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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4080/2021

ATA/446/2022 du 27.04.2022 ( PRISON ) , SANS OBJET

En fait
En droit

0république et

canton de genève

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4080/2021-PRISON ATA/446/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 avril 2022

2ème section

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Olivier Peter, avocat

contre

PRISON B______

 



EN FAIT

1) Par acte remis à la poste le 29 novembre 2021, M. A______ a saisi la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d’un recours pour déni de justice.

Il était détenu à la prison B______ (ci-après : la prison) depuis le 11 octobre 2021, dans le cadre d’une procédure pénale dirigée contre lui.

Il souffrait d’un diabète de type 2 et la prison n’avait pas prévu de régime alimentaire adapté à son état de santé. Il s’en était plaint par un courrier à la direction de la prison le 19 octobre 2021, que celle-ci avait transmis au service médical pour raison de compétence le 21 octobre 2021. Sa demande étant restée sans réponse, il avait demandé le 10 novembre 2021 que son régime alimentaire soit adapté à son état de santé et réclamé le prononcé d’une décision formelle à ce sujet. La liste des repas qui lui avaient été servis depuis son incarcération devait lui être transmise. Il avait réitéré cette demande le 22 novembre 2021. Son état de santé s’était dégradé. Il avait perdu du poids, rencontré des problèmes cutanés, vu apparaître plusieurs lésions et souffrait de fortes douleurs aux hanches. Lors d’une audience au Ministère public le 23 novembre 2021, il avait fait noter au procès-verbal le constat de lésions cutanées paraissant en lien avec l’exacerbation de son diabète, soit une plaie au niveau du thorax et des rougeurs derrière les oreilles. Il avait également évoqué des plaies aux jambes mais refusé de les montrer. La direction de la prison n’avait donné aucune réponse à ses demandes.

2) Le 14 avril 2022, M. A______ a écrit à la chambre administrative que le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) avait ordonné le 8 mars 2022 sa remise en liberté contre le paiement d’une caution et qu’il avait quitté la prison le 9 mars 2022.

Aucune suite ne semblait avoir été donnée à son recours. Il ne disposait plus d’intérêt actuel à l’examen de celui-ci. Cette situation était imputable au retard pris par la chambre administrative à l’examen de son recours et à celle du TMC d’ordonner sa remise en liberté. Il ne pouvait être considéré qu’il avait succombé. Faute de décision de la prison, le déni de justice demeurait manifeste, ce que la chambre administrative aurait constaté en cas d’examen du fond du recours.

Le recours devait être déclaré sans objet et l’indemnité de CHF 1'000.- à laquelle il avait conclu devait lui être allouée.

3) Sur ce, la cause a été gardée à juger, sans échange d’écritures.

4) Le 24 janvier 2022, M. A______ a formé un autre recours portant sur l’accès au téléphone depuis la prison. Le 29 mars 2022, il a indiqué à la chambre administrative que le recours était devenu sans objet à la suite de sa remise en liberté. La cause a été rayée du rôle le 1er avril 2022, sans émolument ni indemnité (ATA/338/2022).

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Le recourant doit avoir un intérêt pratique à l'admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 ; ATA/1272/2017 du 12 septembre 2017 consid. 2b). Un intérêt purement théorique à la solution d'un problème est de même insuffisant (ATF 144 I 43 consid. 2.1). Le juge est appelé à trancher des cas concrets, et son rôle n’est pas de faire de la doctrine ou de trancher des questions de principe (ATA/293/2016 du 5 avril 2016 consid. 5 ; ATA/1259/2015 du 24 novembre 2015 consid. 2d).

Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation ou la modification de la décision attaquée (ATF 145 I 227 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_865/2019 du 14 avril 2020 consid. 3.2 ; ATA/706/2021 du 6 juillet 2021 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, p. 459 n. 1367 ; Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, p. 734 n. 2084 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 748 n. 5.7.2.3).

L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 145 I 227 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_9/2014 du 9 janvier 2014 consid. 4). Lorsqu'une demande en justice ne répond pas à un intérêt digne de protection de son auteur, elle est irrecevable (arrêt du Tribunal fédéral 4A_226/2016 du 20 octobre 2016 consid. 5). Si l’intérêt s’éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1 ; ATA/610/2021 du 8 juin 2021) ou déclaré irrecevable si l’intérêt actuel faisait déjà défaut au moment du dépôt du recours (ATF 139 I 206 consid. 1.1 ; ATA/791/2021 du 28 juillet 2021).

b. En l'espèce, le recourant admet à juste titre ne plus avoir d'intérêt actuel à l’examen de son recours pour déni de justice depuis qu’il a quitté la prison le 9 mars 2022.

Le recours, devenu sans objet, sera donc rayé du rôle.

3) a. La juridiction administrative qui rend la décision statue sur les frais de procédure et émoluments (art. 87 al. 1 LPA). La chambre administrative peut, sur requête, allouer à la partie ayant eu entièrement ou partiellement gain de cause, une indemnité pour les frais indispensables causés par le recours (art. 87 al. 2 LPA) ;

Elle statue sur les frais de procédure, indemnités et émoluments dans les limites établies par règlement du Conseil d'État et conformément au principe de la proportionnalité (art. 87 al. 1 et 3 LPA ; ATA/581/2009 du 10 novembre 2009 et les références citées). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les décisions des tribunaux en matière de frais et dépens n'ont pas à être motivées, l'autorité restant néanmoins liée par le principe général de l'interdiction de l'arbitraire (ATF 114 Ia 332 consid. 2b ; 111 Ia 1).

b. En l'espèce, il est douteux que le recours, même instruit sans délai, aurait pu être jugé le 9 mars 2022, lorsqu’il a perdu son objet.

Sur le fond, le 19 octobre 2021, le recourant se plaignait de n’avoir pu rencontrer un médecin depuis son incarcération le 11 octobre 2021, malgré les pathologies, dont le diabète, dont il souffrait. Il exprimait sa crainte de mourir et demandait en premier lieu un rendez-vous médical « sans plus tarder », ainsi que l’adaptation de son régime alimentaire. La direction de la prison avait aussitôt transmis ce courrier au service médical pour motifs de compétence. Il peut être inféré de cette réaction que la direction a réagi de manière appropriée et considérait que toute la problématique du diabète était du ressort du service médical. Le fait que la demande d’adaptation du régime alimentaire, réitérée le 22 novembre 2021, n’avait pas obtenu de réponse de la direction au jour du dépôt du recours pour déni de justice, le 29 novembre 2021, ne permet pas encore de conclure prima facie que la prison était restée inactive en transférant la demande initiale au service médical, ni d’exclure que la situation était toujours à l’examen. Le recourant ne soutient par ailleurs pas que sa santé, soit également le suivi des symptômes qu’il décrit, n’a pas été prise en charge par le service médical depuis son premier courrier.

Il suit de là qu’il ne peut être établi qu’un déni de justice aurait été constaté avant la remise en liberté du recourant le 9 mars 2022.

Ainsi, il ne peut être retenu que le recourant aurait obtenu gain de cause si la chambre de céans avait statué avant sa mise en liberté. Partant, il ne peut lui être alloué une indemnité de procédure. Par ailleurs, vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA et art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

dit que le recours interjeté le 29 novembre 2021 par M. A______ est devenu sans objet ;

raye la cause du rôle ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Olivier Peter, avocat du recourant, ainsi qu'à la Prison B______.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

B. Specker

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :