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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2206/2015

ATA/325/2016 du 19.04.2016 ( FPUBL ) , REJETE

Recours TF déposé le 03.06.2016, rendu le 06.12.2016, REJETE, 8D_2/2016
Descripteurs : DÉCISION; DÉCISION INCIDENTE; RÉCUSATION; DROIT D'ÊTRE ENTENDU; DEVOIR PROFESSIONNEL; DROIT D'OBTENIR UNE DÉCISION
Normes : Cst.29.al2 ; LPA.4 ; LPA.15.al1 ; LPA.15B.al1 ; LAC.41 ; LAC.82 ; LAC.103.al1 ; LAC.104.al1
Résumé : En adressant un compte rendu à la population tout en ayant connaissance de la controverse engendrée par cette publication, le recourant n'a pas agi de manière à remplir consciencieusement ses devoirs et a ainsi violé le serment prêté lors de son entrée en fonctions (art. 41 LAC). Afin d'agir dans le respect de ceux-ci, il aurait dû s'assurer de l'approbation du document par les principaux intéressés avant de le rendre public. Le comportement du recourant n'a donc pas été conforme sur ce point aux exigences de sa charge.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2206/2015-FPUBL ATA/325/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 avril 2016

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Pierre de Preux, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT

 



EN FAIT

Résumé :

1) Par arrêté du 27 mai 2015, déclaré immédiatement exécutoire, nonobstant recours, le Conseil d’État a prononcé un blâme à l’encontre de M. A______, membre de l’exécutif d’une commune.

2) Par acte du 26 juin 2015, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre l’arrêté du 27 mai 2015 par lequel le Conseil d’État a prononcé un blâme à son encontre ( ).

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant allègue dans un premier grief que l’arrêté du 15 avril 2015 doit être annulé, dès lors que cette décision a été prise en présence de magistrats ayant le devoir de se récuser et que l’autorité a commis un déni de justice formel en ne tranchant pas cette question.

a. Sont considérées comme des décisions au sens de l’art. 4 al. 1 LPA les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d’annuler des droits et des obligations (let. a), de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou des obligations (let. c). En droit genevois, la notion de décision est calquée sur le droit fédéral (art. 5 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 - PA - RS 172.021).

b. Selon la jurisprudence de la chambre administrative relative à la fonction publique, une décision d’ouverture d’une enquête administrative constitue une décision au sens de l’art. 4 LPA. Elle a plus précisément la nature d’une décision incidente au sens de l’art. 4 al. 2 ou de l’art. 57 al. 1 let. c LPA (ATA/541/2014 du 17 juillet 2014 consid. 7 ; ATA/338/2014 du 13 mai 2014 consid. 5 ; ATA/305/2009 du 23 juin 2009 consid. 2b ; ATA/628/2008 du 16 décembre 2008 consid. 5).

c. Selon l’art. 15 al. 1 LPA, les membres des autorités administratives appelés à rendre ou à préparer une décision doivent se récuser notamment s’ils ont un intérêt personnel dans l’affaire (let. a) ou s’il existe des circonstances de nature à faire suspecter leur partialité (let. d).

Aux termes de l’art. 15B al. 1 LPA, les opérations auxquelles a participé une personne tenue de se récuser sont annulées si une partie le demande au plus tard cinq jours après avoir eu connaissance du motif de récusation.

d. Une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (ATF 133 III 235 consid. 5.2 ; 126 I 97 consid. 2b).

Lorsque le personnel administratif occupe une fonction dans l’administration ou dans la police, la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) de même que la loi sur la police du 27 octobre 1957 (LPol - F 1 05) prévoient l’obligation d’ouvrir une enquête administrative (art. 27 al. 2 LPAC ; art. 38 al. 1 LPol), celle-ci étant alors confiée à un tiers compétent.

Tel n’est pas le cas de la loi sur l'administration des communes du 13 avril 1984 (LAC - B 6 05). La seule obligation légale, mentionnée à l’art. 104 al. 2 de la LAC, est celle d’entendre les intéressés avant de prononcer la sanction.

Ainsi, si l’arrêté rendu le 15 avril 2015 peut être considéré comme une décision incidente, son annulation n’aurait aucun effet sur la décision finale rendue le 27 mai 2015. En effet, le Conseil d’État n’avait pas l’obligation de rendre une décision d’ouverture d’enquête et le recourant a eu connaissance des griefs formulés à son encontre. De plus, aucun élément ne permet de penser que cette première décision a pu influencer les membres qui se sont prononcés sur l’arrêté du 27 avril 2015, MM. B______ et C______ s’étant alors récusés.

Pour ces motifs, ce premier grief sera rejeté.

3) Le recourant se plaint d’une violation commise à de nombreuses reprises de son droit d’être entendu, ainsi que du défaut de motivation des décisions entreprises.

a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_545/2014 du 9 janvier 2015 consid. 3.1 ; 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3), de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 138 I 154 consid. 2.3.3 ; 138 V 125 consid. 2.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; ATA/695/2015 du 30 juin 2015 consid. 2a et les arrêts cités).

Le droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 Cst. implique notamment pour l’autorité l’obligation de motiver sa décision. Il suffit toutefois que l’autorité, ou le juge, mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause. L’autorité n’a pas l’obligation d’exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais elle peut au contraire se limiter à ceux qui lui paraissent pertinents (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; 137 II 266 consid. 3.2 ; 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 83 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_382/2013 du 30 juillet 2013 consid. 2.2). La motivation peut pour le reste être implicite et résulter des différents considérants de la décision (arrêts du Tribunal fédéral 6B_970/2013 du 24 juin 2014 consid. 3.1 et 6B_1193/2013 du 11 février 2014 consid. 1.2).

La violation du droit d'être entendu – pour autant qu'elle ne soit pas d'une gravité particulière – est réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant du même pouvoir d'examen que l'autorité de décision (ATF 129 I 129 consid. 2.2.3 ; 126 I 68 consid. 2 ; 124 II 132 consid. 2d ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_449/2012 du 6 juin 2012 consid. 2.4.1). Toutefois, la réparation d'un vice éventuel ne doit avoir lieu qu'exceptionnellement (ATF 127 V 431 consid. 3d.aa ; 126 V 130 consid. 2b et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_449/2012 précité consid. 2.4.1).

b. Le Conseil d’État a correctement communiqué au recourant les reproches formulés à son encontre. En effet, il lui a remis le 17 décembre 2014 la plainte dont il faisait l’objet, si bien qu’il ne pouvait ignorer les faits qui lui étaient reprochés. De plus, en contestant le 15 mai 2015 avoir commis une violation des devoirs de sa charge, il a démontré qu’il avait pris connaissance des griefs évoqués à son encontre.

c. La cause de la poursuite n’a pas été modifiée entre l’arrêté du 15 avril 2015 et celui du 27 mai 2015, puisqu’ils indiquent de manière identique l’objet du litige, ( ).

d. Le Conseil d’État était en l'espèce libre, par appréciation anticipée des preuves, de refuser des actes d’instruction qui lui apparaissaient inutiles, ce qu’il a fait en refusant les auditions demandées. Dès lors en effet qu’il était en possession de l’intégralité du dossier remis par le conseil administratif de la commune, soit l’historique des événements et les pièces pertinentes, il pouvait considérer que l’instruction avait permis d’apporter les informations nécessaires pour décider de l’issue de la procédure.

e. Le recourant n’a pas donné suite aux nombreuses occasions qui lui ont été offertes de s’exprimer oralement par-devant la délégation du Conseil d’État chargée de l’instruction de la procédure disciplinaire. De même, il n’a pas exercé son droit d’être entendu par écrit, quand bien même le délai pour ce faire était adéquat, dès lors qu’il a été fixé par courrier du 29 avril 2015 au 15 mai 2015. Quoiqu’il en soit le recourant n’évoque pas en appel les griefs ou les motifs qu’il aurait été précédemment empêché de développer.

Il apparaît pour le surplus contradictoire de soutenir devant la chambre de céans de ne pas avoir eu l’occasion de se déterminer sur le fond, pour ensuite reprocher au Conseil d’État de ne pas avoir tenu compte de ses déterminations contenues dans ses courriers des 30 avril, 15 et 19 mai 2015.

f. Enfin, le directeur général de l’intérieur a expliqué au recourant, par courrier du 29 mai 2015, les raisons de l’absence de communication de certaines pièces du dossier. La confidentialité des courriers adressés par un magistrat à un autre était ainsi protégée par la LIPAD.

g. En l’espèce, l’arrêté du 27 mai 2015 mentionne de manière parfaitement complète et compréhensible les faits à l’origine de la décision, ainsi que l’appréciation qui en a été faite par l’autorité.

h. Pour ces motifs, le grief de la violation du droit d’être entendu sera rejeté.

4) Le recourant conteste s’être rendu coupable d’une violation de son devoir de fonction, soit plus particulièrement de son devoir de fidélité et de réserve.

a. Un recours à la chambre administrative peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. a et b LPA). En revanche, la chambre administrative n’a pas la compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, une telle compétence ne ressortant pas des dispositions légales applicables au cas d’espèce (art. 61 al. 2 LPA).

b. Selon l’art. 82 LAC, les communes sont placées sous la surveillance du Conseil d’État, qui l’exerce plus spécialement par l’intermédiaire du département chargé de la surveillance des communes. Les conseillers administratifs, maires et adjoints qui enfreignent leurs devoirs de fonction imposés par la législation, soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence graves, sont passibles de sanctions disciplinaires (art. 103 al. 1 LAC). Le Conseil d’État est compétent pour prendre celles-ci (art. 104 al. 1 LAC).

c. Avant d’entrer en fonction, les conseillers administratifs, maires et adjoints prêtent, devant le Conseil d’État, le serment d’être fidèle à la République et canton de Genève, d’obéir à la constitution et aux lois et de remplir consciencieusement les devoirs de leur charge (art. 41 LAC).

d. En l’espèce, (,,,), le recourant n’a pas agi de manière à remplir consciencieusement ses devoirs et a ainsi violé le serment prêté lors de son entrée en fonctions (art. 41 LAC). Afin d’agir dans le respect de ceux-ci, il aurait dû s’assurer de l’approbation du document par les principaux intéressés avant de le rendre public. Le comportement du recourant n’a donc pas été conforme sur ce point aux exigences de sa charge.

Pour ces motifs, le Conseil d’État n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation en considérant que le recourant avait violé les devoirs liés à sa fonction.

5) Reste à examiner la légalité de la sanction entreprise.

a. Selon l’art. 104 al. 1 let. a, la sanction disciplinaire la plus légère pouvant être prononcée par le Conseil d’État est le blâme.

En matière de sanctions disciplinaires, l’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation ; le pouvoir d’examen de la chambre de céans se limite à l’excès ou à l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/891/2015 du 1er septembre 2015 consid. 14 et les références citées).

b. En l’espèce, le Conseil d’État, faisant usage de ce pouvoir, a prononcé un blâme en considérant que cette sanction était proportionnée à la gravité de la violation du devoir de fonction.

Le blâme étant prévu par la loi et constituant la sanction la plus modeste, l’arrêté entrepris ne saurait violer le principe de la proportionnalité.

6) Le recours sera en conséquence rejeté.

Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 juin 2015 par Monsieur A______ contre l'arrêté du Conseil d’État du 27 mai 2015 ;

 

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par
les art. 113 ss LTF, s’il porte sur des décisions en matière de rapports de travail de droit public qui concernent une contestation non pécuniaire qui ne touchent pas la question de l’égalité des sexes ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au
Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre de Preux, avocat du recourant ainsi qu'au Conseil d'État.

Siégeants : M. Verniory, président, M. Thélin, Mme Junod, MM. Dumartheray et Pagan, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :