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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/3750/2020

ACST/13/2021 du 15.04.2021 ( ABST ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3750/2020-ABST ACST/13/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Arrêt du 15 avril 2021

 

dans la cause

 

A______ SÀRL
représentée par Me Malek Adjadj, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT

 


EN FAIT

1) En décembre 2019, des médecins chinois ont donné l'alerte sur un nouveau virus inconnu, le coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère (ci-après : SARS-CoV-2). Celui-ci se transmet par le biais de sécrétions infectées telles que la salive et les sécrétions respiratoires qui sont expulsées sous forme de grosses gouttelettes respiratoires ou de petits aérosols lorsqu'une personne infectée tousse, éternue, parle ou chante, en particulier dans des lieux bondés et mal ventilés, ainsi que des surfaces ou objets contaminés. Un contact direct, indirect ou étroit avec une personne contaminée peut entraîner l'inhalation ou l'inoculation du virus par la bouche, le nez ou les yeux et ainsi provoquer la maladie à coronavirus 2019 (ci-après : Covid-19), laquelle peut se manifester par des difficultés respiratoires pouvant, chez certains patients, nécessiter une hospitalisation, voire entraîner la mort.

2) À la suite de la découverte des premiers cas de patients atteints de la Covid-19 en Suisse fin février 2020, le Conseil fédéral a déclaré l'état de situation particulière au sens de la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l'homme du 28 septembre 2012 (loi sur les épidémies, LEp - RS 818.101) et pris une série de mesures, dont, dès le 13 mars 2020, la limitation à cinquante personnes pouvant simultanément être accueillies dans les restaurants, les bars, les discothèques et les boîtes de nuit (art. 6 al. 4 de l'ordonnance 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 13 mars 2020 - ordonnance 2 Covid-19 - aRS 818.101.24).

3) Le 16 mars 2020, le Conseil fédéral a déclaré la situation comme extraordinaire au sens de l'art. 7 LEp et a ordonné notamment la fermeture des commerces ne vendant pas des biens de consommation courante ainsi que des restaurants (art. 6 al. 2 a ordonnance 2 Covid-19).

4) Durant la même période, le Conseil d'État a également pris une série de mesures, en particulier destinées à mettre en oeuvre au plan cantonal celles décidées par le Conseil fédéral.

5) Dès fin avril 2020, le Conseil fédéral a allégé les mesures par étapes et permis la réouverture, moyennant le respect d'un plan de protection, de tous les commerces ainsi que des restaurants à compter du 11 mai 2020, pour autant que les consommations soient prises assises, que le nombre de clients soit limité à quatre personnes par table et que les établissements restent fermés entre 00h00 et 06h00 (art. 6 al. 3bis ordonnance 2 Covid-19).

6) Dès le 6 juin 2020, les bars, discothèques et boîtes de nuit ont également pu rouvrir. À la même date, le Conseil fédéral a ordonné un assouplissement des mesures dans les restaurants et levé la limite de quatre personnes par table, tout en instaurant alors l'obligation de collecte des données des clients (art. 6a al. 4 ordonnance 2 Covid-19).

7) Le 19 juin 2020, à la suite d'une diminution du nombre de nouveaux cas, le Conseil fédéral a requalifié la situation extraordinaire en situation particulière et restructuré ses mesures notamment au sein de l'ordonnance sur les mesures destinées à lutter contre l'épidémie de Covid-19 en situation particulière (ordonnance Covid-19 situation particulière - RS 818.101.26). Il a en particulier levé l'obligation de rester assis dans les restaurants et la limitation des horaires d'ouverture de ceux-ci.

8) À compter du 6 juillet 2020, le Conseil fédéral a imposé le port du masque facial aux voyageurs dans les véhicules de transports publics (art. 3a de l'ordonnance Covid-19 situation particulière ; RO 2020 2735).

9) Dès le 24 juillet 2020, en raison d'une augmentation du nombre de nouvelles contaminations à Genève, le Conseil d'État a pris une série de mesures, notamment rendu le port du masque facial obligatoire par le personnel de service dans les cafés, restaurants, bars, buvettes, dancings, discothèques et établissements assimilés (art. 2 al. 2 de l'arrêté du Conseil d'État relatif aux mesures destinées à lutter contre l'épidémie de Covid-19 du 24 juillet 2020).

10) Le 31 juillet 2020, le Conseil d'État a pris des mesures supplémentaires et ordonné la fermeture des discothèques et boîtes de nuit, interdit de consommer debout dans les restaurants, imposé le port du masque dans ceux-ci par les clients ainsi que la collecte de données dans les bars (art. 1 de l'arrêté n° 2 relatif aux mesures destinées à lutter contre l'épidémie de Covid-19 du 31 juillet 2020).

11) Le 31 juillet 2020, l'Office fédéral de la santé publique (ci-après : OFSP) a publié un tableau des lieux de contaminations à la Covid-19, rectifié le 2 août 2020, qui indiquait que l'environnement familial était la principale source de contamination, suivie du lieu de travail, les restaurants et bars totalisant 1,6 % des cas de transmissions.

12) Le 14 août 2020, le Conseil d'État a reconduit les mesures précédemment prises et imposé la collecte de l'identité des clients dans les restaurants notamment (art. 9 al. 5 de l'arrêté relatif aux mesures destinées à lutter contre l'épidémie de Covid-19 du 14 août 2020).

13) Selon le point épidémiologique hebdomadaire du service du médecin cantonal genevois (ci-après : SMC), durant la semaine 40, du 28 septembre au 4 octobre 2020, les infections au SARS-CoV-2 étaient en hausse, passant de 289 la semaine précédente à 392 durant la semaine en cours. Des foyers de contaminations avaient en particulier été identifiés dans des entreprises et des équipes professionnelles, notamment dans le milieu de la restauration. Les probables lieux de contamination mentionnés par les personnes interrogées étaient le milieu familial (25 %), le travail (14 %), un autre lieu (13 %) ou encore les bars/restaurants (9 %). Un quart des personnes avaient toutefois déclaré ignorer l'origine de l'infection, ce qui contribuait aux difficultés rencontrées pour endiguer la propagation du virus dans la population.

14) Le 18 octobre 2020 (RO 2020 4159), le Conseil fédéral a notamment imposé le port du masque facial dans les espaces clos accessibles au public des installations et des établissements, y compris les restaurants sauf si les clients étaient assis à une table (art. 3b al. 1 et 2 let. c de l'ordonnance Covid-19 situation particulière) et imposé que les aliments et boissons soient consommés uniquement à des places assises (art. 5a de l'ordonnance Covid-19 situation particulière).

15) Selon le point épidémiologique hebdomadaire du SMC, durant la semaine 43, du 19 au 25 octobre 2020, le nombre de personnes positives au SARS-CoV-2 était passé de 1'874 la semaine précédente à 4'175 la semaine en cours, le nombre de personnes hospitalisées de 280, étant également en forte hausse, de même que celui des décès, au nombre de 9. Le nombre élevé de cas positifs ne permettait en outre plus d'identifier et d'analyser tous les foyers d'infection.

16) Le 28 octobre 2020 (RO 2020 4503), le Conseil fédéral a étendu l'obligation du port du masque aux espaces publics extérieurs des installations et établissements (art. 3b al. 1 de l'ordonnance Covid-19 situation particulière), limité le nombre de clients à quatre par table dans les restaurants et imposé leur fermeture entre 23h00 et 06h00 (art. 5a de l'ordonnance Covid-19 situation particulière).

17) Durant la semaine 44, du 26 octobre au 1er novembre 2020, le SMC, dans son point épidémiologique hebdomadaire, a fait état de 6'688 cas positifs au SARS-CoV-2, de 315 hospitalisations et de 18 décès.

18) Le 1er novembre 2020, le Conseil d'État a adopté l'arrêté d'application de l'ordonnance Covid-19 situation particulière et sur les mesures de protection de la population (ci-après : l'arrêté Covid-19), publié dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 2 novembre 2020, qui comprend notamment les dispositions suivantes :

« Chapitre 1 Dispositions générales

Article 1 - État de nécessité

L'état de nécessité, au sens de l'article 113 de la constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012, est déclaré.

Les mesures prévues dans le présent arrêté visent à prévenir la propagation du coronavirus.

(...)

Chapitre 5 Mesures visant les installations et les établissements accessibles au public

Article 11 - Fermeture

1 Sont fermés :

(...)

d. les installations et établissements offrant des consommations, notamment bars, cafés-restaurants, cafeterias, buvettes et établissements assimilés ouverts au public, à l'exception des cantines d'entreprises, d'établissements de formation ouverts et de structures d'accueil, moyennant un plan de protection. Les services à l'emporter et de livraison sont réservés ;

e. les commerces de vente au détail et les marchés. Les services à l'emporter et de livraison sont réservés. Le click & collect est autorisé ;

(...)

2 Font exception à l'obligation de fermeture résultant de l'alinéa 1, les établissements et installations suivants :

a. les magasins d'alimentation et autres points de vente et étals de marchés qui vendent des denrées alimentaires ou des biens de consommation courante, y compris alimentation pour animaux (...) ;

b. les magasins de fleurs ;

c. les pharmacies, drogueries et magasins vendant des lunettes et des appareils auditifs ainsi que des moyens auxiliaires médicaux (...) ;

d. les commerces de réparation et de bricolage (...) ;

e. les commerces de service (...) ;

f. les établissements en libre-service accessibles au public (...)

(...)

Chapitre 10 Dispositions finales

Article 20 - Clause abrogatoire

L'arrêté relatif aux mesures destinées à lutter contre l'épidémie COVID-19, du 14 août 2020, est abrogé

Article 21 - Entrée en vigueur et durée de validité

1 Le présent arrêté entre en vigueur le 2 novembre 2020 à 19h00.

2 Les mesures prévues ont effet jusqu'au 29 novembre 2020 à minuit, elles pourront être prolongées en cas de besoin ».

19) Par communiqué de presse du même jour, le Conseil d'État a indiqué que le canton faisait face à une flambée des cas et des hospitalisations, 475 patients étant pris en charge par les HUG, dont 56 en lits de réanimation. Les chiffres traduisaient une sévère aggravation de la situation, 1'000 personnes étant quotidiennement testées positives au SARS-CoV-2 depuis quelques jours, avec un chiffre culminant à 1'338 cas positifs le 30 octobre 2020. Les hôpitaux qualifiaient la situation de dramatique, un transfert de patients vers d'autres lieux de soins en Suisse ainsi que leur « tri » étant envisagé. Face à cette situation, il se justifiait de durcir les mesures pour briser l'augmentation exponentielle des hospitalisations, dont la fermeture, parmi d'autres établissements et installations, des bars, cafés et restaurants.

20) a. Par acte expédié le 12 novembre 2020, A______ Sàrl (ci-après : A______), société à responsabilité limitée inscrite au registre du commerce de Genève et qui exploite un restaurant dans le canton, a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice contre l'art. 11 al. 1 let. d de l'arrêté Covid-19, concluant préalablement à l'octroi de l'effet suspensif au recours et à la suspension avec effet immédiat de la disposition attaquée, principalement à son annulation et à l'octroi d'une indemnité de procédure.

L'art. 11 al. 1 let. d de l'arrêté Covid-19 était contraire à la liberté économique, puisqu'il impliquait la cessation totale de ses activités et la mettait dans l'impossibilité de générer un chiffre d'affaires. Aucun intérêt public suffisant ne justifiait une telle mesure, en l'absence de toute statistique de l'OFSP mettant en exergue une responsabilité des restaurants dans l'accroissement des contaminations au SARS-CoV-2, qui n'étaient que de l'ordre de 1,6 % dans ces lieux, soit un taux marginal par rapport à celles intervenant dans le cercle familial ou sur le lieu de travail. Si l'intensification des contaminations appelait la prise de mesures, la fermeture immédiate des établissements de restauration, alors que des plans de protection éprouvés avaient été instaurés et le nombre de clients réduit, ne reposait sur aucun critère objectif permettant de discriminer ce type d'activités. La mesure ne respectait pas non plus le principe de proportionnalité sous ses différents aspects, rien ne permettant de s'assurer de l'effet de la fermeture des restaurants sur l'incidence des contaminations, ce d'autant qu'elle s'était employée à mettre en oeuvre un plan de protection strict qui s'était révélé efficace puisqu'aucune contagion n'était intervenue au sein de son établissement et qu'aucun foyer de contamination n'était en outre survenu dans les restaurants. Le Conseil d'État n'avait pas non plus observé l'évolution de la situation avant d'imposer la mesure la plus incisive. Il aurait en effet pu établir des statistiques précises auprès des restaurants pour déterminer la provenance des contaminations, opérer une distinction entre les différents établissements en ordonnant par exemple une fermeture au cas par cas, permettre aux établissements de proposer des plans de protection alternatifs, imposer des méthodes de traçage différentes et plus efficaces ou encore intensifier les contrôles. D'autres lieux, comme les écoles ou les transports publics, n'avaient du reste pas subi le même sort et demeuraient ouverts.

La disposition contestée était également contraire au principe d'égalité de traitement entre concurrents. D'une part, il créait une inégalité entre les acteurs du marché, puisque tous les établissements, dont le sien, ne pouvaient convertir leur concept de restauration en vente à l'emporter ou mettre en oeuvre un service de livraison, tant pour des raisons pratiques qu'économiques. D'autre part, rien ne justifiait un traitement distinct de l'ensemble du secteur de la restauration, qui se voyait imposer la fermeture indépendamment de la mise en oeuvre de l'efficience des mesures sanitaires mises en place, par rapport à d'autres magasins et commerces arbitrairement qualifiés d'« essentiels » sans aucun fondement objectif.

b. Elle a notamment produit :

- un plan de protection élaboré par GastroSuisse, en vigueur depuis le 29 octobre 2020, s'appliquant à tous les prestataires de services de l'hôtellerie et de la restauration accessibles au public en Suisse ;

- un plan de son établissement indiquant les dispositions des tables, les flux des personnes et l'emplacement des flacons de solution hydro-alcoolique, une formule de récolte des coordonnées des clients ainsi qu'un plan de protection pour son restaurant signés par les collaborateurs le 1er novembre 2020 ;

- un extrait de la page internet du « 19h30 » du 22 octobre 2020 de la radio-télévision suisse (ci-après : RTS) sur le sujet « En famille, entre amis, au travail ou en voyage : où attrape-t-on le Covid-19 ? », selon lequel, après des mois de pandémie, il était encore difficile de savoir où et dans quelles circonstances avaient lieu les contaminations en Suisse. Les données de l'OFSP ainsi que celles des cantons, qui étaient toutefois incomplètes, révélaient que le lieu de contamination le plus souvent cité aux services de traçage des contacts était le cercle familial. Selon un épidémiologiste interrogé, ces données devaient être relativisées, les personnes contaminées étant plus enclines à désigner un proche ou un membre de leur famille comme source certaine de leur contamination qu'un inconnu, dont elles ignoraient qu'il pouvait être porteur du virus. Il était également essentiel de savoir alors comment le virus s'était introduit dans la famille, afin d'identifier les événements de propagation de masse.

21) Le 19 novembre 2020, la présidence de la chambre administrative a transmis le recours de A______ à la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) comme objet de sa compétence, ce dont les parties ont été informées.

22) Par arrêté du 25 novembre 2020, publié dans la FAO du même jour et entré en vigueur le 28 novembre 2020, le Conseil d'État a notamment abrogé l'art. 11 al. 1 let. e de l'arrêté du 1er novembre 2020, permettant la réouverture des commerces de vente au détail et des marchés, et prolongé pour le surplus la durée de validité dudit arrêté jusqu'au 17 décembre 2020.

23) Selon le point presse du 25 novembre 2020 également, le Conseil d'État a expliqué poursuivre le processus d'assouplissement des mesures sanitaires, au regard de l'évolution lente mais réelle de la situation épidémiologique. Sa volonté restait néanmoins d'éviter toute précipitation pour contrer tout rebond épidémique et toute flambée exponentielle du nombre des contaminations. Les mesures restaient en l'état inchangées concernant notamment les établissements de restauration. En fonction d'une évolution positive de la situation et si la baisse des contaminations se poursuivait, la pertinence d'assouplir lesdites mesures serait progressivement analysée.

24) Par point presse du 2 décembre 2020, le Conseil d'État a annoncé la réouverture des restaurants dès le 10 décembre 2020 conditionnée à la mise en place de plans de protection stricts et à une limitation drastique de la densité de la clientèle. La décision avait été prise à la suite d'une concertation avec les autres cantons romands, dans une volonté d'harmonisation et de clarté, au vu de l'évolution favorable de la situation en Suisse romande, les mesures prises ayant abouti à une baisse significative du nombre des hospitalisations et de cas détectés.

25) Le 4 décembre 2020, la chambre constitutionnelle a refusé d'octroyer l'effet suspensif au recours et réservé le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond, tout en indiquant que si la mesure litigieuse devait se prolonger au-delà du 10 décembre 2020, la question de l'octroi de l'effet suspensif pourrait être revue à brève échéance dans le cadre d'une nouvelle demande de mesures provisionnelles, une appréciation différente de celle de la présente décision n'étant, suivant les circonstances, pas exclue.

26) Selon le point épidémiologique hebdomadaire du SMC, durant la semaine 49, du 30 novembre au 6 décembre 2020, le nombre de cas positifs au SARS-CoV-2 à Genève était de 1'018, en diminution de 25 % par rapport à la semaine précédente. Sur les trois dernières semaines, un net ralentissement de la diminution du nombre d'infections pouvait être observé, ce qui faisait craindre une stagnation des cas à un haut niveau pour les prochaines semaines et pouvait conduire à un haut risque de recrudescence de l'épidémie à court terme, alors que le système hospitalier était toujours sous tension.

27) Par arrêté du 7 décembre 2020, publié dans la FAO le même jour, le Conseil d'État a modifié l'arrêté Covid-19 de la manière suivante :

« Article 1 - Modifications

L'arrêté du Conseil d'État, du 1er novembre 2020, d'application de l'ordonnance fédérale sur les mesures destinées à lutter contre l'épidémie de Covid-19 en situation particulière du 19 juin 2020 et sur les mesures de protection de la population est modifié comme suit :

(...)

Article 11, al. 1 let d (abrogée)

 

Article 12C Mesures complémentaires pour les installations et établissements offrant des consommations (nouveau)

1 Dans les installations et établissements offrant des consommations, tels que bars, café-restaurants, cafeterias, buvettes, tea-room et établissements assimilés ouverts au public, les boissons et/ou la restauration doivent exclusivement être commandées, servies et consommées assis à table à l'intérieur ou en terrasse. Le changement de table n'est pas autorisé. L'exploitant de l'installation ou de l'établissement, ou son remplaçant sur place, doit s'en assurer. Le client doit se conformer à cette obligation. La vente de plats et de boissons à l'emporter est réservée.

2 Les installations et établissements offrant des consommations qui sont organisés avec une commande au comptoir sont exemptés de l'obligation de commande et de service à table. Les clients doivent consommer assis à table à l'intérieur ou en terrasse. Le changement de table n'est pas autorisé. L'exploitant de l'installation ou de l'établissement, ou son remplaçant sur place, doit s'en assurer. Le client doit se conformer à cette obligation. La vente de plats et de boissons à l'emporter est réservée.

3 Les installations et établissement offrant des consommations sous forme de buffet doivent prévoir un service à la clientèle. Les buffets où la clientèle se sert elle-même sont interdits. L'exploitant de l'installation ou de l'établissement, ou son remplaçant sur place, doit s'en assurer. Le client doit se conformer à cette obligation. La vente de plats et de boissons à l'emporter est réservée.

4 Dans les installations et établissements mentionnés aux alinéas 1 à 3, les tables ne peuvent regrouper plus de quatre personnes et les groupes de clients doivent en outre respecter la limitation du nombre de personnes autorisée pour les manifestations privées.

5 Les responsables des établissements mentionnés aux alinéas 1 à 3 ont l'obligation de collecter l'identité et un moyen de contact fiable de tous les clients. Un dispositif d'identification numérique (plateforme) de la clientèle doit être utilisé systématiquement. L'utilisation de la plateforme validée par le service du médecin cantonal est recommandée.

6 Les établissements mentionnés aux alinéas 1 à 3 sont fermés au plus tard à 23h00. La même heure de fermeture s'applique à tout commerce qui n'est pas tenu de respecter les heures de fermeture fixées dans la loi sur les heures d'ouverture des magasins (LHOM), exception faite des pharmacies. Au-delà de cet horaire, seul un service de livraison à domicile ou sur le lieu de travail du client peut être maintenu. Il incombe à l'exploitant, ou son remplaçant sur place, de veiller au respect des horaires.

7 L'exploitant de l'installation ou de l'établissement mentionnés aux alinéas 1 à 3, ou son remplaçant sur place, met en oeuvre et fait respecter les mesures de protection figurant à l'annexe 5 « Mesures visant les installations et établissements offrant des consommations » du présent arrêté et la clientèle est tenue de les respecter.

(...)

Article 21, al. 2 (nouvelle teneur)

2 Les mesures prévues ont effet jusqu'au 15 janvier 2021 à minuit, elles pourront être prolongées en cas de besoin.

 

Annexe 5 Mesures visant les installations et établissements offrant des consommations (nouveau)

Limitation d'accès et contrôle des distances

(...)

Solution/gel hydroalcoolique et hygiène des mains

(...)

Masques

(...)

Nettoyage

(...)

Aménagements et adaptations

(...)

Ventilation

(...)

Affichage

(...)

Article 2 - Entrée en vigueur

1 Le présent arrêté de modification entre en vigueur le 7 décembre 2020 à 16h00 sous réserve de l'alinéa 2.

2 La modification de l'article 11 alinéa 1, lettre d, ainsi que l'article 12C et l'annexe 5 entrent en vigueur le 10 décembre 2020 à 00h01 ».

28) Le 12 décembre 2020 est entrée en vigueur une modification de l'ordonnance Covid-19 situation particulière (RO 2020 5377) prévoyant que les établissements de restauration devaient demeurer fermés entre 19h00 et 06h00 (art. 5a de l'ordonnance Covid-19 situation particulière). Tout canton pouvait toutefois prévoir d'étendre ces heures d'ouverture si les capacités hospitalières étaient garanties, que le taux de reproduction effectif du virus (ci-après : « Re ») était inférieur à 1 durant au moins sept jours consécutifs et que le nombre de nouvelles infections par 100'000 personnes était inférieur à la moyenne suisse au cours des sept derniers jours également ; le cas échéant, il pouvait décider que les établissements de restauration restaient ouverts au plus tard jusqu'à 23h00 (art. 7 al. 2 et 3 de l'ordonnance Covid-19 situation particulière).

29) Par arrêté entré en vigueur le 12 décembre 2020 et publié dans la FAO du 14 décembre 2020, le Conseil d'État a modifié l'arrêté Covid-19 de la manière suivante :

« Article 12D Allègements accordés par le canton (nouveau)

1 Le Conseil d'État est l'autorité compétente pour appliquer l'article 7, alinéas 1 à 4, de l'Ordonnance COVID-19.

2 Si le taux de reproduction est supérieur à 1 durant 3 jours consécutifs ou si l'une des conditions prévues à l'article 7, alinéa 2, lettres a et c, de l'Ordonnance COVID-19 n'est plus remplie, les conditions d'ouverture fixées aux articles 5a, alinéa 1, lettre b et 5abis de l'Ordonnance COVID-19 s'appliquent ».

Par arrêté entré en vigueur le même jour, il a en outre fait application de la clause dérogatoire prévue à l'art. 7 al. 2 et 3 de l'ordonnance Covid-19 situation particulière et étendu les heures d'ouverture des établissements de restauration par rapport aux exigences fédérales.

30) Selon le point épidémiologique hebdomadaire du SMC pour la semaine 51, du 14 au 20 décembre 2020, le « Re » était estimé à 1,03 à Genève le 7 décembre 2020, le seuil de 1 ayant déjà été franchi dès le 5 décembre 2020. L'épidémie était en augmentation.

31) Le 18 décembre 2020, le Conseil fédéral a procédé à une modification de l'ordonnance Covid-19 situation particulière, entrée en vigueur le 22 décembre 2020, et a notamment interdit l'exploitation des établissements de restauration (art. 5a al. 1 de l'ordonnance Covid-19 situation particulière), sous réserve des allégements pouvant être ordonnés par les cantons au sens de l'art. 7 al. 2 et 3 de l'ordonnance Covid-19 situation particulière (RO 2020 5813).

32) Par arrêté du 21 décembre 2020, publié dans la FAO du même jour et entré en vigueur le 23 décembre 2020, le Conseil d'État a modifié l'arrêté Covid-19, dont il a prolongé la durée de validité jusqu'au 22 janvier 2021, notamment en adoptant les dispositions suivantes :

« Article 11 (nouvelle teneur)

1 Sont fermés :

(...)

d. les installations et établissements offrant des consommations, notamment bars, café-restaurants, cafeterias, buvettes et établissements assimilés ouverts au public ;

(...)

2 Font exception à l'obligation de fermeture résultant de l'alinéa 1 :

a. Entre 06h00 et 23h00, les établissements qui proposent de la nourriture et des boissons à l'emporter ou qui livrent des repas à domicile ;

(...)

Article 12C (abrogé)

(...)

Annexe 5 (abrogée)

(...) »

33) Selon le communiqué de presse du même jour, le Conseil d'État a indiqué que les conditions prévues par le droit fédéral n'étaient plus remplies pour bénéficier d'une exception à l'ouverture notamment des établissements de restauration dans le canton, si bien qu'à compter du 23 décembre 2020 le régime fédéral s'appliquerait et lesdits établissements seraient fermés.

34) Dès la fin du mois de décembre 2020, des mutations du SARS-CoV-2, à transmissibilité accrue, ont commencé à circuler en Suisse et notamment à Genève.

35) Le 9 janvier 2021, le Conseil fédéral a abrogé l'art. 7 al. 2 et 3 de l'ordonnance Covid-19 situation particulière sur les exceptions cantonales concernant notamment l'ouverture des établissements de restauration (RO 2021 2).

36) Le 18 janvier 2021, le Conseil d'État a conclu au rejet du recours.

La mesure ne violait pas la liberté économique. L'existence de l'épidémie était incontestable et il était notoire que Genève était particulièrement touchée, les hôpitaux étant surchargés. L'existence d'un intérêt de santé publique justifiant ladite mesure était ainsi indéniable, étant précisé que des aides financières avaient été mises en place pour soutenir la branche de la restauration. La disposition litigieuse répondait également au principe de proportionnalité, puisque prise en application du principe de précaution. Il n'avait pas été démontré que la mesure serait inefficace ou qu'une autre mesure moins incisive pourrait conduire au même résultat. En effet, la fréquentation d'un restaurant présentait des caractéristiques qui étaient manifestement aptes à propager le virus et qui distinguaient ces établissements des autres lieux ouverts au public. Lors de la réouverture des restaurants en décembre 2020, vingt-six d'entre eux n'avaient pas été en mesure de fournir la liste des clients après leur fréquentation par une personne porteuse du virus. Or, le principe de précaution commandait de limiter de tels risques au maximum. En raison du lien entre la fréquentation d'un restaurant et la circulation du virus, la fermeture des établissements constituait une mesure adéquate pour freiner la propagation de la maladie, et il n'existait aucune mesure moins incisive qui pouvait protéger aussi efficacement la santé de la population, la mise en place de plans de protection s'étant révélée insuffisante pour ce faire. En outre, la fermeture des restaurants était limitée dans le temps et laissait ouverte la possibilité de la vente à l'emporter et la livraison. Les arguments selon lesquels les restaurants ne seraient pas à l'origine de foyers de contaminations ou qu'ils ne seraient que des causes minoritaires dans la propagation du virus étaient sans pertinence, au regard du principe de précaution, puisque le but de la mesure n'était pas d'attendre pour évaluer la dangerosité d'un lieu, mais bien de casser, par anticipation, la progression exponentielle d'une pandémie. À cela s'ajoutait qu'avant d'ordonner la fermeture des restaurants, le canton avait pris une série de mesures moins incisives afin de permettre aux exploitants de continuer leur activité, ce qui n'avait pas empêché une croissance des nouvelles contaminations.

Le principe d'égalité entre concurrents était aussi respecté. Les commerces se distinguaient des restaurants notamment par le fait qu'ils ne permettaient pas à leurs clients de s'asseoir pour un temps indéterminé et d'enlever leur masque. La liste de ceux pouvant rester ouverts n'était pas arbitraire et avait été établie de manière à éviter toute stigmatisation, le nombre de clients potentiels ayant également joué un rôle. S'agissant enfin de l'argument lié à une prétendue distorsion de concurrence, l'inégalité dont se prévalait A______ ne provenait pas de l'arrêté litigieux, mais de son modèle d'affaires et de ses choix économiques.

37) Par arrêté du 20 janvier 2021, publié dans la FAO et entré en vigueur le même jour, le Conseil d'État a notamment prolongé la durée de validité de l'arrêté Covid-19 jusqu'au 28 février 2020.

38) Le 21 janvier 2021, la chambre constitutionnelle a accordé aux parties un délai au 19 février 2021, prolongé au 26 mars 2021, pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

39) Le 9 février 2021, le Conseil d'État a indiqué ne pas avoir d'observations complémentaires à formuler.

40) Par arrêtés des 26 février et 19 mars 2021, le Conseil d'État a notamment prolongé la durée de validité de l'arrêté Covid-19 respectivement jusqu'au 31 mars et jusqu'au 30 avril 2021.

41) Le 26 mars 2021, A______ a persisté dans les conclusions et termes de son recours.

Elle précisait que le Conseil d'État affirmait, sans aucunement l'étayer, que la fréquentation d'un restaurant présentait les caractéristiques aptes à propager le SARS-CoV-2, alors même que celui-ci fluctuait selon les périodes et les saisons, sans égard aux mesures prises pour réduire sa propagation. Au demeurant, une baisse des contaminations ne pouvait être attribuée à la fermeture des restaurants et leur réouverture au mois de décembre 2020 n'avait pas non plus occasionné de pics de contaminations, comme le montrait l'analyse statistique de contaminations hebdomadaires à Genève qu'elle produisait.

42) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

43) Le 8 avril 2021, le Conseil d'État a sollicité l'octroi d'un délai pour dupliquer, ce qui lui a été refusé dès lors que la cause avait été gardée à juger.

 

EN DROIT

1) a. La chambre constitutionnelle est l'autorité compétente pour contrôler, sur requête, la conformité des normes cantonales au droit supérieur (art. 124 let. a de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 - Cst-GE - A 2 00). Selon la législation d'application de cette disposition, il s'agit des lois constitutionnelles, des lois et des règlements du Conseil d'État (art. 130B al. 1 let. a de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05). Les arrêtés du Conseil d'État peuvent également faire l'objet d'un contrôle abstrait par la chambre constitutionnelle, pour autant qu'ils contiennent des règles de droit (ACST/4/2021 du 2 mars 2021 consid. 1a et les références citées), à savoir des mesures générales, destinées à s'appliquer à un nombre indéterminé de personnes, et abstraites, se rapportant à un nombre indéterminé de situations, affectant au surplus la situation juridique des personnes concernées en leur imposant une obligation de faire, de s'abstenir ou de tolérer ou en réglant d'une autre manière et de façon obligatoire leurs relations avec l'État, ou alors ayant trait à l'organisation des autorités (ATF 135 II 328 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1023/2017 du 21 décembre 2018 consid. 2.2).

b. En l'espèce, le recours est formellement dirigé, indépendamment d'un cas d'application, contre l'arrêté Covid-19, dans sa teneur du 1er novembre 2020, à savoir un acte édicté par le Conseil d'État contenant des règles de droit, dont l'art. 11 al. 1 let. d, lequel a ordonné la fermeture au public de l'ensemble des installations et établissements offrant des consommations, en particulier les cafés-restaurants, sur tout le territoire cantonal. Le recours est dès lors recevable de ce point de vue, comme la chambre de céans l'a déjà admis s'agissant de précédents arrêtés du Conseil d'État concernant d'autres mesures sanitaires liées à l'épidémie de Covid-19 (ACST/4/2021 précité consid. 1b ; ACST/5/2021 du 2 mars 2021 consid. 1b).

2) Le recours a été interjeté dans le délai légal à compter de la publication de l'arrêté litigieux dans la FAO, qui a eu lieu le 2 novembre 2020 (art. 62 al. 1 let. d et al. 3 et 64 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10). Il respecte également les conditions générales de forme et de contenu prévues aux art. 64 al. 1 et 65 al. 1 et 2 LPA. Il est dès lors recevable aussi sous cet angle.

3) a. A qualité pour recourir toute personne touchée directement par une loi constitutionnelle, une loi, un règlement du Conseil d'État ou une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce que l'acte soit annulé ou modifié (art. 60 al. 1 let. b LPA). L'art. 60 al. 1 let. b LPA formule de la même manière la qualité pour recourir contre un acte normatif et en matière de recours ordinaire. Cette disposition ouvre ainsi largement la qualité pour recourir, tout en évitant l'action populaire, dès lors que le recourant doit démontrer qu'il est susceptible de tomber sous le coup de la loi constitutionnelle, de la loi ou du règlement attaqué (ACST/25/2020 du 27 août 2020 consid. 4a).

Lorsque le recours est dirigé contre un acte normatif, la qualité pour recourir est conçue de manière plus souple et il n'est pas exigé que le recourant soit particulièrement atteint par l'acte entrepris. Ainsi, toute personne dont les intérêts sont effectivement touchés directement par l'acte attaqué ou pourront l'être un jour a qualité pour recourir ; une simple atteinte virtuelle suffit, à condition toutefois qu'il existe un minimum de vraisemblance que le recourant puisse un jour se voir appliquer les dispositions contestées (ATF 145 I 26 consid. 1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1149/2018 du 10 mars 2020 consid. 1.3).

La qualité pour recourir suppose en outre un intérêt actuel à obtenir l'annulation de l'acte entrepris, cet intérêt devant exister tant au moment du dépôt du recours qu'au moment où l'arrêt est rendu (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_682/2019 du 2 septembre 2020 consid. 6.2.2 ; ACST/22/2019 du 8 mai 2019 consid. 3b). Il est exceptionnellement possible de faire abstraction de l'exigence d'un intérêt actuel lorsque la contestation peut se reproduire en tout temps dans des circonstances identiques ou analogues, que sa nature ne permet pas de la trancher avant qu'elle perde son actualité et que, en raison de sa portée de principe, il existe un intérêt public suffisamment important à la solution de la question litigieuse (ATF 142 I 135 consid. 1.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_984/2020 du 7 janvier 2021 consid. 1.2).

b. En l'espèce, l'arrêté Covid-19, dans sa teneur au 1er novembre 2020, a ordonné notamment la fermeture au public des installations et établissements offrant des consommations, dont le restaurant exploité par la recourante, de sorte qu'elle est directement concernée par la mesure en cause. La disposition de cet arrêté a toutefois été abrogée par l'arrêté du 7 décembre 2020 modifiant l'arrêté Covid-19, ce qui a permis la réouverture, à compter du 10 décembre 2020 (art. 2 al. 2 souligné de l'arrêté du 7 décembre 2020), des restaurants, lesquels ont, à la suite de la modification de l'ordonnance Covid-19 situation particulière, pu bénéficier des exceptions cantonales jusqu'au 23 décembre 2020, date de l'entrée en vigueur de l'arrêté du 21 décembre 2020 modifiant une nouvelle fois l'arrêté Covid-19 et réintroduisant dans celui-ci l'art. 11 al. 1 let. d prévoyant la fermeture des installations et établissements offrant des consommations, notamment les restaurants. En définitive, étant donné que ces derniers demeurent fermés depuis lors, la recourante dispose encore d'un intérêt actuel à recourir, malgré les diverses modifications intervenues depuis l'adoption de l'arrêté Covid-19, étant précisé que la mesure litigieuse pourrait de nouveau être adoptée dans le futur et qu'il existe un intérêt public à trancher la question de la conformité de la disposition en cause au grief invoqué (ACST/4/2021 précité consid. 3c). Une éventuelle admission du recours n'aurait toutefois aucune incidence sur l'ouverture des restaurants et autres installations et établissements, dès lors que leur fermeture résulte du droit fédéral, à savoir de l'art. 5a al. 1 de l'ordonnance Covid-19 situation particulière (ACST/36/2020 du 23 novembre 2020 consid. 5b).

4) À l'instar du Tribunal fédéral, la chambre constitutionnelle, lorsqu'elle se prononce dans le cadre d'un contrôle abstrait des normes, s'impose une certaine retenue et n'annule les dispositions attaquées que si elles ne se prêtent à aucune interprétation conforme au droit ou si, en raison des circonstances, leur teneur fait craindre avec une certaine vraisemblance qu'elles soient interprétées ou appliquées de façon contraire au droit supérieur. Pour en juger, il lui faut notamment tenir compte de la portée de l'atteinte aux droits en cause, de la possibilité d'obtenir ultérieurement, par un contrôle concret de la norme, une protection juridique suffisante et des circonstances dans lesquelles ladite norme serait appliquée. Le juge constitutionnel doit prendre en compte dans son analyse la vraisemblance d'une application conforme - ou non - au droit supérieur. Les explications de l'autorité sur la manière dont elle applique ou envisage d'appliquer la disposition mise en cause doivent également être prises en considération. Si une réglementation de portée générale apparaît comme défendable au regard du droit supérieur dans des situations normales, telles que le législateur pouvait les prévoir, l'éventualité que, dans certains cas, elle puisse se révéler inconstitutionnelle ne saurait en principe justifier une intervention du juge au stade du contrôle abstrait (ATF 146 I 70 consid. 4 ; 145 I 26 consid. 1.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_752/2018 du 29 août 2019 consid. 2 ; ACST/26/2020 du 27 août 2020 consid. 5).

5) a. La recourante conteste l'art. 11 al. 1 let. d de l'arrêté Covid-19 en tant qu'il emporterait une restriction injustifiée à sa liberté économique, sous l'angle de l'intérêt public et de la proportionnalité, et violerait l'égalité de traitement entre concurrents.

b. L'art. 27 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) garantit la liberté économique. Cette liberté comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (al. 2). Cette liberté protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d'un gain ou d'un revenu. Elle peut être invoquée aussi bien par les personnes physiques que par les personnes morales (ATF 143 II 598 consid. 5.1). L'art. 35 Cst-GE contient une garantie similaire.

La liberté économique englobe aussi le principe de l'égalité de traitement entre personnes appartenant à la même branche économique. Selon ce principe, déduit des art. 27 et 94 Cst., sont prohibées les mesures étatiques qui ne sont pas neutres sur le plan de la concurrence entre les personnes exerçant la même activité économique (ATF 143 I 37 consid. 8.2). On entend par concurrents directs les membres de la même branche économique qui s'adressent avec les mêmes offres au même public pour satisfaire les mêmes besoins (ATF 145 I 183 consid. 4.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_394/2020 du 20 novembre 2020 consid. 7.1).

c. En l'espèce, la fermeture des établissements de restauration au public, telle que résultant de l'arrêté Covid-19, constitue une ingérence dans la liberté économique de la recourante, laquelle ne peut plus accueillir de clients dans le restaurant qu'elle exploite.

Ladite mesure n'emporte toutefois aucune ingérence dans le principe d'égalité de traitement entre concurrents, les établissements de restauration ne se trouvant pas dans un rapport de concurrence directe avec les commerces. Il en va de même de l'inégalité alléguée entre les acteurs de la même branche, dès lors que la disposition litigieuse concerne l'ensemble des établissements genevois offrant des consommations, chacun de ceux-ci demeurant libre d'organiser ou non des services de livraison ou des ventes à l'emporter, le cas échéant en adaptant momentanément son modèle d'affaires.

6) Encore convient-il d'examiner si ladite restriction à la liberté économique est justifiée. Conformément aux art. 36 Cst. et 43 Cst-GE, toute restriction d'un droit fondamental doit reposer sur une base légale qui doit être de rang législatif en cas de restriction grave (al. 1) ; elle doit en outre être justifiée par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui (al. 2) et, selon le principe de la proportionnalité, se limiter à ce qui est nécessaire et adéquat à la réalisation des buts d'intérêt public poursuivis (al. 3), sans violer l'essence du droit en question (al. 4).

7) Les restrictions graves à une liberté nécessitent ainsi une réglementation claire et expresse dans une loi au sens formel, les cas de danger sérieux, direct et imminent étant réservés (art. 36 al. 1 Cst. ; art. 43 al. 1 Cst-GE). Lorsque la restriction d'un droit fondamental n'est pas grave, la base légale sur laquelle se fonde celle-ci ne doit pas nécessairement être prévue par une loi, mais peut se trouver dans des actes de rang inférieur ou dans une clause générale. Savoir si une restriction à un droit fondamental est grave s'apprécie en fonction de critères objectifs (ATF 143 I 310 consid. 3.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_349/2019 du 27 juin 2019 consid. 3.1 et les références citées).

8) a. La Confédération légifère sur la lutte contre les maladies transmissibles, les maladies très répandues et les maladies particulièrement dangereuses de l'être humain et des animaux (art. 118 al. 2 let. b Cst.).

b. La LEp règle la protection de l'être humain contre les maladies transmissibles (art. 1 LEp) et a pour but de prévenir et de combattre l'apparition et la propagation de celles-ci (art. 2 al. 1 LEp). En cas de situation particulière au sens de l'art. 6 LEp, soit notamment lorsque les organes d'exécution ordinaire ne sont pas en mesure de prévenir et de combattre l'apparition et la progression d'une maladie transmissible et qu'il existe un risque élevé d'infection et de propagation, un risque spécifique pour la santé publique ou un risque de graves répercussions sur l'économie ou sur d'autres secteurs vitaux (al. 1 let. a ch. 1 à 3) ou encore lorsque l'Organisation mondiale de la santé a constaté la présence d'une urgence sanitaire de portée internationale menaçant la Suisse (al. 1 let. b), le Conseil fédéral peut, après avoir consulté les cantons, notamment ordonner des mesures visant des individus et la population (al. 2 let. a et b).

Selon l'art. 40 LEp, les autorités cantonales compétentes ordonnent les mesures nécessaires pour empêcher la propagation de maladies transmissibles au sein de la population ou dans certains groupes de personnes (al. 1). Elles peuvent en particulier (al. 2) : prononcer l'interdiction totale ou partielle de manifestations (let. a), fermer les écoles, d'autres institutions publiques ou des entreprises privées ou réglementer leur fonctionnement (let. b), interdire ou limiter l'entrée et la sortie de certains bâtiments ou zones ou certaines activités se déroulant dans des endroits définis (let. c). Les mesures ordonnées ne doivent pas durer plus longtemps qu'il n'est nécessaire pour prévenir la propagation d'une maladie transmissible et elles doivent être réexaminées régulièrement (al. 3).

L'art. 75 LEp prévoit en outre que les cantons exécutent la loi dans la mesure où son exécution n'incombe pas à la Confédération, en particulier en désignant les autorités compétentes (Message concernant la révision de la LEp du 3 décembre 2010, FF 2011 291, p. 398).

c. Sur la base de l'art. 6 LEp, le Conseil fédéral a adopté l'ordonnance Covid-19 situation particulière qui ordonne des mesures visant la population, les organisations, les institutions et les cantons dans le but de lutter contre l'épidémie de Covd-19 et qui visent à prévenir la propagation de la Covid-19 et à interrompre les chaînes de transmission (art. 1 de l'ordonnance Covid-19 situation particulière). Elle réserve en outre la compétence des cantons, sauf disposition contraire (art. 2 de l'ordonnance Covid-19 situation particulière).

Aux termes de l'art. 8 al. 1 let. a de l'ordonnance Covid-19 situation particulière, le canton, sur la base de l'art. 40 LEp, peut prendre des mesures supplémentaires si la situation épidémiologique dans le canton ou dans une région l'exige en fonction des indicateurs suivants et de leur évolution : incidence (à 7 jours et 14 jours ; ch. 1) ; nombre de nouvelles infections (par jour, par semaine ; ch. 2) ; pourcentage de tests positifs par rapport au total des tests effectués (taux de positivité ; ch. 3) ; nombre de tests effectués (par jour, par semaine ; ch. 4) ; taux de reproduction (ch. 5) ; capacités dans le domaine stationnaire et nombre de personnes hospitalisées (par jour, par semaine), y compris en soins intensifs (ch. 6). Il peut également prendre de telles mesures si, en raison de la situation épidémiologique, il ne peut plus fournir les capacités nécessaires à l'identification et à l'information des personnes présumées infectées (art. 8 al. 1 let. b de l'ordonnance Covid-19 situation particulière).

En temps normal, les cantons sont compétents pour ordonner des mesures de police sanitaire dans des cas individuels qui ont un effet collectif, comme la fermeture d'une école, d'un hôtel ou d'un autre établissement. Au regard des responsabilités qui leur incombent lorsqu'une situation particulière est déclarée, il convient de leur donner le pouvoir d'ordonner des mesures selon l'art. 40 LEp qui ne sont pas limitées à des manifestations ou à des établissements déterminés, même si leur portée ne doit pas dépasser l'échelle locale ou régionale. Ces mesures, prises en plus des mesures fédérales de base, peuvent régir le fonctionnement d'installations, interdire ou restreindre les flux de personnes dans certains bâtiments ou dans certains secteurs, réglementer l'organisation d'activités déterminées, mais aussi imposer des règles de conduite à la population. Leur conception tient compte du comportement de mobilité de la population, de l'interconnexion des activités économiques, de l'impact sur les régions limitrophes, voire les cantons voisins, et de la situation en matière d'approvisionnement. L'art. 8 al. 1 clarifie les conditions requérant l'intervention des cantons et précise les circonstances dans lesquelles des mesures cantonales doivent être prises en plus des mesures fédérales de base. Les indicateurs ne sont pas énumérés de manière exhaustive et d'autres aspects peuvent, et doivent, être inclus, comme les flambées locales et les interdépendances régionales ou intercantonales, le niveau des infections et des valeurs enregistrés dans chaque canton ou encore la dynamique d'évolution observée ou attendue, qui constituent d'autres éléments importants (rapport explicatif concernant l'ordonnance Covid-19 situation particulière, version du 5 mars 2021, p. 29 s ad art. 8).

9) a. Au niveau cantonal, le Conseil d'État est responsable de la sécurité et de l'ordre public (art. 112 al. 1 Cst-GE). En cas de catastrophe ou d'autre situation extraordinaire, le Conseil d'État prend les mesures nécessaires pour protéger la population (art. 113 al. 1 Cst-GE). S'il peut se réunir, le Grand Conseil constate la situation extraordinaire (art. 113 al. 2 Cst-GE). Les mesures prises en état de nécessité restent valables lorsque le Grand Conseil les approuve ; à défaut, elles cessent de porter effet après une année au plus tard (art. 113 al. 3 Cst-GE). Ces dispositions, qui fondent le droit d'urgence et de nécessité, permettent de déroger aux règles constitutionnelles et légales, pour autant que le principe de proportionnalité soit respecté (ACST/4/2021 précité consid. 7a ; ACST/12/2020 du 1er avril 2020 consid. 12).

b. Par ailleurs, selon l'art. 1 de la loi sur l'exercice des compétences du Conseil d'État et l'organisation de l'administration du 16 septembre 1993 (LECO - B 1 15), le Conseil d'État exerce le pouvoir exécutif et prend les décisions de sa compétence. Il peut en tout temps évoquer, le cas échéant pour décision, un dossier dont la compétence est départementale en vertu de la loi ou d'un règlement ou a été déléguée lorsqu'il estime que l'importance de l'affaire le justifie et pour autant qu'il ne s'agisse pas d'une matière où il est autorité de recours (art. 3 LECO).

c. L'art. 21 de la loi sur la santé du 7 avril 2006 (LS - K 1 03) prévoit que l'État encourage les mesures destinées à prévenir les maladies qui, en termes de morbidité et de mortalité, ont des conséquences sociales et économiques importantes ainsi que les mesures visant à limiter les effets néfastes de ces maladies sur la santé et l'autonomie des personnes concernées (al. 1). Il prend les mesures nécessaires pour détecter, surveiller, prévenir et combattre les maladies transmissibles en application de la LEp (al. 2) et encourager leur prévention (al. 3).

Selon l'art. 9 al. 1 LS, le médecin cantonal est chargé des tâches que lui attribuent la loi, la législation cantonale ainsi que la législation fédérale, en particulier la LEp. L'art. 121 LS précise que la direction générale de la santé, soit pour elle le médecin cantonal notamment, exécute les tâches de lutte contre les maladies transmissibles prévues par la LEp (al. 1). Elle peut en particulier ordonner les mesures nécessaires pour empêcher la propagation de maladies transmissibles dans la population ou des groupes de personnes (al. 2 let. a ch. 3).

10) En l'espèce, dans la mesure où la recourante ne peut plus recevoir de clients dans le restaurant qu'elle exploite, l'ingérence dans sa liberté économique par la disposition contestée revêt à l'évidence une gravité certaine, même si l'art. 11 al. 1 let. d litigieux, tout comme sa modification ultérieure du 21 décembre 2020 qui repose sur l'art. 5a al. 1 de l'ordonnance Covid-19 situation particulière, dans sa teneur du 18 décembre 2020, n'ordonne pas la fermeture en tant que telle des restaurants mais réserve les services de vente à l'emporter et de livraison, qui demeurent possibles, et que la mesure en cause a été prise pour une durée limitée, entre le 1er novembre et le 9 décembre 2020. La question de savoir si la restriction litigieuse devait reposer sur une base légale formelle peut toutefois souffrir de rester indécise, dès lors que le Conseil d'État pouvait se fonder sur la clause générale de police pour restreindre la liberté en cause, au regard de la nécessité d'intervenir immédiatement pour contrer toute flambée épidémique, l'état de nécessité ayant été déclaré (ACST/5/2021 précité consid. 14).

Par ailleurs, le Conseil d'État s'est fondé sur la LS et a évoqué la compétence dévolue par cette loi à la direction générale de la santé, soit pour elle au médecin cantonal. Ce procédé ne prête pas le flanc à la critique, étant précisé que la LEp se limite à prévoir que les cantons exécutent la loi, à charge pour ceux-ci de désigner les autorités compétentes à cette fin. La mesure contestée s'inscrit du reste dans le cadre de la LEp, qui laisse aux cantons la compétence d'ordonner les mesures nécessaires pour empêcher la propagation de maladies transmissibles au sein de la population.

Au surplus, dans le cadre du présent recours, le juge constitutionnel, chargé du contrôle abstrait des normes, doit faire preuve d'une certaine retenue, un contrôle concret de l'application de la disposition litigieuse dans un cas particulier demeurant possible (ACST/5/2021 précité consid. 15b ; ACST/36/2020 précité consid. 10d).

11) a. Les restrictions à la liberté économique doivent répondre à un intérêt public ou se justifier par la protection d'un droit fondamental d'autrui (art. 36 al. 2 Cst. ; art. 43 al. 2 Cst-GE). La notion d'intérêt public varie en fonction du temps et des lieux et comprend non seulement les biens de police (tels que l'ordre, la sécurité, la santé et la paix publics), mais aussi les valeurs culturelles, écologiques et sociales dont les tâches de l'État sont l'expression. Il incombe au législateur de définir, dans le cadre d'un processus politique et démocratique, quels intérêts publics peuvent être considérés comme légitimes, en tenant compte de l'ordre de valeurs posé par le système juridique. Si les droits fondamentaux en jeu ne peuvent être restreints pour les motifs indiqués par la collectivité publique en cause, l'intérêt public allégué ne sera pas tenu pour pertinent (ATF 142 I 49 consid. 8.1 et les références citées).

b. En l'espèce, la recourante conteste l'existence d'un intérêt public suffisant de la mesure, en l'absence de tout foyer épidémique survenu dans les établissements de restauration et où les contaminations ne seraient que marginales. Ce grief se confond toutefois avec l'examen de la proportionnalité de la mesure et sera par conséquent examiné dans ce cadre. Par ailleurs, dans la mesure où la disposition litigieuse a pour but de freiner la propagation du virus SARS-CoV-2 au sein de la population et ainsi protéger la santé publique, voire la vie, ainsi que la préservation des capacités hospitalières, elle poursuit à l'évidence un but d'intérêt public admissible, comme l'a déjà jugé la chambre de céans (ACST/5/2021 précité consid. 15b ; ACST/36/2020 précité consid. 11b).

12) a. Pour qu'une restriction à un droit fondamental soit conforme au principe de la proportionnalité, il faut qu'elle soit apte à atteindre le but visé, que ce dernier ne puisse être atteint par une mesure moins incisive et qu'il existe un rapport raisonnable entre les effets de la mesure sur la situation de la personne visée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (art. 36 al. 3 Cst. ; art. 43 al. 3 Cst-GE ; ATF 142 I 49 consid. 9.1).

b. En l'espèce, la recourante allègue que la fermeture des établissements de restauration ne serait pas apte à atteindre le but d'intérêt public visé, rien ne permettant de s'assurer de l'effet de la mesure sur l'incidence des contaminations. Il ressort toutefois des points épidémiologiques hebdomadaires du SMC que, durant les semaines 43 et 44, le nombre de personnes positives au SARS-CoV-2, de décès et d'hospitalisations en raison de la Covid-19 étaient en forte augmentation, le canton ayant enregistré respectivement 4'175 cas positifs, 9 décès et 280 nouvelles hospitalisations entre le 19 et le 25 octobre 2020 et 6'688 cas positifs, 18 décès et 315 nouvelles hospitalisations entre le 26 octobre et le 1er novembre 2020. Les mesures prises dès le 1er novembre 2020 par l'arrêté litigieux ont permis de réduire de manière significative le nombre d'hospitalisations et de cas détectés, comme l'indique le point épidémiologique hebdomadaire du SMC pour la semaine 49, du 30 novembre au 6 décembre 2020, ce qui a conduit le Conseil d'État à ordonner un assouplissement des mesures et a permis la réouverture notamment des restaurants. De ce point de vue déjà, la mesure n'apparaît pas manifestement inapte à atteindre le but d'intérêt public recherché, toute limitation des contacts interpersonnels contribuant à la diminution des risques d'infection et les conséquences qui s'en suivent.

Selon la recourante, les restaurants ne seraient pas à l'origine de flambées de contaminations, au regard des chiffres publiés par l'OFSP. Elle perd toutefois de vue qu'outre le fait que lesdits chiffres concernent les contaminations ayant eu lieu durant l'été 2020 au niveau national, ils souffrent de plusieurs biais. Comme l'indique l'extrait de la page internet de la RTS produit par la recourante, ces données sont incomplètes et ont été établies sur la base des indications fournies aux services cantonaux de traçage des contacts par les personnes contaminées elles-mêmes, le lieu de contamination demeurant inconnu dans la grande majorité des cas, ce que révèle également le point épidémiologique hebdomadaire du SMC pour la semaine 40, du 28 septembre au 2 octobre 2020, qui fait néanmoins mention de 9 % de contaminations ayant eu lieu dans les bars et restaurants, ainsi que de foyers de contaminations ayant été identifiés dans des entreprises et équipes professionnelles, notamment dans le milieu de la restauration. S'y ajoute l'impossibilité de connaître de manière précise le lieu de contamination, en particulier lorsque l'exposition au virus a eu lieu en dehors du cercle familial, ainsi que de l'impossibilité, pour les services de traçage des contacts, d'effectuer des investigations en cas d'augmentation importante du nombre des contaminations, comme durant le mois d'octobre 2020 à Genève, les points épidémiologiques hebdomadaires du SMC n'en ayant alors plus fait mention.

Pour ces motifs également, la disposition litigieuse apparaît nécessaire pour atteindre le but d'intérêt public recherché, les mesures antérieurement entreprises ayant échoué à démontrer leur efficacité face à une recrudescence de l'épidémie. Certes, dès le 18 octobre 2020, le Conseil fédéral a ordonné des mesures très contraignantes à l'égard des établissements de restauration, soit l'obligation pour les clients de porter le masque facial et de consommer à des places assises, leur fermeture entre 23h00 et 06h00 et la limitation du nombre de clients par table à quatre, qui s'ajoutaient aux mesures déjà mises en place, comme la collecte des données des clients ou la mise en oeuvre d'un plan de protection. L'ensemble desdites mesures, mises en oeuvre par le canton dans plusieurs arrêtés successifs, se sont toutefois révélées insuffisantes, au regard de la dégradation de la situation sanitaire à Genève survenue dès la mi-octobre 2020, face à l'augmentation exponentielle du nombre des contaminations, des décès et des hospitalisations, et ce malgré les efforts entrepris par l'ensemble de la branche de la restauration et le plan de protection adopté par la recourante.

L'intéressée prétend que le Conseil d'État aurait failli à son obligation de chercher des solutions alternatives avant d'ordonner la fermeture des restaurants, comme des décisions au cas par cas, des méthodes de traçage différentes ou encore des contrôles plus intensifs. La situation commandait toutefois de prendre des mesures plus drastiques sans attendre de nouvelles contaminations, et ce aux fins de casser les chaînes de transmission au plus vite, où qu'elles aient lieu. Le fait que d'autres lieux cités par la recourante n'aient pas suivi le même sort n'y change rien, dès lors que le port du masque est obligatoire dans les écoles par les enseignants et les élèves dès l'âge de 12 ans (art. 9A de l'arrêté Covid-19) ainsi que dans les transports publics pour le personnel et les usagers (art. 3a al. 1 de l'ordonnance Covid-19 situation particulière). Tel n'est pas le cas des restaurants, où, lorsqu'ils étaient ouverts, les clients en étaient logiquement dispensés lorsqu'ils étaient attablés (art. 3b al. 2 let. d de l'ordonnance Covid-19 situation particulière). À cela s'ajoute, comme l'a pertinemment relevé l'autorité intimée, que le risque de contaminations est accru dans de tels lieux, s'agissant d'espaces en principe clos fréquentés sur une période prolongée par des personnes qui ne portent pas de masque facial, situation qui facilite la transmission du virus. Le fait que lors de la réouverture des restaurants en décembre 2020 aucun pic de contaminations ne serait apparu n'y change rien, dès lors que la mesure contestée a été prise antérieurement, alors que lesdites contaminations étaient en augmentation exponentielle et que, dans une telle situation, une réaction immédiate de la part des autorités s'imposait. Par ailleurs, comme précédemment indiqué, la récolte de statistiques plus précises au sujet des lieux de contamination n'apparaissait pas envisageable, au regard de la flambée de ces contaminations et de l'impossibilité, pour les services de traçage, de les établir en conséquence.

Même si elle est difficile pour le secteur de la restauration et est intervenue alors même que les établissements concernés avaient déjà subi une fermeture de plusieurs semaines au printemps 2020, la mesure respecte néanmoins le principe de proportionnalité au sens étroit aussi, notamment au regard du danger lié au fait de laisser se propager le SARS-CoV-2 de manière incontrôlée au sein de la population. À cela s'ajoute que sa durée était limitée, puisque le Conseil d'État, suivant la situation sanitaire de près, y a mis un terme dès le 10 décembre 2020, au vu de la diminution alors constatée du nombre de contaminations, de décès et d'hospitalisations.

Il s'ensuit qu'au regard de l'ensemble des circonstances, la mesure respecte le principe de la proportionnalité. Elle ne porte pas non plus atteinte au noyau intangible de la liberté en cause (art. 36 al. 4 Cst. ; art. 43 al. 4 Cst-GE).

L'ingérence à la liberté économique qu'emporte l'art. 11 al. 1 let. d de l'arrêté Covid-19 est par conséquent justifiée, si bien que le recours sera rejeté.

13) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.-, qui tient compte de la décision sur effet suspensif, sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée, pas plus qu'au Conseil d'État (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 novembre 2020 par A______ Sàrl contre l'art. 11 al. 1 let. d de l'arrêté du Conseil d'État d'application de l'ordonnance fédérale sur les mesures destinées à lutter contre l'épidémie de COVID-19 en situation particulière du 19 juin 2020 et sur les mesures de protection de la population du 1er novembre 2020 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de A______ Sàrl ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Malek Adjadj, avocat de la recourante, ainsi qu'au Conseil d'État.

Siégeant : M. Verniory, président, M. Pagan, Mmes Lauber et McGregor, M. Knupfer, juges.

 

 

 

Au nom de la chambre constitutionnelle :

la greffière-juriste :

 

 

C. Gutzwiller

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :