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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/377/2018

ATA/270/2019 du 19.03.2019 ( FPUBL ) , REJETE

Recours TF déposé le 09.05.2019, rendu le 25.07.2020, REJETE, 8C_299/2019
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/377/2018-FPUBL ATA/270/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 mars 2019

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Pascal Pétroz, avocat

contre

B______
représentée par Me Sandro Vecchio, avocat

 



EN FAIT

1. Monsieur A______ a été engagé le 12 février 2002 par B______, établissement médico-social (ci-après : B______ ou l’EMS) en qualité de « chef de service B, au personnel ».

2. Il a été nommé « directeur administratif et ressources humaines » à compter du 1er septembre 2002, puis directeur général adjoint dès le 1er juin 2003.

3. En 2002, B______ comptait ______ collaborateurs. Son budget annuel s’élevait à ______ de francs.

D’importants projets ont été développés ultérieurement, soit un projet de construction – rénovation intitulé « B______ 2010 » et doté d’un budget de ______ de francs, et la création d’une société de revente d’énergie (C______) bénéficiant d’un budget de CHF 250'000.-.

Dans le cadre du projet « B_____ 2010 », l’EMS a conduit d’importants chantiers de transformation ou de construction et a ouvert ou réouvert, successivement, les bâtiments « ______ » en 2013, le « ______ » en 2016 et « ______ » en septembre 2017. Depuis lors, B______ compte ______ lits.

4. Le Conseil d’administration (ci-après : CA) de B______ est composé de seize membres, élus pour une législature, renouvelables. Le CA a été présidé successivement :

- par Monsieur  D______, de la création de l’EMS sous sa forme actuelle en juin 2002 jusqu’au 31 mai 2012 ;

- par Madame E______ du 1er juin 2012 au 31 mai 2014 ;

- par Madame F______ du 1er juin 2014 au 30 novembre 2018 ;

- par Monsieur G______ depuis le 1er décembre 2018.

Le bureau du CA se compose de quatre membres, dont le président dudit conseil, membre de droit qui le préside. Les membres du bureau signent collectivement à deux. Les autres membres du CA n’ont pas le pouvoir de signer.

5. a. À la tête de B______ se trouvaient initialement un directeur général, un directeur général adjoint, un directeur « hôtellerie et logistique » et un directeur des soins.

Monsieur H______ a dirigé l’EMS dès 2002 et jusqu’à sa démission en mars 2016.

M. A______ en a été le directeur général adjoint de mars 2002 à novembre 2016. Les responsabilités du directeur « hôtellerie et logistique » lui ont été confiées au départ du titulaire, en 2007.

b. Les membres de la direction ci-dessus, ainsi que le directeur des soins, formaient le comité directeur de l’établissement (ci-après : CODIR) constitué hiérarchiquement. MM. H______ et A______ étaient titulaires d’une signature collective à deux. Le CODIR se réunissait une fois par semaine à raison de deux heures, parfois plus.

6. Selon la description du poste de M. A______, établie en juin 2012, il lui appartenait, au sein du conseil de direction, de définir les politiques institutionnelles, d’élaborer les stratégies à long terme et les moyens à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs décidés par le CA. Il devait diriger les services de l’hôtellerie et logistique (cuisine, intendance, service, achats, service technique) ainsi que l’administration (informatique, finances et comptabilité, accueil et suivi social, ressources humaines). Il devait, transversalement, faire appliquer les lois, règlements et normes fédérales, cantonales, statutaires ainsi que les règlements et procédures internes pour les départements dirigés. Il était en charge de la gestion financière de l’institution.

7. Trois entretiens d’évaluation et de développement des compétences de M. A______ ont été réalisés, respectivement en mai 2002, mars 2004 et juin 2015. Lors de ce dernier entretien, effectué par M. H______, les compétences et les objectifs ont été considérés comme atteints, voire partiellement atteints.

8. Le 10 décembre 2015, le service d’audit interne de la République et canton de Genève a rendu le rapport n° 1______portant sur le contrôle des comptes arrêtés au 31 décembre 2014 de B______.

« L’appréciation générale » indiquait que ledit service ne relevait pas de problèmes majeurs. Néanmoins, la sous-évaluation de la valeur comptable de certains bâtiments et des durées d’amortissement trop longues participaient à améliorer le résultat de l’EMS. Par ailleurs, la création d’une société par l’EMS ne reposait pas sur une base légale, ce qui pouvait remettre en cause l’existence et la validité des engagements de celle-là.

9. Le 22 juin 2016, I______ (ci-après : I______) a présenté au CA les résultats préliminaires d’un audit de gestion.

D’un point de vue opérationnel, il y avait un risque majeur sur la gestion financière courante et sur le projet de construction en cours. Sur le plan de la gouvernance, il existait un « virage entre le Conseil d’administration actuel et les précédents ». La responsabilité du CA actuel était engagée. Un plan d’action était proposé.

10. Par courrier du 6 juillet 2016, le conseiller d’État en charge du département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé, devenu depuis lors le département de la sécurité, de l’emploi et de la santé (ci-après : le département) s’est déterminé sur les résultats préliminaires précités. Une action immédiate et « conséquente » du CA était nécessaire.

11. Le 13 juillet 2016, J______, organe de révision de l’EMS, a rendu un « rapport détaillé » au CA pour l’exercice arrêté au 31 décembre 2015. Son rapport statutaire à l’attention du CA contenait une réserve relative à la continuation d’exploitation de l’établissement et une opinion d’audit défavorable quant aux comptes annuels qui ne donnaient pas une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et des résultats en conformité avec les Swiss Gaap RPC.

12. Le 28 août 2016, B______ a accepté la mise à la retraite anticipée complète de M. A______ au 1er janvier 2018.

13. Le 12 octobre 2016, I______ a fait une présentation au CA « des constats détaillés, des actions en cours et des actions futures ». Elle retenait notamment que « B______ a[vait] été laissée à l’abandon depuis longtemps par manque flagrant de management et de leadership ».

14. Par décision du 31 octobre 2016, B______ a suspendu M. A______ de ses fonctions avec effet immédiat. L’audit de gestion avait « mis à [recte : au] jour diverses irrégularités et de nombreux manquements répétés dans l’accomplissement de [ses] fonctions en tant que directeur général adjoint en charge notamment de la gestion des finances et des travaux au sein de B______ ».

« Le CA n’entend[ait] pas supprimer [son] traitement, mais dans l’éventualité où d’autres faits répréhensibles seraient révélés, [son] traitement pourrait être partiellement ou totalement supprimé ».

15. Par courrier du 10 novembre 2016, l’intéressé a indiqué qu’il contestait rigoureusement le bien-fondé de la décision. Il n’entendait en l’état pas recourir contre cette décision « illégale, dans la mesure où il préférait concentrer [s]es forces sur la suite de la procédure ».

Il informait son employeur de son incapacité de travail.

16. Un entretien de service s’est déroulé, par écrit, le 21 novembre 2016. Un délai de trente jours était accordé à M. A______ pour faire valoir ses observations.

Par ailleurs, le CA avait décidé de l’ouverture d’une enquête administrative à son encontre. Il serait informé de la suite de la procédure.

17. Le 12 décembre 2016, B______ a informé M. A______ avoir donné mandat à Monsieur K______, ancien juge à la Cour de justice, de diligenter une enquête administrative à son encontre.

18. Le 19 décembre 2016, I______ a rendu un rapport détaillant les « constatations sur les problématiques d’organisation et de fonctionnement dans les services comptabilité, accueil et achats » de B______.

Il retenait que « M. A______ s’[était] retrouvé dans un poste à responsabilités pour lequel il n’avait manifestement ni les compétences, ni la vision de fonctionnement d’une entité publique évoluant dans un environnement politique, et encore moins le savoir-être d’un responsable dont la mission première [était] de garantir un bon fonctionnement de l’entité dans son ensemble, plus particulièrement du point de vue de la gestion administrative, de la gestion financière (comptabilité, budget, trésorerie et dette) et de la gestion des ressources humaines. » Lors des rencontres avec M. A______, celui-ci avait eu « une attitude non collaborante. Il n’a[vait] jamais admis une quelconque responsabilité dans la gestion de B______, gestion qui aurait pu mener, sans les audits réalisés et le plan d’action proposé et accepté par le CA, à une fin d’exploitation d’un des plus grands EMS du canton. »

19. L’intéressé a fait valoir ses observations dans le cadre de l’entretien de service par courrier du 21 décembre 2016.

20. M. A______ a été mis au bénéfice d’une rente-pont AVS partielle à 50 % à compter du 1er janvier 2017.

21. Par arrêté du 25 janvier 2017, le Conseil d’État a refusé d’approuver les états financiers de B______ au 31 décembre 2015.

22. Par courrier du 13 février 2017, suite aux nouvelles mesures structurelles prises par la caisse de pension de l’État de Genève (ci-après : CPEG), M. A______ a demandé à B______ à anticiper son départ à la retraite au 30 novembre 2017.

23. Le 26 avril 2017, I______ a rendu son rapport final d’intervention pour B______.

« [I______] est intervenue à l’EMS B______, sur demande de la présidence, pour réaliser un audit de gestion interne centré sur le système de contrôle interne, la comptabilité, l’accueil, les achats et les projets d’infrastructure. Cette demande faisait suite à un premier audit interne qui avait mis en évidence des signes importants de carences et de dysfonctionnements.

L’audit préliminaire réalisé par [I______] en mai – juin 2016 a validé ces constats. Ceux-ci concernaient autant la gouvernance, la gestion financière et l’organisation interne, que le manque de respect des procédures existantes (ex : AIMP) et la gestion des ressources humaines.

Le Conseil d’administration de l’EMS B______ a eu la confirmation des problèmes détectés, puis, en les cernant mieux, a pu prendre des mesures correctrices immédiates pour assurer la pérennité de l’institution. Notons que ces difficultés étaient présentes depuis plusieurs années.

L’exécution du mandat a été marquée, au fur et à mesure de son déroulement, par la découverte successive de problèmes nouveaux. C’est ainsi qu’en partant d’un périmètre relativement restreint, le mandat a été progressivement élargi à l’ensemble de l’institution, y compris dans ses fondements comptables et financiers.

Ce rapport décrit l’ensemble des travaux qui ont été menés de concert avec les équipes concernées de l’EMS B______ afin de redonner à l’institution les conditions de sa pérennité.

Certes, les efforts de redressement ne sont de loin pas terminés. Néanmoins, nous tenons à exprimer notre conviction que la démarche entamée il y a bientôt un an portera ses fruits à court et long terme.

En conclusion, notre constat initial sur l’EMS B_______ qui était "la gestion a été laissée à l’abandon depuis longtemps, par manque flagrant de management et de leadership"  s’avère aujourd’hui obsolète ».

24. Par courriel du 16 mai 2017, B______ a indiqué à M. A______ qu’elle ne se prononcerait sur la demande d’anticiper d’un mois sa retraite – soit au 30 novembre 2017 – qu’après la clôture de l’enquête administrative.

25. Par réponse du 19 mai 2017, M. A______ a déploré cette prise de position. Sa demande ne visait qu’à s’adapter au changement des conditions intervenues à la CPEG.

26. Par décision du 7 juin 2017, B______, à la suite d’un vote du CA du 24 mai 2017, a suspendu le traitement de M. A______ avec effet immédiat. Référence était faite à diverses irrégularités et à de nombreux manquements répétés dans l’accomplissement de ses fonctions, mis au jour par l’audit de gestion et financier. La décision était déclarée immédiatement exécutoire, nonobstant recours.

27. Par acte du 19 juin 2017, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision de suspension de son traitement (cause A/2653/2017).

28. Par courrier du 20 juin 2017, un avocat, agissant pour le compte de B______, a mis en demeure M. A______ de rembourser, d’ici au 30 juin 2017, CHF 213'810.95. 

29. a. Le 21 juin 2017, le CA a accepté d’étendre l’enquête administrative « suite aux nouveaux éléments découverts ». Référence était faite à une « rémunération indue illicite d’un montant de CHF 213'810.95 ».

b. Par décision formelle du 26 juin 2017, B______ a étendu le mandat de l’enquêteur administratif.

c. Par pli du 28 juin 2017, M. A______ a contesté l’entier des faits qui lui étaient reprochés. « N’ayant rien à cacher, il n’entend[ait] pas recourir contre l’extension précitée. »

30. Par décision du 8 août 2017 (

" ATA/1169/2017), la présidence de la chambre administrative a rejeté la demande de restitution d’effet suspensif dans la cause A/2653/2017.

31. Par courrier du 15 novembre 2017, M. A______ a imparti un délai au 22 novembre 2017 à B______ pour rendre une décision relative à son départ à la retraite anticipée dès le 1er décembre 2017, le rapport d’enquête administrative (ci-après : le rapport) étant toujours en cours de rédaction.

32. a. L’enquêteur a adressé son rapport à B______ le 17 novembre 2017. Le déroulement de l’enquête était décrit.

La décision d’ouverture d’une enquête administrative avait mis en exergue dix reproches. Le 21 juin 2017, le CA avait décidé d’étendre l’enquête, évoquant trois nouveaux griefs. 

b. Les constats de l’enquêteur étaient les suivants :

La question de la prescription de la responsabilité disciplinaire de l’intéressé pour certains faits n’était pas claire. Il n’était pas établi que la connaissance par les anciens administrateurs des faits dénoncés serait opposable aux nouveaux, ni que les faits en question étaient effectivement connus desdits anciens administrateurs au vu du peu de transparence, voire de l’opacité, du traitement de certains dossiers par M. A______. En charge de l’établissement des faits, il n’entendait pas trancher la question de la prescription.

S’agissant des treize griefs :

- 1er grief : signature le 1er janvier 2008 d’une convention de partenariat avec L______, Monsieur M______, d’une part, et B______, A______, d’autre part, sans double signature, en violation des règles du contrôle interne ;

M. A______ avait négocié seul, mais n’en avait pas référé au CODIR, en violation de ses obligations. Le reproche formulé par B______ était fondé ;

- 2ème grief : identique au premier, concernait la signature le 27 janvier 2015 d’une convention de partenariat avec L______, représentée par M______, et B______, représentée par A______, sans double signature ni appel d’offres ;

M. A______ avait violé ses obligations sous plusieurs aspects, en n’informant pas le CODIR de ses démarches, en signant seul la convention en cause, dont il ne saurait raisonnablement être soutenu qu’elle ne comportait aucun engagement contractuel et ne respectant ni le « Manuel de contrôle interne et de gestion des risques couvrant les domaines Finances Comptabilité Contrôle budgétaire (ci-après : SCI) ni les dispositions concernant les marchés publics. M. A______ ne pouvait se réfugier derrière une quelconque ignorance des marchés publics. Son attitude devait plutôt être rapportée au lien qu’il entretenait avec M. M______ et à la favorisation de la société de ce dernier ;

- 3ème grief : signature d’un contrat en décembre 2011 avec N______, sans appel d’offres selon l’accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 (AIMP - L 6 05), alors que des prestations supérieures à CHF 150'000.- par an étaient en jeu ;

M. A______ avait fautivement agi en violation des dispositions régissant les marchés publics. Le grief était avéré ;

- 4ème grief : absence de consolidation des comptes entre B______ et C______, bien que recommandée par le département dans un courrier du 12 mars 2012 ;

M. A______ avait agi fautivement en n’ayant pas consolidé les comptes en raison d’arguments discutables. Le grief était justifié ;

- 5ème grief : opacité de la dette et documentation lacunaire ;

M. A______ avait indiscutablement failli à ses responsabilités. La documentation rendait difficile une mise en évidence aisée de la dette et permettait différents calculs, révélant des différences se chiffrant par millions. B______ se trouvait dans l’incapacité de définir le montant disponible de financement après engagement des travaux, ni de vérifier son endettement au regard du projet « B______ 2010 », ni de vérifier la concordance des intérêts facturés avec les contrats de prêts. Le grief était justifié. M. A______ ne saurait s’affranchir des reproches formulés contre lui en se réfugiant derrière le fait que d’autres, tels les réviseurs antérieurs, n’avaient pas remarqué ce fait, avaient affirmé que la dette était clairement décrite et que sa composition était suffisamment présentée. Ses responsabilités de dirigeant en charge de la comptabilité et du projet « B______ 2010 » ne lui permettaient pas de laisser ainsi courir la situation de l’EMS, mettant en péril ses liquidités ;

- 6ème grief : surplus de facturation aux pensionnaires ;

Il s’agissait d’une défaillance dans le système de contrôle interne de la facturation à l’origine de ces dépassements. Même si l’on pouvait y voir une forme de nonchalance dans la gestion et la supervision d’un service dont il avait la responsabilité, cette erreur, dont la nature était isolée, ne saurait être considérée à elle seule comme une faute disciplinaire ;

- 7ème grief : absence ou insuffisance d’entretiens d’évaluation ;

Il appartenait à M. A______ en tant que responsable des ressources humaines de procéder à l’évaluation de ses cadres, dont il était le supérieur hiérarchique. Il était clairement responsable de l’absence ou de l’insuffisance d’entretiens d’évaluation de ceux-ci (absences respectivement pendant dix ans, sept ans, cinq ans, quatre ans, huit ans selon les cadres concernés). Cet état de fait n’était pas sans incidences sur le bon déroulement d’un établissement aussi important que B______. Le cumul de fonctions qu’il assumait n’était pas une excuse. Au contraire, cela aurait dû l’inciter, en dirigeant responsable, à veiller au bon contrôle des cadres qui devaient l’aider à assumer des tâches dont l’ampleur lui était connue, qu’il avait acceptées sinon voulues ;

- 8ème grief : absence de gestion des achats entraînant une incapacité à établir un contrôle du disponible budgétaire correct ;

Ce grief était avéré dans la mesure où M. A______ avait longtemps accepté qu’il n’y ait pas de gestion des engagements sur achats, considérant que cela ne posait pas de problèmes et que son intervention avait été suffisante en mettant sur pied un bureau des achats, alors qu’à son arrivée, chacun agissait pour soi. Le fait même qu’un chef des achats au bénéfice d’une formation complète ne soit entré en fonction qu’en 2015 était regrettable et préjudiciable aux intérêts de l’institution. La gestion de M. A______ s’était avérée approximative, défaillante, révélant un manque flagrant de gestion prévisionnelle de trésorerie, de projection des besoins de liquidités et une absence totale de visibilité des décaissements pour le projet « B_____ 2010 ». Le grief était avéré ;

- 9ème grief : faible protection des intérêts financiers de B______, gestion lacunaire des débiteurs, absence de rappels ;

Au vu des constatations parfaitement étayées et que rien ne venait contredire, il convenait de retenir que M. A______ était responsable de la faible protection des intérêts financiers de B______ au travers de la gestion des débiteurs. Il avait fort mal géré, voire pas géré du tout, cette situation, et l’éventuelle coresponsabilité de la cheffe comptable, de précédents membres du CA ou du CODIR ne saurait l’affranchir de ses manquements.

- 10ème grief : acceptation d’un don lors d’une croisière ;

Sous la forme initialement décrite, le grief n’était pas avéré. Toutefois, en prenant, malgré ses responsabilités managériales, six semaines de vacances consécutives pour participer à une course nautique avec un important partenaire de l’EMS, M. A______ avait contrevenu à ses obligations d’image et laissé supposer qu’il aurait pu y trouver un intérêt. Cela était confirmé par l’attention soutenue qu’il avait porté à ce que les intérimaires, dont l’EMS avait besoin, soient choisis prioritairement, voire exclusivement, parmi le personnel d’L______ au point de refuser de signer des contrats avec un autre prestataire de services à un moment où cela s’était avéré indispensable. Ce faisant, M. A______ avait prétérité les intérêts de son employeur pour en faire profiter un tiers avec lequel il partageait de nombreux jours de loisirs par an. Il avait ainsi privilégié ses relations personnelles au détriment des intérêts, notamment financiers, de son employeur, alors qu’en sa qualité de cadre supérieur, il devait veiller de manière très attentive aux intérêts de celui-ci. ;

- 11ème grief : octroi dès janvier 2007 d’une prime de fidélité de 60 % pour la reprise du poste de directeur Hôtelier et Logistique à la demande de M. A______, sans base légale ;

La prime de fidélité avait été décidée par un avenant au contrat de travail portant les signatures autorisées. Il paraissait difficile de considérer que ce fait serait disciplinairement pertinent ;

- 12ème grief : récupération d’heures (RE) saisie sur le planning de M. A______ en sus de l’indemnité annuelle forfaitaire de 2 % prévue à l’art. 7 du règlement sur les cadres supérieurs de l'administration cantonale du 22 décembre 1975 (RCSAC - B 5 05.03), de 2003 à 2016 ;

C’était en violation du RCSAC et alors qu’il avait la charge de veiller au respect de l’application des lois et règlements au sein de l’EMS que M. A______ avait récupéré plus de cent cinquante heures. Au surplus et contrairement à ce qu’il avait affirmé, il avait repris plus d’heures qu’il n’avait effectué d’heures supplémentaires en 2003 et le différentiel entre les heures supplémentaires et les heures reprises représentait un solde inférieur à cent en 2006 et en 2007. Le fait que d’autres aient avalisé ce comportement, voire en aient également profité, ne saurait lui profiter puisqu’il était question d’une compétence qui lui incombait et à laquelle les autres membres du CODIR ne semblaient guère s’intéresser. Il lui appartenait en conséquence de lui accorder une attention particulièrement soutenue, ce qu’il n’avait pas fait, sinon à son avantage ;

- 13ème grief : remboursement de frais de déplacement et de tickets de parking en sus de l’indemnité forfaitaire mensuelle pour utilisation de véhicule privé, perçue par M. A______ ;

Après analyse, seul un montant infime restait litigieux, non disciplinairement pertinent.

En conclusion, les griefs formulés par l’EMS étaient pour la plupart fondés. Leur gravité variait, mais le cumul de ceux-ci devait indiscutablement être considéré comme un facteur aggravant. La responsabilité conjointe du directeur général qui, au vu des éléments recueillis au cours de l’enquête, paraissait indiscutable, et celle d’éventuels anciens membres du CA, qui mériteraient un examen plus approfondi, notamment pour savoir dans quelle mesure M. A______, dont la transparence n’était pas la plus évidente des qualités, n’avait pas caché certains faits ou ne les avait pas montrés tels qu’ils étaient réellement, étaient certes à prendre en considération, mais ne disculpaient pas M. A______ de ses fautes. Les fautes de l’un n’étaient pas une cause d’absolution pour les fautes de l’autre. Si M. A______ avait eu en tête prioritairement les intérêts de son employeur, il eût dû s’ouvrir aux membres du CA des dysfonctionnements de son supérieur, ce qu’il n’avait pas fait. Il y avait chez lui une force réelle de travail et d’indiscutables compétences, mais son bilan était fort mitigé.

En tant qu’elle avait mis en péril les liquidités de B______ par des erreurs managériales et par une gestion déficiente des débiteurs douteux et qu’elle avait eu pour effet de favoriser un ami en la personne du directeur d’L______, dont l’entreprise pratiquait des tarifs élevés pour le marché genevois, l’attitude de M. A______ avait contrevenu au respect de son cahier des charges et à ses obligations de cadre supérieur, comportement sanctionné par les art. 20 ss du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01) et 3 et ss RCSAC, notamment en tant que les cadres supérieurs d’une institution étaient tenus au respect de ses intérêts et devaient s’abstenir de tout ce qui pouvait lui porter préjudice.

M. A______, en sa qualité de directeur général adjoint de B______, ne saurait non plus se retrancher, ainsi qu’il le faisait souvent, derrière la responsabilité d’autres personnes, ni tirer argument de quelque contradiction ou insuffisance des rapports I______ pour considérer qu’il n’avait rien à se reprocher. Les rapports I______ avaient mis en évidence des dysfonctionnements concernant la gestion financière et l’organisation interne, le manque de respect des procédures existantes et la gestion des ressources humaines. Il s’agissait de constats résultant d’entretiens avec les personnes en place au moment de l’audit et la lecture des pièces, sans référence à l’historique de l’EMS, et dont la pertinence n’était pas entachée par les défauts desdits rapports pointés par M. A______. Une comptabilité formellement correctement tenue ou exacte, selon le réviseur, pouvait parfaitement ne pas correspondre au cahier des charges de son auteur, ainsi que I______ l’avait relevé, et n’empêchait pas des manquements en termes de gestion du budget de fonctionnement annuel ou des investissements.

33. Par courrier non daté, mais reçu par télécopie par B______ le 23 novembre 2017, M. A______ a indiqué qu’il souhaitait faire des observations à la suite du rapport.

34. Le 29 novembre 2017, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative pour déni de justice à l’encontre de B______ (cause A/4757/2017).

Il a conclu à ce qu’il soit constaté que B______ n’avait pas répondu à sa requête relative à sa mise à la retraite anticipée à 100 % à partir du 1er décembre 2017 et à ce que la cause soit renvoyée à l’intimée pour prise de décision. Subsidiairement, il devait être ordonné à B______ d’accepter sa mise à la retraite à 100 % à partir du 1er décembre 2017.

35. Par arrêt du 19 décembre 2017 (ATA/1622/2017), la chambre administrative a rejeté le recours de M. A______ contre la décision de suspension de son traitement du 7 juin 2017 (cause A/2653/2017).

36. Par décision du 26 décembre 2017, B______ a révoqué M. A______ avec effet au 16 novembre 2016.

La décision était fondée sur les constats de l’enquête administrative. M. A______ avait communiqué ses observations le 21 décembre 2017.

Au vu de ladite enquête, des états de service et de la gravité des griefs qui lui étaient reprochés, le principe de la proportionnalité ne permettait pas d’envisager une sanction autre que la révocation.

L’intéressé avait gravement contrevenu au respect de son cahier des charges et à ses obligations en tant que cadre supérieur.

Lors de sa séance extraordinaire du 22 décembre 2017, le CA avait prononcé une révocation avec effet au jour de l’ouverture de l’enquête administrative.

La décision était déclarée immédiatement exécutoire nonobstant recours.

37. Par acte du 30 janvier 2018, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre la décision de révocation. Il a conclu à ce qu’il soit constaté que celle-ci ne reposait pas sur un motif fondé, qu’il soit dit qu’elle était contraire au droit et qu’elle soit annulée. Une indemnité de vingt-quatre mois de son dernier traitement brut devait lui être allouée. Les arriérés de traitement qui lui revenaient, à la suite de sa suspension provisoire, devaient lui être remboursés. Préalablement, l’effet suspensif devait être restitué ou il devait être ordonné, à titre de mesures provisionnelles, le paiement de prestations liées à une retraite anticipée à 100 % à compter du 1er janvier 2018 jusqu’à une décision sur le fond.

La décision violait le principe constitutionnel de la primauté du droit fédéral. M. A______ avait été en incapacité de travail pour maladie du 7 novembre 2016 au 31 juillet 2017. La révocation prononcée au 16 novembre 2016 était nulle puisqu’elle contrevenait à l’art. 336c al. 1 let. b de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220) relative à la protection du travailleur contre le licenciement, notamment en cas de maladie.

La plupart des reproches formulés était pour le surplus prescrite. Mme F______ était au courant des problématiques des marchés publics et de la question de la consolidation des comptes entre B______ et C______, à tout le moins depuis le 19 juillet 2015. Il en allait de même de la gestion des débiteurs, les montants y relatifs figurant depuis de très nombreuses années dans les comptes soumis au CA. La question de l’attribution contestée était également prescrite puisque de nombreuses séances y avaient été consacrées depuis 2013, auxquelles avait assisté une représentante du CA. Enfin, l’audition de M. D______ avait permis de démontrer que les difficultés financières de B______ étaient le fruit du projet immobilier de « B______ 2010 », décidé par le CA à la fin des années 2000 à ses risques et périls. C’était le CA qui s’était occupé du financement. Les faits étaient prescrits.

Il n’existait pas de motif de révocation. Il s’agissait de la sanction la plus grave, qui ne pouvait être prononcée que lorsqu’un intérêt public non seulement le permettait, mais le commandait. En l’espèce, on voyait mal quel intérêt public pouvait le permettre et encore moins le commander. M. A______ était, depuis le 1er janvier 2017, en retraite anticipée à 50 % et depuis le 1er janvier 2018 à 100 %. La question se posait de savoir si une révocation avec effet immédiat était possible pour une personne qui ne faisait plus partie du personnel. Une révocation avec effet rétroactif se justifiait d’autant moins. Pire, celui-ci avait été fixé au 16 novembre 2016, soit la date de la suspension avec traitement du recourant et non pas au 12 décembre 2016, date de l’ouverture de l’enquête, ce qui contrevenait à l’art. 28 al. 4 loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05).

Enfin, les griefs nos 6, 11 et 13 avaient été écartés par l’enquêteur. Les griefs nos 2, en tant qu’il concernait les marchés publics, 3, 4, 5, 8 et 9 étaient prescrits. Seuls restaient à discuter les griefs nos 1, 2, 7, 10 et 12. Les développements seront repris en tant que de besoin dans la partie en droit.

38. Par arrêt du 6 février 2018 (ATA/106/2018), la chambre administrative a rejeté en tant qu’il était recevable le recours interjeté le 29 novembre 2017 par M. A______ contre B______ pour déni de justice (cause A/4757/2017).

Par arrêt du 9 novembre 2018, le Tribunal fédéral a rejeté le recours interjeté par M. A______ contre l’ATA précité (arrêt du Tribunal fédéral 8D_1/2018).

39. Après détermination de B______ et réplique du recourant, la chambre administrative a, par décision du 28 mars 2018, sur mesures provisionnelles (ATA/296/2018), rejeté, dans la mesure où elle était recevable, la requête en mesures provisionnelles dans la procédure liée à la révocation. La question de savoir si la conclusion en paiement des prestations liées à la retraite anticipée à 100 % était recevable pouvait souffrir de rester indécise dès lors que le recourant avait perçu, en février 2018, CHF 7'864.65 de la CPEG.

40. Lors de l’audience de comparution personnelle des parties du 24 mai 2018, M. A______ a indiqué que, malgré ses diverses relances, il n’avait jamais reçu de réponse de la CPEG, notamment à sa lettre du 11 mars 2018. Depuis mars 2018, il percevait environ CHF 5'000.-, mais en tous les cas un montant moindre qu’en février 2018. Il n’avait pas reçu le décompte de la CPEG. Il avait demandé à celle-ci des projections quant à la modification de l’âge pivot. Il n’avait pas obtenu de réponse. Il autorisait la chambre administrative à intervenir auprès de la CPEG pour obtenir toute réponse qu’elle jugerait utile sur les conséquences de l’anticipation d’un mois de sa retraite anticipée, de la confirmation de la révocation avec effet rétroactif ou de la non-confirmation de la révocation, tant pour la rente-pont que pour la rente après ses 64 ans ou 65 ans.

La représentante de B______ a indiqué que celle-ci n’avait toujours pas pris de décision sur la question de la retraite anticipée du recourant au 1er décembre 2017. Compte tenu de la révocation avec effet rétroactif, la question d’une anticipation au 1er décembre ne se posait plus. Concrètement, cela signifiait que B______ n’entendait pas entrer en matière sur cette anticipation. Celle-ci avait déposé plainte pénale, sauf erreur en juillet 2017, contre M. A______.

41. Dans sa réplique, le recourant a persisté, en détaillant son calcul de la prescription de l’action disciplinaire, et a indiqué que tous les faits survenus avant le 25 décembre 2015 étaient prescrits. Par ailleurs, la présidente du CA avait déclaré dans un article paru dans la presse quotidienne locale qu’elle avait proposé la saisine de la Cour des comptes en 2014. Elle ne pouvait prétendre n’avoir découvert la situation qu’en 2016.

42. Malgré différents échanges de correspondance, la CPEG n’a pas répondu de façon claire aux questions posées par la chambre administrative. Il ressort toutefois du dernier échange que si la fin des rapports contractuels était confirmée au 16 novembre 2016 et que l’employeur réclamait au recourant les cotisations versées depuis cette date, il était possible de considérer l’intéressé comme retraité à 100 % dès le 1er décembre 2016. Il était procédé au calcul des droits de l’intéressé sous imputation de la rente partielle déjà perçue. Restaient réservés d’éventuels remboursements de salaires ou de rentes-pont AVS, ce qui était du ressort de l’employeur.

43. Dans le délai imparti aux parties pour se déterminer sur la correspondance de la CPEG, celles-ci n’ont pas souhaité faire d’observations.

44. Après que la cause a été gardée à juger, M. A______ a transmis à la chambre de céans un tirage de l’ordonnance de non-entrée en matière du 19 novembre 2018 reçue du Ministère public.

L’ordonnance traitait des plaintes pénales déposées par B______ contre M. A______ et deux autres personnes. La plainte contre M. A______ portait sur les reproches de gestion déloyale, voire abus d’autorité ou d’escroquerie. Il lui était reproché d’avoir illicitement récupéré des heures supplémentaires et de s’être fait rémunérer en 2008, 2011 et 2015 d’un solde de vacances non prises pour un montant de CHF 12'747.65.

Le Ministère public avait décidé de ne pas entrer en matière sur ces faits. M. A______ ne détenait aucun pouvoir de décision relatif à l’octroi de cette prime et au paiement de ses heures supplémentaires. En l’absence d’un pouvoir de gestion ou de décision, les infractions concernées n’étaient pas réalisées. Au demeurant, tous les agissements commis avant 2011 étaient prescrits. Aucune tromperie astucieuse ne pouvait être non plus mise en évidence.

45. Le 3 décembre 2018, M. A______ a transmis copie de l’arrêté du Conseil d’État du 28 novembre 2018 fixant la composition du CA du 1er décembre 2018 au 30 novembre 2023. La majorité des administrateurs n’avaient pas été reconduits dans leur fonction, ce qui équivalait à un désaveu implicite de la décision dont était recours.

46. Dans le délai imparti pour éventuelles observations finales à la suite des courriers précités, l’autorité intimée a précisé que l’ordonnance de non-entrée en matière avait fait l’objet d’un recours déposé le 3 décembre 2018. Infraction pénale et violation des devoirs de service devaient être distinguées. En droit disciplinaire, la notion de faute était admise de manière très large. La procédure pénale ne portait enfin que sur un volet restreint des comportements traités dans le cadre de l’enquête administrative.

47. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le litige porte sur la conformité au droit de la décision du 26 décembre 2017 de B______ de révoquer le recourant avec effet au 16 novembre 2016.

3. Le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 1 let. a LPA), ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. b LPA). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi
(art. 61 al. 2 LPA).

4. Dans un premier grief, le recourant invoque une violation du principe constitutionnel de la primauté du droit fédéral. Il considère que la décision de révocation du 26 décembre 2017 serait nulle, dès lors que la révocation interviendrait le 16 novembre 2016, soit durant une période pendant laquelle il bénéficierait de la protection contre les congés en temps inopportun au sens de l'art. 44A RPAC, lequel renvoie aux art. 336c et 336d CO. Il produit des certificats médicaux attestant d’une incapacité de travail pour maladie du 7 novembre 2016 au 31 juillet 2017.

a. À teneur de l’art. 336c al. 1 let. b CO, après le temps d'essai, l'employeur ne peut pas résilier le contrat pendant une incapacité de travail totale ou partielle résultant d'une maladie ou d'un accident non imputables à la faute du travailleur, et cela, durant trente jours au cours de la première année de service, durant nonante jours de la deuxième à la cinquième année de service et durant cent quatre-vingt jours à partir de la sixième année de service.

Le congé donné pendant une des périodes prévues à l'alinéa précédent est nul (art. 336c al. 2 CO).

La protection contre le licenciement en temps inopportun (art. 336 c CO) ne s’applique pas en cas de licenciement avec effet immédiat (art. 337 CO ; arrêt du Tribunal fédéral du 29 juin 1999 in Jahrbuch des Schweizerischen Arbeitsrechts, JAR 2000, p. 29).

Sous la rubrique « entretien de service, résiliation », l’art. 44A RPAC, qui traite de la résiliation en temps inopportun, mentionne que les articles 336c et 336d du code des obligations sont applicables par analogie.

b. Dans un récent arrêt (ATA/56/2019 du 22 janvier 2019 consid. 9 à 12), la chambre administrative a rappelé que s’agissant de la résiliation des rapports de service d'un membre du personnel, il faut distinguer deux types de licenciement : la résiliation pour des motifs objectifs liés au bon fonctionnement de l'administration, ou licenciement pour motif fondé (art. 22 LPAC), qui est une mesure administrative ; et le licenciement pour violation des devoirs de service ou révocation, lequel est une sanction disciplinaire (art. 16 al. 1 let. c ch. 5 LPAC).

Le recours contre une sanction disciplinaire est traité à l'art. 30 LPAC, tandis que celui contre une décision de résiliation des rapports de service l'est à l'art. 31 LPAC. L'art. 32 LPAC qui se réfère à la procédure de recours distingue spécifiquement celle relative à une sanction disciplinaire de celle se rapportant à une décision de licenciement (al. 1 et al. 6 notamment).

Le chapitre IV du RPAC, qui contient les art. 44 et 44A RPAC, est intitulé
« entretien de service – résiliation ». Si l'art. 44 RPAC traite spécifiquement de la procédure relative à l'entretien de service, l'art. 44A RPAC, dénommé « résiliation en temps inopportun », prévoit que les art. 336c et 336d CO sont applicables par analogie.

Les procédures conduisant à une révocation disciplinaire ou à un licenciement pour motifs fondés sont différentes. La confusion de celles-ci reviendrait à rendre complètement inutiles les dispositions propres à la révocation disciplinaire.

L'art. 44A RPAC ne vise que les cas de résiliation des rapports de service et non la révocation. Tant l'intitulé de cette disposition que celui du chapitre dans lequel elle prend place désigne expressément la « résiliation » et non la révocation, laquelle n'est au demeurant pas citée dans le RPAC.

En conséquence, l’art. 336 c al. 1 let. b CO qui protège le travailleur contre un licenciement pendant une incapacité de travail ne trouve pas application en cas de révocation par renvoi de l’art. 44A RPAC. Que le travailleur soit en incapacité de travailler tant à la date du prononcé de la révocation qu’à la date effective de la fin des rapports de service – avec effet immédiat (art. 16 al. 2 LPAC), avec effet rétroactif (art. 28 al. 4 LPAC) ou pour une date ultérieure –, est indifférent.

Le grief sera écarté.

5. a. Dans un second grief, le recourant relève que la plupart des reproches formulés sont prescrits. Il allègue que le grief n° 2, en tant qu’il concerne les marchés publics, et les griefs nos 3, 4, 5, 8 et 9 seraient prescrits.

b. La responsabilité disciplinaire des membres du personnel se prescrit par un an après la découverte de la violation des devoirs de service et en tout cas par cinq ans après la dernière violation. La prescription est suspendue, le cas échéant, pendant la durée de l'enquête administrative (art. 27 al. 7 LPAC).

Après l’échéance du délai de prescription, la sanction d’une faute professionnelle n’est plus possible, même lorsqu’elle serait utile à la sauvegarde de l’intérêt général (Gabriel BOINAY, Le droit disciplinaire de la fonction publique et dans les professions libérales, particulièrement en Suisse, RJJ 1998, p. 26). Le texte de l'art. 27 al. 7 LPAC ne précise pas qui doit avoir eu connaissance de la violation et à partir de quand celle-ci doit être considérée comme étant découverte.

Il ressort des travaux préparatoires relatifs à la modification de la LPAC (MGC 2006-2007/VI A – 4524) que le législateur souhaitait contraindre l'employeur à agir avec célérité en introduisant une prescription relative d'une année et une prescription absolue de cinq ans. La prescription était suspendue pendant la durée de l'enquête administrative  (ATA/215/2017 du 21 février 2017, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 8C_281/2017 du 26 janvier 2018).

Se fondant sur sa jurisprudence constante en la matière (ATA/652/2015 du 23 juin 2015 consid. 7 ; ATA/747/2014 du 23 septembre 2014 consid. 4b et les références citées) et celle du Tribunal fédéral concernant la responsabilité des fonctionnaires fédéraux (arrêt du Tribunal fédéral 6C_621/2016 du 13 juin 2016 consid. 2.5), la chambre de céans a considéré, dans un arrêt récent (ATA/215/2017 précité consid. 7), que le moment de la découverte des faits au sens de l'art. 27 al. 7 LPAC s'entend de celui où l'autorité compétente pour prononcer la révocation, soit in casu le conseil d'administration, a eu connaissance de la violation des devoirs de service de l’intéressé.

Toute autre solution conduirait la hiérarchie du fonctionnaire à solliciter systématiquement de l'autorité compétente l'ouverture d'une enquête administrative pour permettre la suspension de la poursuite disciplinaire, ce qui serait souvent injustifié voire disproportionné (ATA/679/2009 du 22 décembre 2009 consid. 10).

L'enquête administrative, période durant laquelle le délai de prescription est suspendu, est close lorsque l'enquêteur a remis son rapport (ATA/215/2017 précité consid. 15).

6. Les parties divergent sur la durée de la suspension de la prescription, plus précisément sur la date qui doit être retenue pour l’ouverture de l’enquête administrative, à savoir celle du vote du CA (16 novembre 2016) ou celle de la communication de ladite ouverture à l’intéressé (selon celui-ci : 12 décembre 2016).

Le recourant se trompe lorsqu’il soutient n’avoir été informé de l’ouverture de l’enquête administrative que le 12 décembre 2016. En effet, le courrier du 21 novembre 2016 valant entretien de service écrit, l’informe, à la fin de la correspondance, du fait que le CA a voté, en date du 16 novembre 2016, l’ouverture d’une enquête administrative à son encontre.

L’ouverture de l’enquête administrative a ainsi eu lieu le 16 novembre 2016.

En conséquence, la prescription a été suspendue du 16 novembre 2016 à la date de remise du rapport d’enquête, soit au 17 novembre 2017. Elle a couru trente-neuf jours après cette date jusqu’à la décision de révocation du 26 décembre 2017. Le solde de trois cent vingt-six jours avant le 16 novembre 2016 implique que les faits connus antérieurement au 26 décembre 2015 sont prescrits.

Même en retenant la date souhaitée par le recourant (12 décembre 2016), l’issue du présent arrêt ne serait pas différente, conformément à ce qui suit, la prescription intervenant, dans cette hypothèse, pour les faits antérieurs au 21 janvier 2016.

7. Les parties divergent sur la date de « la découverte de la violation des devoirs de service ». Se pose ainsi la question de la connaissance des faits par l’autorité intimée afin de déterminer le dies a quo du délai de prescription d’une année.

L’analyse doit être différenciée selon les griefs.

a. S’agissant du 2ème grief, il ressort du rapport d’enquête qu’il concerne la deuxième convention passée avec L______ en 2015, négociée sans appel d’offres, sans que le CODIR ne soit tenu au courant des démarches accomplies par le recourant, et après que, pour certains exercices, le chiffre d’affaires d’L______ pour la mise à disposition de personnel intérimaire s’était montré extrêmement élevé, étant supérieur à CHF 900'000.- en 2011 et 2013 notamment.

Selon le recourant, la présidente du CA était au courant des problématiques des marchés publics et de la question de la consolidation des comptes entre B______ et C______, à tout le moins depuis le 19 juillet 2015. Il en allait de même de la gestion des débiteurs, les montants y relatifs figurant depuis de très nombreuses années dans les comptes soumis au CA.

Le recourant ne peut être suivi. Certes, la présidente du CA avait été mise au courant en juillet 2015 de certaines difficultés par le service d’audit interne de l’État. Toutefois, comme cela ressort des pièces du dossier, le rapport n° 15-36, portant sur le contrôle des comptes arrêtés au 31 décembre 2014 de B______ par ledit service, indique qu’il n’y a « pas de problèmes majeurs ». Il relève la sous-évaluation de la valeur comptable de certains bâtiments et des durées d’amortissement trop longues participant à améliorer le résultat de l’EMS, et la création d’une société par l’EMS qui ne reposait pas sur une base légale, ce qui pouvait remettre en cause l’existence et la validité des engagements de celle-là. Il ne peut être considéré, à la lumière des éléments retenus par le service précité en décembre 2015, que l’autorité intimée, sous réserve encore qu’elle soit définie plus précisément, ait été au courant, à cette date, et a fortiori en juillet 2015, de l’ampleur des difficultés de l’établissement et des responsabilités imputables au recourant.

Ceci est confirmé par le fait que plusieurs fiduciaires se sont penchées sur la situation de B______ au vu de la complexité de la comptabilité et des difficultés rencontrées. À ce titre, deux rapports ont été rendus depuis l’automne 2016, à savoir le rapport préliminaire d’audit de I______ du 19 décembre 2016, ainsi que leur rapport d’audit final du 26 avril 2017. Ce dernier fait expressément mention de la « découverte successive de problèmes nouveaux » au cours de l’audit. I______ a par ailleurs relevé dans son rapport final, au terme de plus de mille cent vingt et une heures de travail, la « difficulté extrême » dudit mandat. Auditionné, un associé de I______ indiquait ainsi en février 2017 que, lorsque le rapport du 17 novembre 2016 indiquait que les comptes ne reflétaient pas la réalité de l’entité, il était fait référence à des amortissements probablement incorrects et à des dépenses qui étaient passées dans les comptes de fonctionnement ou dans les mauvais comptes d’investissement. Les problèmes étaient encore un peu incertains et les réponses définitives viendraient avec le rapport final des réviseurs. Ce témoignage confirme la complexité de la situation. Le même témoin confirmait que la responsabilité du recourant était pleinement engagée en illustrant de façon simple son propos par l’absence de procédure de rappel ordinaire par rapport aux débiteurs. Le recourant dirigeait les services que I______ était chargée d’examiner. Le réviseur des comptes pour 2016 a pour sa part notamment relevé que l’audit intermédiaire auquel il avait recours habituellement s’était révélé insuffisant en raison du défaut de stabilité des processus. Un travail plus conséquent que dans la normale avait été nécessaire, en « augmentant les tests de détail ».

Des éléments nouveaux étaient encore apparus postérieurement à l’ouverture de l’enquête administrative.

Par ailleurs, l’enquêteur a entendu de nombreux témoins. Le rapport d’enquête est fouillé, précis, bien structuré et motivé. Il détaille précisément, pour chaque grief, la position des parties, les pièces produites, les déclarations recueillies pendant l’enquête, avant que l’enquêteur ne procède à une analyse, détaillée et argumentée, du bien-fondé du grief concerné à l’encontre de l’intéressé. Une enquête d’une certaine ampleur a donc été nécessaire pour établir les faits et les responsabilités. L’enquêteur lui-même indique que la durée de cette enquête était inhabituelle. Douze audiences se sont tenues entre janvier 2017 et septembre 2017.

Concernant plus spécifiquement le grief n° 2, il ressort du rapport d’enquête que le directeur général a déclaré à l’enquêteur n’avoir jamais vu de contrat de partenariat entre l’EMS et L______. L’autre membre du CODIR a indiqué avoir toujours entendu dire au CODIR, en présence du recourant, que les normes AIMP étaient respectées. Les anciens membres du CA étaient aussi dans l’ignorance.

Il est rappelé que le rapport du service d’audit interne de décembre 2015 concluait qu’il n’y avait pas de problèmes majeurs. Le non-respect de certaines procédures de marchés publics était relevé (instruments et matériel médical 2014 : CHF 273'365.- aliments : CHF 575'246.- ; boissons : CHF 181'109.-), pour lesquels une mise en concurrence empirique avait quand même été effectuée. En conséquence, à la date de la sortie de ce rapport, le 10 décembre 2015, la problématique de la violation des marchés publics en lien avec L______ était ignorée de l’autorité intimée. Le rapport d’enquête mentionne que I______ a relevé cette problématique. Le 22 juin 2016 a eu lieu la première présentation, par I______, des résultats préliminaires de l’audit de gestion devant le CA. C’est à cette date, au plus tôt, que l’ampleur des difficultés, y compris la problématique avec L______, ont commencé à pouvoir être définies et qu’il peut être considéré que l’autorité intimée a eu connaissance des faits pertinents.

Les faits dénoncés dans le grief n° 2 ne sont pas prescrits.

b. S’agissant du 5ème grief, le rapport d’enquête retient principalement que la documentation rendait difficile une mise en évidence aisée de la dette et permettait différents calculs, révélant des différences se chiffrant par millions.

S’agissant de l’opacité de la dette, le recourant indique ne pas pouvoir se défendre tant le grief est imprécis. Les reproches se fonderaient sur un seul document. C’était le CA qui avait approché l’établissement bancaire. Il n’avait pas à assumer l’insatisfaction de son employeur. L’opacité était contestée. Les états financiers faisaient clairement état de la dette et de ses composantes sur la gestion effectuée par la banque concernée. Ceux-ci étaient approuvés par le CA, révisés et adressés au département compétent qui n’avait rien trouvé à redire.

Au vu des développements qui précèdent, de la complexité de la situation financière relevée par tous les intervenants dans le dossier, ainsi que du rapport d’enquête, lequel confirme la difficulté de mettre la dette en évidence ce qui permettait différents calculs entraînant des différences portant sur plusieurs millions de francs, la date de la présentation du premier rapport par I______, soit le 22 juin 2016, doit être retenue comme prise de connaissance des faits par l’autorité intimée et comme dies a quo de la prescription.

Les faits dénoncés dans le grief n° 5 ne sont ainsi pas prescrits.

c. S’agissant du 8ème grief, le rapport d’enquête a retenu que la gestion de M. A______ s’était avérée approximative, défaillante, révélant un manque flagrant de gestion prévisionnelle de trésorerie, de projection des besoins de liquidités et une absence totale de visibilité des décaissements pour le projet « B______ 2010 ».

L’argumentation développée ci-dessus pour les griefs n°s 2 et 5 quant à la date de la découverte des faits pertinents peut être reprise mutatis mutandis.

Il ressort par ailleurs du rapport d’enquête administrative que le recourant n’a pas toujours été transparent avec le CA. Conformément à l'adage nemo auditur suam (propriam) turpitudinem allegans (nul ne peut se prévaloir de sa propre faute), qui concrétise le principe constitutionnel de la bonne foi et vaut également en matière de droit public (arrêt du Tribunal fédéral 2C_17/2008 du 16 mai 2008 consid. 6.2 ; ATA/26/2012 du 17 janvier 2012 consid. 10), le recourant est malvenu de se prévaloir de la connaissance des faits par son employeur pour en déduire que les faits seraient prescrits puisque précisément il n’a pas été transparent avec celui-ci. La seule lecture des procès-verbaux d’enquête illustre la situation, à l’instar de la déclaration d’une membre du CA depuis janvier 2013 qui précise qu’entre octobre 2013 et février 2016, sept séances s’étaient tenues pour essayer de savoir comment le recourant attribuait les mandats dans toutes sortes de domaines et avoir un tableau des mandataires. Elle avait notamment voulu savoir comment les avocats étaient choisis, connaître leurs tarifs et savoir s’ils avaient un contrat. Elle n’avait jamais reçu de réponse. Il en allait de même pour la gestion du linge, alors que cela représentait des montants considérables, et le choix des intérimaires. À ce titre, il ne peut être reproché à l’autorité intimée de ne pas avoir pris conscience de l’implication personnelle du recourant dans la débâcle des comptes alors même qu’elle lui faisait encore confiance et que le recourant leur cachait des éléments déterminants pour la compréhension de la situation notamment financière de l’institution.

Les faits dénoncés dans le grief n° 8 ne sont pas prescrits.

d. Le même raisonnement peut être fait pour le grief n° 9 relatif à la faible protection des intérêts financiers de B______, la gestion lacunaire des débiteurs et l’absence de rappels.

Les faits ne sont pas prescrits.

e. Le traitement de la prescription des faits ayant trait aux griefs nos 3 et 4 souffrira de ne pas être traité compte tenu de ce qui suit.

8. Dans un troisième grief, le recourant conteste l’existence d’un motif de révocation.

a. B______ est un établissement de droit public, doté de la personnalité juridique (art. 1 et 2 de la loi concernant « B______ » du 21 mai 2001 entrée en vigueur le 1er novembre 2001 - LMV).

Le personnel de l’établissement est soumis au statut de la fonction publique, tel que défini par la LPAC ; art. 10 LMV ; art. 2 du règlement du personnel de B______ du 27 mai 2008).

b. Les art. 20 à 26 RPAC définissent les devoirs du personnel.

Les membres du personnel sont tenus au respect de l’intérêt de l’État et doivent s’abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 20 RPAC).

Les membres du personnel se doivent, par leur attitude, notamment, de justifier et de renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l’objet (art. 21 let. c RPAC).

Les membres du personnel se doivent de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence (art. 22 al. 1 RPAC).

c. Le recourant est par ailleurs soumis au RCSAC.

Les fonctions de cadre supérieur exigent de leurs titulaires, outre la préoccupation constante des intérêts de l’État et l’accomplissement des devoirs généraux liés à l’exercice de la fonction publique, le maintien d’un haut niveau de qualification et un sens élevé de la mission confiée. En collaboration avec les cadres intermédiaires, les cadres supérieurs élaborent les objectifs des services qui leur sont subordonnés. Les cadres supérieurs donnent aux cadres intermédiaires qui leur sont subordonnés toute information nécessaire à l’exercice de leur fonction (art. 3 RCSAC).

d. Selon l’art. 16 al. 1 LPAC, les fonctionnaires et les employés qui enfreignent leurs devoirs de service, soit intentionnellement soit par négligence, peuvent faire l'objet, selon la gravité de la violation, des sanctions suivantes :

a) prononcé par le supérieur hiérarchique, en accord avec sa hiérarchie :

1° le blâme ;

b) prononcées, au sein de l'administration cantonale, par le chef du département ou le chancelier d'État, d'entente avec l’office du personnel de l’État ; au sein des services centraux et des greffes du pouvoir judiciaire, par le secrétaire général du pouvoir judiciaire ; au sein de l'établissement, par le directeur général :

2° la suspension d'augmentation du traitement pendant une durée déterminée,

3° la réduction de traitement à l'intérieur de la classe ;

c) prononcées, à l'encontre d'un fonctionnaire, au sein de l'administration cantonale, par le Conseil d'État ; au sein des services centraux et des greffes du pouvoir judiciaire, par la commission de gestion du pouvoir judiciaire ; au sein de l'établissement par le conseil d'administration :

4° le retour au statut d'employé en période probatoire pour une durée maximale de trois ans,

5° la révocation.

En cas de révocation, le Conseil d'État, respectivement la commission de gestion du pouvoir judiciaire ou le conseil d'administration de l'établissement, peut stipuler que celle-ci déploie un effet immédiat si l'intérêt public le commande (art. 16 al. 2 LPAC).

Une décision de révocation avec effet immédiat peut cependant agir rétroactivement au jour de l'ouverture de l'enquête administrative (art. 28 al. 4 in fine LPAC).

e. Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu’elles ne sauraient être prononcées en l’absence de faute du fonctionnaire (Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 7ème éd., Zurich 2016, n. 1515 ; Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, Bâle 2014, n. 2249).

Alors qu’en droit pénal les éléments constitutifs de la faute doivent être expressément indiqués dans la loi, en droit disciplinaire, les agissements pouvant constituer une faute sont d’une telle diversité qu’il est impossible que la législation en donne un état exhaustif (Ursula MARTI/Roswitha PETRY, La jurisprudence en matière disciplinaire rendue par les juridictions administratives genevoises, RDAF 2007 p. 227 ss, p. 235 ; Gabriel BOINAY, op. cit., p. 62 ss).

La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire et celle-ci peut être commise consciemment, par négligence ou par inconscience, la négligence n’ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l’auteur (ATA/808/2015 du 11 août 2015 consid. 5e ; ATA/694/2015 du 30 juin 2015). La faute disciplinaire peut même être commise par méconnaissance d'une règle. Cette méconnaissance doit cependant être fautive (Gabriel BOINAY, op. cit., n. 55, p. 14).

Tout agissement, manquement ou omission, dès lors qu'il est incompatible avec le comportement que l'on est en droit d'attendre de celui qui occupe une fonction ou qui exerce une activité soumise au droit disciplinaire peut engendrer une sanction. La loi ne peut pas mentionner toutes les violations possibles des devoirs professionnels ou de fonction. Le législateur est contraint de recourir à des clauses générales susceptibles de saisir tous les agissements et les attitudes qui peuvent constituer des violations de ces devoirs (Gabriel BOINAY, op. cit., n. 50, p. 14). Dans la fonction publique, ces normes de comportement sont contenues non seulement dans les lois, mais encore dans les cahiers des charges, les règlements et circulaires internes, les ordres de service ou même les directives verbales. Bien que nécessairement imprécises, les prescriptions disciplinaires déterminantes doivent être suffisamment claires pour que chacun puisse régler sa conduite sur elles, et puisse être à même de prévoir, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences de nature à dériver d'un acte déterminé (Gabriel BOINAY, op. cit., n. 51, p. 14).

f. En l’espèce, il ressort de l’enquête administrative que les reproches nos 2, 5, 8 et 9 précités, non prescrits, sont fondés.

Le recourant a commis des fautes que le rapport d’enquête détaille pour chacun de ces griefs. Comme déjà exposé, le rapport d’enquête se fonde sur un établissement de faits détaillés et fouillés, après audition de nombreux témoins et production de pièces. Les parties ont pu s’exprimer avant que le rapport ne soit rendu. L’analyse du bien-fondé des griefs précités de l’enquêteur est convaincante et aucun des arguments énoncés par le recourant ne la remet valablement en cause. Les développements faits dans le recours sont succincts. Même la lecture des différentes observations faites par l’intéressé au cours de la procédure d’enquête ou dans les autres pièces versées au dossier ne permet pas de remettre en cause la pertinence des conclusions de l’enquêteur.

Il est établi par l’enquêteur que, par la faute du recourant, le CODIR n’a pas été tenu informé de la signature de la deuxième convention en 2015 et donc de la violation, par l’établissement, de la législation applicable aux marchés publics. Dans d’autres dossiers, le recourant avait pourtant sollicité la deuxième signature nécessaire selon le registre du commerce, tout comme il avait entrepris une procédure de marchés publics par exemple pour la désignation de l’organe de révision. Ce faisant, l’intéressé a violé la législation sur les marchés publics, entrée en vigueur le 1er janvier 2008.

S’agissant de l’argument du recourant quant au grief n° 2 selon lequel il n’y aurait « pas eu de contrat, mais uniquement un accord » entre le recourant et le directeur d’L______, sans obligation pour l’autorité intimée de faire appel à ladite société, et que ledit accord ne relèverait pas des marchés publics est infondé au vu des chiffres d’affaires de CHF 900’000.- réalisés en 2011 et 2013 par ladite société auprès de B______ (art. 1 AIMP ; art. 2 let. a du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007
(RMP - L 6 05.01). L’enquêteur doit être suivi lorsqu’il conclut que l’attitude du recourant devait plutôt être rapportée au lien qu’il entretenait avec M. M______, directeur de ladite société et à la favorisation de la société de ce dernier. Le recourant tente de se prévaloir d’une autre acceptation orale, par l’autorité intimée, d’une offre en matière de personnel temporaire. Même à considérer que tel soit le cas, ce fait est exorbitant au présent litige et ne peut exonérer le recourant de ses propres responsabilités de directeur-adjoint, responsable de la comptabilité et des finances, en charge du respect par l’autorité intimée des législations idoines. La faute est établie.

Le recourant ne peut, de même, être suivi lorsqu’il résume le témoignage de l’ancien président du CA, en ces termes : « le CA avait décidé d’investissements immobiliers gigantesques alors qu’il n’avait pas le premier franc ». Certes, le rapport d’enquête détaille que la position de l’État, concernant la construction des EMS, avait évolué (subventions à la pierre avant renoncement pour un ajustement du prix des pensions, puis désaccord sur le prix des pensions), créant des difficultés à l’autorité intimée dans les choix qu’elle devait effectuer. Le résumé du recourant n’est toutefois pas conforme à ce qu’a déclaré le témoin. Il ne peut en aucun cas être déduit de la lecture dudit témoignage, nuancé et détaillé, une exonération des responsabilités du recourant.

Dans ces conditions, il sera retenu, conformément au rapport d’enquête, que le recourant a, fautivement, violé ses obligations découlant des art. 20, 21 al. 1 let. a, 21 al. 1 let. c ; 22 al. 1 RPAC et 3 RCSAC.

L’ordonnance pénale est sans pertinence pour l’issue du présent litige, dès lors qu’elle porte sur la prime de fidélité, à savoir le grief n° 11 que l’enquêteur n’avait pas retenu à l’encontre du recourant et les heures supplémentaires (grief n° 12) qu’il n’est pas nécessaire de traiter au vu de ce qui précède. En effet, même à suivre le raisonnement du Ministère public, contesté par l’autorité intimée dans le cadre d’une opposition, le résultat de la présente procédure ne serait pas différent.

En conséquence, conformément à ce qui précède, le recourant a violé ses devoirs. Le prononcé d’une sanction est conforme à la loi.

9. Le recourant se plaint du fait que la sanction violerait le principe de la proportionnalité.

a. Traditionnellement, le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
(Cst. - RS 101), se compose des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé – de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c).

En matière de sanctions disciplinaires, l’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation ; le pouvoir d’examen de la chambre de céans se limite à l’excès ou à l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/1255/2015 précité consid. 7c ; ATA/748/2014 du 23 septembre 2014 consid. 7c ; ATA/452/2013 du 30 juillet 2013 consid. 16 et les références citées).

b. En l’espèce, au vu des seuls griefs nos 2, 5, 8 et 9, non prescrits, de la gravité desdits manquements, du poste à hautes responsabilités du recourant au sein de l’autorité intimée, de son absence délibérée de transparence sur des problématiques d’importance pour la gestion de l’établissement, de la durée desdits agissements, et du large pouvoir d’appréciation de l’autorité intimée dont la chambre de céans ne sanctionne que l’abus ou l’excès, la décision de révocation avec effet rétroactif apparaît nécessaire, apte à atteindre le but voulu, et proportionnée au sens étroit.

Le recourant relève qu’il ne voit pas quel intérêt public pouvait commander sa révocation rétroactive. En l’espèce, le seul intérêt public au bon fonctionnement de l’établissement de droit public concerné suffit. Le remboursement de traitements perçus, mais non dus au vu du bien-fondé de la décision de révocation litigieuse, prime l’intérêt privé du recourant à éviter une révocation rétroactive.

La chambre administrative s’est pour le surplus assurée, compte tenu des particularités du cas d’espèce – retraite partiellement anticipée au moment de la décision de révocation ; modifications structurelles à la même époque au sein de la CPEG – que les conséquences financières sur la rente de retraite du recourant n’induiraient pas des conséquences disproportionnées.

En révoquant le recourant par décision du 26 décembre 2017, soit à une date où l’intéressé était toujours sous contrat avec l’autorité intimée, celle-ci n’enfreint aucune disposition légale. Le recourant n’en invoque d’ailleurs pas. Il se limite à poser la question de savoir si une révocation avec effet immédiat était possible pour une personne qui ne faisait plus partie du personnel. Or, la prémisse de la question est erronée, l’intéressé faisant toujours partie du personnel à la date précitée. Pour le surplus, la décision de révocation intervient pour une date rétroactive à laquelle l’intéressé était à 100 % employé. Enfin, bien que le recourant soit retraité au moment du prononcé du présent arrêt, il subsiste un intérêt à ce que soient tranchés le bien-fondé de la décision de révocation et la date de prise d’effet de celle-ci. Le grief est infondé.

10. Le recourant conteste la date d’effet de la révocation. Celui-ci avait été fixé au 16 novembre 2016, soit la « date de la suspension avec traitement » du recourant et non pas au 12 décembre 2016, « date de l’ouverture de l’enquête », ce qui contrevenait à l’art. 28 al. 4 LPAC.

Le recourant ne peut être suivi. La suspension de son traitement est intervenue par décision du 7 juin 2017 étant précisé qu’il a été suspendu de ses fonctions le 31 octobre 2016. Le 16 novembre 2016 correspond à la décision du CA d’ouvrir une enquête administrative à son encontre. Par ailleurs, conformément au consid. 4b qui précède et contrairement à ce que soutient l’intéressé, il a été informé de ladite ouverture par courrier du 21 novembre 2016.

En conséquence la date de l’effet de la révocation avec effet rétroactif ne prête pas flanc à la critique.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

11. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’000.- sera mis à charge du recourant qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge du recourant, sera allouée à l’autorité intimée qui y a conclu et a encouru des frais pour sa défense (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er février 2018 par Monsieur A______ contre la décision de B______ du 26 décembre 2017 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1’000.- à la charge de Monsieur A______ ;

alloue à B______ une indemnité de procédure CHF 1’000.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pascal Pétroz, avocat du recourant ainsi qu'à Me Sandro Vecchio, avocat de B______.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Thélin, Mme Krauskopf, MM. Pagan et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :