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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4950/2017

ATA/2/2018 du 05.01.2018 sur JTAPI/1377/2017 ( MC )

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4950/2017-MC ATA/2/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt sur partie du 5 janvier 2018

 

dans la cause

Monsieur A______
représenté par Me Yann Arnold, avocat

et

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

et

Monsieur A______
représenté par Me Yann Arnold, avocat

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 décembre 2017 (JTAPI/1377/2017)


EN FAIT

1) En date du 3 janvier 2013, Monsieur A______, né le ______ 1981, originaire d'Algérie, célibataire et sans domicile fixe, est entré illégalement en Suisse.

2) Le 15 septembre 2013, M. A______ a déposé une demande d'asile.

3) Par décision du 26 juin 2014, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) a prononcé une non-entrée en matière sur ladite demande, le renvoi de Suisse de l’intéressé et l’exécution de cette mesure.

4) Depuis 2013, M. A______ a fait l’objet des condamnations pénales suivantes par le Ministère public du canton de Genève :

- le 5 mars 2013, une peine pécuniaire de nonante jours-amende pour infraction à l'art. 115 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20), ainsi que pour infraction à l’art. 186 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0 ; violation de domicile), pour être entré le même jour dans un foyer de l’Hospice général malgré une interdiction d’entrée dans tous les foyers de ce dernier ;

- le 12 avril 2013, une peine privative de liberté de quatre mois pour vol
(art. 139 ch. 1 CP), dommages à la propriété (art. 144 al. 1 CP), violation de domicile et infraction à l'art. 115 al. 1 let. b et c LEtr ;

- le 22 mai 2013, une peine privative de liberté de six mois pour vol, dommages à la propriété et violation de domicile ;

- le 1er juillet 2013, une peine privative de liberté de trente jours pour vol, dommages à la propriété et violation de domicile ;

- le 18 mars 2014, une peine privative de liberté de six mois pour dommages à la propriété et violation de domicile ;

- le 17 septembre 2014, une peine privative de liberté de six mois pour trois vols d’objets d’une valeur approximative de CHF 5'000.-, CHF 20'000.- et
CHF 10'000.-, dommages à la propriété, violation de domicile, infraction à l'art. 115 al. 1 let. b LEtr, avec révocation de la libération conditionnelle dont il avait précédemment bénéficié ;

- le 14 août 2015, une peine privative de liberté de soixante jours pour empêchement d’accomplir un acte officiel (art. 286 al. 1 CP) pour, à sa sortie de prison, s’être opposé le 13 août 2015 à son renvoi par avion à destination de l'Algérie ;

- le 11 octobre 2015, une peine privative de liberté de soixante jours pour infraction à l'art. 115 al. 1 let. b LEtr ;

- le 20 janvier 2016, une peine privative de liberté de nonante jours pour infraction à l'art. 115 al. 1 let. b LEtr.

5) Du 6 juin 2016 au 31 octobre 2016, M. A______ a été incarcéré à la prison de Champ-Dollon (ci-après : Champ-Dollon) aux fins d'y purger les peines privatives de liberté qui lui avaient été infligées.

6) a. Le 31 octobre 2016, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de trois mois.

b. Entendu le 3 novembre 2016 par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), M. A______ a déclaré qu'il n'était pas d'accord de retourner en Algérie, sauf si une solution pour payer ses dettes était trouvée. Il craignait que ses créanciers en Algérie s'en prennent à lui.

c. Par jugement du 3 novembre 2016, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention administrative précité jusqu'au 12 décembre 2016, jugement confirmé par arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) du 23 novembre 2016 (ATA/997/2016).

7) Le 21 novembre 2016, M. A______ a refusé de monter à bord du vol sur lequel une place lui était réservée avec escorte policière et s’est opposé physiquement à son renvoi à destination d’Alger.

8) Le 22 novembre 2016, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention pour insoumission à l’encontre de M. A______ pour une durée d’un mois, ordre confirmé par jugement du TAPI du 24 novembre 2016 et arrêt de la chambre administrative du 14 décembre 2016 (ATA/1053/2016).

La détention administrative pour insoumission a été prolongée jusqu’au 22 février 2017 selon jugement du 20 décembre 2016 du TAPI (JTAPI/1349/2016).

9) a. Le 11 janvier 2017, M. A______ a été placé en détention provisoire et écroué à Champ-Dollon après avoir mis le feu à sa cellule à l’établissement de détention administrative de Frambois (ci-après : Frambois) et endommagé
celle-ci.

b. Par arrêt du 5 juillet 2017, la chambre pénale d’appel et de révision
(ci-après : CPAR) a confirmé le jugement du Tribunal de police du 5 avril 2017 reconnaissant M. A______ coupable de dommages à la propriété et le condamnant à une peine privative de liberté de six mois, sous déduction de
quatre-vingt-cinq jours de détention avant jugement. Il a ordonné l’expulsion de Suisse de M. A______ pour une durée de cinq ans.

La motivation de l’arrêt sera reprise en tant que de besoin dans la partie en droit.

10) Le 7 octobre 2017, M. A______ a été libéré par les autorités judiciaires et remis entre les mains des services de police.

11) Le même jour, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative pour insoumission à l’encontre de M. A______ pour une durée d’un mois, soit jusqu’au 7 novembre 2017, ordre confirmé par le TAPI par jugement du 9 octobre 2017.

12) Par jugement du 31 octobre 2017, le TAPI a prolongé la détention administrative de M. A______ jusqu’au 7 janvier 2018, jugement confirmé par la chambre de céans le 21 novembre 2017 (ATA/1517/2017).

13) Par courriel du 19 novembre 2017, la directrice de l’établissement de Frambois (ci-après : la directrice) a informé le département de la sécurité et de l’économie (ci-après : le département) que M. A______, accompagné d’un autre détenu, avait été aperçu au moyen de la vidéosurveillance le matin même vers 11h20, dans le local sécurisé de l’atelier. Deux agents étaient intervenus immédiatement. Les deux détenus avaient été trouvés à l’atelier en possession de grands ciseaux, d’un cutter, de lames et de tournevis. Ils avaient réussi à s’introduire dans le local grâce à « l’ingéniosité » de M. A______ qui avait modifié sa clé de cellule de telle manière à pouvoir ouvrir des « espaces du carcéral. Ils pouvaient ainsi arriver jusqu’à la centrale et sortir du bâtiment par la centrale. Le scénario d’une prise d’otages est également envisageable, [au vu] des objets dérobés. M. A______ a été placé en cellule forte pour la durée maximale prévue par notre règlement, soit cinq jours. [L’autre détenu] a, lui, été placé en cellule rébarbative pour une durée de cinq jours également. Les deux détenus ont reconnu les faits. M. A______ nous a également informés s’être introduit dans le local de la gaine technique qui se trouve près de l’atelier. Nous y déposons entre autres des bagages laissés par des détenus qui ont quitté l’établissement. C’est ainsi qu’ils ont dérobé un paquet entier de rasoirs. Une plainte pénale a été déposée contre les deux détenus pour vol de matériel dangereux et intrusion dans un local sécurisé. Pour toutes ces raisons et au cas où M. A______ ne serait pas placé à Champ-Dollon, je vous prie de bien vouloir envisager son transfert dans un autre établissement. Je vous informe également qu’il est convoqué demain au Ministère public dans le cadre d’une plainte déposée par des agents de Champ-Dollon ».

14) Par courriel du 28 novembre 2017, le département a confirmé à la directrice que M. A______ était concerné par une enquête pénale, en cours depuis le 16 août 2017, pour menaces et violence contre l’autorité ou les fonctionnaires. Il s’agissait d’une plainte déposée par des agents de Champ-Dollon lors de son précédent séjour. Une seconde plainte avait été déposée par la directrice à la suite de la tentative d’évasion du 19 novembre 2017.

15) Le 1er décembre 2017, le département a confirmé à la directrice qu’aucun établissement de détention administrative (ci-après : LMC) contacté depuis le 29 novembre 2017, à savoir les établissements du Valais, Fribourg, Bâle, Berthoud, Berne, Witzwil et Zurich Aéroport, n’était en mesure d’accueillir l’intéressé ces prochaines semaines. Ils étaient « complets sur le long terme et n’étaient pas en mesure d’accueillir un détenu qui présentait des risques d’évasion. Compte tenu de cette situation et pour autant que vous estimiez qu’il ne peut pas revenir à Frambois, la seule solution qui me vient à l’esprit est de demander [au conseiller d’État en charge du département (ci-après : le conseiller d’État)] de prolonger sa détention à Champ-Dollon ».

16) Par courriel du même jour, la directrice a indiqué qu’« au vu des menaces proférées à [s]on encontre et des risques qu’il ferait encourir à l’ensemble du personnel et à ses codétenus, il [lui] sembl[ait] effectivement opportun de demander [au conseiller d’État] son maintien à Champ-Dollon ».

17) M. A______ a été écroué à Champ-Dollon le 4 décembre 2017 pour y purger la peine privative de liberté de vingt jours, sous déduction d’un jour de détention avant jugement, à laquelle il avait été condamné par ordonnance pénale du 2 septembre 2016.

18) Le 12 décembre 2017, M. A______ « a été élargi » de Champ-Dollon, après que ses amendes eurent été payées. Il a alors été remis en mains des services de police.

Le même jour, le commissaire de police a prononcé un ordre de mise en détention administrative pour insoumission.

19) Par jugement du 14 décembre 2017 (JTAPI/1322/2107), le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention administrative jusqu’au 25 décembre 2017. Il résultait des déclarations de la représentante du commissaire de police lors de l’audience que la surcharge de l’établissement de détention administrative de Favra (ci-après : Favra) et Frambois n’était que l’une des raisons de la détention de M. A______ à Champ-Dollon. La plus importante semblait consister dans le fait que son comportement serait problématique dans l’un ou l’autre des deux établissements précités. Un tel motif ne justifiait cependant pas la détention de l’intéressé à Champ-Dollon à teneur du texte clair de l’art. 81
al. 1 LEtr. Par ailleurs, l’audience avait démontré que M. A______ occupait une cellule seul, mais pas à l’écart des cellules occupées par les détenus pénaux et qu’il partageait en outre avec ces derniers l’heure de promenade ainsi que les repas. La détention de M. A______ à Champ-Dollon ne respectant pas l’art. 81 al. 2 LEtr ni la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, reprise par la Suisse dans le cadre du développement de l’acquis de Schengen (Directive européenne sur le retour - RO 2010 5925), il incombait aux autorités d’exécution de la détention de trouver une autre solution dans les plus brefs délais. Afin de permettre au TAPI d’examiner si cette solution avait été trouvée, l’ordre de mise en détention n’était confirmé que jusqu’au 25 décembre 2017, délai permettant au commissaire de police de requérir encore le jour même auprès du TAPI une prolongation de la détention de M. A______.

20) Le 15 décembre 2017, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a sollicité la prolongation de la détention administrative pour insoumission de M. A______ jusqu’au 26 février 2018.

21) Par jugement du 22 décembre 2017, le TAPI a prolongé la détention administrative de M. A______ pour une durée de deux mois, soit jusqu’au 25 février 2018, à la condition que cette détention soit exécutée dans un établissement de détention administrative respectant les conditions de l’art. 81 al. 2 LEtr à partir du 28 décembre 2017, à défaut de quoi M. A______ devait être libéré.

Le jugement du 14 décembre 2017 n’avait alors pas été contesté. Selon les déclarations des parties, concordantes sur ce point, les conditions de détention de M. A______ dans le quartier de sécurité de la prison de Champ-Dollon ne respectaient pas celles d’une détention administrative au sens de l’art. 81
al. 1 LEtr. Aucun nouvel élément n’avait été apporté par l’OCPM qui permettrait d’apprécier différemment la situation.

Si M. A______ avait en effet complètement détruit sa cellule en janvier 2017, il avait été condamné pour ces faits et avait exécuté la peine privative de liberté qui lui avait été infligée. Depuis, rien n'indiquait qu'il aurait cherché à causer de nouveaux dégâts à sa cellule.

Concernant les menaces proférées à l'encontre de la directrice, lesquelles étaient contestées par l'intéressé, aucun élément du dossier, mis à part deux courriels à ce sujet et le fait qu'elles avaient été dénoncées au Ministère public le 27 novembre 2017, ne venait étayer leur gravité. Un risque actuel et concret de mise en danger du personnel de l'établissement tel qu'il aurait d'ailleurs pu fonder une mise en détention préventive par les autorités pénales, ne lui apparaissait ainsi pas patent. Quant au risque d'évasion avec prise d'otage, il n'était documenté que par un courrier électronique qui ne précisait au demeurant pas le rôle de chacun des protagonistes impliqués, étant précisé qu'à ce sujet une plainte pour vol avait été déposée le 20 novembre 2017.

L'OCPM avait entrepris des démarches pour trouver une autre solution, en s'adressant à plusieurs établissements de détention administrative d'autres cantons, équipés de dispositifs de sécurité plus élevés qu'à Frambois ou Favra. Aucune de ses demandes n'avait trouvé d'issue positive. De plus, selon les explications de l'OCPM, aucun transfert dans l'un de ces établissements n'était envisageable avant le 15 janvier 2018, de sorte qu'il entendait d'ores et déjà obtenir l'aval du conseiller d'État pour maintenir M. A______ à Champ-Dollon, le temps nécessaire pour trouver une solution adéquate.

Il n'apparaissait pas que la situation décrite par l'OCPM constituait un cas de danger à ce point sérieux, direct et imminent au sens de la clause générale de police qu'il imposerait la poursuite de la détention administrative de M. A______ dans un lieu de détention provisoire, entraînant par là une restriction importante des conditions de détention telles que prévues par l'art. 81 al. 2 LEtr. De plus, permettre une telle restriction des droits de l'intéressé à être détenu dans des locaux adéquats, sans qu'un terme respectant rigoureusement le principe de la proportionnalité ne soit prévu, ne respectait pas non plus ledit principe et ne saurait être validé.

22) Par acte du 26 décembre 2017, l’OCPM a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement du 22 décembre 2017. Préalablement, il a sollicité la restitution de l’effet suspensif et le maintien de M. A______ en détention administrative à Champ-Dollon jusqu’à droit connu sur le fond.

Principalement, le recours devait être admis et le jugement précité réformé en tant qu’il limitait au 28 décembre 2017 la durée de la détention administrative de M. A______ à Champ-Dollon. Il devait être dit que la poursuite de sa détention administrative dans cet établissement était licite et possible jusqu’à ce qu’une solution permettant d’assurer la sécurité publique et celle du personnel pénitentiaire des établissements LMC de Genève soit trouvée.

Le conseiller d’État avait autorisé, le 12 décembre 2017, le placement exceptionnel de M. A______ à Champ-Dollon jusqu’au 31 décembre 2017 pour des motifs sécuritaires, comme l’autorisait la directive départementale sur la détention administrative du 1er juillet 2017. Cette autorisation était sujette à prolongation sur requête motivée de la part de l’OCPM. Ladite directive permettait, dans des cas exceptionnels, de placer un détenu administratif dans la prison de Champ-Dollon, en particulier lorsqu’un détenu représentait un danger contre le personnel pénitentiaire. Frambois était inapproprié, compte tenu des nombreux actes délictuels que l’intéressé y avait commis. L’établissement de Favra était inadapté aux cas d’insoumission. M. A______ présentait un profil de dangerosité particulièrement élevé, s’agissant d’une privation de liberté à des fins administratives. Les nombreuses démarches effectuées depuis le 1er décembre 2017 en vue d’un transfert étaient restées vaines à la fois en raison du manque de places disponibles et de la dangerosité de l’intéressé. Cette situation n’était pas susceptible de changer avant au moins la mi-janvier 2018, compte tenu des fêtes de fin d’année et des effectifs du personnel pénitentiaire réduits durant cette période. Concernant les conditions de détention à Champ-Dollon, M. A______ avait déclaré lors de l’audience devant le TAPI le 21 décembre 2017 qu’il était seul en cellule, prenait ses repas et effectuait ses promenades seul, avait été pris en charge par le service médical de l’établissement et n’avait pas exposé ne pas être en contact avec l’extérieur, particulièrement avec son mandataire.

La limitation jusqu’au 28 décembre 2017 mettait en péril la sécurité publique et provoquait un risque inacceptable pour le personnel des établissements de détention administrative du canton de Genève.

23) Par observations du 27 décembre 2017, M. A______ a conclu au rejet de la requête en restitution de l’effet suspensif.

Le commissaire de police et l’OCPM, qui collaboraient étroitement dans le cadre des mesures de contrainte, n’avaient pas contesté le jugement du TAPI du 14 décembre 2017. Il devait être retenu qu’ils admettaient que la détention de M. A______ ne respectait pas l’art. 81 al. 2 LEtr et la Directive européenne sur le retour, comme le fait qu’une solution rapide devait être trouvée pour que l’intéressé n’ait plus à exécuter sa détention administrative dans un établissement carcéral pénal.

Il n’avait jamais été condamné pour des infractions portant atteinte à l’intégrité d’autrui. Il bénéficiait de la présomption d’innocence pour la, voire pour les procédures en cours, dirigées à son encontre. Il contestait avoir proféré toute menace. Il n’avait pas causé de nouveaux dégâts à sa cellule ni n’avait cherché à en faire. La plainte pénale dirigée à son égard n’avait pas été produite. Le Ministère public n’avait pas sollicité de mise en détention provisoire. L’allégation d’une tentative d’évasion avec prise d’otage n’était étayée que par un courriel. Aucune plainte pénale ne semblait avoir été déposée pour ces faits. L’OCPM n’avait pas été en mesure d’apporter des éléments, a fortiori nouveaux, qui permettraient de retenir un cas de danger à ce point sérieux, direct et imminent au sens de la clause générale de police qui imposerait une détention administrative dans un établissement de détention pénale, qui plus est à Champ-Dollon, établissement destiné à accueillir des détentions provisoires accentuant encore davantage la privation de liberté. L’absence de places disponibles à Favra ou Frambois n’était manifestement pas à l’origine de la décision de le placer à
Champ-Dollon. Dite décision venait à ériger l’OCPM en autorité pénale, respectivement à demander à la chambre de céans de s’attribuer les compétences prévues par le code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007
(CPP - RS 312.0).

24) Par décision du 27 décembre 2017, la présidence de la chambre administrative a restitué l’effet suspensif au recours et prolongé la détention administrative de M. A______ à Champ-Dollon jusqu’à ce qu’elle ait statué sur le recours de l’OCPM du 26 décembre 2017.

25) Par observations du 3 janvier 2018, M. A______ a conclu au rejet du recours.

Il joignait copie de son propre recours contre le jugement du TAPI du 22 décembre 2017, posté le 2 janvier 2018. Il concluait à la jonction de son propre recours à la présente cause, à ce que l’intimé soit invité à produire la décision du conseiller d’État ainsi que la demande qui lui avait été présentée, à ce que l’apport des procédures pénales en cours soit ordonné et à ce que la possibilité de compléter ses observations une fois les pièces produites lui soit réservée. Il reprenait les conclusions de son propre recours, concluant, au fond, à l’annulation du jugement du TAPI et cela fait, au constat de l’illicéité des conditions de détention, à l’octroi d’une indemnité de CHF 200.- par jour de détention illicite, à savoir du 12 décembre 2017 au jour de sa libération, à ce que sa mise en liberté soit immédiatement ordonnée, les frais et dépens devant être mis à la charge de l’intimé.

26) Le même jour, la chambre de céans a reçu le recours de M. A______ contre le jugement du TAPI du 14 décembre 2017, posté le 23 décembre 2017. La cause a été enregistrée sous les références A/4905/2017. Les conclusions sont identiques à celles susmentionnées. Les griefs portent sur l’illégalité de la détention de l’intéressé à Champ-Dollon et les conséquences de celle-ci.

27) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

28) Le 4 janvier 2017, la chambre de céans a reçu le recours de M. A______ contre le jugement du TAPI du 22 décembre 2017, posté le 2 janvier 2018. La cause a été enregistrée sous les références A/4950/2017, soit les mêmes que la présente cause s’agissant d’un recours contre le même jugement. Les griefs portent sur l’illégalité de la détention de l’intéressé à Champ-Dollon et les conséquences de celle-ci.

EN DROIT

1) Interjeté le 26 décembre 2017 contre le jugement du TAPI prononcé et communiqué aux parties le 22 décembre 2017, le recours de l’OCPM l'a été en temps utile auprès de la juridiction compétente (art. 132 al. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d’application de la LEtr du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10 ; art. 17 et 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA -
E 5 10).

Le recours interjeté par le détenu auprès de la chambre de céans le 2 janvier 2018 contre le même jugement est aussi recevable de ces points de vue. La recevabilité des différentes conclusions du recourant reste réservée et sera examinée dans l’arrêt à venir.

2) Selon l’art. 10 al. 2 LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours de l’OCPM le 26 décembre 2017 et statuant ce jour, elle respecte ce délai, lequel arrive à échéance ce jour.

Ce délai étant prévu aux fins de protéger les droits du détenu, il ne sera pas fait droit à la requête du détenu de « joindre » les deux recours dirigés contre le jugement du TAPI du 22 décembre 2017. Un traitement conjoint des deux recours repousserait le prononcé du présent arrêt de plusieurs jours. Par ailleurs, la question de droit traitée dans le présent arrêt et la solution à laquelle la chambre de céans parvient est compatible avec un examen ultérieur des conclusions prises par le détenu dans son recours du 2 janvier 2018 et par voie de conséquence avec l’octroi d’un délai à l’OCPM pour se déterminer sur les conclusions du recours du détenu.

Un arrêt sur partie sera en conséquence prononcé lequel porte sur les conclusions prises le 26 décembre 2017 par l’OCPM. Les conclusions du recours du 2 janvier 2018 du détenu sont réservées et seront tranchées ultérieurement.

Aucun recours n’émet de grief à l’encontre de la détention pour insoumission, dont l’examen a fait l’objet d’un arrêt récent de la chambre de céans auquel il peut être renvoyé (ATA/1517/2017 du 21 novembre 2017), la chambre administrative ayant analysé en détail la légalité et l’adéquation de la détention pour insoumission. Le détenu s’en est rapporté à justice sur la question de la détention pour insoumission lors de l’audience devant le TAPI le 21 décembre 2017. De surcroît, la prolongation jusqu’au 25 février 2018, prononcée dans le jugement présentement querellé, respecte toujours le principe de la proportionnalité dès lors que bien que détenu depuis le 6 juin 2016, seuls quatre mois sur les dix-neuf concernent de la détention administrative.

3) Le détenu conclut préalablement à la production de divers documents, dont la décision de l’autorité d’exécution de transférer l’intéressé à Champ-Dollon et à l’apport de procédures pénales.

a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (ATF 137 IV 33 consid. 9.2), de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 138 I 154 consid. 2.3.3 ; 137 II 266 consid. 3.2). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 140 consid. 5.3).

b. Le recours de l’OCPM porte exclusivement sur le refus du TAPI d’autoriser la détention administrative de l’intéressé au sein de Champ-Dollon au-delà du 28 décembre 2017. Les documents sollicités ne sont pas de nature à modifier la solution. Leur apport ne sera en conséquence pas ordonné.

4) La chambre administrative est compétente pour apprécier l’opportunité des décisions portées devant elle (art. 10 al. 2 LaLEtr). Elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l’étranger (art. 10 al. 3 LaLEtr).

5) Le présent litige porte sur la licéité de la détention de M. A______ dans un établissement non destiné à la détention administrative.

6) L'autorité judiciaire chargée du contrôle de la décision de détention administrative doit examiner notamment les conditions d'exécution de la détention (ATF 122 II 49 consid. 5 ; 122 II 299 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_384/2017 du 3 août 2017 consid. 4.5 ; 2C_490/2012 du 11 juin 2012 consid. 6.1 ; 2C_37/2011 du 1er février 2011 consid. 1.2).

Si les conditions de détention ne respectent pas les exigences légales, il appartient au juge d'ordonner les mesures qui s'imposent ou – s'il n'est pas possible d'assurer une détention conforme à la loi dans les locaux de l'établissement de détention préventive – de faire transférer à bref délai le recourant dans d'autres locaux. Si la situation légale n'est pas rétablie dans un délai raisonnable, le recourant doit être libéré (ATF 122 II 299 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 5.2).

7) a. Les personnes en détention administrative ne doivent pas, en principe, être détenues avec des prisonniers de droit commun (art. 16 al. 1 de la Directive européenne sur le retour ; art. 81 al. 2 LEtr).

La seule exception évoquée par ces deux textes portent sur des cas de surpopulation des centres de détention administrative (art. 18 § 1 de la Directive européenne sur le retour ; art. 81 al. 2 LEtr), l’exception n’ayant été introduite à l’art. 81 al. 2 LEtr que depuis le 1er février 2014 et faisant l’objet de critiques de la doctrine quant à sa compatibilité avec les normes de droit international (Grégoire CHATTON/Laurent MERZ, Code annoté de Droit des migrations, vol. 2 : LEtr, 2017, p. 93 n. 45).

Même l’hypothèse où un ressortissant étranger consentirait à son placement dans un établissement pénitentiaire avec des prisonniers de droit commun n’est pas autorisée (arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne C-474/13 du 17 juillet 2014).

b. En l’espèce, il ressort de l’argumentation de l’OCPM que le transfert du détenu à Champ-Dollon n’est pas motivé par un manque de places dans les établissements de détention administrative du canton, mais se fonde exclusivement sur la « dangerosité » de l’individu.

8) Selon la jurisprudence, il existe une autre exception au principe de la séparation des détenus de droit commun et des détenus de droit administratif, à savoir lorsqu’il existe un risque sécuritaire d’un détenu, à l’encontre de ses codétenus, du personnel administratif ou de la collectivité et que les standards de sécurité de l’établissement conçu pour le placement en détention administrative ne suffisent pas à pallier ce risque (arrêt du Tribunal fédéral 2C_37/2011 du 1er février 2011 consid. 3.1 ; 2A_8/1996 du 1er février 1996 consid. 3b ; Martin BUSINGER, Ausländerrechtliche Haft, Die Haft nach Art. 75 ff AuG, 2015, p. 309 ; Grégoire CHATTON/Laurent MERZ, op. cit., p. 93 n. 45).

« L’isolement cellulaire d’un étranger, voire – en l’absence de mesures de sécurité renforcée dans un centre de détention administrative – sa détention dans un établissement pénitentiaire ou dans le quartier psychiatrique carcéral ne sont envisageables qu’à titre tout à fait exceptionnel, lorsque l’étranger présente un danger concret et grave pour sa vie ou son intégrité, ou pour celles d’autrui. De même, un régime plus sévère pourra, selon nous, être appliqué à la détention administrative pour insoumission, compte tenu du changement de comportement que celle-ci a pour but de provoquer chez l’étranger récalcitrant » (Grégoire CHATTON/Laurent MERZ, op. cit., p. 921 n. 23).

La doctrine relève toutefois qu’il faut supposer que la Cour de justice de l’Union européenne rejetterait cette exception et qu’il se poserait alors la question de savoir où et comment ces étrangers devraient être détenus ou si, en plus des établissements de détention administrative ordinaires, des établissements devraient être créés pour des étrangers à hauts risques (« Hochrisikohäftlinge » ; Martin BUSINGER, op. cit., p. 309).

9) L’hébergement de détenus au sein d’établissements pénitentiaires de détention préventive ou d’exécution de peine ou de mesures reste envisageable, « à condition toutefois que ces établissements aient été conçus ou aménagés de façon à éviter tout côtoiement entre détenus pénaux et détenus administratifs (étages, pavillons ou divisions disposant d’accès strictement séparés et spécialement aménagés pour tenir compte des besoins et droits élargis des détenus administratifs). Une séparation des groupes de détenus uniquement au niveau des cellules ne suffit pas » (Grégoire CHATTON/Laurent MERZ, op. cit., p. 917 n. 21).

En l’absence d’établissements de détention spécifiques et adaptés aux besoins des détenus relevant du droit des étrangers, ces derniers doivent être placés dans des divisions séparées de celles des autres catégories de détenus (ATF 122 II 299). L’utilisation de la même cour de promenade est possible à condition que cela intervienne à des moments distincts de la journée (ATF 122 II 49 consid. 5a).

10) a. Le concordat sur l’exécution de la détention administrative à l’égard des étrangers du 4 juillet 1996 (CEDA - F 2 12), applicable par renvoi de
l'art. 12A LaLEtr, indique que la détention administrative a lieu dans un établissement fermé (art. 13 al. 1 CEDA).

Selon l’art. 30 CEDA, les cantons concordataires disposent des établissements suivants pour l'exécution de la détention administrative des étrangers : a)  le ou les établissements gérés par la fondation concordataire ; b) le ou les établissements gérés par l'un des cantons concordataires, reconnus par la Conférence romande des chefs de département compétents en matière de police des étrangers (ci-après : la Conférence). La reconnaissance (au sens de la let. b ci-dessus) est décidée par la Conférence en considération du respect par l'établissement cantonal des conditions matérielles et des exigences qualitatives applicables à la détention administrative. Elle peut être assortie de conditions ou être limitée dans le temps.

Aux termes de l’art. 35 CEDA, les cantons concordataires s'engagent à placer dans les établissements concordataires les détenus administratifs relevant de leur autorité. L'établissement est tenu de recevoir ces détenus. Le placement ou le transfert d'un détenu dans un établissement non concordataire demeure réservé dans des circonstances particulières, notamment pour des motifs de sécurité ou de santé. Si, en cours de détention, la direction estime qu'un détenu doit être transféré dans un autre établissement, elle adresse une demande à l'autorité d'exécution du canton qui a ordonné la détention.

L'autorité compétente de chaque canton (autorité d'exécution) procède au placement ou au transfert selon sa libre appréciation, notamment en fonction des formalités administratives à accomplir, des modalités prévisibles du refoulement et de considérations de sécurité ou d'ordre dans l'établissement (art. 36
al. 1 CEDA).

b. La rétention et la détention sont exécutées dans un établissement fermé, à l'intérieur duquel la liberté de circulation est garantie dans les limites imposées par la gestion d'une structure communautaire. Les conditions d’exécution de la détention sont régies par le chapitre troisième du CEDA (art. 12A LaLEtr).

11) a. L'art. 2 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00) consacre expressément le principe de la séparation des pouvoirs. En l'absence de délégation législative expresse, le Conseil d’État ne peut pas poser de nouvelles règles qui restreindraient les droits des administrés ou leur imposeraient des obligations (ATF 138 I 196 consid. 4.1 ; ATA/239/2011 du 12 avril 2011 consid. 4a et les arrêts cités ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. 1, 3ème éd., 2012, p. 253 ss n. 2.5.5.3). Seule la clause générale de police peut justifier une entorse à ce principe, mais il faut que l'ordre public soit menacé de manière grave, directe et imminente, sans qu'aucune autre mesure légale ne puisse être prise ou aucune norme adoptée en temps utile (Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, op. cit., p. 667 ss n. 4.2.3.9).

Selon la « clause générale de police » de l’art. 10 du règlement sur l’organisation de la police du 16 mars 2016 (ROPol - F 1 05.01), la police prend, même sans base légale particulière, les mesures d'urgence indispensables pour rétablir l'ordre en cas de troubles graves ou pour écarter des dangers sérieux, directs ou imminents menaçant la sécurité et l'ordre publics.

b. À teneur du règlement de l’établissement concordataire de détention administrative de Frambois du 8 avril 2004 (RFrambois - F 2 12.08), la direction peut prononcer une sanction disciplinaire à l'égard du détenu qui enfreint les règles du régime de détention ou les dispositions du RFrambois (art. 27 al. 1 CEDA) ou qui commet un acte tombant sous le coup de la loi pénale, notamment : a) l’évasion et la tentative d’évasion ; b) l’acquisition, le trafic et la détention d’armes ou de matières dangereuses (art. 50 al. 1 RFrambois).

L’art. 51 RFrambois prévoit que les sanctions disciplinaires sont l’avertissement écrit, le retrait des facilités et des avantages accordés et l’isolement cellulaire. Elles peuvent être cumulées (al. 1). L’isolement ne peut pas durer plus de cinq jours (al. 2). La sanction doit être proportionnée à la nature et à la gravité de l’infraction. Elle doit faire l’objet d’une décision écrite indiquant la voie et le délai de recours (al. 3).

12) En l’espèce, le commissaire de police n’a pas recouru contre le jugement du TAPI du 14 décembre 2017 constatant l’illicéité des conditions de détention à Champ-Dollon et fixant au 25 décembre 2017 la libération du détenu s’il devait encore s’y trouver.

Le jugement mentionne que ce délai était fixé afin de permettre au TAPI d’examiner si une solution avait été trouvée et de permettre au commissaire de police de requérir encore le jour même auprès du TAPI une prolongation de détention de l’intéressé, ce que le commissaire a fait.

Le fait que le TAPI envisage d’examiner si une solution a été trouvée implique que tel pourrait ne pas être le cas. Dans ces conditions, il ne peut être reproché au commissaire de police de ne pas avoir recouru et il ne peut être considéré que l’absence de recours implique que celui-ci acceptait le dispositif impliquant une libération du détenu le 25 décembre 2017.

13) L’OCPM se fonde sur les « pièces du dossier » pour retenir que M. A______ représente « de manière irréfutable, une menace certaine, grave et exceptionnelle pour la sécurité du personnel et des détenus de Frambois ».

a. Les pièces du dossier consistent notamment dans l’arrêt du 5 juillet 2017 de la CPAR relatif aux dégâts causés en janvier 2017 dans sa cellule. La CPAR a retenu que la faute commise par l’intéressé ne pouvait être qualifiée de légère, puisque pour un motif particulièrement futile, résultant vraisemblablement d’un malentendu avec un assistant social de l’établissement de détention administrative dans lequel il se trouvait et du refus de la directrice de déférer immédiatement à sa demande d’entretien à ce sujet, il avait saccagé sa cellule, détruisant en particulier le lavabo et les toilettes dont elle était équipée à l’aide d’un instrument contondant et provoquant ainsi une inondation dans le quartier cellulaire concerné. S’il avait d’emblée admis les faits, il ne pouvait guère faire autrement au vu des dégâts occasionnés et du fait qu’il se trouvait seul en cellule. Ses actes relevaient d’un défoulement colérique et dénotaient une intolérance à la frustration. Sa prise de conscience était inexistante, dès lors qu’il n’avait exprimé aucun regret et n’avait pas hésité à se positionner en victime. Ses antécédents, qui étaient mauvais et en partie spécifiques, démontraient qu’il n’était guère sensible aux décisions de justice. Même si ses trois dernières condamnations ne se rapportaient pas à des infractions contre le patrimoine, ce qui pouvait constituer un signe positif, mais devait être relativisé au vu du temps qu’il avait passé en détention depuis la précédente du 17 septembre 2014, voire de celui où il se serait trouvé à l’étranger, sa volonté délictuelle n’en était pas moins prononcée et caractéristique d’un mépris de la législation suisse en vigueur.

La CPAR constatait toutefois que, même si les agissements de l’intéressé ne relevaient pas de la grande délinquance et, comme l’avait relevé le premier juge, ne comportaient de ce fait qu’un risque modéré d’atteinte à la sécurité publique, il n’en demeurait pas moins qu’il comptait déjà à son actif pas moins de dix condamnations et qu’il avait fait l’objet pour la quatrième fois d’une peine privative de liberté de six mois depuis mai 2013, ce qui était loin d’être négligeable, d’autant qu’il semblait être arrivé en Suisse en mars 2013. Le risque de réitération dans le domaine des infractions contre le patrimoine apparaissait en outre élevé et le pronostic futur ne pouvait être que défavorable. Le manque de collaboration tant avec le premier juge qu’avec son défenseur était relevé.

b. Il ressort du dossier que la peine infligée à l’intéressé pour les événements de janvier 2017 a été exécutée.

c. L’OCPM se fonde par ailleurs sur les faits qui se sont déroulés le 19 novembre 2017, lesquels ne sont toutefois étayés que par le courriel de la directrice au département. Aucune copie d’une plainte pénale n’a été versée au dossier. Le transfert est qualifié « d’opportun » par la directrice dans son courriel du 1er décembre 2017, « au vu des menaces proférées à mon encontre et des risques qu’il ferait encourir à l’ensemble du personnel et à ses codétenus ». Outre que les menaces proférées à l’encontre de la directrice ne sont pas mentionnées dans le courriel détaillant les faits du 19 novembre 2017, les risques que ferait encourir l’intéressé à l’ensemble du personnel et aux codétenus ne sont pas décrits. De même, les rôles respectifs de l’intéressé et du codétenu dans les événements du 19 novembre 2017, ne sont pas distingués.

d. La sanction disciplinaire de cinq jours d’isolement à Frambois, prononcée par la directrice, pour les faits qui se sont déroulés le 19 novembre 2017 a été exécutée.

La pertinence d’un tel régime disciplinaire conserve d’ailleurs toute son importance.

e. Il ressort par ailleurs du dossier que si le détenu a été plusieurs fois condamné, il ne s’est jamais agi d’infractions contre la vie ou l’intégrité corporelle. L’arrêt de la CPAR porte exclusivement sur des dommages à la propriété.

f. De surcroît, l’autorité recourante a bénéficié à ce jour d’un délai de quarante-sept jours, depuis le 19 novembre 2017, date à laquelle la directrice sollicitait pour la première fois un transfert, pour trouver une solution alternative auprès des autres établissements de détention administrative du pays.

Les recherches effectuées auprès des autres cantons présentent le détenu comme « condamné à onze reprises entre 2013 et 2017 », « condamné à une peine privative de liberté de six mois pour avoir saccagé sa cellule » et revenu à Frambois le 7 octobre 2017 avant de faire une tentative d’évasion le 19 novembre 2017. Sans être faux, les renseignements fournis ne présentent pas la situation de façon complète et objective.

De même, l’OCPM ne donne aucune information sur d’autres alternatives, à l’instar d’un éventuel échange avec une autre personne détenue notamment.

Bien que l’OCPM ait communiqué le 1er décembre 2017 le refus des autres établissements d’accueillir l’intéressé, toutes les réponses produites datent du 15 décembre 2017. On ignore quelles ont réellement été les démarches entre le 19 novembre 2017 et le 15 décembre 2017 et la teneur de celles-ci.

g. Aucune mesure n’a été prise à l’encontre de l’intéressé à la suite des événements du 19 novembre 2017 sur un plan pénal, ce qui relativise la dangerosité de l’intéressé.

h. Enfin, l’intimé est détenu depuis un mois et demi, dans une sorte d’isolement, dès lors qu’il est seul en cellule, mange et se promène seul. Comme le relève à juste titre le détenu, il subit des restrictions pour ses visites, ses possibilités de téléphoner, de travailler, ses loisirs notamment tels qu’autorisés par les dispositions régissant la détention administrative.

Ces conditions ne sont pas compatibles avec la Directive européenne sur le retour, la LEtr, le chapitre 3 du CEDA qui décrit en détails les conditions auxquels sont soumis les détenus administratifs et la jurisprudence du Tribunal fédéral qui considère comme « clairement inadmissible » un enfermement pendant vingt-trois heures, avec une heure de marche à l'extérieur (ATF 122 II 299 consid. 5b).

14) Compte tenu de ce qui précède et des exigences légales strictes pour le transfert d’un détenu administratif dans un établissement de détention non concordataire, il ne peut être retenu que le détenu menace l'ordre public de manière grave, directe et imminente, sans qu'aucune autre mesure légale ne puisse être prise. L’intéressé ne remplit pas les conditions d’un détenu à haut risque imposant son transfert dans un établissement pénal, d’autant moins dans les conditions d’isolement qui sont les siennes depuis plusieurs jours, étant rappelé que la directrice de l’établissement concerné ne qualifiait le transfert que d’« opportun ».

Le terme du 28 décembre 2017 fixé dans le dispositif du jugement querellé et contesté par l’OCPM sera porté au vendredi 12 janvier 2018 à 17h00, moment auquel le détenu devra être libéré s’il n’a pas été transféré dans un établissement de détention administrative respectant les conditions de l’art. 81 al. 2 LEtr.

Le détenu ayant recouru contre le jugement du TAPI du 22 décembre 2017 aux fins de faire constater l’illégalité de ses conditions de détention et ayant pris des conclusions pécuniaires, un délai sera fixé à l’OCPM pour produire sa réponse. Celui-ci sera identique à celui fixé dans la cause A/4905/2017 s’agissant de la même problématique.

15) Le recours de l’OCPM ne sera en conséquence admis que très partiellement, dans la mesure précitée.

La détention pour insoumission est en conséquence confirmée jusqu’au 25 février 2018 aux conditions qui précèdent. Seules restent litigieuses les questions de l’éventuelle illicéité de la détention à Champ-Dollon et de son dies a quo ainsi que de leurs éventuelles conséquences.

Le sort des frais de la procédure sera réservé jusqu’à droit jugé sur le recours du détenu.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 décembre 2017 par l’office cantonal de la population et des migrations contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 décembre 2017 ;

déclare recevable le recours interjeté le 2 janvier 2018 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 décembre 2017 ;

au fond :

admet partiellement le recours de l’office cantonal de la population et des migrations en ce sens que la détention administrative pour insoumission est prolongée pour une durée de deux mois, soit jusqu’au 25 février 2018, à la condition que cette détention soit exécutée dans un établissement de détention administrative respectant les conditions de l’art. 81 al. 2 LEtr au plus tard le vendredi 12 janvier 2018, à défaut de quoi Monsieur  A______ devra être libéré le vendredi 12 janvier 2018 à 17h00 ;

fixe un délai au lundi 8 janvier 2018 à 15h00 à l’office cantonal de la population et des migrations pour produire sa réponse au recours de Monsieur A______ dans le cadre de la présente cause, la réponse devant être anticipée par fax ;

réserve le sort des frais jusqu’à droit jugé sur le recours de Monsieur A______ ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à l’office cantonal de la population et des migrations, à Me Yann Arnold, avocat de Monsieur A______, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations, ainsi qu'à la prison de Champ-Dollon et au centre Frambois LMC, pour information.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Thélin, Mmes Krauskopf et Junod, M. Verniory juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Balzli

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :