procédure, s’ils peuvent entraîner une responsabilité contractuelle de l’avocat, n’ont pas de conséquences disciplinaires.

La rémunération de l'avocat doit être objectivement proportionnée (ATF 101 II 109 consid. 2 = JdT 1976 I 333). Les critères généralement retenus sont le travail effectué, la complexité et l'importance de l'affaire, la responsabilité assumée, le résultat obtenu et la situation du client (Benoît CHAPPUIS, La profession d'avocat, Tome II, La pratique du métier : De la gestion d'une étude et la conduite des mandats à la responsabilité de l'avocats, 2017, p. 66). L'adéquation de la rémunération fait partie du devoir de diligence de l'avocat, de sorte qu'une facturation notablement excessive constitue une violation de ce dernier, particulièrement parce qu'elle sape la confiance que l'on doit pouvoir placer en lui (Walter FELLMANN, op. cit., 2011, n. 169 ad art. 12 LLCA ; Michel VALTICOS in Michel VALTICOS/ Christian M. REISER/Benoît CHAPPUIS [éd.], Loi sur les avocats : commentaire de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats [loi sur les avocats, LLCA], 2010, n. 32 ad art. 12 LLCA ; Benoît CHAPPUIS, op. cit., Tome II, p. 67).

L’avocat a aussi un devoir d’information envers le client. Ce devoir a en réalité des fondements juridiques divers – LLCA, CO, règles déontologiques – et présente des facettes multiples ; il constitue à n’en pas douter une des obligations les plus importantes de l’avocat. La LLCA n’institue cependant un devoir d’information exprès qu’à l’art. 12 let. i LLCA qui oblige l’avocat à renseigner son client sur son mode de facturation et le montant des honoraires. Pour le reste, c’est au devoir général de diligence qu’il faut se référer. En vertu de ce dernier, l’avocat est tenu d’informer son client sur l’ensemble des risques liés à son affaire, en particulier les coûts et frais (notamment judiciaires et administratifs) qui en découleront (Benoît CHAPPUIS, op. cit., Tome I, pp. 54-55). Plus le contrat d'honoraires concret s'écarte de la rémunération normalement due, plus l'avocat doit informer le client avec précision sur les effets du contrat et sur la différence qu'il entraîne. Les dépassements de grande ampleur ne sont autorisés que dans des cas exceptionnels et nécessiteraient une clarification méticuleuse du client et un consentement sans équivoque (Beat HESS, Das Anwaltsgesetz des Bundes und seine Umsetzung durch die Kantone am Beispiel des Kantons Bern, RSJB 2004, p. 119).

Comme tout mandataire, l’avocat a ainsi le devoir général de rendre compte à son client à première demande de sa part ; cette reddition de comptes s’étend aussi bien à la conduite de son mandat et à l’évolution du dossier proprement dit qu’à toute circonstance susceptible de concerner son client (Michel VALTICOS in Michel VALTICOS/Christian REISER/Benoît CHAPPUIS, op. cit., n. 29 ad art. 12 ; ATA/1014/2020 du 13 octobre 2020 consid. 3a).

b. La formulation très large de l’art. 12 let. a LLCA constitue également une clause générale qui demande à être interprétée et qui permet de la sorte aux tribunaux de dessiner les devoirs professionnels de l’avocat d’une façon assez libre et étendue, l’énumération exhaustive des devoirs professionnels dans la loi étant impossible. De fait, la jurisprudence donne à cette clause générale un sens qui va bien au-delà de la lettre du texte légal. En effet, le soin et la diligence visés par l’art. 12 let. a LLCA constituent des devoirs qui n’ont pas les clients pour seuls bénéficiaires. Ces devoirs s’étendent à tous les actes professionnels de l’avocat qui, en tant qu’auxiliaire de la justice, doit assurer la dignité de la profession, qui est une condition nécessaire au bon fonctionnement de la justice (arrêt du Tribunal fédéral 2C_167/2020 du 13 mai 2020 consid. 3.4 et les références citées ; Benoît CHAPPUIS, op. cit., Tome I, pp. 50-51).

Ainsi, en exigeant de l’avocat qu’il se comporte correctement dans l’exercice de sa profession, l'art. 12 let. a LLCA ne se limite pas aux rapports entre le client et l’avocat, mais vise également le comportement de ce dernier face aux autorités en général, y compris les autorités judiciaires (ATF 130 I 270 consid. 3.2 p. 276 s. ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_150/2008 du 10 juillet 2008 consid. 7.1 ; 2A.545/2003 du 4 mai 2004 consid. 3 ; Message concernant la loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 28 avril 1999, FF 1999 5331, p. 5368) dans le but d’assurer le respect de celles-ci, ainsi que la confiance placée dans l’avocat (arrêt du Tribunal fédéral 4P.36/2004 du 7 mai 2004 consid. 5). L'avocat assume une tâche essentielle à l'administration de la justice en garantissant le respect des droits des justiciables et joue ainsi un rôle important dans le bon fonctionnement des institutions judiciaires au sens large. Dans ce cadre, il doit se montrer digne de confiance dans les relations avec les autorités judiciaires ou administratives et s'abstenir de tout acte susceptible de remettre en question cette confiance (ATF 144 II 473 consid. 4.3 et les références citées).

c. La LLCA définit de manière exhaustive les règles professionnelles auxquelles les avocats sont soumis. Les règles déontologiques conservent toutefois une portée juridique en permettant de préciser ou d'interpréter les règles professionnelles, dans la mesure où elles expriment une opinion largement répandue au plan national (ATF 136 III 296 consid. 2.1 ; 131 I 223 consid. 3.4). Dans le but d'unifier les règles déontologiques sur tout le territoire de la Confédération, la Fédération Suisse des Avocats (ci-après : FSA) a précisément édicté le Code suisse de déontologie (ci-après : le CSD) ; consultable sur http://www.sav-fsa.ch, entré en vigueur le 1er juillet 2005 et modifié le 22 juin 2012.

d. À teneur de l'art. 1 CSD, l'avocat exerce sa profession avec soin et diligence et dans le respect de l'ordre juridique. Il s'abstient de toute activité susceptible de mettre en cause la confiance mise en lui.

Selon l'art. 18 CSD, le montant des honoraires doit être approprié. Il se détermine selon les circonstances du cas d'espèce, la difficulté et l'importance de l'affaire, l'intérêt du client, l'expérience de l'avocat, les usages en la matière et l'issue de la procédure.

3) a. Selon l'art. 14 al. 1 de la loi sur la profession d’avocat (LPAv - E 610), la commission exerce les compétences dévolues à l'autorité de surveillance des avocats par la LLCA, ainsi que les compétences qui lui sont attribuées par la LPAv.

Les avocats inscrits au registre sont soumis, sans préjudice des règles de droit commun, à la surveillance de la commission (art. 42 al. 1 LPAv). La commission statue sur tout manquement aux devoirs professionnels. Si un tel manquement est constaté, elle peut, suivant la gravité du cas, prononcer les sanctions énoncées à l'art. 17 LLCA. La prescription est régie par l'art. 19 de cette même loi (art. 43 al. 1 LPAv).

b. L'autorité de surveillance doit faire preuve d'une certaine réserve dans son appréciation du comportement de l'avocat (arrêt du Tribunal fédéral 2C_103/2016 du 30 août 2016 consid. 3.2.3). L'art. 12 let. a LLCA est une disposition subsidiaire. Pour que le comportement d'un avocat justifie une sanction au sens de cette disposition, la violation du devoir de prudence doit atteindre une certaine gravité qui, au-delà des sanctions relevant du droit des mandats, nécessite, dans l'intérêt public, l'intervention proportionnée de l'État (arrêt du Tribunal fédéral 2C_933/2018 du 25 mars 2019 consid. 5.1). Le comportement sanctionné par l'art. 12 let. a LLCA suppose partant un manquement significatif aux devoirs de la profession.

c. La chambre administrative examine librement si le comportement incriminé contrevient à l'art. 12 let. a et i LLCA (art. 67 LPA ; arrêt du Tribunal fédéral 2P.318/2006 du 27 juillet 2007 consid. 12.1 ; ATA/258/2021 du 2 mars 2021 consid. 7 ; ATA/1014/2020 du 13 octobre 2020 ; ATA/1405/2017 du 17 octobre 2017 ; ATA/820/2014 du 28 octobre 2014).

4) Lorsque le complexe de fait soumis au juge administratif a fait l’objet d’une procédure pénale, le juge administratif est en principe lié par le jugement pénal, notamment lorsque celui-ci a été rendu au terme d’une procédure publique ordinaire au cours de laquelle les parties ont été entendues et des témoins interrogés (arrêt du Tribunal fédéral 1C_202/2018 du 18 septembre 2018 consid. 2.2 ; ATA/712/2021 du 6 juillet 2021 consid. 7a ; ATA/1060/2020 du 27 octobre 2020 consid. 7f et les références citées). Il convient d’éviter autant que possible que la sécurité du droit soit mise en péril par des jugements opposés, fondés sur les mêmes faits (ATF 137 I 363 consid. 2.3.2). Le juge administratif ne peut s’écarter du jugement pénal que lorsque les faits déterminants pour l'autorité administrative n'ont pas été pris en considération par le juge pénal, lorsque des faits nouveaux importants sont survenus entre-temps, lorsque l'appréciation à laquelle le juge pénal s'est livré se heurte clairement aux faits constatés, ou encore lorsque le juge pénal ne s'est pas prononcé sur toutes les questions de droit (ATF 139 II 95 consid. 3.2 ; 136 II 447 consid. 3.1 ; 129 II 312 consid. 2.4 ; 1C_202/2018 précité consid. 2.2).

5) Le recourant, dans ses écritures, conteste l'arrêt de la CPAR confirmé par le Tribunal fédéral. L'analyse de l'arrêt pénal et de la procédure disciplinaire devant la commission ne permet cependant pas de considérer que des faits déterminants aient été omis par la juridiction pénale, que des faits nouveaux soient survenus depuis, que l'appréciation de la CPAR se heurte aux faits constatés ou que la juridiction pénale ne se soit pas prononcée sur toutes les questions de droit pertinentes pour la procédure disciplinaire.

Aucune des conditions permettant à la chambre de céans de s'en écarter n'étant réalisée, il sera tenu compte de l'arrêt pénal définitif prononcé contre le recourant dans le cadre de l'analyse de la conformité de la décision de la commission, étant précisé que les aspects juridiques ont été revus par le Tribunal fédéral, qui a confirmé l'arrêt cantonal rendu par la CPAR.

6) a. Le recourant soutient d'abord que, contrairement aux considérations émises par la CPAR, il n'avait pas été lié à C______ par un contrat de mandat d'avocat. Il ressort de l'arrêt précité que la juridiction pénale est arrivée à la qualification du contrat de mandat d'avocat après avoir procédé à une analyse détaillée des conditions légales du contrat d'avocat, de l'activité concrètement exercée par le recourant et de l'intention des parties qui portait notamment sur la qualité d'avocat du recourant dans le cadre du mandat.

Dans la mesure où rien ne permet de s'écarter de cette qualification que la chambre de céans fait entièrement sienne, il sera retenu que le contrat liant le recourant à C______ est un mandat d'avocat.

b. Il est établi que l'activité pour le mandant a abouti au paiement de la somme totale de CHF 30'050'611.- d'honoraires pour toute la période du mandat. Ce montant est en disproportion totale avec la rémunération hypothétique se situant entre CHF 1'500'000.- et CHF 2'000'000.- par an, retenue par la CPAR à titre d'hypothèse la plus favorable à l'intéressé tout en restant dans la limite « extrême » du réaliste. Une différence de CHF 20'545'521.- entre les montants facturés et ce que le recourant aurait dû raisonnablement facturer à C______ a été établie par la juridiction pénale. La rémunération du recourant était ainsi totalement disproportionnée et injustifiable économiquement par rapport au travail effectué, qui ne l'avait, par ailleurs, occupé qu'à 50 %.

Les arguments du recourant selon lesquels les tarifs pratiqués avaient été fixés par C______ et qu'il n'avait pas d'obligation d'informer du montant total des honoraires ne peuvent être suivis. Dans la mesure où le caractère des honoraires pratiqués était exorbitant, il avait le devoir de s'assurer que la hiérarchie de M. D______ était informée de manière précise et détaillée des modalités de calcul de ses honoraires et les acceptait nonobstant leur caractère et importance inusuels. De plus, étant donné que le courrier formalisant la collaboration et le mode de rémunération avec C______ ne mentionnait pas les forfaits relatifs aux sommations et aux TAFo et n'avait pas été complété par la suite, le recourant ne pouvait pas partir de l'idée que, dès lors que son unique interlocuteur était un représentant autorisé de l'institution et que ses factures avaient été payées sans discussion, le conseil d'administration ou la direction générale de C______ étaient bien informés des modalités et du volume de facturation. Par ailleurs, les factures envoyées étaient opaques et ne mentionnaient pas le détail de postes de facturation importants tels notamment les sommations et les TAFo.

Par conséquent, force est de constater que le recourant a manqué à son obligation de diligence et d'information envers son client.

Dès lors, la commission a, à juste titre, retenu que le recourant a failli à ses obligations professionnelles et, en particulier, violé les art. 12 let. a et i LLCA.

7) Reste à examiner la proportionnalité de la sanction prononcée par la commission.

a. Selon l'art. 17 al. 1 LLCA, en cas de violation de la LLCA, l'autorité de surveillance peut prononcer des mesures disciplinaires, soit l'avertissement (let. a), le blâme (let. b), une amende de CHF 20'000.- au plus (let. c), l'interdiction temporaire de pratiquer pour une durée maximale de deux ans (let. d) ou l'interdiction définitive de pratiquer (let. e). L'amende peut être cumulée avec une interdiction de pratiquer (art. 17 al. 2 LLCA). Si nécessaire, l'autorité de surveillance peut retirer provisoirement l'autorisation de pratiquer (art. 17 al. 3 LLCA).

L'avertissement, le blâme et l'amende sont radiés du registre cinq ans après leur prononcé (art. 20 al. 1 LLCA). L'avertissement est la sanction prévue la moins grave et est réservée aux cas bénins. L'amende fait partie des mesures disciplinaires d'importance moyenne et sanctionne en principe les manquements professionnels plus graves que le blâme. Elle présente un caractère plus répressif que l'avertissement et le blâme, en particulier lorsque son montant est élevé (Alain BAUER/Philippe BAUER in Michel VALTICOS/Christian REISER/ Benoît CHAPPUIS, op. cit., n. 63 à 65 ad art. 17 LLCA ; ATA/258/2021 précité consid. 9a).

b. Des sanctions disciplinaires contre un avocat présupposent, du point de vue subjectif, une faute, dont le fardeau de la preuve incombe à l'autorité disciplinaire. La faute peut consister en une simple négligence ; peut être sanctionné un mandataire qui a manqué du soin habituel qu'en toute bonne foi on peut et doit exiger de chaque avocat (ATF 110 Ia 95 = JdT 1986 I 142 ; Alain BAUER/ Philippe BAUER, in Michel VALTICOS/Christian REISER/Benoît CHAPPUIS, op. cit., n. 11 ad art. 17 LLCA).

c. Pour déterminer la sanction, l’autorité doit, en application du principe de la proportionnalité, tenir compte tant des éléments objectifs, telle l’atteinte objectivement portée à l’intérêt public, que de facteurs subjectifs. Elle jouit d’un large pouvoir d’appréciation que la chambre administrative ne censure qu’en cas d’excès ou d’abus (ATA/519/2021 du 18 mai 2021 consid. 6c ; ATA/152/2018 du 20 février 2018 et les références citées).

L'autorité tiendra notamment compte de la gravité de la faute commise, des mobiles et des antécédents de son auteur, ou encore de la durée de l'activité répréhensible. Elle pourra également prendre en considération, suivant les cas, des éléments plus objectifs extérieurs à la cause, comme l'importance du principe de la règle violée ou l'atteinte portée à la dignité de la profession. Elle devra enfin tenir compte des conséquences que la mesure disciplinaire sera de nature à entraîner pour l'avocat, en particulier sur le plan économique, ainsi que des sanctions ou mesures civiles, pénales ou administratives auxquelles elle peut s'ajouter (Alain BAUER/Philippe BAUER, in Michel VALTICOS/Christian REISER/ Benoît CHAPPUIS, op. cit., n. 25 ad art. 17 LLCA).

d. En l'espèce, la nécessité du prononcé d'une sanction et la proportionnalité de celle-ci sont acquises. Ni l'avertissement, ni le blâme qui sont des sanctions poursuivant un but essentiellement préventif ne trouvent application. En effet, la faute du recourant est lourde, puisqu'il a violé gravement les principes régissant la profession en causant un dommage important à un établissement de droit public alors que son rôle d'avocat lui dictait de défendre les intérêts de son client. Il a agi par appât du gain, soit un mobile égoïste et tiré un bénéfice économique très important. Il a gravement violé ses obligations envers son client pendant une longue période. Dans ces circonstances, une sanction à caractère répressif telle que l'amende était justifiée.

L'autorité intimée a par ailleurs estimé qu'une interdiction temporaire ou définitive de pratiquer sur la base des faits reprochés au recourant pouvait également entrer en considération. Elle a cependant renoncé à cette mesure en retenant, au vu des circonstances personnelles du recourant et des exigences légales, qu'il était peu vraisemblable qu'il requière sa réinscription au registre.

Pour ces motifs, la commission n'a pas excédé ni abusé de son pouvoir d'appréciation en infligeant une amende de CHF 20'000.- au recourant. En choisissant le montant maximum de l'amende, la commission a tenu compte de la longue durée pendant laquelle le recourant a agi et de l'importance du montant qu'il a encaissé.

Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

8) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 octobre 2021 par Monsieur A______ contre la décision de la commission du barreau du 13 septembre 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'à la commission du barreau.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mme McGregor, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :