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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2733/2021

ATA/1164/2021 du 02.11.2021 ( FPUBL ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2733/2021-FPUBL ATA/1164/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 2 novembre 2021

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Alireza Moghaddam, avocat

contre

VILLE DE GENÈVE



EN FAIT

1) Madame A______, née le ______1968, a été engagée le 17 décembre 2008 par la Ville de Genève (ci-après : la ville) au poste de ______ aux B______ (ci-après : B______), avec effet au 1er janvier 2009, en classe 14-16 de l'échelle des traitements. Son taux d'occupation était de 50 % et son revenu annuel de CHF 52'200.-, allocation de renchérissement comprise.

2) Son taux d'activité a été augmenté à quatre reprises à sa demande, pour quelques mois, puis de manière pérenne dès le 1er octobre 2012, à 70 %, pour un salaire annuel de base de CHF 82'877.90. À la demande de la ville, elle a travaillé à 80 % durant onze mois en 2016.

3) Jusqu'en octobre 2011, elle avait pour supérieur hiérarchique Monsieur C______, puis à compter de mars 2017 Madame D______, tous deux conservateurs responsables du département des beaux-arts.

4) Selon les premiers entretiens d'évaluation, Mme A______ donnait entière satisfaction à sa hiérarchie et sa souplesse par rapport aux horaires était notamment relevée (entretiens des 13 mai et 13 octobre 2009, 4 novembre 2010), de même que sa franchise à l'égard de sa hiérarchie.

5) À compter du mois de février 2011, il est apparu que Mme A______ avait une propension à s'affranchir de certaines règles, à savoir organisait son emploi du temps sans tenir compte des règles en matière d'aménagement du temps de travail (échange de courriels des 28 février 2011, 19 décembre 2016, 10 mai 2017 et 24 janvier 2018), avait obtenu l'ouverture d'une institution hors les horaires habituels en négligeant les conséquences y relatives (échange de courriels des 7 et 8 mai 2013), avait refusé d'accomplir des tâches administratives (courriel de Mme A______ à Mme D______ du 6 juin 2013), procédait à des engagements financiers sans en avoir la compétence (échange de courriels des 29 mars et 19 décembre 2013), se prévalait de pouvoirs de représentation sans toutefois en disposer (en particulier synthèse d'une séance du 12 décembre 2014 en présence notamment de Mmes D______ et A______), ignorait le suivi de dossiers importants (divers courriels dès le 24 juin 2015 en lien avec un dommage causé à une œuvre pendant son accrochage, notamment un courriel de Madame E______, administratrice des B______ à Mme A______ du 22 septembre 2015 faisant suite à une réunion) et procédait à des estimations approximatives à même de mettre en danger les projets (notamment courriel du 25 août 2016 de Monsieur F______, alors directeur des B______, à Mme E______).

6) Madame G______ a été nommée conservatrice en chef du domaine des beaux-arts le 1er octobre 2017 et est devenue la supérieure hiérarchique de Mme A______.

7) Depuis lors, il est fait le grief à Mme A______ de s'être montrée progressivement réticente à l'autorité de sa nouvelle cheffe, jusqu'à s'opposer, de façon récurrente aux méthodes et choix de celle-ci, notamment dans le cadre de discussions, forçant sa supérieure hiérarchique à devoir sans cesse justifier ou rectifier des allégations erronées.

8) Mme A______ a refusé de se présenter à son entretien périodique du 28 novembre 2019, devant porter sur la période d'activité entre le 1er octobre 2017 et le 1er novembre 2019, lequel s'est tenu en son absence.

Il en ressort, du côté de l'appréciateur, soit Mme G______, que le souhait de cette dernière à son arrivée en octobre 2017 avait été de construire une équipe « digne de ce nom » en mettant notamment l'accent sur le travail collectif, la polyvalence et la transversalité. Mme A______ avait montré des difficultés à envisager le moindre changement dans son fonctionnement et ses habitudes de travail, refusant pas exemple de participer aux projets collectifs ou de contribuer de manière constructive aux séances d'équipe. Ces réticences, entre autres, avaient fait l'objet de nombreux échanges écrits et oraux qui s'étaient quelque peu durcis au fil des mois, ce que Mme G______ regrettait. Le cahier des charges qui lui avait été remis le 2 octobre 2019 avait fait l'objet d'une longue discussion, Mme A______ estimant que sa fonction d'origine était « dégradée ». Quelques modifications avaient été apportées depuis lors.

L'entretien périodique devait initialement se dérouler le 4 novembre 2019, mais avait été reporté à la demande de l'employée afin de pouvoir discuter du cahier des charges. La nouvelle date du 28 novembre 2019 avait été maintenue malgré la demande de Mme A______ de la repousser de plusieurs mois.

Les objectifs étaient partiellement atteints. D'importantes difficultés de collaboration s'étaient manifestées au cours de la période évaluée, ceci en grande partie en raison de divergences sur la manière de travailler. Le mode que sa responsable hiérarchique avait voulu instaurer dès son arrivée ne semblait pas convenir à Mme A______, ce que la première regrettait.

9) En lien avec la mise à jour du cahier des charges de Mme A______, il ressort de la lettre que Mme G______ lui a adressée le 23 décembre 2019 que le principe d'une consultation préalable quant à la mise à jour de ce cahier des charges ne signifiait pas « l'écrire ensemble », mais bien pour l'employée de prendre connaissance de la mise à jour projetée et d'effectuer les ajustements nécessaires éventuels, ce que la hiérarchie avait fait.

10) Dans un courriel à Mme G______ du 17 janvier 2020, Mme A______ a notamment indiqué qu'elle ferait recours auprès du Conseil administratif (ci-après : CA) contre le cahier des charges soumis et ce « sera[it] également avec plaisir qu'[elle] les informerai[t] sur la manière dont les scientifiques non-cadres, pourtant chevilles ouvrières de l'institution, [étaient] traitées au musée ».

Elle contestait avoir refusé de se rendre à l'entretien périodique. Sa supérieure hiérarchique aurait « parfaitement pu se donner la peine de l'appeler et de venir à [s]on bureau pour discuter d'une autre date et de leur problématique afin d'éviter une formalisation bien disproportionnée ». Aucune urgence n'obligeait sa supérieure hiérarchique à lui envoyer le rapport d'entretien périodique à la maison durant les vacances. Il s'agissait d'un acte extrêmement agressif qui relevait du harcèlement moral. « Pour finir, eu égard à ta fonction de cadre, la moindre des choses aurait été de préciser, dans le cadre de la démarche bien singulière que tu effectues à mon encontre, les dispositions légales précises qui sauvegardent mes intérêts, soit notamment celles concernant les délais tant s'agissant de mes observations à l'entretien périodique que de la contestation de mon cahier des charges auprès du CA. Dois-je en effet te rappeler que c'est une obligation juridique à laquelle tu es tenue ? ».

11) La direction des B______ est intervenue auprès de Mme A______ par courriel du 29 janvier 2020 pour lui faire savoir notamment que le ton de son message du 17 janvier 2020 à sa responsable n'était pas toléré de manière générale conformément au statut du personnel de la ville du 29 juin 2010 (SPVG - LC 21 151), quand bien même il existerait entre elles deux des tensions et des désaccords.

12) Sur une carte de compliments des B______ non datée, Mme A______ a indiqué à la main à une prénommée H______ qu'elle n'entendait pas signer le document d'entretien périodique « compte tenu de la violation des règles s'appliquant [à son] déroulement ». Elle a ensuite fait des observations complémentaires non datées sur sept pages qu'elle a demandé à voir intégrées audit entretien périodique, ce qui a été fait par sa supérieure hiérarchique.

Elle a notamment contesté que l'équipe ne fût pas soudée à l'arrivée de Mme G______, ce qui était faux et irrespectueux envers ses collègues et elle-même. Celle-ci avait interprété négativement et à tort une manière trop individuelle de travailler, alors qu'au contraire, la synergie était bien présente et la dynamique stimulante. Elle-même avait participé avec enthousiasme au projet mis en place par sa supérieure hiérarchique, laquelle n'avait pas « joué le jeu du collectif ». Le comportement journalier de Mme G______ s'était avéré antinomique avec un travail d'équipe serein, à savoir, en substance, qu'elle ne donnait accès à son agenda qu'à certaines personnes, était très rarement présente, ne donnait pas de retours sur les activités la tenant éloignée du musée, espaçait les réunions de domaine, ne prenait pas le temps nécessaire pour aborder et discuter des questions de fond, coupait très rapidement court au dialogue, critiquait ouvertement des collaborateurs, portait des accusations sans fondement à « l'intérieur du domaine » ainsi qu'auprès d'autres collègues du musée, violait les principes éthiques, se situait à la limite de la légalité. Elle se plaignait également de harcèlement moral de la part de sa supérieure hiérarchique.

13) Mme G______ a répondu sur plus de quatorze pages le 24 février 2020, à l'attention de la direction des B______ notamment, à l'argumentaire de Mme A______ à la suite de cet entretien périodique du mois de novembre 2019.

14) Mme A______ s'est vu adresser le 10 février 2020, suite à un entretien du 5 février précédent avec Madame H______, des ressources humaines, les règles en matière d'aménagement du temps de travail. Il y était notamment constaté qu'elle ne respectait pas nécessairement l'horaire bloqué standard, ce à quoi elle avait répondu qu'au vu de son activité, elle ne voyait pas la nécessité d'être présente sur ces créneaux horaires.

15) Par courriel du 26 mars 2020, Mme G______ a fait savoir à Mme A______ qu'elle devait s'en tenir aux objectifs fixés et ne plus utiliser le temps de travail pour la réalisation de ses projets personnels.

16) Monsieur I______, directeur des B______, a adressé, le 6 avril 2020, un courriel à Mme A______ concernant ses récents échanges avec sa responsable hiérarchique et le télétravail.

Il s'étonnait de la teneur sur le fond et la forme des échanges entretenus entre Mmes A______ et G______ qui, de son point de vue, n'étaient pas admissibles, regrettant que son courriel du 29 janvier 2020 n'ait pas eu l'effet escompté. Sur le fond, il tenait à souligner que c'était à sa responsable et à elle seule de définir au final les priorités du domaine dont elle avait la charge et partant les objectifs, clairs et mesurables, en découlant tant pour elle que pour ses collègues.

Mme A______ n'avait pas respecté cette logique avec son projet « 8 artistes afro-américains » sur lequel elle avait travaillé de manière importante sans en informer sa supérieure hiérarchique. Sa contribution active au nettoyage et à la mise à jour des fiches M+, requise dans son cahier des charges, n'était de loin pas une tâche accessoire, voire dégradante, comme elle le laissait entendre. Il lui était donc demandé de bien vouloir respecter strictement les objectifs qui lui étaient confiés par Mme G______ et de contribuer ainsi, par son travail, aux tâches prioritaires du domaine des beaux-arts.

Il considérait la tonalité de ses lignes comme proprement intolérable, tant au niveau du ton, insolent, que de la coloration générale de ses propos. Il ne tolérerait plus de tels propos de sa part sans la sanctionner de façon appropriée.

La période de confinement et de travail à distance était particulièrement pénible pour tout le monde et il invitait Mme A______ à la mettre à profit, non pas pour argumenter plus avant, mais pour contribuer sereinement et activement au bon fonctionnement des beaux-arts et plus généralement des B______.

Il lui annonçait la tenue prochaine d'un entretien, au moment du retour des conditions de travail normalisées.

17) Mme A______ a répondu le 19 avril 2020 à ce courriel.

Elle se disait fortement choquée par le ton accusateur du message du 6 avril 2020, en particulier dans la mesure où elle n'avait jamais été entendue sur les questions qui l'opposaient actuellement à Mme G______.

Elle n'avait pas fait de recherches extensives pour le projet « 8 artistes afro-américains ».

Un rapide rappel de la situation s'imposait au sujet de son attitude envers sa supérieure hiérarchique. Depuis deux ans, elle était victime de harcèlement moral de la part de Mme G______. Cette situation avait commencé peu après son arrivée et n'avait aucunement été provoquée par son propre comportement. Elle résultait uniquement du fait que jusque-là, sa mission principale était de travailler sur les expositions d'art moderne et contemporain du domaine des beaux-arts. Sa responsable hiérarchique, estimant que c'était sa prérogative, avait donc cessé de lui confier des projets ou l'avait systématiquement assignée à des tâches qui étaient soit en-dessous, soit hors de ses domaines de compétences. À cela s'était ajouté un dénigrement constant de son travail auprès de ses collègues des B______ ainsi que des tentatives d'isolement par rapport aux autres collaboratrices des beaux-arts. Mme G______ avait également rendu l'accomplissement de ses projets impossible. Le « comble » était que depuis mars 2019 la direction du musée était parfaitement au courant de cette situation et n'avait pas jugé utile de prendre des mesures afin de protéger dûment sa santé. L'entretien annoncé serait pour elle l'occasion de s'exprimer sur la situation, ce qu'elle n'avait encore jamais pu faire. Enfin, en substance, les particularités de sa relation avec sa responsable hiérarchique ne pouvaient pas être envisagées en dehors des problèmes structurels du musée.

Elle se rendait compte qu'elle avait eu tort d'imaginer pouvoir être invitée à repenser « notre Musée ».

18) M. I______ a, par lettre du 11 mai 2020, accusé réception de ce mail du 19 avril 2020.

Il constatait une nouvelle fois que Mme A______ n'avait pas respecté les devoirs et obligations qui étaient les siennes en qualité de membre du personnel de la ville, ceci en dépit des demandes pressantes formulées les 29 janvier et 6 avril 2020.

Elle affirmait être victime de harcèlement moral de la part de sa responsable hiérarchique depuis deux ans, mettait en cause la direction du musée qui n'aurait rien entrepris pour protéger sa santé, et désignait des problèmes structurels dont souffrirait le musée comme un facteur de graves problèmes relationnels au sein des domaines de conservation, évoquant dans ce contexte la situation de collègues des arts appliqués et des arts graphiques. Elle dénonçait le précédent directeur comme largement responsable de ce qu'elle qualifiait de « dysfonctionnements managériaux ».

Il considérait ses allégations trop graves pour pouvoir les ignorer sans l'informer de son intention de prononcer une sanction d'avertissement à son encontre au sens des art. 93 SPVG et 107 du règlement d'application du SPVG du 14 octobre 2009 (REGAP - LC 21 152.0).

Il tenait à insister sur le fait que tant sa responsable hiérarchique que la direction des B______ contestaient catégoriquement tout acte de harcèlement psychologique à son encontre. Fixer des objectifs prioritaires aux membres d'une équipe, s'inscrivant dans le cadre de leur cahier des charges, ne participait en rien d'une entreprise de harcèlement, mais relevait bien plutôt de l'exercice de ses responsabilités de cadre, telles que mentionnées à l'art. 99 SPVG.

Les entretiens qui s'étaient déroulés à différents échelons dans le cadre et à la suite de sa démarche auprès du groupe de confiance n'avaient pas permis de mettre en évidence l'existence de harcèlement psychologique à son encontre. Ils avaient par contre conclu à la nécessité de conduire diverses démarches, par étapes, visant notamment à clarifier la dynamique de l'équipe des beaux-arts. Ces démarches comprenaient la tenue, en priorité, d'entretiens périodiques avec les membres de l'équipe, ce qui avait été mis en œuvre par Mme G______ en accord avec sa hiérarchie.

Afin de respecter son droit d'être entendue, Mme A______ était convoquée le 27 mai 2020 pour un entretien, en présence de sa responsable hiérarchique, de celle des ressources humaines et, si souhaité, d'un conseil de son choix.

19) Faisant suite à cet entretien du 27 mai 2020, un avertissement a été infligé le 4 juin 2020 à Mme A______ par le directeur des B______, en raison des manquements graves et répétés à ses devoirs durant les derniers mois dans le cadre de ses échanges écrits avec Mme G______ dans les contextes de l'entretien périodique de fin novembre 2019 et des objectifs confiés lors de la période de télétravail en raison de la pandémie de Covid-19.

Par ces agissements, elle avait non seulement manqué gravement et de manière répétée, malgré les demandes pressantes, à ses devoirs tels que ressortant du SPVG, mais également avait mis en péril toute démarche visant à améliorer la situation qu'elle dénonçait. Lors de l'entretien du 27 mai 2020, elle n'avait pas manifesté la moindre volonté de ne plus réitérer à l'avenir pareille attitude, que la direction estimait intolérable et contre-productive dans le contexte qui était le leur.

Mme G______ avait souligné que les déclarations de Mme A______ étaient extrêmement blessantes pour elle et portaient atteinte à son honneur et à son professionnalisme, en particulier l'accusation de harcèlement moral qu'elle avait vu apparaître pour la première fois en janvier 2020 et qu'elle réfutait vigoureusement. Si elle s'était montrée favorable à une démarche de médiation afin d'améliorer la situation lorsqu'elle avait été proposée par le groupe de confiance, elle n'était désormais plus en mesure de se prononcer et devait d'abord pouvoir dépasser ce qu'elle avait subi ces derniers mois.

20) Dans un courriel du 9 juin 2020 adressé par Mme G______ à M. I______ et à Mme E______, avec trois autres destinataires en copie, celle-là a évoqué, concernant Mme A______, une situation semblant davantage relever du « télérepos » que du télétravail. Sur douze semaines de télétravail, sept semaines devaient être considérées comme du temps « non travaillé » ou perdu. En conclusion, il devait être constaté une insuffisante flagrante des prestations de cette employée. Les accusations de Mme A______ à son égard de harcèlement moral la plaçaient dans une position délicate pour exercer ses devoirs de supérieur hiérarchique en procédant à des rappels à l'ordre, un rappel des « règles du jeu » établi pour le télétravail notamment. À l'inverse, toutes les autres collaboratrices avaient parfaitement répondu aux exigences du télétravail et elle n'avait eu que des bilans positifs à relever à leur égard. Elle était toujours plus convaincue qu'un déplacement de Mme A______ dans un autre service était la seule solution envisageable pour sortir de la situation, « de mettre un terme à cette affaire lourde, chronophage et usante pour tout le monde ».

Après discussion téléphonique de deux heures avec le groupe de confiance, elle avait cédé aux arguments présentés et accepté de participer à deux séances de médiation, la première de préparation et la seconde en présence de médiateurs et de Mme A______.

21) Un entretien périodique s'est tenu le 12 novembre 2020. Il en ressort notamment que Mmes A______ et G______ avaient entrepris un travail commun de médiation de juillet à octobre 2020. Mme G______ saluait l'attitude positive de l'employée dans ce processus. Cependant, malgré les réflexions profondes et importantes effectuées dans le cadre de cette médiation relationnelle, les réticences professionnelles de Mme A______ étaient toujours aussi fortes. Elle refusait de considérer les objectifs de travail fixés par sa hiérarchie, contestait les demandes et leur légitimité et n'effectuait pas le travail qui lui était demandé pour les besoins du secteur. Elle travaillait notamment sur des projets dont sa hiérarchie n'avait pas connaissance, ne faisait pas de retour sur le travail que Mme G______ était censée superviser et remettait en cause systématiquement la hiérarchie et l'organisation du musée.

L'insuffisance des prestations et le manque d'efficience étaient manifestes. Mme A______ était incapable de se remettre en question et d'accepter la moindre critique. Mme G______ en référerait à la direction des B______ afin de trouver une solution face à cette impasse.

22) Sur une carte de compliments des B______ non datée, Mme A______ a écrit que « compte tenu de la violation des règles s'appliquant au déroulement de l'entretien périodique et de ce fait de la question de sa validité, je ne saurais signer ce document ».

Elle a ensuite transmis des observations « complémentaires » sur six pages, auxquelles Mme G______ a répondu le 5 janvier 2021 sur dix-sept pages.

23) Mme A______ s'est trouvée en incapacité complète de travail à compter du 16 décembre 2020 et n'a pas repris son activité depuis lors.

24) Mme G______ a, par courriel du 7 janvier 2021 à M. I______, à nouveau exprimé le fait que le comportement rétif de Mme A______ rendait toute collaboration impossible. Une solution devait être trouvée à cette situation devenant lourde, chronophage et usante pour tout le monde.

25) Le CA, rappelant ces divers éléments, a décidé, lors de sa séance du 30 juin 2021, l'ouverture d'une enquête administrative à l'encontre de Mme A______.

Celle-ci aurait adopté des comportements inadéquats et contraire à ses obligations dans le cadre de ses activités professionnelles, ses prestations seraient jugées insuffisantes par sa hiérarchie, laquelle considérerait en outre qu'elle serait inapte à remplir les exigences de sa fonction.

Cette décision a été déclarée exécutoire nonobstant recours.

26) Mme A______ a formé recours contre cette décision par acte expédié à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le 19 août 2021, concluant principalement à ce qu'il soit constaté que cette décision était contraire au droit et partant nulle, subsidiairement à ce que soit constatée une violation illicite des droits de sa personnalité par le CA.

Préalablement, l'effet suspensif devait être octroyé au recours. À défaut, son droit d'être entendue serait clairement bafoué dans l'hypothèse où à l'issue de la présente procédure, la chambre de céans venait à admettre « une violation de ce droit fondamental emportant avec elle la nullité de la décision d'ouverture d'une enquête administrative ». En d'autres termes, toute instruction menée dans ce cadre serait nulle et non avenue, ce qui ne saurait être toléré selon le principe de la sécurité du droit. Par ailleurs, ses droits de partie à la procédure seraient gravement menacés, puisqu'elle serait tout simplement absente durant toute la phase d'instruction de l'enquête, en raison d'un empêchement médical. Autrement dit, ne pas restituer l'effet suspensif reviendrait en l'occurrence à vider complètement de sa substance l'objet même du recours.

Elle sollicitait l'audition de plusieurs témoins, dont, « immédiatement », celle du Docteur J______, psychiatre FMH, afin d'établir le caractère durable de son atteinte à la santé.

L'enquête administrative ordonnée lui causait un préjudice irréparable dans la mesure où, en raison de sa maladie de longue durée, dûment étayée par le certificat médical du Dr J______, elle ne pouvait pas directement répondre ni prendre position sur les allégués ou griefs soulevés à son encontre. En faisant fi de cette absence, le CA avait bafoué, de manière éhontée, ses droits les plus fondamentaux. Le préjudice irréparable était ainsi clairement établi. De plus, l'accès à son conseil était singulièrement limité en raison de sa maladie et il ne pouvait être admis que l'avocat mandaté puisse suppléer une telle absence, « surtout, à un stade aussi peu avancé de la procédure d'enquête », et compte tenu de ses connaissances insuffisantes des activités qu'elle déployait dans sa sphère professionnelle.

Sa supérieure hiérarchique, alors que tout semblait avoir pris une tournure positive après la médiation, avait reviré inexplicablement à l'occasion de l'entretien périodique du 12 novembre 2020 et exigé son départ. Elle-même avait été choquée, fragilisé et sidérée par cette prise de position, cause de son « burn-out ». La question de ce revirement n'avait semble-t-il même pas effleuré l'esprit du CA quant à la pertinence du dossier « monté » à son endroit, alors qu'elle était l'une des collaboratrices les plus chevronnées de l'institution. L'enjeu ultime de l'enquête administrative était la mise à néant de sa carrière professionnelle, longue de douze années, alors qu'elle était âgée de 54 ans. Elle se demandait comment le CA pouvait feindre d'ignorer que sa présence pleine et entière était nécessaire dans le cadre d'une enquête administrative, tant pour l'instruction que pour la préservation de ses droits. Cette façon d'agir tendait malheureusement à retenir que le but de l'enquête projetée n'était que d'entériner les griefs retenus pour la congédier au plus vite.

Enfin, et en substance, le CA réservait un sort différent à Mme G______, dans le cadre d'une procédure de réclamation, en refusant de procéder à son audition en raison de son absence pour une durée indéterminée, ce qui démontrait l'hostilité nourrie qu'il avait à son endroit, l'obligeant à être entendue alors qu'elle était malade.

La décision du CA du 30 juin 2021 devait être annulée en raison de sa violation du droit d'être entendu.

27) Par courrier du 2 septembre 2021, le conseil de Mme A______ a fait savoir à la chambre de céans qu'une première séance d'auditions de témoins était fixée par les enquêteurs le 16 septembre 2021, à laquelle elle ne participerait pas. La tenue de cette première séance et des suivantes dépendait de la décision de la chambre de céans sur la question de la restitution de l'effet suspensif.

28) Le 10 septembre 2021, la ville a conclu au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif.

La hiérarchie de Mme A______ était à bout et totalement démunie face à la situation. Une instruction s'imposait et devait avoir lieu dans les meilleurs délais, dans l'intérêt bien compris de toutes les parties. La ville disposait manifestement d'un intérêt public prépondérant à ce que le caractère exécutoire nonobstant recours de sa décision du 30 juin 2021 soit confirmé.

Selon les explications du Dr J______ dans son courrier du 10 juillet 2020, l'état de santé de Mme A______ évoluerait certainement de manière positive pour la rentrée 2021. Or, l'année 2021 était déjà bien entamée et par conséquent elle ne pouvait soutenir de bonne foi que son état de santé l'empêcherait de façon absolue de répondre aux questions ou d'être présente lors de l'enquête administrative. En deuxième lieu, son conseil, qui était présent lors de l'entretien du 27 mai 2020, connaissait le dossier, preuve en étaient les observations préliminaires du 9 août 2021, et pourrait tout à fait la représenter dans ce cadre. Enfin, il était manifestement contradictoire de soutenir ne pas être en mesure de participer à l'enquête administrative, que ce soit en personne et/ou par son conseil, tout en sollicitant devant la chambre administrative l'ouverture d'enquêtes et l'audition de plusieurs témoins.

Si par impossible l'effet suspensif était accordé au recours, les actes d'instruction réalisés jusqu'au prononcé de l'arrêt seraient annulés si bien que Mme A______ ne subirait pas de préjudice en lien avec l'exécution immédiate de la décision litigieuse. Dans la mesure où la décision de la ville avait de grandes chances d'être confirmée, le retrait de l'effet suspensif ne constituait pas une menace grave contre les intérêts privés de Mme A______.

29) La chambre administrative a, par courrier du 14 septembre 2021, rejeté ce qu'elle a considéré comme une requête de mesures superprovisionnelles.

30) Mme A______ a répliqué sur la question de l'effet suspensif le 24 septembre 2021.

Le 30 août 2021, la direction des ressources humaines de la ville lui avait adressé une convocation pour une consultation médicale le 14 septembre 2021 par la Doctoresse K______, médecin-conseil, dont les conclusions concordaient avec celle du Dr J______. La Dre K______ devait être entendue par la chambre administrative.

31) La ville a conclu sur le fond, le 1er octobre 2021, à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.

32) Mme A______ a adressé le 30 septembre 2021 à la chambre de céans une lettre de soutien du 9 septembre 2021 à laquelle est annexée une page comportant vingt-neuf signatures de collègues.

Elle avait par ailleurs été reçue le 27 septembre 2021 par le Docteur L______, psychiatre et psychothérapeute, mandaté par la ville. Ses conclusions corroboraient selon elle totalement celles des Drs J______ et K______.

33) Dans sa réplique sur le fond du 11 octobre 2021, Mme A______ a relevé qu'il ressortait des écritures de la ville que cette dernière la reconnaissait clairement coupable. Elle critiquait certains complexes de faits tels que retenus par la ville et l'usage de l'indicatif et non du conditionnel en lien avec les griefs formulés à son encontre, de sorte qu'on pouvait légitimement se poser la question de l'utilité même de l'étape de l'enquête administrative.

De l'avis même des enquêteurs, il était singulièrement difficile en son absence d'appréhender pleinement l'ensemble de la dynamique relationnelle entre elle-même et les différents intervenants. La ville, en maintenant sa décision et en ne voulant pas attendre son rétablissement complet pour démarrer une enquête administrative, violait sans l'ombre d'un doute son droit d'être entendue. Ce n'était pas la présence de son conseil qui y changerait quoi que ce soit. Du fait de son absence, des intervenants seraient appelés à être entendus plusieurs fois, leurs déclarations devant lui être soumises via son conseil, afin qu'elle puisse prendre position et se défendre. Il en était déjà ainsi de Mme G______, qui avait déjà été entendue une deuxième fois et devrait l'être une troisième, voire une quatrième fois, ce qui constituait un préjudice irréparable. En effet, eu égard à sa propre absence, non seulement l'appréciation des enquêteurs risquait d'être tronquée, mais encore le coût financier qu'elle-même devrait supporter serait doublé, voire triplé.

La seule question juridique à trancher par la chambre administrative était celle du droit d'être entendu.

34) Les parties ont été informées, le 12 octobre 2021, que la cause était gardée à juger.

35) Mme A______ a spontanément transmis à la chambre de céans, le 15 octobre 2021, un rapport de la Dre K______ du 12 octobre précédent, dont il ressort qu'elle « n'est aujourd'hui pas à même d'affronter la confrontation au cours d'une procédure ».

36) La teneur des pièces produites et les arguments des parties seront pour le surplus repris ci-dessous dans la partie en droit dans la mesure nécessaire au traitement du recours.

EN DROIT

1) La décision d'ouvrir une enquête administrative constitue une décision incidente, susceptible de recours devant la chambre administrative dans les dix jours suivant sa notification (art. 132 al. 1 et 2 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; ATA/325/2016 du 19 avril 2016 ; ATA/541/2014 du 17 juillet 2014 ; ATA/338/2014 du 13 mai 2014 ; ATA/305/2009 du 23 juin 2009).

En l'espèce, vu la notification le 8 juillet 2021 de la décision querellée d'ouverture d'une enquête administrative et la suspension des délais du 15 juillet au 15 août 2021 inclus (art. 63 al. 1 let. b LPA), le recours expédié le 19 août 2021 à la chambre de céans est recevable de ce point de vue.

Par la décision litigieuse, le CA a par ailleurs libéré la recourante de son obligation de travailler, sans suppression de son droit au traitement.

2) La question de la recevabilité du recours doit être tranchée en premier lieu, les griefs de la recourante - qu'ils soient de forme ou de fond, à l'exception éventuelle d'un constat de nullité - ne pouvant être traités que si le recours est recevable.

3) a. Selon l'art. 57 let. c LPA in initio, les décisions incidentes peuvent faire l'objet d'un recours si elles risquent de causer un préjudice irréparable. Selon la même disposition in fine, elles peuvent également faire l'objet d'un tel recours si cela conduisait immédiatement à une solution qui éviterait une procédure probatoire longue et coûteuse.

b. L'art. 57 let. c LPA a la même teneur que l'art. 93 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, le préjudice irréparable suppose que le recourant ait un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit immédiatement annulée ou modifiée (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c ; 125 II 613 consid. 2a ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, p. 432 n. 1265). Un préjudice est irréparable lorsqu'il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2 ; 133 II 629 consid. 2.3.1). Un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l'économie de la procédure peut constituer un tel préjudice (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c ; 125 II 613 consid. 2a). Le simple fait d'avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas en soi un préjudice irréparable (ATF 133 IV 139 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_149/2008 du 12 août 2008 consid. 2.1 ; ATA/305/2009 du 23 juin 2009 consid. 2b et 5b et les références citées). Un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n'est notamment pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 133 IV 139 précité consid. 4 ; 131 I 57 consid. 1 ; 129 III 107 consid. 1.2.1).

c. La chambre administrative a précisé à plusieurs reprises que l'art. 57 let. c LPA devait être interprété à la lumière de ces principes (ATA/1622/2017 du 19 décembre 2017 consid. 4c et les arrêts cités ; cette interprétation est critiquée par certains auteurs qui l'estiment trop restrictive : Stéphane GRODECKI/ Romain JORDAN, Questions choisies de procédure administrative, SJ 2014 II p. 458 ss).

d. Lorsqu'il n'est pas évident que le recourant soit exposé à un préjudice irréparable, il lui incombe d'expliquer dans son recours en quoi il serait exposé à un tel préjudice et de démontrer ainsi que les conditions de recevabilité de son recours sont réunies (ATF 136 IV 92 consid. 4 ; ATA/1622/2017 précité consid. 4d ; ATA/1217/2015 du 10 novembre 2015 consid. 2d).

4) La nullité absolue d'une décision peut être invoquée en tout temps devant toute autorité et doit être constatée d'office. Elle ne frappe que les décisions affectées des vices les plus graves, manifestes ou du moins facilement reconnaissables et pour autant que sa constatation ne mette pas sérieusement en danger a sécurité du droit. Sauf dans les cas expressément prévus par la loi, il ne faut admettre la nullité qu'à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d'annulabilité n'offre manifestement pas la protection nécessaire (ATF 130 II 249 consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_354/2015 du 21 janvier 2016 consid. 4.1). Des vices de fond d'une décision n'entraînent qu'exceptionnellement sa nullité. Entrent avant tout en considération comme motifs de nullité l'incompétence fonctionnelle et matérielle de l'autorité appelée à statuer, ainsi qu'une erreur manifeste de procédure (ATF 129 I 361 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_354/2015 du 20 janvier 2016 consid. 4.1).

5) a. En tant qu'employée de la ville, la recourante est soumise au SPVG ainsi qu'au REGAP.

b. Lorsque l'instruction d'une cause le justifie, le CA peut confier une enquête administrative à une ou plusieurs personnes choisies au sein ou à l'extérieur de l'administration municipale (art. 97 SPVG).

L'art. 37 SPVG dispose que la procédure de licenciement est régie par les art. 96 ss SPVG, ainsi que par la LPA.

Conformément à l'art. 96 al. 2 SPVG, les membres du personnel ont la possibilité de s'exprimer par écrit sur les motifs invoqués à l'appui de la décision ; les membres du personnel ont également droit à une audition orale devant l'autorité compétente pour rendre la décision, ou une délégation de celle-ci s'il s'agit du CA, avec le droit de se faire assister.

Selon l'art. 99 SPVG, lorsqu'il s'avère qu'un membre du personnel est passible d'un licenciement au sens de l'art. 34 al. 2 let. a à c du statut, le CA ouvre une enquête administrative qu'il confie à une ou plusieurs personnes choisies au sein ou à l'extérieur de l'administration municipale au sens de l'art. 97 (al. 1) ; un licenciement ne peut être prononcé sans que la personne intéressée ait pu préalablement faire valoir ses observations sur les motifs avancés pour le justifier (al. 2) ; dans les cas de licenciement fondés sur les art. 30, 32 et 34, la personne intéressée peut demander à être entendue oralement par une délégation du CA ; la personne intéressée a le droit de se faire assister (al. 3) ; lorsque le licenciement a été précédé d'une suspension, il peut, si les conditions de l'art. 30 sont remplies, être prononcé avec effet à la date de la suspension (al. 4).

c. Les parties ont le droit de participer à l'audition des témoins, à la comparution des personnes ordonnées par l'autorité ainsi qu'aux examens auxquels celle-ci procède (art. 42 al. 1 LPA). Lors de l'audition des témoins, les parties présentes ne peuvent ni interrompre les témoins, ni les interroger elles-mêmes. Elles peuvent proposer des questions sur l'admission desquelles statue l'autorité chargée de l'audition (art. 42 al. 2 LPA). Chaque partie peut exiger l'inscription au procès-verbal du refus de poser une question (art. 42 al. 3 LPA). Lorsqu'un intérêt public ou privé prépondérant l'exige, les témoins peuvent être entendus en l'absence des parties et l'accès aux procès-verbaux d'auditions peut leur être refusé. Lorsque la nature de l'affaire l'exige, la comparution des personnes et l'examen auquel procède l'autorité ainsi que l'expertise peuvent être conduits en l'absence des parties (art. 42 al. 5 LPA). Toutefois, dans les circonstances évoquées à l'art. 42 al. 5 LPA, le contenu essentiel de l'administration des preuves doit être porté à la connaissance des parties pour qu'elles puissent s'exprimer et proposer les contre-preuves avant que la décision ne soit prise. Dans le cas contraire, l'art. 45 al. 3 et 4 LPA s'applique (art. 42 al. 6 LPA).

d. Tel qu’il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 138 II 252 consid. 2.2 p. 255 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_588/2014 du 22 juin 2015 consid. 2.1 ; 8C_269/2013 du 25 février 2014 consid. 5.2 ; ATA/414/2015 du 5 mai 2015 consid. 11 et les arrêts cités).

Cela n’implique pas une audition personnelle de l’intéressé, celui-ci devant simplement disposer d’une occasion de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l’issue de la cause (art. 41 LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6 p. 76 ; 134 I 140 consid. 5.3 p. 148 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_443/2012 du 27 novembre 2012 consid. 4.5 ; 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3 et les arrêts cités ; ATA/695/2015 du 30 juin 2015 consid. 2a et les arrêts cités).

Dans un arrêt ATA/563/2016 du 30 juin 2016 consid. 7, la chambre de céans s'est ralliée à la doctrine qui s'est penchée sur la question de savoir qui doit être entendu, dans le cas qu'elle avait à trancher, dans le cadre d'une enquête administrative, en cas de maladie du collaborateur. Selon la doctrine, « il s'agit de savoir si le collaborateur doit être entendu personnellement ou s'il peut être représenté par son avocat. En premier lieu, il s'agit de déterminer si le collaborateur ne peut réellement pas exercer son droit d'être entendu, ni par écrit, ni par oral. Un certificat médical d'incapacité de travail ne suffit pas, car ne pas être en état de travailler n'équivaut pas à ne pas pouvoir s'exprimer par écrit ou par oral. Si le collaborateur prétend ne pas être en état d'être entendu, il faut exiger un certificat médical attestant que le collaborateur ne peut pas être entendu, ni par écrit, ni par oral. En deuxième lieu, il s'agit d'examiner la question de la représentation. Le droit d'être entendu étant un droit fondamental, il est personnel, c'est-à-dire rattaché au sujet du droit et indissociable de la personnalité de celui-ci. Par contre, son exercice peut être confié à un représentant, par le sujet du droit, qu'il soit en état d'être entendu personnellement ou non. La difficulté pourrait surgir là où l'intéressé refuse de se faire représenter, alors qu'il est lui-même incapable d'être entendu. L'incapacité attestée d'être entendu ne permettrait pas de conclure à une renonciation tacite à l'exercice du droit. Dans une telle impasse, il ne resterait probablement pas d'autre solution que de s'adresser à l'autorité tutélaire » (Gabrielle STEFFEN, « Le droit d’être entendu du collaborateur de la fonction publique : juste une question de procédure » in RJN 2005, p. 49 ss, p. 63).

6) a. Selon la jurisprudence de la chambre administrative, l'ouverture d'une enquête administrative n'engendre pas un préjudice irréparable, dès lors qu'une décision finale suite à l'enquête administrative, dans l'hypothèse où elle serait entièrement favorable à la recourante, permettrait de réparer une éventuelle atteinte, notamment à sa personnalité (ATA/1018/2018 du 2 octobre 2018 consid. 11a).

b. Le fait que le membre du personnel conserve son traitement pendant sa libération de l'obligation de travailler, ce qui est le cas de la recourante, exclut une quelconque atteinte à ses intérêts économiques (ATA/184/2020 du 18 février 2020 consid. 4 ; ATA/231/2017 du 22 février 2017 consid. 4). S'agissant de l'atteinte à la réputation et à l'avenir professionnel, une décision de libération de l'obligation de travailler n'est en soi pas susceptible de causer un préjudice irréparable puisqu'une décision finale entièrement favorable à la recourante permettrait de la réparer (ATA/184/2020 précité consid. 4 ; ATA/1020/2018 du 2 octobre 2018 consid. 4b ; ATA/231/2017 précité consid. 5).

7) a. La recourante soutient que la décision litigieuse est susceptible de lui causer un préjudice irréparable dans la mesure où, en raison de sa maladie de longue durée, elle ne pourrait pas directement répondre ni prendre position sur les questions et griefs allégués à son encontre dans le cadre de l'enquête administrative. S'accommoder de son absence reviendrait à retenir que le but de cette enquête ne serait que d'entériner les griefs retenus pour la congédier au plus vite. Le CA devrait donc attendre son rétablissement pour procéder à l'enquête administrative ordonnée, sous peine de violer son droit d'être entendue. Son conseil ne pourrait pas valablement l'y représenter, dans la mesure où il n'aurait pas une pleine connaissance des particularités de sa profession et de ses tâches au sein des B______.

Les témoignages devant la chambre de céans de son médecin traitant, du médecin-conseil de la ville, voire du médecin psychiatre de la ville, prouveraient que son état de santé ne lui permet pas de se défendre valablement dans le cadre de l'enquête administrative, y compris par l'intermédiaire de son conseil auquel elle n'aurait qu'un accès limité en raison de sa maladie.

La recourante ne saurait être suivie sur ces points.

Comme elle le reconnaît elle-même, son conseil a d'ores-et-déjà pu participer à une ou plusieurs auditions, lui a soumis le ou les procès-verbaux, de sorte qu'elle a pu lui faire poser des questions ou contre-questions aux témoins concernés. Ainsi, elle admet que sa responsable hiérarchique a, notamment du fait de ces allers-retours, déjà été entendue deux fois par les enquêteurs et pourrait l'être une troisième, voire une quatrième fois. Aussi pénible et lourde que puisse être une telle manière de faire, elle sauvegarde pleinement les intérêts privés de la recourante, à savoir son impossibilité d'assister aux auditions pour cause de maladie et la possibilité d'être confrontée et de s'exprimer sur les griefs formulés à son encontre, fût-ce via son conseil.

Ce dernier dispose pour le surplus d'une connaissance suffisante du dossier de sa mandante pour faire valoir pleinement ses droits devant les enquêteurs notamment, pour l'avoir assistée depuis à tout le moins dès le 27 mai 2020, lors de l'entretien avec la direction des B______, et avoir eu accès en particulier aux comptes rendus des entretiens périodiques et aux multiples échanges de courriels figurant à la procédure. Par ailleurs, quand bien même chaque profession a ses spécificités et langages, il ne semble pas que le domaine concerné, de l'art et des musées, notamment ses particularités à Genève, se trouve au-delà des connaissances que l'on peut attendre d'un avocat exerçant dans ce canton.

Dans ces conditions et par appréciation anticipée de preuves, la chambre n'a pas besoin de procéder aux auditions des divers médecins ayant eu connaissance de la situation médicale de la recourante. Au demeurant, celle-ci a pu produire dans le cadre de la procédure un rapport actualisé de son médecin psychiatre, du 22 septembre 2021, dont il découle que sa patiente se plaint d'insomnie, d'anxiété, de baisse de la concentration, de troubles de la mémoire, de perte de l'élan vital, d'une impression de fébrilité intérieure et d'une déstabilisation de son état de santé en lien avec son travail et en particulier la procédure qui est en cours. Elle a de plus spontanément produit le 15 octobre 2021 le rapport de la Dre K______ du 12 octobre précédent, dont il ressort certes qu'elle n'est pas à même d'assumer la confrontation dans le cadre d'une procédure, mais pas qu'elle ne serait pas en mesure d'en discuter avec son conseil pour mettre au point sa défense. Enfin, il n'est pas utile pour trancher le présent litige de procéder à l'audition des personnes du groupe de confiance ayant eu à connaître sa situation, comme elle l'a sollicité dans sa réplique, étant pour le surplus relevé que le processus de médiation est censé par essence demeurer confidentiel.

Aussi, les griefs d'un risque de dommage irréparable sous cet angle, d'une violation de son droit d'être entendue et en conséquence d'une nullité de la décision incidente attaquée doivent être rejetés. Au demeurant, on discerne mal dans l'argumentation de la recourante en quoi le CA aurait violé son droit d'être entendue en lien avec la décision qu'il a rendue. On comprend davantage que ce droit serait violé dans le déroulement même de l'enquête, ce qui vient d'être démenti.

b. La recourante soutient que l'enquête administrative, telle qu'elle a commencé à se dérouler, en son absence mais en présence de son conseil, est susceptible de lui causer un préjudice matériel irréparable en raison de la multiplication des auditions causée par l'impossibilité pour elle de poser directement des questions aux personnes entendues par les enquêteurs. Cette question peut être appréhendée sous l'angle de savoir si l'admission du recours conduirait à une décision finale permettant d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse. Or, il n'en est rien puisque précisément l'enquête administrative ordonnée a pour objectif de déterminer si les griefs formulés à l'encontre de la recourante par sa hiérarchie sont fondés ou non, ce qui mérite instruction.

Dans ces conditions, on discerne mal en quoi le CA, par la décision attaquée, aurait porté une atteinte illicite à la personnalité de la recourante.

Par ailleurs, comme cela ressort de la jurisprudence du Tribunal fédéral rappelée ci-dessus, un dommage de pur fait, comme la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n’est pas considéré comme irréparable.

En conséquence, les conditions de recevabilité d'un recours contre une décision incidente ne sont pas remplies.

Au vu de ce qui précède, le recours est irrecevable.

Le prononcé du présent arrêt rend sans objet la demande de restitution de l’effet suspensif.

8) Vu l'issue de la procédure, un émolument de CHF 800.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée, étant relevé que la ville dispose de son propre service juridique (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 19 août 2021 par Madame A______ contre la décision du Conseil administratif de la Ville de Genève du 30 juin 2021 ;

met un émolument de CHF 800.- à la charge de Madame A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Alireza Moghaddam, avocat de la recourante, ainsi qu'à la Ville de Genève.

Siégeant : M. Mascotto, président, MM. Verniory et Michel, Mmes Payot Zen-Ruffinen et Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :