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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/789/2019

ACST/25/2020 du 27.08.2020 ( ABST ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/789/2019-ABST ACST/25/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Arrêt du 27 août 2020

 

dans la cause

Monsieur A______
et
Monsieur B______
et
ASSOCIATION SUISSE DES TRANSPORTS ROUTIERS, SECTION GENÈVE
et
TOURING CLUB SUISSE, SECTION GENÈVE
représentés par Me Nicolas Wisard, avocat

contre

GRAND CONSEIL


EN FAIT

1) a. Messieurs A______, né le ______ 1976, et B______, né le ______ 1965, sont citoyens suisses domiciliés et travaillant à Genève où ils exercent leurs droits politiques. Ils sont détenteurs, chacun, d'un véhicule répondant à la norme Euro 2.

b. Madame C______, née le ______ 1976, et Monsieur D______, né le ______ 1989, sont citoyens suisses domiciliés à Genève où ils exercent leurs droits politiques et sont membres du parti Les Verts-Genève. Mme C______ est députée au Grand Conseil de la République et canton de Genève (ci-après : le Grand Conseil).

c. L'Association suisse des transports routiers, section Genève (ci-après : ASTAG-Genève), est une association de droit suisse au sens des art. 60 ss du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) qui, selon ses statuts, est inscrite au registre du commerce (ci-après : RC) du canton de Genève. Elle a pour but notamment d'assurer les relations avec les autorités cantonales et communales dans le cadre de l'examen des problèmes spécifiques au transport et à l'association, de développer et de représenter les intérêts de ses membres sur le plan économique, politique et juridique.

d. Le Touring Club suisse, section Genève (ci-après : TCS-Genève) est également une association de droit suisse au sens des art. 60 ss CC, non inscrite au RC du canton de Genève. Il a pour but notamment de sauvegarder et promouvoir les droits et les intérêts généraux de ses sociétaires en matière de conception de la circulation routière et des véhicules routiers et de favoriser l'insertion harmonieuse de tous les moyens de transports, de sauvegarder et promouvoir les droits et les intérêts généraux des sociétaires, par rapport aux questions relatives à la circulation routière, à la complémentarité des modes de transports et à la mobilité dans le cadre de l'aménagement du territoire, des constructions et ouvrages et de la protection de l'environnement.

2) a. L'ozone (ci-après : O3) est un gaz irritant et incolore engendré notamment par la pollution près de la surface de la terre. Il est un polluant secondaire formé par une réaction chimique impliquant le dioxyde d'azote (ci-après : NO2) et des composés organiques volatils (ci-après : COV). Il contribue à l'effet de serre et aux pluies acides. Il est à l'origine d'irritations des muqueuses oculaires et respiratoires et de crises d'asthme chez les sujets sensibles.

b. Les particules fines ou poussières fines en suspension (ci-après : PM10) sont des particules en suspension dans l'air dont le diamètre est inférieur à dix micromètres. D'origine naturelle (particules fines primaires) ou anthropique (particules fines secondaires, formées suite à des réactions chimiques dans l'air à partir d'autres polluants, fumée, usure, trafic, industrie, chauffage), elles sont un mélange complexe de petites particules solides et de gouttelettes liquides. Les particules secondaires se forment dans des conditions météorologiques particulières et sont le résultat d'une combinaison avec des molécules naturellement présentes dans l'atmosphère provenant de précurseurs gazeux polluants comme les COV. Elles résultent de deux processus : les « PM10 abrasion », issues des mécanismes de frottement et d'abrasion (rail, pneus, travaux de chantier) et les « PM10 combustion », émises lors de la combustion (moteurs thermiques de véhicules, machines de chantier, chauffages, incinérations industrielles et autres feux). Les PM10 ont un impact sur la santé, des effets sur le climat, un effet direct sur le bilan radiatif de la terre, et, en milieu urbain, elles dégradent le patrimoine immobilier. Elles sont plus néfastes sur la santé que tout autre polluant de l'air et leurs effets sont très bien documentés. Plus les particules sont petites, plus elles pénètrent profondément dans les voies respiratoires et deviennent dangereuses. Les particules les plus petites peuvent même traverser la paroi alvéolaire pour rejoindre les vaisseaux sanguins. Outre leurs effets sur le système respiratoire et cardiovasculaire, des études récentes montrent un lien entre l'exposition à long terme à des particules fines et le développement de maladies chroniques tel que le diabète, l'apparition de problèmes neuro-développementaux chez l'enfant ou encore une altération des fonctions cognitives. Les particules fines représentent aussi un facteur de risque important dans le développement de cancers du poumon.

c. Le dioxyde d'azote se forme dans l'atmosphère à partir du monoxyde d'azote (ci-après également : NO) qui se dégage essentiellement lors de la combustion de combustibles fossiles due notamment à la circulation routière. Il est considéré comme un polluant secondaire. Le NO2 contribue, en association avec d'autres polluants, à l'acidification des milieux naturels. Les oxydes d'azote (ci-après également : NOx) comprennent le NO et le NO2. Ils sont émis lors de la combustion des carburants et combustibles fossiles. Précurseurs de l'ozone et des particules, ils sont nocifs pour la santé (maladies respiratoires) et l'environnement.

3) Le 2 avril 2003, le Conseil d'État de la République et canton de Genève (ci-après : le Conseil d'État) a approuvé un plan de mesures (ci-après : Plan OPair 2003-2010), basé sur l'ordonnance sur la protection de l'air du 16 décembre 1985 (OPair - RS 814.318.142.1). Ce plan avait été élaboré par la commission de suivi OPair, sous la responsabilité du service cantonal de protection de l'air (ci-après : SCPA, devenu depuis lors, le service de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisants [ci-après : SABRA]). Il a été révisé en 2008 et approuvé dans sa nouvelle version par le Conseil d'État le 23 juillet 2008.

Ce plan avait été précédé par un premier plan OPair essentiellement axé sur la mobilité, élaboré en 1991 et couvrant la période 1991-2002. Le plan 1991 avait été révisé en 1995, 1999 et en 2000 pour mieux tenir compte de la croissance du trafic routier.

Le Plan OPair 2003-2010, version révisée en 2008, rappelait l'obligation des cantons d'introduire un plan d'assainissement de l'air lorsque les valeurs limites d'immission (ci-après : VLI) fixées par le Conseil fédéral à l'annexe 7 de l'OPair étaient ou risquaient d'être dépassées. Le plan était contraignant pour les autorités chargées de son exécution. Les trois principaux polluants NO2, PM10 et O3 connaissaient des valeurs en stagnation. Certes, une nette amélioration de la qualité de l'air avait été observée jusque vers la fin des années 90. Toutefois, malgré les mesures mises en place dans le cadre du premier plan OPair, les niveaux d'immissions des principaux polluants se trouvaient toujours au-dessus des VLI fixées par l'OPair. Ils ne connaissaient pas de réelle amélioration depuis le début des années 2000. Certaines valeurs affichaient même une tendance à l'aggravation et il suffisait d'un épisode météorologique favorable au développement de pics de pollution (fort ensoleillement estival, inversion thermique en hiver, soit lorsque l'air plus chaud se trouve au-dessus d'une couche d'air plus froid) pour entraîner des situations alarmantes. Ainsi, malgré les efforts consentis, le Plan 2003-2010 n'était pas parvenu à améliorer la qualité de l'air à Genève. Des mesures draconiennes étaient donc nécessaires, notamment dans le domaine clé du trafic, si l'on voulait tendre au respect des valeurs limites en 2020.

Afin de réduire de manière importante les émissions polluantes, un des principaux domaines d'intervention était celui de la « mobilité ». Les transports individuels motorisés représentaient la source de pollution de l'air principale, notamment au centre de l'agglomération. La circulation automobile était aussi à l'origine d'autres nuisances comme le bruit, les engorgements et le manque de sécurité dans certaines rues. Il était devenu indispensable de limiter ces types de pollutions dans les zones où elles avaient le plus d'impact négatif sur la santé et le bien-être de la population, c'est-à-dire au centre-ville. Il s'agissait de limiter la circulation des véhicules les plus polluants au centre de l'agglomération en créant un périmètre de restriction du trafic motorisé pour la protection de l'air, mesure dite « Zone à émissions réduites » (ci-après : ZER) sur le modèle des zones à faibles émissions (« Low Emission Zones » - LEZ) mises en place dans certains pays européens. La mise en place de la ZER était envisagée comme une mesure permanente pouvant faire l'objet d'un renforcement durant les pics de pollution. Elle devait s'appliquer à tous les types de véhicules. Les normes Euro seraient utilisées comme critère pour définir les performances des véhicules en matière de pollution de l'air. Un macaron serait délivré contre un modique émolument. Le dispositif serait introduit de manière progressive pour permettre le renouvellement du parc automobile. Des solutions seraient trouvées pour les situations particulières, par exemple des délais transitoires suffisants accordés dans certains cas, notamment pour les résidents. Enfin, des mesures complémentaires (développement des transports publics, de places de parcs relais [ci-après : P+R], encouragement à la mobilité douce) seraient mises en place afin d'alléger les impacts sur la vie économique.

Les objectifs spécifiques attendus par la mise en place de la ZER consistaient en la suppression de la circulation des véhicules dont les gaz d'échappement étaient les plus polluants (NOx et PM10) dans la zone à immissions excessives (ci-après : également ZIE), constituée de la Ville de Genève (ci-après : la ville) et des communes de Carouge et du Grand-Saconnex, afin d'y améliorer la qualité de l'air et l'accélération du renouvellement du parc des véhicules, en particulier ceux amenés à circuler au centre-ville, afin de réduire leur impact sur la qualité de l'air. Une première modélisation de l'impact d'une ZER à Genève montrait, selon la zone considérée, le type de véhicules concernés et la date de mise en oeuvre, une réduction significative (de l'ordre de 20 % à 40 %) de la quantité d'émissions induites par le trafic dans le périmètre choisi. D'autres effets bénéfiques dont l'impact était difficile à quantifier incluaient la réduction des émissions polluantes dues au trafic dans l'ensemble du canton grâce au renouvellement du parc automobile, la réduction des nuisances dues au bruit causé par les véhicules les plus anciens et la réduction des encombrements.

4) Le 21 septembre 2006, la Conférence suisse des directeurs des travaux publics, de l'aménagement du territoire et de l'environnement (ci-après : DTAP) a publié un rapport consacré au concept intercantonal des mesures temporaires en cas de pollution particulièrement élevée de l'air par un excès de PM10 (« smog » hivernal - PM10).

Selon ce rapport, les mesures nécessaires permettant de réduire durablement le niveau global de polluants étaient de la compétence de la Confédération. Les mesures temporaires pour les périodes estivales de beau temps et les situations hivernales d'inversion étaient des concepts d'urgence devant être utilisés dans des cas de situations extraordinaires de pollution de l'air. Les cantons avaient la compétence en cas de danger imminent grave pour la santé. Les mesures à court terme représentaient un droit cantonal complémentaire de la police de l'environnement reposant sur une compétence législative cantonale concurrente, voire une concurrence propre du canton. Le droit fédéral de l'environnement ne prévoyait aucune mesure à court terme sur la limitation des émissions pour lutter contre les situations de « smog » ou d'inversion momentanée. La clause générale de police pouvait également entrer en ligne de compte. Il n'était cependant pas possible d'y recourir pour des situations prévisibles et récurrentes. La clause générale de police était exceptionnellement utilisée comme base juridique des mesures temporaires de lutte contre des concentrations exagérées de PM10 dans l'air dans des situations extrêmes, et non pour des situations de pollution se répétant constamment. Il était par conséquent recommandé de créer une base légale pour des mesures prévues dans le droit cantonal. Ces mesures devaient également être justifiées du point de vue de la proportionnalité et respecter l'égalité de traitement. Le concept cantonal commun contre la pollution aux PM10 prévoyait trois niveaux dont deux d'intervention et un d'information. Tous les cantons devaient appliquer les mêmes critères et valeurs de déclenchement. Les niveaux d'intervention comprenaient un ensemble de mesures de base qui devaient être mis en oeuvre dans tous les cantons. Chaque canton pouvait ordonner d'autres mesures d'accompagnement correspondant à ses besoins spécifiques et à ses possibilités. Il était notamment envisagé la création de zones d'interdiction des véhicules à forte émission durant certaines périodes. Un système d'identification des véhicules à mettre en place selon les catégories d'émissions constituait un préalable aux mesures à prendre dans ce domaine.

5) Le 27 février 2013, le Conseil d'État a approuvé le Plan OPair 2013-2016.

Après plusieurs dizaines d'années de lente amélioration, la qualité de l'air dans le canton de Genève affichait entre 2000 et 2011 une tendance à la stagnation. Les VLI OPair pour les principaux polluants (NO2, O3 et PM10) n'étaient toujours pas respectées dans certaines parties du territoire, notamment au centre de l'agglomération et près de l'aéroport. Dans une agglomération où l'on prévoyait à l'horizon 2020 une augmentation de 13 % des kilomètres parcourus, réduire le trafic individuel dans son centre constituait un objectif majeur. Cette mesure était l'un des principaux moyens permettant d'abaisser les taux d'émissions et d'immissions nocives dans les zones les plus touchées par la pollution. Sa mise en oeuvre prochaine devait être précédée et accompagnée d'un faisceau de mesures complémentaires touchant notamment à l'extension des zones de modération du trafic, à la gestion du stationnement à l'intérieur de l'agglomération, au développement de l'offre de P+R situés aux accès du centre urbain, au renouvellement du parc automobile et au développement de la mobilité douce (voir objectifs sectoriels suivants). L'un des objectifs du plan était d'assainir la zone à immissions excessives, d'agir sur les grands émetteurs, la mobilité, notamment les transports individuels motorisés (voitures et deux roues), les industries et les chantiers, les chauffages et l'aéroport.

Selon le bilan de l'efficacité des mesures prises sur la base du Plan OPair 2013-2016, la qualité de l'air à Genève avait connu une légère embellie en 2013-2016. Ce constat ne devait cependant pas faire oublier que la situation restait très tributaire des conditions météorologiques et que les zones où vivait et travaillait la grande majorité de la population genevoise continuaient à subir des concentrations de polluants dépassant les valeurs de l'OPair et mettant en danger la santé et le bien-être des habitants. Il était donc important de poursuivre les efforts en matière de surveillance de la qualité de l'air, ainsi que de la mise en oeuvre de la Stratégie de protection de l'air 2030 et du Plan de mesures OPair (cf. Département de l'environnement, des transports et de l'agriculture [ci-après : DETA], Bilan du Plan de mesures OPair 2013-2016 - Bilan de l'efficacité des mesures, janvier 2018).

6) a. Le 21 septembre 2015, l'observatoire de la qualité de l'air de la région Rhône-Alpes (ci-après : Air Rhône-Alpes) en France, le canton de Genève et le canton de Vaud, partenaires dans le cadre de l'Agglomération franco-valdo-genevoise (ci-après : le Grand Genève), ont mis en place une plateforme Grand Genève Air Modèle Emissions, destinée à suivre l'évolution de la pollution transfrontalière en vue d'une analyse harmonisée des émissions polluantes afin de pouvoir, à terme, les maîtriser et protéger la santé de la population.

Depuis 2012, la qualité de l'air du Grand Genève faisait l'objet d'une collaboration transfrontalière.

b. Le 30 janvier 2018, plusieurs partenaires dont la République française, la République et canton de Genève, le canton de Vaud, la région Auvergne-Rhône-Alpes, le département de l'Ain, le département de la Haute-Savoie, le conseil régional du district de Nyon et la ville ont signé un pacte du Grand Genève, un protocole d'accord transfrontalier (ci-après : Pact'Air).

La qualité de l'air était un enjeu capital pour le Grand Genève. La topographie de celui-ci était défavorable à la dispersion des polluants. Trois d'entre eux restaient préoccupants, les PM10, le NO2 et l'O3. Il était nécessaire d'avoir une vision et des objectifs partagés, des outils communs et une gestion coordonnée des actions. Une collaboration transfrontalière existait depuis 2012. Les objectifs chiffrés étaient de réduire de moitié les NOx et de 18 % les PM10 par rapport aux niveaux de 2005. Des actions sectorielles portant sur les principales activités à la source des émissions atmosphériques notamment les transports et la mobilité étaient envisagées. Les partenaires s'engageaient notamment à mener des politiques permettant d'agir en cas de pics de pollution et pour réduire les émissions à la source. Des actions pérennes étaient nécessaires afin de diminuer la pollution chronique de l'air. Il fallait également mettre en oeuvre des actions temporaires d'urgence en cas de pics de pollution pour limiter ou faire retomber les niveaux de pollution et ainsi protéger la santé des personnes les plus vulnérables. En cas de pics de pollution, il fallait notamment harmoniser leur gestion à l'échelle de l'agglomération, inciter à se déplacer en transports en commun et instaurer une circulation différenciée sur la base des certificats qualité de l'air à l'échelle du Grand Genève.

7) Le 17 février 2018, le Conseil d'État a approuvé le Plan OPair 2018-2023.

La qualité de l'air à Genève s'était légèrement améliorée au cours des dernières années. Les immissions de NO2 continuaient à diminuer faiblement, mais restaient insatisfaisantes en milieu urbain par rapport aux normes de l'OPair. Celles des PM10 avaient tendance à repasser sous la VLI OPair. Les concentrations d'O3 stagnaient. Cette évolution démontrait le bien-fondé et l'efficacité des actions mises en place au cours des deux dernières décennies. Elle confirmait également l'importance de poursuivre ces efforts.

Le Plan OPair 2018-2023, élaboré avec des représentants de toutes les politiques publiques ayant un lien avec la qualité de l'air (environnement, mobilité, urbanisme, santé, économie, énergie), poursuivait deux objectifs majeurs : assainir la ZIE et lutter contre les sources principales d'émission de polluants, avec un accent particulier sur les PM10. Ses domaines d'action se recoupaient avec ceux de la Stratégie de protection de l'air 2030.

Le thème de la « mobilité », qui comptait sept mesures sur les quinze mesures prévues par le plan parmi lesquelles la réduction des impacts des transports professionnels, la priorité à donner à la mobilité douce et aux transports en commun dans le centre et l'hypercentre, la redéfinition des critères du bonus/malus pour les véhicules immatriculés à Genève, la mise en oeuvre des mesures d'incitation à l'électromobilité, la promotion de la mobilité douce, la restriction du trafic motorisé dans certaines zones lors de pics de pollution (mesure d'urgence) ou d'agir sur les véhicules motorisés pendulaires, occupait une place majeure dans le plan. Le Plan de mesures OPair 2018-2023 innovait par ailleurs en introduisant une mesure d'urgence destinée à restreindre le trafic motorisé dans certaines zones lors d'épisodes de pics de pollution (interdiction d'accès au centre urbain aux véhicules les plus polluants identifiés grâce à un macaron). L'objectif de cette mesure était d'améliorer la gestion des épisodes de pics de pollution et de renforcer le pouvoir d'action des autorités, notamment celui des agents chargés de la gestion de la circulation. À Paris, la circulation alternée obligatoire avait récemment laissé place au dispositif Crit'Air, qui interdisait l'accès au centre urbain aux véhicules les plus polluants, identifiés par un macaron. Il convenait donc d'inscrire le Plan d'urgence ozone et le Plan d'urgence particules fines dans la réglementation par une modification de la loi d'application de la loi fédérale sur la protection de l'environnement du 2 octobre 1997 (LaLPE - K 1 70). Cette modification de la loi devait introduire le concept de mesures d'urgence en cas de pics de pollution, définir les conditions de mise en oeuvre et identifier les véhicules autorisés sur la base d'un macaron en fonction de leur performance environnementale. En cas de pic de pollution, l'accès au centre urbain serait interdit aux véhicules les plus polluants, en remplaçant l'actuelle circulation alternée obligatoire par la circulation différenciée.

8) Le 20 mars 2018, questionné par le canton de Genève au sujet des résultats de l'application de macarons anti-pollution dans les villes, régions ou pays étrangers, l'office fédéral de l'environnement (ci-après : OFEV) a renvoyé le canton au site suivant : http://fr.urbanaccessregulations.eu/low-emission-zones-main/impact-of-low-emis-sion-zones. Il a précisé que les différents systèmes de macarons adoptés dans les pays européens se basaient sur les normes Euro et essentiellement sur la présence ou non de filtres à particules sur les véhicules diesel.

9) Selon un rapport du SABRA d'avril 2018, les valeurs de concentration en NO2 étaient basses à Genève en 2017. La VLI annuelle fixée par l'OPair était dépassée dans le centre de l'agglomération, mais la VLI journalière était respectée dans tout le canton et aucun dépassement n'avait été enregistré. Pour ce qui était de l'O3, la VLI horaire fixée par l'OPair connaissait un dépassement au début de saison du fait des conditions météorologiques, mais le nombre de dépassements était stable. S'agissant des PM10 provenant de la combustion notamment du trafic routier, ou de l'abrasion, la VLI annuelle fixée par l'OPair de 20 µg/m3 était respectée sur tous les emplacements de mesure et la VLI journalière de 50 µg/m3 était dépassée entre quatre et six jours en janvier lors de fortes inversions de températures (SABRA, Qualité de l'air 2017, avril 2018).

En 2018, la baisse de la concentration de NO2 s'est poursuivie, la VLI annuelle fixée par l'OPair était dépassée dans l'hyper-centre de la ville, la VLI journalière était respectée sur tout le canton. Pour ce qui était de l'O3, les concentrations excessives étaient mesurées sur tout le canton, mais avec de faibles valeurs en milieu urbain, un dépassement de la VLI horaire fixée par l'OPair était relevé en période estivale, chaude et ensoleillée. En ce qui concernait les PM10, la baisse de concentration était confirmée, la VLI annuelle fixée par l'OPair était respectée à tous les emplacements de mesure, trois des stations cantonales de mesures de la pollution de l'air avaient connu un seul dépassement de la VLI journalière fixée par l'OPair, de sorte que le critère de trois dépassements autorisés par an et par station était respecté (SABRA, Qualité de l'air 2018, avril 2019).

En 2019, les concentrations de NO2 mesurées (stations et capteurs passifs) avaient poursuivi leur baisse et se situaient, pour la majorité du territoire, en-dessous des concentrations enregistrées ces dernières années et inférieure à la VLI annuelle de l'OPair. Néanmoins, en 2019, la VLI OPair (moyenne annuelle) restait dépassée dans l'hyper-centre de la ville ainsi que sur la façade sud de l'aéroport sur une surface notablement réduite par rapport aux années précédentes. Par ailleurs et comme c'était le cas depuis plusieurs années, la VLI OPair (moyenne par 24 heures) était respectée sur tout le canton. S'agissant de l'O3, comme les années précédentes, des concentrations excessives avaient été mesurées sur l'ensemble du canton en 2019, les plus faibles valeurs ayant été enregistrées en milieu urbain. L'essentiel des dépassements de la VLI OPair horaire avait été mesuré au début de la période estivale, à l'occasion de périodes caniculaires, avec des concentrations particulièrement élevées pendant quelques heures, notamment en milieu rural. Toutefois, en termes de nombre, les dépassements comptabilisés en 2019 (soit 113 dans la station de mesure urbaine, 362 dans la station de mesure « Foron » et 282 dans la station de mesure « Meyrin » [stations de mesure suburbaines], et 353 dans la station de mesure rurale) étaient en légère baisse par rapport à l'année 2018 mais restaient proches des chiffres enregistrés durant les années les plus chaudes et ensoleillées. Quant aux poussières fines, l'année 2019 confirmait la baisse de la concentration observée ces dernières années. La VLI OPair annuelle était respectée à l'emplacement des quatre stations de mesures fixes du réseau d'observation de la pollution atmosphérique à Genève (ci-après : ROPAG) pour la quatrième année consécutive. Les moyennes annuelles avaient été proches de celles mesurées entre 2016 et 2018, étant ainsi parmi les niveaux les plus faibles enregistrés depuis le début des mesures en 1998. Seule la station de mesure urbaine avait connu un léger dépassement de la VLI OPair journalière, pendant un seul jour. Ainsi, le critère de trois dépassements tolérés par an et par station était respecté. Comme c'était le cas depuis de nombreuses années, les concentrations de métaux lourds dans les PM10 respectaient largement les VLI OPair annuelles. Ainsi, toutes les exigences légales pour les PM10 avaient été respectées en 2019 (SABRA, Qualité de l'air 2019, mai 2020).

PL 12196

10) a. Le 11 octobre 2017, le Conseil d'État a déposé auprès du Grand Conseil un projet de loi (ci-après : PL 12196) visant à renforcer la LaLPE et ayant la teneur suivante :

Art. 1 Modifications

La loi d'application de la loi fédérale sur la protection de l'environnement, du 2 octobre 1997, est modifiée comme suit :

Art. 12, al. 5 à 7 (nouveaux) Pics de pollution atmosphérique

5 S'agissant des pics de pollution atmosphérique, ces mesures se basent sur un dispositif d'urgence adapté, dont la nature et les modalités de mise en oeuvre sont définies par voie réglementaire. Les mesures sont progressives en fonction du niveau de pollution atmosphérique et regroupées en niveaux d'intervention.

6 Les mesures comprennent notamment des recommandations de comportement, l'information de la population, des restrictions temporaires de circulation des véhicules motorisés et des mesures d'accompagnement.

7 Le règlement précise les attributions des autorités chargées de son application ainsi que la coordination à assurer, notamment avec les politiques en matière de transports et de protection de la santé.

Art. 12A Identification des véhicules selon leurs performances environnementales (nouveau)

1 Le Conseil d'État peut prévoir, par voie réglementaire, des mesures basées sur une identification par macaron des véhicules motorisés en fonction de leurs performances environnementales.

2 Ces mesures consistent notamment en des restrictions temporaires de circulation dans des zones définies, applicables à tous les véhicules motorisés circulant dans le canton.

3 Le règlement prévoit le mode de délimitation des zones, la définition des classes de véhicules et la procédure d'attribution à ces classes. Il règle également les exceptions aux restrictions temporaires de circulation.

Art. 2 Entrée en vigueur

La présente loi entre en vigueur le lendemain de sa promulgation dans la Feuille d'avis officielle.

Selon l'exposé des motifs, le PL 12196 proposait d'ancrer dans la législation genevoise une disposition relative aux mesures temporaires qui devaient être prises d'urgence en cas de situation critique du point de vue de l'environnement ou de la santé de la population. Il permettait au Conseil d'État d'avoir une base légale nécessaire lui déléguant la compétence d'adopter un règlement regroupant et unifiant les différentes mesures existantes et destinées à lutter contre les pics de pollution. Il visait également à introduire les lignes directrices d'une règlementation fondée sur les performances environnementales des véhicules motorisés.

Les nouveaux al. 5 à 7 de l'art. 12 LaLPE devaient permettre la formalisation du dispositif d'urgence dans un seul règlement. L'art. 12A (nouveau) permettait au Conseil d'État d'adopter un règlement prévoyant des mesures temporaires de restriction de circulation, définies en fonction des performances environnementales des véhicules. L'al. 1 introduisait une identification par macaron, l'al. 2 précisait les mesures temporaires s'appliquant à tous les véhicules. L'al. 3 traitait des exceptions aux restrictions à la circulation.

b. Le 2 novembre 2017, le PL 12196 a été renvoyé devant la commission de l'environnement et de l'agriculture du Grand Conseil. Celle-ci l'a renvoyé sans débat à la commission des transports, le 14 décembre 2017.

11) Le 25 septembre 2018, la commission des transports a rendu son rapport sur le PL 12196 (ci-après : PL 12196-A), composé d'un rapport de la majorité et de deux rapports de la première et de la deuxième minorité.

Selon le rapport de la majorité, le PL 12196 portait essentiellement sur les mesures d'urgence en proposant d'ancrer dans la législation une disposition relative aux mesures temporaires devant être prises d'urgence en cas de situation critique du point de vue de l'environnement et de la santé de la population. Le dispositif de lutte contre la pollution de l'air était régi par divers textes de rang normatif différent dans le canton.

À l'issue de son troisième débat, la commission a accepté la teneur suivante du PL 12196 :

 

 

Art. 1 Modifications

La loi d'application de la loi fédérale sur la protection de l'environnement, du 2 octobre 1997, est modifiée comme suit :

Chapitre VI A Dispositif d'urgence en cas de pics de pollution atmosphérique (nouveau)

 

Art. 15C Disposition générale (nouveau)

1 En cas de pics de pollution atmosphérique, le Conseil d'État prend les mesures d'urgence pour réduire les concentrations dans l'air du polluant concerné. Ces mesures sont progressives en fonction du niveau de pollution, dont les seuils sont fixés dans le règlement d'application. Elles sont regroupées en trois niveaux d'alerte.

2 Le Conseil d'État préconise également, à titre préventif, d'autres mesures permettant de limiter la pollution.

3 Le Conseil d'État informe régulièrement la population de la situation de pollution de l'air.

4 L'annonce des niveaux d'alerte et des mesures mises en place est faite notamment par le biais des médias, des panneaux de signalisation, des publications en ligne et des réseaux sociaux.

Art. 15D Circulation différenciée (nouveau)

1 En cas de pics de pollution aux particules fines, à l'ozone ou aux oxydes d'azote, le Conseil d'État applique des restrictions temporaires de circulation des véhicules en fonction de leurs performances environnementales. Des exceptions à cette restriction de circulation sont prévues dans le règlement d'application.

2 Ces restrictions temporaires s'appliquent à l'intérieur du périmètre de la moyenne ceinture routière, telle que définie par l'article 6, alinéa 2, de la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée.

3 Ces restrictions temporaires s'appliquent à tous les véhicules motorisés circulant dans les zones visées à l'alinéa 2, y compris aux véhicules qui ne sont pas immatriculés dans le canton de Genève.

4 La définition des classes de véhicules motorisés en fonction de leurs performances environnementales se fait sur la base des normes Euro. Le règlement d'application définit au minimum cinq classes, le système d'identification des véhicules par le biais de macarons, ainsi que les modalités de mise en oeuvre de ce dispositif de macarons.

5 Les véhicules sans macaron ont interdiction de circuler dans les zones définies à l'alinéa 2. Ils peuvent emprunter le réseau autoroutier.

Art. 15E Niveau d'alerte 1 (nouveau)

Lorsque le premier niveau d'alerte est activé (niveau 1), le Conseil d'État ordonne la mise en oeuvre des mesures suivantes :

a)       la gratuité de tous les billets de l'offre de transport Unireso dès le lendemain de l'annonce du niveau d'alerte. Les titulaires d'abonnement ne peuvent prétendre ni à un remboursement, ni à un dédommagement ;

b)       la limitation de la vitesse sur l'autoroute de contournement à 80 km/h ;

c)        la circulation différenciée de la classe 1 des véhicules définie dans le règlement d'application.

Art. 15F Niveau d'alerte 2 (nouveau)

Lorsque le deuxième niveau d'alerte est activé (niveau 2), outre les mesures définies à l'article 15E, le Conseil d'État ordonne la mise en oeuvre des mesures suivantes :

a)          la communication d'un avis intercantonal de pollution aux médias ;

b)          la circulation différenciée de la classe 2 des véhicules polluants définie dans le règlement d'application.

Art. 15G Niveau d'alerte 3 (nouveau)

Lorsque le troisième niveau d'alerte est activé (niveau 3), outre les mesures prévues aux articles 15E et 15F, le Conseil d'État ordonne la mise en oeuvre des mesures suivantes :

a)       l'interdiction des feux en plein air et des feux de confort ;

b)       la circulation différenciée de la classe 3 des véhicules définie dans le règlement d'application.

Art. 15H Exécution (nouveau)

1 Sont chargés de veiller à l'application des mesures d'urgence ordonnées par le Conseil d'État en cas de pics de pollution :

a)       les fonctionnaires de la police cantonale appartenant à un service de gendarmerie au sens de l'article 15 de la loi sur la police, du 9 septembre 2014 ;

b)       les agents de la police municipale.

2 Tout contrevenant est passible d'une amende d'ordre de 300 F au plus.

3 Le Conseil d'État fixe dans un règlement d'application les modalités nécessaires à l'exécution de ces restrictions temporaires de la circulation motorisée en cas de pics de pollution de l'air.

Art. 15I Coordination (nouveau)

Le Conseil d'État coordonne l'application des mesures avec les autorités vaudoises et françaises du Grand Genève et a pour objectif d'harmoniser les mesures et les niveaux d'alerte avec les autorités précitées.

Art. 2 Entrée en vigueur

La présente loi entre en vigueur le lendemain de sa promulgation dans la Feuille d'avis officielle.

12) Le 23 novembre 2018, le Grand Conseil a adopté, à l'issue du troisième débat, la loi modifiant la LaLPE (ci-après : L 12196), ayant la teneur suivante :

Art. 1 Modifications

La loi d'application de la loi fédérale sur la protection de l'environnement, du 2 octobre 1997, est modifiée comme suit :

Chapitre VI A Dispositif d'urgence en cas de pics de pollution atmosphérique (nouveau)

Art. 15C Disposition générale (nouveau)

1 En cas de pics de pollution atmosphérique, le Conseil d'État prend les mesures d'urgence pour réduire les concentrations dans l'air du polluant concerné. Ces mesures sont progressives en fonction du niveau de pollution, dont les seuils sont fixés dans le règlement d'application. Elles sont regroupées en 3 niveaux d'alerte.

2 Le Conseil d'État préconise également, à titre préventif, d'autres mesures permettant de limiter la pollution.

3 Le Conseil d'État informe régulièrement la population de la situation de pollution de l'air.

4 L'annonce des niveaux d'alerte et des mesures mises en place est faite notamment par le biais des médias, des panneaux de signalisation, des publications en ligne et des réseaux sociaux.

Art. 15D Circulation différenciée (nouveau)

1 En cas de pics de pollution aux particules fines, à l'ozone ou aux oxydes d'azote, le Conseil d'État applique des restrictions temporaires de circulation des véhicules en fonction de leurs performances environnementales. Des exceptions à cette restriction de circulation sont prévues dans le règlement d'application.

2 Ces restrictions temporaires s'appliquent à l'intérieur du périmètre de la moyenne ceinture routière, telle que définie par l'article 6, alinéa 2, de la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée, du 5 juin 2016.

3 Ces restrictions temporaires s'appliquent à tous les véhicules motorisés circulant dans les zones visées à l'alinéa 2, y compris aux véhicules qui ne sont pas immatriculés dans le canton de Genève.

4 La définition des classes de véhicules motorisés en fonction de leurs performances environnementales se fait sur la base des normes Euro. Le règlement d'application définit au minimum 5 classes, le système d'identification des véhicules par le biais de macarons, ainsi que les modalités de mise en oeuvre de ce dispositif de macarons.

5 Les véhicules sans macaron ont interdiction de circuler dans les zones définies à l'alinéa 2. Ils peuvent emprunter le réseau autoroutier.

Art. 15E Niveau d'alerte 1 (nouveau)

Lorsque le premier niveau d'alerte est activé (niveau 1), le Conseil d'État ordonne la mise en oeuvre des mesures suivantes :

a)        la limitation de la vitesse sur l'autoroute de contournement à 80 km/h ;

b)        la circulation différenciée de la classe 1 des véhicules définie dans le règlement d'application.

Art. 15F Niveau d'alerte 2 (nouveau)

Lorsque le deuxième niveau d'alerte est activé (niveau 2), outre les mesures définies à l'article 15E, le Conseil d'État ordonne la mise en oeuvre des mesures suivantes :

a)       la gratuité de tous les billets de l'offre de transport Unireso dès le lendemain de l'annonce du niveau d'alerte. Les titulaires d'abonnement ne peuvent prétendre ni à un remboursement ni à un dédommagement ;

b)       la communication d'un avis intercantonal de pollution aux médias ;

c)       la circulation différenciée de la classe 2 des véhicules polluants définie dans le règlement d'application.

 

 

Art. 15G Niveau d'alerte 3 (nouveau)

Lorsque le troisième niveau d'alerte est activé (niveau 3), outre les mesures prévues aux articles 15E et 15F, le Conseil d'État ordonne la mise en oeuvre des mesures suivantes :

a)       l'interdiction des feux en plein air et des feux de confort ;

b)       la circulation différenciée de la classe 3 des véhicules définie dans le règlement d'application.

 

Art. 15H Exécution (nouveau)

1 Sont chargés de veiller à l'application des mesures d'urgence ordonnées par le Conseil d'État en cas de pics de pollution :

a)       les fonctionnaires de la police cantonale appartenant à un service de gendarmerie au sens de l'article 15 de la loi sur la police, du 9 septembre 2014 ;

b)       les agents de la police municipale.

2 Tout contrevenant est passible d'une contravention de 500 F au plus.

3 Le Conseil d'État fixe dans un règlement d'application les modalités nécessaires à l'exécution de ces restrictions temporaires de la circulation motorisée en cas de pics de pollution de l'air.

Art. 15I Coordination (nouveau)

Le Conseil d'État coordonne l'application des mesures avec les autorités vaudoises et françaises du Grand Genève et a pour objectif d'harmoniser les mesures et les niveaux d'alerte avec les autorités précitées.

Art. 2 Entrée en vigueur

La présente loi entre en vigueur le lendemain de sa promulgation dans la Feuille d'avis officielle.

13) Par arrêté du 23 janvier 2019, publié dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 25 janvier 2019, le Conseil d'État a promulgué la loi précitée. Elle est entrée en vigueur le 26 janvier 2019.

14) Par acte expédié le 25 février 2019, enregistré sous le numéro de cause A/789/2019, M. A______, ASTAG-Genève et TCS-Genève ont recouru contre la loi précitée auprès de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : chambre constitutionnelle) en concluant à l'annulation du titre marginal de l'art. 15D ; à l'annulation des termes « aux particules fines, à l'ozone ou » et « en fonction de leurs performances environnementales » de l'art. 15D al. 1 ; à l'annulation totale de l'art. 15D al. 2 ; à l'annulation des termes « circulant dans les zones visées à l'alinéa 2 » de l'art. 15D al. 3 ; à l'annulation totale de l'art. 15D al. 4 et al. 5 ; à l'annulation totale de l'art. 15E let. b ; à l'annulation totale de l'art. 15F let. c ; à l'annulation totale de l'art. 15G let. b ; à l'annulation totale de l'art. 15H al. 2 ; et à l'annulation des termes « à l'exécution de ces restrictions temporaires de la circulation motorisée » de l'art. 15H al. 3.

Le principe de circulation différenciée de portée indéterminée ancré dans les nouvelles dispositions excédait les compétences législatives du canton. En outre, les restrictions apportées à la circulation devaient être considérées comme des atteintes à la liberté économique des professionnels du transport motorisé.

En fixant des VLI et non des valeurs d'alarme (ci-après : VA/valeurs d'alerte/valeurs d'intervention), le législateur fédéral avait pour objectif d'établir les bases d'une lutte, par des mesures préventives et pérennes, contre la pollution atmosphérique. La question qui se posait en l'occurrence était celle de savoir si les cantons étaient compétents pour adopter des mesures temporaires urgentes destinées à pallier une situation de crise. En laissant aux cantons la compétence d'instituer par voie législative des dispositifs de lutte contre les émissions, la législation fédérale sur l'environnement ne leur avait pas « donné carte blanche ». Les mesures cantonales de protection de l'air contre les émissions générées par le trafic motorisé pouvaient être adoptées valablement uniquement si elles s'inséraient dans les limites définies par la législation fédérale sur la circulation routière. Ces mécanismes ne devaient pas être concurrents de ceux du droit fédéral. L'institution des valeurs d'intervention déclenchant des mesures de limitation des émissions polluant l'atmosphère était admissible uniquement si les seuils de pollution pris en référence étaient significativement supérieurs aux VLI OPair.

Le système envisagé d'identification des véhicules au moyen des macarons empiétait sur les compétences exclusives de la Confédération découlant de l'art. 8 de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1959 (LCR - RS 741.01), la mise en place d'un macaron environnemental revenant à obliger tous les véhicules circulant sur le territoire genevois concerné à être munis d'une vignette non prévue par le droit fédéral. Le système prévu était en outre contraire au droit transitoire en matière de circulation routière prévoyant la conformité des véhicules autorisés à circuler aux exigences techniques en vigueur au moment de leur première mise en service.

Les différents niveaux d'alerte prévus par la loi attaquée n'étaient pas circonscrits pour éviter un empiétement sur la compétence fédérale. La restriction de circulation à charge de certains véhicules à l'intérieur du périmètre urbain déterminé par la zone de la moyenne ceinture routière ne pouvait pas s'inscrire dans la législation fédérale sur la circulation routière. Les interdictions visées par l'art. 3 al. 2 et 3 LCR pouvaient être uniquement des restrictions de circulation fonctionnelles adoptées pour une certaine durée. Une restriction de circuler ne pouvait pas être décrétée sur la base de la loi contestée. La législation fédérale avait refusé de mettre en place un dispositif de vignette environnementale.

Le dispositif mis en place violait également la liberté économique des professionnels du transport de personnes ou de marchandises ou exploitants des entreprises de déménagement ou d'expédition. L'interdiction de circuler dans le périmètre de la moyenne ceinture routière constituait une atteinte grave à l'exercice de l'activité économique des professionnels de la route. Les restrictions posées par les dispositions attaquées ne répondaient pas aux conditions de restriction d'un droit fondamental. S'agissant de la base légale, les notions de pics de pollution, de performances environnementales des véhicules, de circulation différenciée, nécessaires à la mise en oeuvre du concept de vignette écologique et à l'appréhension de ses effets étaient indéterminées. Les mesures mises en place étaient en outre inaptes à atteindre l'objectif visé et ne respectaient pas la proportionnalité au sens étroit.

15) Le 13 mai 2019, le Grand Conseil a conclu au rejet du recours.

Le dispositif contesté devait s'appliquer quelques jours par année, lors des situations de pollution atmosphérique critiques pour la santé de personnes à risque. La loi attaquée s'inscrivait dans le cadre du droit fédéral de protection de l'environnement, qui permettait l'adoption d'un dispositif pour lutter contre les pics successifs de pollution atmosphérique ou un pic qui durait plusieurs jours. Elle respectait également la législation sur la circulation routière, les restrictions temporaires de la circulation adoptées étant conformes à la LCR. Le dispositif adopté ne portait pas atteinte à la liberté économique des personnes concernées. Il était proportionné dans la mesure où il était destiné à lutter contre les pics de pollution et non de limiter de manière constante la circulation à Genève. La loi en cause prévoyait des possibilités d'exceptions et réservait le pouvoir d'appréciation du Conseil d'État, éléments constituant des garanties additionnelles sous l'angle du respect du principe de proportionnalité.

La loi attaquée mettait en place un système équilibré. Elle prenait en considération les différents intérêts en présence : d'un côté, la protection de la santé des personnes à risque par une mise en oeuvre de mesures d'urgence quelques jours par année ; de l'autre côté, la prise en compte de la situation des professionnels travaillant avec des véhicules ayant des performances environnementales les plus mauvaises, selon un système gradué. Des exceptions pour diverses catégories de professionnels et des périodes transitoires seraient introduites de manière à permettre aux personnes concernées de changer, le cas échéant, les véhicules les plus anciens.

À l'appui de sa réponse, le Grand Conseil a notamment produit un document non daté du SABRA sur l'évaluation des émissions évitées en cas de restriction de circulation des véhicules les plus polluants. Il en ressortait que sur la base du parc automobiles genevois de 2015, comprenant 291'227 véhicules selon l'office cantonal des véhicules, en cas de niveau d'alerte 1, le nombre de véhicules concernés par l'interdiction de circuler serait de 35'957, soit 12 % du parc de véhicules motorisés immatriculés dans le canton. Il permettrait d'éviter 26 % d'émissions de NOx et de 28 % de PM10. En cas de niveau d'alerte 2, la restriction de circulation toucherait 45'403 véhicules, soit 16 % du parc total genevois et permettrait l'évitement de 34 % d'émissions de NOx et de 50 % de PM10.

16) Le 28 juin 2019, invité à se déterminer sur le recours, l'OFEV a indiqué qu'en sa qualité d'organe de surveillance des autorités cantonales d'exécution compétentes en matière de protection de l'air, il ne prenait pas position dans le cadre des procédures de recours cantonales.

IN 169

17) Par courrier du 26 octobre 2017, Mme C______ et M. D______ ont informé le Conseil d'État du lancement d'une initiative législative cantonale formulée et intitulée « De l'air, moins de bruit. Préservons notre santé face à la pollution » (ci-après : IN 169), et lui ont transmis le spécimen de la formule destinée à la récolte des signatures.

Les Verts genevois proposaient de modifier la LaLPE en ajoutant à l'art. 7 un second alinéa et en introduisant dans la loi deux nouveaux articles.

Le texte de l'IN 169 avait la teneur suivante :

Art. 7 Moyens, al. 2 (nouveau, les al. 2 et 3 anciens devenant les al. 3 et 4)

2 Il communique spontanément et régulièrement au public les données actualisées sur les niveaux de pollution de l'air et les risques liés à la santé de chaque secteur statistique, de chaque commune ainsi qu'à proximité des infrastructures d'importance.

Art. 13A Amélioration de la qualité de l'air (nouveau)

1 L'État est tenu d'atteindre en tous points du territoire les objectifs suivants en ce qui concerne les valeurs limites annuelles d'immission fixées par la législation fédérale sur la protection de l'environnement :

1.       d'ici 2020, un dépassement maximum des valeurs de 20 % ;

2.       d'ici 2025, un dépassement maximum des valeurs de 10 % ;

3.       d'ici 2030, le respect des valeurs.

Mesures d'assainissement

2 Le Conseil d'État fixe les mesures à prendre par le canton et, conformément à la constitution et à la loi, par les communes et les institutions de droit public, notamment la modération de la circulation motorisée, l'introduction de régimes différenciés pour les véhicules motorisés, où les véhicules les plus respectueux des normes environnementales sont favorisés, l'installation de systèmes de chauffage plus efficients, l'assainissement des bâtiments et la réduction des émissions des chantiers, de l'industrie et de l'aéroport.

3 Lorsque les mesures prises ne permettent pas d'atteindre le respect des valeurs limites d'immission, le Conseil d'État définit et met en oeuvre, dans un délai de 6 mois, des mesures supplémentaires, en recourant notamment à la limitation de l'utilisation de certaines installations, dans le respect du droit fédéral.

Mesures urgentes

4 Lorsque la concentration de dioxyde d'azote excède 80 microgrammes par mètre cube, en moyenne par 24 heures, depuis 1 jour à l'une ou l'autre des stations de mesure de la pollution de l'air cantonales ; ou la concentration d'ozone excède 180 microgrammes par mètre cube en moyenne horaire à l'une ou l'autre des stations de mesures de la pollution de l'air cantonales pendant 3 heures consécutives ; ou la concentration de poussières fines en suspension dont le diamètre aérodynamique est inférieur à 10 micromètres (PM10) excède 50 microgrammes par mètre cube, en moyenne par 24 heures, depuis 1 jour, à l'une ou l'autre des stations de mesure cantonales :

-          le Conseil d'État diffuse spontanément l'information sur cette pollution et ses conséquences potentielles sur la santé aux personnes vivant et travaillant à proximité de la station ou des stations de mesures concernées, incluant les moyens d'action des habitantes et habitants ;

-          les transports publics sont rendus gratuits et l'offre ponctuellement renforcée ;

-          la vitesse est limitée à 80 km/h sur tout le canton ;

-          les régimes différenciés sont adaptés aux données actualisées des niveaux de pollution.

Art. 15A Protection contre le bruit (nouveau, les art. 15A et 15B anciens devenant les art. 15B et 15C)

1 Afin de faire respecter les valeurs limites d'immission, le Conseil d'État entreprend des mesures structurelles sur la source des nuisances, en particulier les travaux sur la voirie, l'orientation du choix de motorisation des véhicules, les chantiers et l'industrie.

2 Lorsque des dépassements des valeurs limites d'immission du bruit fixées par la législation fédérale sur la protection de l'environnement sont constatés, afin de limiter à la source les émissions bruyantes, le Conseil d'État définit et met en oeuvre, dans un délai de 6 mois, des mesures supplémentaires, dont en particulier des contrôles de véhicules bruyants et la limitation de l'utilisation de certaines installations, dans le respect du droit fédéral.

Selon l'exposé de motifs, l'IN 169 exigeait de l'État des actions concrètes pour préserver la santé de la population et l'environnement en luttant contre la pollution de l'air et le bruit. L'État devait s'engager à diminuer la pollution à Genève à travers des mesures efficaces au bénéfice de toute la population.

18) a. Le 30 octobre 2017, le service des votations et élections (ci-après : SVE) a validé le formulaire de récolte des signatures.

b. Le même jour, le lancement de l'IN 169 a été publié dans la FAO avec un délai de récolte des signatures échéant au 1er mars 2018, date à laquelle l'IN 169 a été déposée au SVE munie de 6'353 signatures.

19) Par arrêté du 9 mai 2018, publié dans la FAO du 11 mai 2018, le Conseil d'État a constaté l'aboutissement de l'IN 169 et a fixé les délais de traitement de celle-ci.

20) a. Le 15 juin 2018, l'OFEV et l'office fédéral des routes (ci-après : OFROU) se sont prononcés sur l'IN 169.

L'art. 13A al. 1 IN 169 ne portait pas atteinte au droit fédéral de l'environnement, les délais fixés entrant dans le cadre déterminé par les dispositions de l'OPair. L'al. 2 était également conforme au droit fédéral, le Conseil d'État étant chargé d'adopter un plan de mesures. Les mesures proposées de modération de la circulation motorisée, d'introduction de régime différencié pour les véhicules motorisés, où les véhicules les plus respectueux de l'environnement étaient favorisés avaient un caractère général pour demeurer dans le cadre du droit fédéral. Il revenait à l'autorité cantonale d'exécution de présenter son plan de mesures au Conseil fédéral si elle entendait adopter des mesures qui étaient de la compétence de la Confédération. L'al. 3 était également compatible avec le droit fédéral, l'adoption de mesures supplémentairesdevait se faire dans le respect du principe de la proportionnalité. Les mesures relatives à l'information, aux transports publics et à des régimes différenciés, prévues à l'al. 4, ne portaient pas atteinte au droit fédéral de l'environnement. Le choix des mesures en cas d'immissions excessives était laissé aux cantons en application de l'art. 32 al. 2 let. b OPair. En revanche, la limitation de la vitesse à 80 km/h dans tout le canton n'était pas conforme au droit fédéral. Il revenait à l'OFROU la compétence de réduire la vitesse sur les routes nationales (art. 108 al. 2 let. d de l'ordonnance fédérale sur la signalisation routière du 5 septembre 1979 - OSR - RS 741.21).

b. Le 12 juillet 2018, le comité d'initiative s'est également déterminé sur l'IN 169.

L'OFEV avait estimé l'art. 13A al. 1 à 3 IN 169 conforme au droit fédéral. En outre, lors de la pesée des intérêts dictée par le respect du principe de la proportionnalité, les enjeux de santé publique devaient être mis en balance avec le dispositif des mesures prévues. De plus, la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00) prévoyait un droit à un environnement sain. La limitation de la vitesse à 80 km/h sur tout le canton nécessitait une décision concrète de l'autorité au cas par cas. Ce type de mesures était proportionné et efficace. Cependant, l'invalidation de cette mesure de limitation de la vitesse n'affectait pas le contenu de l'IN 169, les électeurs pouvant appuyer celle-ci sans cette mesure-là.

21) Par arrêté du 5 septembre 2018, publié dans la FAO du 7 septembre 2018, le Conseil d'État a invalidé partiellement l'IN 169, la mesure « la vitesse est limitée à 80 km/h sur tout le canton » étant supprimée de l'art. 13A al. 4. Il l'a déclarée valide pour le surplus et l'a transmise au Grand Conseil pour traitement.

L'IN 169 respectait l'unité du genre et celle de la matière. De plus, elle respectait le principe de la clarté et était exécutable.

L'information prévue sur la pollution et ses conséquences potentielles sur la santé par une communication spontanée et régulière au public de données actualisées sur les niveaux de pollution de l'air de chaque secteur statistique, de chaque commune et à proximité des infrastructures d'importance n'outrepassait pas la compétence du canton, celui-ci pouvant agir dans le domaine, la Confédération ayant fait usage de la sienne en édictant des ordonnances en matière de protection de l'air et de protection contre le bruit.

L'art. 13A al. 1 IN 169 fixait un échéancier contraignant permettant d'aboutir au respect des VLI prévues par le droit fédéral. Une marge de manoeuvre était laissée aux autorités cantonales quant à la fixation des délais d'assainissement. Les délais fixés par cette disposition s'inscrivaient dans les prérogatives des cantons. L'art. 13A al. 2 IN 169 fixait un catalogue de mesures exemplatives d'assainissement et s'inscrivait dans l'application du droit fédéral. L'art. 13A al. 3 IN 169 s'interprétait comme mettant en exécution la procédure prévue par le droit fédéral, soit l'établissement d'un plan des mesures au vu de la compétence d'exécution reconnue aux cantons. La fixation des délais plus courts était envisageable.

L'art. 13A al. 1 à 3 IN 169 pouvait ainsi être interprété de manière conforme au droit fédéral.

Les mesures de diffusion de l'information (a), de gratuité des transports publics et de renforcement ponctuel de l'offre (b) et d'adaptation des régimes différenciés aux données actualisées des niveaux de pollution (d) de l'art. 13A al. 4 IN 169 à prendre en cas de dépassement des seuils d'immissions étaient conformes au droit fédéral.

L'IN 169 ne contenait pas de disposition portant atteinte aux droits fondamentaux et respectait la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) ; elle respectait le droit international, notamment les différents accords visant à réduire les gaz à effets de serre et le Pact'Air. Elle était également conforme au droit cantonal supérieur.

S'agissant de la limitation de vitesse à 80 km/h sur tout le canton (let. c), la Confédération avait la compétence de légiférer en matière de circulation routière. L'IN 169 ne précisait pas la durée de cette limitation de vitesse. Or, la police pouvait prendre des mesures pour une durée limitée de huit jours, au-delà, la compétence revenait à l'OFROU. Les cantons ne pouvaient pas mettre en oeuvre cette prescription par le biais d'une norme générale et abstraite sans violer le droit fédéral. Seule la voie de la décision par la police pouvait être envisagée. La let. c de l'art. 13A al. 4 IN 169 était ainsi contraire au droit fédéral. Elle devait dès lors être invalidée et la phrase « la vitesse est limitée à 80 km/h sur tout le canton » supprimée.

Les conditions de validité de l'IN 169 étaient donc réalisées, sauf pour l'art. 13A al. 4 let. c qui devait être invalidé. Malgré son invalidation partielle, l'IN 169 conservait un sens et permettait de poursuivre son but de préservation de la santé de la population par des mesures de lutte contre la pollution de l'air et de protection contre le bruit.

22) Le même jour, le Conseil d'État a déposé au Grand Conseil son rapport sur la prise en considération de l'IN 169 (ci-après : IN 169-A). Outre ce qu'il avait déjà indiqué dans l'arrêté de validation de l'IN 169, il a précisé ce qui suit.

a. L'IN 169 demandait au canton de prendre des mesures en matière de protection de l'air et de lutte contre le bruit et d'introduire des dispositions spécifiques afin de protéger la santé de la population genevoise. Elle prévoyait d'introduire dans la LaLPE une disposition permettant de communiquer régulièrement et de manière détaillée à la population les données actualisées sur les niveaux de pollution et les risques liés à la santé. La plupart des dispositions proposées par l'IN 169 figurait dans les stratégies élaborées par le Conseil d'État en matière de protection de l'air et celle de l'électromobilité. Le canton s'était doté de documents stratégiques à long terme.

b. L'IN 169-A a été renvoyé en commission de l'environnement et de l'agriculture le 20 septembre 2018.

23) Le 26 mars 2019, la commission de l'environnement et de l'agriculture a rendu son rapport sur l'IN 169 (ci-après : IN 169-B) et a accepté celle-ci.

Pour les membres de la commission, il n'était pas souhaitable de proposer un contre-projet. L'IN 169 était raisonnable et applicable, sauf en ce qui concernait la mesure de limitation de la vitesse à 80 km/h sur les routes nationales.

24) Le 9 avril 2019, le Grand Conseil a accepté l'IN 169 et a adopté la loi modifiant la LaLPE émanant de celle-ci.

La loi adoptée avait la teneur suivante :

Article unique. Modifications

La loi d'application de la loi fédérale sur la protection de l'environnement, du 2 octobre 1997, est modifiée comme suit :

 

Art. 7, al. 2 (nouveau, les al. 2 et 3 anciens devenant les al. 3 et 4)

2 Il communique spontanément et régulièrement au public les données actualisées sur les niveaux de pollution de l'air et les risques liés à la santé de chaque secteur statistique, de chaque commune ainsi qu'à proximité des infrastructures d'importance.

Art. 13A Amélioration de la qualité de l'air (nouveau)

1 L'État est tenu d'atteindre en tous points du territoire les objectifs suivants en ce qui concerne les valeurs limites annuelles d'immission fixées par la législation fédérale sur la protection de l'environnement :

a)       d'ici 2020, un dépassement maximum des valeurs de 20 % ;

b)       d'ici 2025, un dépassement maximum des valeurs de 10 % ;

c)       d'ici 2030, le respect des valeurs.

Mesures d'assainissement

2 Le Conseil d'État fixe les mesures à prendre par le canton et, conformément à la constitution et à la loi, par les communes et les institutions de droit public, notamment la modération de la circulation motorisée, l'introduction de régimes différenciés pour les véhicules motorisés, où les véhicules les plus respectueux des normes environnementales sont favorisés, l'installation de systèmes de chauffage plus efficients, l'assainissement des bâtiments et la réduction des émissions des chantiers, de l'industrie et de l'aéroport.

3 Lorsque les mesures prises ne permettent pas d'atteindre le respect des valeurs limites d'immission, le Conseil d'État définit et met en oeuvre, dans un délai de 6 mois, des mesures supplémentaires, en recourant notamment à la limitation de l'utilisation de certaines installations, dans le respect du droit fédéral.

Mesures urgentes

4 Lorsque la concentration de dioxyde d'azote excède 80 microgrammes par mètre cube, en moyenne par 24 heures, depuis 1 jour, à l'une ou l'autre des stations de mesure de la pollution de l'air cantonales ;

ou la concentration d'ozone excède 180 microgrammes par mètre cube en moyenne horaire à l'une ou l'autre des stations de mesures de la pollution de l'air cantonales pendant 3 heures consécutives ;

ou la concentration de poussières fines en suspension dont le diamètre aérodynamique est inférieur à 10 micromètres (PM10) excède 50 microgrammes par mètre cube, en moyenne par 24 heures, depuis 1 jour, à l'une ou l'autre des stations de mesure cantonales :

-          le Conseil d'État diffuse spontanément l'information sur cette pollution et ses conséquences potentielles sur la santé aux personnes vivant et travaillant à proximité de la station ou des stations de mesures concernées, incluant les moyens d'action des habitantes et habitants ;

-          les transports publics sont rendus gratuits et l'offre ponctuellement renforcée ;

-          les régimes différenciés sont adaptés aux données actualisées des niveaux de pollution.

 

Art. 15A Protection contre le bruit (nouveau, les art. 15A et 15B anciens devenant les art. 15B et 15C)

1 Afin de faire respecter les valeurs limites d'immission, le Conseil d'État entreprend des mesures structurelles sur la source des nuisances, en particulier les travaux sur la voirie, l'orientation du choix de motorisation des véhicules, les chantiers et l'industrie.

2 Lorsque des dépassements des valeurs limites d'immission du bruit fixées par la législation fédérale sur la protection de l'environnement sont constatés, afin de limiter à la source les émissions bruyantes, le Conseil d'État définit et met en oeuvre, dans un délai de 6 mois, des mesures supplémentaires, dont en particulier des contrôles de véhicules bruyants et la limitation de l'utilisation de certaines installations, dans le respect du droit fédéral.

25) Par arrêté du 17 avril 2019, publié dans la FAO du 24 avril 2019, le Conseil d'État a publié la loi précitée.

La loi pouvait faire l'objet d'un référendum facultatif dont le délai référendaire était fixé au 3 juin 2019. Aucun référendum n'a été lancé contre celle-ci.

Par arrêté du 5 juin 2019, publié dans la FAO du 7 juin 2019, le Conseil d'État a promulgué la loi précitée. La loi est entrée en vigueur le 8 juin 2019.

26) Par acte expédié le 8 juillet 2019, enregistré sous le numéro de cause A/2610/2019, MM. A______ et B______, ASTAG-Genève et TCS-Genève ont recouru contre la loi précitée auprès de la chambre constitutionnelle, concluant préalablement à la jonction des causes nos A/789/2019 et A/2610/2019 et principalement à l'annulation des termes « l'introduction de régimes différenciés pour les véhicules motorisés, où les véhicules les plus respectueux des normes environnementales sont favorisés » de l'art. 13A al. 2 LaLPE et des termes « les régimes différenciés sont adaptés aux données actualisées des niveaux de pollution » de l'art. 13A al. 4 in fine LaLPE. Subsidiairement, ils ont conclu à ce que l'art. 13A al. 4 LaLPE soit amendé comme suit « Lorsque la concentration de dioxyde d'azote excède 120 microgrammes par mètre cube [ci-après : µg/m3], en moyenne par 24 heures, depuis 1 jour, à l'une ou l'autre des stations de mesure de la pollution de l'air cantonales ; ou la concentration d'ozone excède 180 µg/m3 en moyenne horaire à l'une ou l'autre des stations de mesures de la pollution de l'air cantonales pendant 3 heures consécutives ; ou la concentration de poussières fines en suspension dont le diamètre aérodynamique est inférieur à 10 micromètres (PM10) excède 75 µg/m3, en moyenne par 24 heures, depuis 1 jour, à l'une ou l'autre des stations de mesure cantonales : ... ».

La fixation légale de valeurs d'intervention cantonales à hauteur des valeurs seuils d'immissions de l'OPair pour les NO2 et les PM10 violait la répartition constitutionnelle des compétences législatives entre la Confédération et le canton, celui-ci empiétant sur le domaine régi par la loi fédérale sur la protection de l'environnement du 7 octobre 1982 (LPE - RS 814.01) et l'OPair. La création de « zones environnementales » pérennes pour exclure de la circulation dans certains secteurs les véhicules qui ne présentaient pas des performances environnementales élevées, et le régime de « circulation différenciée » en période de « pics de pollution » violaient la primauté du droit fédéral, le canton empiétant sur la matière exhaustivement régie par la LCR et ses ordonnances d'application.

Dans le domaine de la protection de l'environnement, la Confédération bénéficiait d'une compétence législative globale et concurrente. La Cst. lui attribuait un mandat de légiférer dans le domaine. La mise en oeuvre et l'application des dispositions fédérales étaient de la compétence des cantons. La Confédération avait concrétisé son mandat législatif en élaborant la LPE et ses ordonnances d'exécution. L'OPair avait concrétisé la prévention des émissions et la lutte contre les immissions dues aux pollutions atmosphériques. Elle réglait les questions abordées par les dispositions attaquées.

Les cantons pouvaient définir des valeurs d'intervention en se référant à des niveaux de pollution qui devaient être supérieurs aux VLI fédérales. Selon un arrêt de principe du Tribunal fédéral, seule une valeur d'intervention se situant 1,5 fois au-dessus des VLI fédérales était admissible.

Dans le domaine de la circulation routière, la Confédération était seule compétente pour ordonner des limitations à la circulation des véhicules automobiles et des cycles applicables à tout le territoire national, sans devoir les matérialiser par des panneaux. Elle était également la seule à pouvoir mettre en place un instrumentarium valable sur tout le territoire suisse permettant aux cantons de créer des zones environnementales en fonction de leurs besoins et instaurer le régime de vignette écologique correspondant. Elle avait néanmoins renoncé à le faire. L'absence de signaux à ces zones environnementales au niveau fédéral empêchait de signaliser une interdiction de circuler par zones basée sur des vignettes écologiques et partant de créer des zones environnementales pérennes ou temporaires. Le droit fédéral réglait de manière exhaustive la limitation des émissions des véhicules et garantissait aux véhicules admis à la circulation de pouvoir circuler dans l'ensemble de la Suisse même si les normes antipollution avaient été renforcées ultérieurement. En instaurant un régime différencié de circulation en fonction des performances environnementales des véhicules, le canton empiétait sur la compétence de la Confédération. Les normes attaquées visaient la mise en place de zones environnementales et une identification des véhicules au moyen de vignettes écologiques.

L'introduction d'une vignette environnementale à apposer sur tous les véhicules circulant sur une partie du territoire genevois empiétait également sur les compétences exclusives de la Confédération. Le régime de la LaLPE d'équiper les véhicules d'un macaron inconnu du droit fédéral, basé sur une catégorisation de véhicules à établir et qui serait propre au seul canton de Genève était contraire au droit fédéral. Le principe de la circulation différenciée selon la performance du véhicule en termes d'émissions n'avait pas sa place dans le droit cantonal.

27) Le 30 septembre 2019, le Grand Conseil a conclu au rejet du recours.

Il ne s'opposait pas à la jonction des causes nos A/786/2019 et A/2610/2019 qui étaient liées. L'interprétation de la L 12196 était en corrélation avec celle de la loi issue de l'IN 169, les dispositions de celle-ci venant éclairer certains aspects de celle-là.

La question de la conformité de la loi attaquée au droit supérieur avait été examinée par le Conseil d'État lors de l'examen de la validité de l'IN 169. L'arrêté validant l'IN 169 n'ayant pas été attaqué par un recours, il se posait la question de savoir si une remise en cause subséquente de cette conformité par un recours contre la loi adoptée était admissible, le texte voté par le Grand Conseil étant en tout point identique à celui de l'IN 169 validé par le Conseil d'État.

Le dispositif de lutte en cas de pics de pollution atmosphérique prévu par la loi contestée, soit une limitation de circulation temporaire pour les véhicules les plus polluants lors de situations de « smogs » estival et hivernal répondait aux problèmes environnementaux et de santé publique du canton. Celui-ci était tenu de prendre des mesures urgentes quand les mesures préventives ne permettaient pas d'éviter la péjoration de la pollution durant quelques jours consécutifs. Le dispositif respectait la législation sur la circulation routière, les mesures temporaires de la circulation adoptées au niveau cantonal étant conformes au droit fédéral.

La circulation différenciée en cas de pics de pollution constituait le coeur du dispositif mis en place. Elle faisait référence à un système de restriction de la circulation en fonction des performances environnementales des véhicules. Les véhicules les plus polluants étaient concernés par les restrictions de circulation. Selon le Conseil fédéral, le canton pouvait introduire une vignette écologique et des restrictions temporaires de circulation à Genève. Il avait la possibilité de signaliser, à certaines conditions, des interdictions de circuler sur certaines routes. La Confédération devait autoriser une étiquette écologique permettant aux cantons de mettre en oeuvre une éventuelle interdiction de circuler. Selon l'OFEV, les zones environnementales constituaient une mesure adéquate pour améliorer de façon significative la qualité de l'air localement.

Les recourants ne s'opposaient pas à un dispositif de modération de la circulation motorisée, mais uniquement à la mesure de circulation différenciée en fonction des performances environnementales des véhicules pour la mise en oeuvre du dispositif.

Ils n'invoquaient aucune norme légale de la LPE violée dans le déclenchement du dispositif contesté en cas de dépassement de valeurs identiques aux VLI OPair des NO2 et PM10. Les connaissances scientifiques actuelles ne liaient les atteintes à la santé à aucun seuil de dépassement des PM10. Un dépassement même simple des seuils provoquait un impact négatif grave sur la santé.

La LCR n'était pas violée. Les cantons gardaient une compétence de légiférer de manière complémentaire à la législation fédérale pour une restriction dont la portée géographique était limitée. Aucune norme n'excluait la compétence des cantons pour adopter un système de vignettes pour leur propre territoire. La signalisation et le marquage étaient au demeurant de la compétence des cantons. L'art. 5 LCR imposait aux cantons de prévoir un signalement de toute prescription ou limitation relative à la circulation des véhicules par des signaux et des marques lorsqu'elle ne s'appliquait pas à tout le territoire suisse. Les cantons étaient compétents lorsque l'interdiction n'était pas générale ou lorsque les restrictions cantonales étaient matérialisées par des panneaux sur le réseau routier. Le dispositif en cause n'entraînait aucune interdiction générale de circuler et était matérialisé par des panneaux sur le réseau routier.

Le régime de la vignette écologique était conforme à la répartition de compétence entre la Confédération et les cantons. La souveraineté sur les routes demeurait aux cantons, pour tout ce qui n'était pas placé dans la compétence de la Confédération en matière de circulation routière. Le canton était compétent pour adopter le dispositif prévu sur la base de l'art. 3 al. 3 LCR. Le dispositif contesté ne concernait pas les routes qui étaient ouvertes au grand transit. Cette disposition n'imposait en outre aucune limitation quant aux motifs de la restriction. La renonciation du Conseil fédéral à l'adoption d'une vignette écologique au plan fédéral n'impliquait pas une absence de compétence des cantons dans le domaine. Le dispositif prévu n'était pas contraire à l'art. 3 al. 6 LCR.

Le dispositif prévu ne violait pas non plus l'art. 8 LCR. Les cantons étaient souverains en matière de routes. Ils conservaient la liberté de restreindre la circulation pour des raisons environnementales. Le dispositif attaqué n'était pas une obligation pour tous les véhicules circulant sur le territoire genevois. Tous les véhicules n'étaient pas tenus d'être munis d'un macaron. Les véhicules seraient impropres à la circulation sans macaron uniquement dans une situation exceptionnelle, dans un certain périmètre restreint du canton et uniquement les jours où la mesure s'appliquait. Chaque détenteur d'un véhicule était libre de se munir d'un macaron ou non.

28) Par arrêté du 22 janvier 2020, publié dans la FAO du 23 janvier 2020, le département des infrastructures a, sur la base des art. 13A al. 4 et 15D à 15J LaLPE et 8 du règlement régissant le dispositif d'urgence en cas de pics de pollution atmosphérique (RPics - K 1 70.09), déclenché un niveau d'alerte 1 du dispositif d'urgence en cas de pics de pollution atmosphérique, compte tenu des prévisions de pic de pollution aux PM10 à Genève. Le département du territoire (ci-après : DT) a fait parvenir aux médias un communiqué de presse, selon lequel la circulation différenciée serait activée dès le 23 janvier 2020. Hors exceptions, seuls les véhicules motorisés arborant le macaron Stick'AIR 0, 1, 2, 3 et 4 étaient autorisés à circuler au centre du canton de Genève entre 06h00 et 22h00. Ces mesures temporaires visaient à protéger la santé de la population en diminuant à la source les émissions de polluants issues du trafic. Le dispositif devait être reconduit ou renforcé en fonction de l'évolution de la situation jusqu'à la fin de l'épisode de pollution.

Par communiqué de presse du 27 janvier 2020, le DT a mis fin à la mesure précitée, la qualité de l'air ayant été estimée revenue à la normale.

Ces deux documents ont été publiés sur le site Internet de l'État de Genève.


Les restrictions de circuler étaient signalisées par le panneau ci-après :

 

29) Par réplique du 28 février 2020 (formée dans les causes nos A/789/2019 et A/2610/2019), MM. A______ et B______, ASTAG-Genève et TCS-Genève ont persisté dans les termes et les conclusions de leurs recours.

30) Le 3 mars 2020, la chambre de céans a transmis au Grand Conseil la réplique de MM. A______ et B______, ASTAG-Genève et TCS-Genève et lui a imparti un délai pour déposer une éventuelle duplique, après quoi la cause serait gardée à juger.

31) Par duplique du 11 mai 2020 (formée dans les causes nos A/789/2019 et A/2610/2019), le Grand Conseil a persisté dans les conclusions de ses observations antérieures en reprenant et en détaillant ses arguments.

32) Par observations spontanées du 29 mai 2020 (formées dans les causes A/789/2019 et A/2610/2019), MM. A______ et B______, ASTAG-Genève et TCS-Genève ont persisté dans les termes et les conclusions de leurs recours.

Les cantons n'avaient pas une compétence indépendante pour adopter ou créer des plaques complémentaires en dehors des limites du droit fédéral. Les autorités genevoises ne démontraient pas avoir soumis et validé auprès de l'OFROU pour autorisation ou essai les nouveaux symboles ou pictogrammes utilisés à titre d'indications complémentaires inconnus du droit fédéral. Si la portée du dispositif légal attaqué excluait son interprétation extensive au profit d'un régime pérenne, ils renonçaient aux griefs développés au sujet de l'institution du régime de circulation différenciée comme mesure d'assainissement, soit visant à introduire un régime pérenne de circulation différenciée et une mesure urgente destinée à instituer un régime de circulation différenciée applicable en cas de pics de pollution.

33) Le 12 juin 2020, la chambre de céans a communiqué au Grand Conseil les observations spontanées précitées et a rappelé que la cause était gardée à juger.

34) Par observations spontanées du 25 juin 2020 (formées dans les causes nos A/789/2019 et A/2610/2019), le Grand Conseil a persisté dans ses conclusions antérieures. Celles-ci ont été transmises à MM. A______ et B______, ASTAG-Genève et TCS-Genève le 2 juillet 2020.

EN DROIT

1) Les parties recourantes sollicitent préalablement la jonction des causes nos A/789/2019 et A/2610/2019 dans un souci de cohérence et d'économie de procédure. Le Grand Conseil ne s'est pas opposé à cette jonction, estimant que les deux causes étaient liées.

a. Sur la base de l'art. 70 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), l'autorité peut, d'office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune.

b. En l'espèce, les causes nos A/789/2019 et A/2610/2019 se rapportent certes à deux modifications législatives différentes de la LaLPE. Toutefois, comme le soutient le Grand Conseil, l'interprétation de la L 12196 faisant l'objet du premier recours est en corrélation avec celle de la loi issue de l'IN 169, attaquée par le second recours, les dispositions de celle-ci venant éclairer certains aspects de celle-là notamment sur la notion de circulation différenciée. Pour les parties recourantes, les deux causes s'inscrivent dans un même complexe factuel et juridique. Il existe en outre une identité dans les griefs soulevés par les parties recourantes qui, dans les deux causes, portent sur la violation du principe de la primauté du droit fédéral par les normes cantonales introduites, soit sur la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons en matière de protection de l'environnement et de circulation routière. Certes, le second recours comporte un recourant qui ne figure pas dans le premier. Toutefois, les parties ont unanimement adhéré au principe de la jonction des deux causes. Il n'y a par ailleurs pas d'intérêt public ou privé qui s'opposerait à une telle jonction. La jonction favorise en outre l'économie de procédure (arrêts du Tribunal fédéral 1B_234/2019, 1B_235/2019 du 6 février 2020 consid. 1).

Ainsi, la jonction des causes nos A/789/2019 et A/2610/2019 sera prononcée sous le numéro de cause A/789/2019.

2) a. La chambre constitutionnelle est l'autorité compétente pour contrôler, sur requête, la conformité des normes cantonales au droit supérieur (art. 124 let. a Cst-GE. Selon la législation d'application de cette disposition, il s'agit des lois constitutionnelles, des lois et des règlements du Conseil d'État (art. 130B al. 1 let. a de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

b. En l'espèce, les recours sont formellement dirigés contre des dispositions d'une loi cantonale. La chambre constitutionnelle est par conséquent compétente pour connaître les présentes causes.

3) Les recours ont été interjetés en temps utile à compter de la promulgation des lois attaquées, qui a eu lieu par arrêté du Conseil d'État publié dans la FAO respectivement des 25 janvier et 24 avril 2019 (art. 62 al. 1 let. d et al. 3 LPA). Ils sont donc recevables de ce point de vue.

4) a. A qualité pour recourir toute personne touchée directement par une loi constitutionnelle, une loi, un règlement du Conseil d'État ou une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce que l'acte soit annulé ou modifié (art. 60 al. 1 let. b LPA). Cette disposition-ci formule de la même manière la qualité pour recourir contre un acte normatif et en matière de recours ordinaire. Elle ouvre ainsi largement la qualité pour recourir, tout en évitant l'action populaire, dès lors que le recourant doit démontrer qu'il est susceptible de tomber sous le coup de la loi constitutionnelle, de la loi ou du règlement attaqué (ACST/22/2019 du 8 mai 2019 consid. 3a et la référence citée).

b. En application de l'art. 111 al. 1 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le droit cantonal ne peut pas définir la qualité de partie devant l'autorité qui précède immédiatement le Tribunal fédéral de manière plus restrictive que ne le fait l'art. 89 LTF. Aux termes de cette disposition, a qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (al. 1 let. a), est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué (al. 1 let. b) et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (al. 1 let. c).

Lorsque le recours est dirigé contre un acte normatif, la qualité pour recourir est conçue de manière plus souple et il n'est pas exigé que le recourant soit particulièrement atteint par l'acte entrepris. Ainsi, toute personne dont les intérêts sont effectivement touchés par l'acte attaqué ou pourront l'être un jour a qualité pour recourir ; une simple atteinte virtuelle suffit, à condition toutefois qu'il existe un minimum de vraisemblance que le recourant puisse un jour se voir appliquer les dispositions contestées (ATF 145 I 26 consid. 1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_752/2018 du 29 août 2019 consid. 1.2).

La qualité pour recourir suppose en outre un intérêt actuel à obtenir l'annulation de l'acte entrepris, cet intérêt devant exister tant au moment du dépôt du recours qu'au moment où l'arrêt est rendu (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1 ; ACST/22/2019 précité consid. 3b).

c. Une association ayant la personnalité juridique est habilitée à recourir soit lorsqu'elle est intéressée elle-même à l'issue de la procédure, soit lorsqu'elle sauvegarde les intérêts de ses membres. Dans ce dernier cas, la défense des intérêts de ses membres doit figurer parmi ses buts statutaires et la majorité de ceux-ci, ou du moins une grande partie d'entre eux, doit être personnellement touchée par l'acte attaqué (ATF 142 II 80 consid. 1.4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_642/2018 du 29 mars 2019 consid. 1.2).

d. En l'espèce, les personnes physiques recourantes sont domiciliées à Genève, où elles exercent des activités lucratives et sont détentrices de véhicules automobiles répondant à la norme Euro 2 qu'elles allèguent utiliser pour leurs déplacements professionnels ou privés. Elles sont dès lors directement concernées par les dispositions litigieuses, qui s'appliquent à leur situation dans la mesure où elles pourraient être amenées à circuler dans la zone d'interdiction prévue en cas de pic de pollution. Les associations recourantes ont, s'agissant d'ASTAG-Genève, pour but notamment de développer et de représenter les intérêts de ses membres sur le plan économique, politique et juridique et, du TCS-Genève, de sauvegarder et promouvoir les droits et les intérêts généraux de ses sociétaires en matière de conception de la circulation routière et des véhicules routiers. La question de savoir si la plupart de leurs membres possèdent des véhicules de sorte qu'ils pourraient être touchés par les restrictions de circuler contestées peut souffrir de demeurer indécise dans la mesure où les recours sont de toute manière recevables en tant qu'ils sont interjetés par les personnes physiques susmentionnées.

Les recours sont ainsi également recevables de ce point de vue.

5. Selon le Grand Conseil, la question de la conformité de la loi attaquée au droit supérieur a été examinée par le Conseil d'État lors de l'examen de la validité de l'IN 169. L'arrêté validant l'IN 169 n'ayant pas été attaqué par un recours, il se pose la question de savoir si une remise en cause subséquente de cette conformité par un recours contre la loi adoptée était admissible, le texte voté par le Grand Conseil étant en tout point identique à celui de l'IN 169 validé par le Conseil d'État.

Il appartient au droit cantonal d'instituer le contrôle de la validité des initiatives populaires. Le droit fédéral n'oblige pas, en particulier, les autorités cantonales à examiner leur conformité au droit supérieur. Il ne confère pas non plus au citoyen le droit d'exiger que seules les initiatives conformes à l'ordre juridique supérieur soient soumises au vote du peuple. Pour le Tribunal fédéral, la finalité du recours pour violation des droits politiques consiste à protéger l'électeur dans sa fonction d'organe partiel de l'État (ATF 128 I 190 consid. 1.2 ; 124 I 107 consid. 5 ; 114 Ia 267 consid. 3 ; Andreas AUER/ Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. I, 3ème éd. 2013, p. 285).

Il apparaît ainsi que l'absence de recours contre l'arrêté de validation de l'IN 169 ne prive pas les recourants de la possibilité d'attaquer la loi contestée pour vérifier sa conformité au droit supérieur.

Les recours sont dès lors recevables sous cet angle également.

6. Pour le reste, les recours respectent les conditions de forme et de contenu prévues par les art. 64 al. 1 et 65 LPA. Ils contiennent en particulier un exposé détaillé des griefs des recourants (art. 65 al. 3 LPA). En revanche, les conclusions ne sont recevables que dans la mesure où, dans le respect de la nature cassatoire du recours en contrôle abstrait des normes, elles tendent à l'annulation des normes contestées (ACST/19/2015 du 15 octobre 2015 consid. 1e ; ACST/17/2015 du 2 septembre 2015 consid. 26b ; ACST/12/2015 du 15 juin 2015 consid. 4c ; Arun BOLKENSTEYN, Le contrôle des normes, spécialement par les cours constitutionnelles cantonales, 2014 Berne, p. 337 s.). Les conclusions formées dans le recours du 25 février 2019 (cause n° A/789/2019) ainsi que la conclusion principale prise dans le recours du 8 juillet 2019 (cause n° A/2610/2019) sont partant recevables. La conclusion subsidiaire formée dans le recours du 8 juillet 2019 (cause n° A/2610/2019) est en revanche irrecevable dans la mesure où les recourants demandent à la chambre constitutionnelle de modifier la loi cantonale en substituant, à l'art. 13A al. 4 LaLPE, la valeur de « 80 » µg/m3 pour les dioxydes d'azote par celle de « 120 » et la valeur de « 50 » µg/m3 pour les particules fines par celle de « 75 ».

7. À l'instar du Tribunal fédéral, la chambre constitutionnelle, lorsqu'elle se prononce dans le cadre d'un contrôle abstrait des normes, s'impose une certaine retenue et n'annule les dispositions attaquées que si elles ne se prêtent à aucune interprétation conforme au droit ou si, en raison des circonstances, leur teneur fait craindre avec une certaine vraisemblance qu'elles soient interprétées ou appliquées de façon contraire au droit supérieur. Pour en juger, il lui faut notamment tenir compte de la portée de l'atteinte aux droits en cause, de la possibilité d'obtenir ultérieurement, par un contrôle concret de la norme, une protection juridique suffisante et des circonstances dans lesquelles ladite norme serait appliquée. Le juge constitutionnel doit prendre en compte dans son analyse la vraisemblance d'une application conforme - ou non - au droit supérieur. Les explications de l'autorité sur la manière dont elle applique ou envisage d'appliquer la disposition mise en cause doivent également être prises en considération. Si une réglementation de portée générale apparaît comme défendable au regard du droit supérieur dans des situations normales, telles que le législateur pouvait les prévoir, l'éventualité que, dans certains cas, elle puisse se révéler inconstitutionnelle ne saurait en principe justifier une intervention du juge au stade du contrôle abstrait (ATF 145 I 26 consid. 1.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_752/2018 précité consid. 2 ; ACST/22/2019 précité consid. 4).

8. Le litige porte sur la conformité au droit supérieur de la loi cantonale mettant en place un régime de circulation différenciée dans la zone de la moyenne ceinture routière genevoise en cas de pics de pollution à l'O3, au NO2 et aux PM10, dispositif basé sur un système de macarons attribués selon le critère de la performance environnementale des véhicules.

9. Les recourants se plaignent d'abord d'une violation du principe de la primauté du droit fédéral. Ils soutiennent que les dispositions litigieuses seraient contraires à la répartition constitutionnelle et légale des compétences en matière, d'une part, de protection de l'environnement et, d'autre part, de circulation routière.

Selon l'art. 49 al. 1 Cst., le droit fédéral prime le droit cantonal qui lui est contraire. Il en découle qu'en matière de droit public, dans les domaines dans lesquels le législateur fédéral a légiféré mais pas de façon exhaustive, les cantons ont la compétence d'édicter des dispositions dont les buts et les moyens convergent avec ceux que prévoit le droit fédéral. Le principe de la primauté du droit fédéral fait en revanche obstacle à l'adoption ou à l'application de règles cantonales qui éludent les prescriptions du droit fédéral ou qui en contredisent le sens ou l'esprit, notamment par leur but ou par les moyens qu'elles mettent en oeuvre, ou encore qui empiètent sur des matières que le législateur fédéral a réglementées de façon exhaustive (ATF 142 II 369 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_300/2019 du 31 janvier 2020 consid. 4.1 ; 2C_1034/2017 du 16 mai 2019 consid. 4.1). L'exhaustivité de la législation fédérale constitue donc le critère principal pour déterminer l'existence d'un conflit avec une règle cantonale (ATF 140 V 574 consid. 5.1 ; 140 I 277 consid. 4.1 ; 140 I 218 consid. 5.1).

Les rapports entre compétences fédérales et cantonales se modifient au moment où la Confédération, se fondant sur la disposition constitutionnelle, fait usage de la compétence que celle-ci lui attribue. Elle le fait en principe sous forme de lois fédérales, conformément à l'art. 164 al. 1 let. e Cst. Ces dernières ont pour effet de restreindre la compétence des cantons, en tant que ceux-ci ne peuvent pas adopter ou appliquer de règles qui vont à l'encontre du sens ou de l'esprit de la législation fédérale. L'adoption d'une loi fédérale dans un domaine qui ressortit à une compétence fédérale ne signifie toutefois pas nécessairement que toute compétence cantonale disparaît, que toute législation cantonale est impossible. Le plus souvent, la législation fédérale est en effet partielle, incomplète, laissant aux règles cantonales le soin d'occuper les espaces non couverts, de combler les lacunes, lesquelles peuvent être plus ou moins importantes. Des compétences cantonales provisoires peuvent donc subsister (Andreas AUER/ Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, vol. I, op. cit., p. 361).

Savoir si un acte législatif fédéral est exhaustif est une question d'interprétation. Il faut rechercher si l'acte entend englober toute la matière sur laquelle il porte ou s'il a délibérément abandonné aux cantons le soin d'édicter les textes complémentaires qui pourraient leur paraître nécessaires au regard de leur situation propre. Même si la législation fédérale est considérée comme exhaustive dans un domaine donné, une loi cantonale peut subsister dans le même domaine, en particulier si elle poursuit un autre but que celui recherché par le droit fédéral. En outre, même si, en raison du caractère exhaustif de la législation fédérale, le canton ne peut plus légiférer dans une matière, il n'est pas toujours privé de toute possibilité d'action. Ce n'est que lorsque la législation fédérale exclut toute réglementation dans un domaine particulier que le canton perd toute compétence pour adopter des dispositions complétives, quand bien même celles-ci ne contrediraient pas le droit fédéral ou seraient même en accord avec celui-ci (ATF 145 IV 10 consid. 2.1 ; 143 I 403 consid. 7.1 ; 143 I 109 consid. 4.2.2 ; 140 I 218 consid. 5.1 ; 138 I 435 consid. 3.1).

10. Les recourants soutiennent en premier lieu que la fixation légale de valeurs d'intervention cantonales à hauteur des valeurs seuils d'immissions prévues par l'OPair pour les NO2 et les PM10 viole la répartition constitutionnelle des compétences législatives entre la Confédération et les cantons. En cela, l'art. 13A al. 4 LaLPE empiète sur le domaine fédéral régi par la LPE et l'OPair.

a. La Confédération légifère sur la protection de l'être humain et de son environnement naturel contre les atteintes nuisibles ou incommodantes (art. 74 al. 1 Cst.). L'exécution des dispositions fédérales incombe aux cantons dans la mesure où elle n'est pas réservée à la Confédération par la loi (al. 3).

La disposition constitutionnelle précitée ménage à la Confédération une compétence « globale » concurrente, non limitée aux principes (Anne-Christine FAVRE, La constitution environnementale, in Oliver DIGGELMANN/Maya HERTIG RANDALL/Benjamin SCHINDLER [éd.], Droit constitutionnel suisse, vol. III, 2020, p. 2146 ; Christine GUY-ECABERT/Piermarco ZEN-RUFFINEN, L'impact des sports de pleine nature sur l'environnement, les filets de protection mis en place par le droit positif suisse, in Centre de recherches interdisciplinaires en droit de l'environnement, de l'aménagement et de l'urbanisme de l'Université de Limoges, Colloque : Sports de pleine nature et protection de l'environnement, 2000, p. 41-68, p. 47), dotée d'un effet dérogatoire subséquent (Message 1996, FF 1997 I 1, p. 250). Elle lui donne un mandat de légiférer. La mise en oeuvre et l'application des dispositions fédérales de protection de l'environnement est l'affaire des cantons « dans la mesure où elle n'est pas réservée à la Confédération par la loi » (Jean-François AUBERT/Pascal MAHON, Petit commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, 2003, n. 5 ad art. 74 Cst.). Les cantons peuvent continuer à légiférer aussi longtemps que la Confédération ne le fait pas elle-même. La compétence cantonale disparaît dans la mesure où la Confédération exerce sa compétence par l'adoption des lois. L'attribution de l'exécution à la Confédération n'est pas conférée par le droit fédéral en général, mais par des réglementations admises dans une loi fédérale, elle ne pourrait pas l'être dans une simple ordonnance (Message 1996, FF 1997 I 1, p. 229 et 252).

b. La Confédération a concrétisé son mandat législatif en adoptant la LPE, dont le but est de protéger les hommes, les animaux et les plantes, leurs biocénoses et leurs biotopes contre les atteintes nuisibles ou incommodantes, et de conserver durablement les ressources naturelles, en particulier la diversité biologique et la fertilité du sol (art. 1 al. 1 LPE). En vertu de l'art. 11 al. 1 LPE, les pollutions atmosphériques, le bruit, les vibrations et les rayons sont limités par des mesures prises à la source (limitation des émissions). Indépendamment des nuisances existantes, il importe, à titre préventif, de limiter les émissions dans la mesure que permettent l'état de la technique et les conditions d'exploitation et pour autant que cela soit économiquement supportable (al. 2). Les émissions seront limitées plus sévèrement s'il appert ou s'il y a lieu de présumer que les atteintes, eu égard à la charge actuelle de l'environnement, seront nuisibles ou incommodantes (al. 3).

À teneur de l'art. 13 al. 1 LPE, le Conseil fédéral édicte par voie d'ordonnance des VLI applicables à l'évaluation des atteintes nuisibles ou incommodantes. Ce faisant, il tient compte également de l'effet des immissions sur des catégories de personnes particulièrement sensibles, telles que les enfants, les malades, les personnes âgées et les femmes enceintes (al. 2). Les VLI des pollutions atmosphériques sont fixées de manière que, selon l'état de la science et l'expérience, les immissions inférieures à ces valeurs ne menacent pas les hommes, les animaux et les plantes, leurs biocénoses et leurs biotopes (art. 14 let. a LPE), ne gênent pas de manière sensible la population dans son bien-être (art. 14 let. b LPE).

Sont considérées comme excessives les immissions qui dépassent une ou plusieurs des valeurs limites figurant à l'annexe 7 (art. 2 al. 5 OPair). L'annexe 7 à l'OPair, état au 16 avril 2019, a fixé plusieurs VLI. Celles qui sont pertinentes dans les procédures considérées, sont les moyennes horaires. S'agissant du NO2, la VLI est de 80 µg/m3 en moyenne par 24 heures. Cette dernière VLI ne doit pas être dépassée plus d'une fois par année. Pour ce qui est de l'O3, la VLI est de 120 µg/m3 en moyenne horaire, celle-ci ne devant pas être dépassée plus d'une fois par année. En ce qui concerne les PM10, la VLI est de 50 µg/m3 en moyenne par 24 heures, celle-ci ne devant pas être dépassée plus de trois fois par année.

Lors de l'entrée en vigueur de l'OPair, le 1er mars 1986, les VLI précitées étaient les mêmes pour le NO2 et l'O3, alors que celles des PM10 étaient fixées à 70 µg/m3 en moyenne annuelle et à 150 µg/m3, valeur percentile à 95 % de toutes les valeurs moyennes par 24 heures plus petites ou égales à 150 µg/m3 en une année. La modification de l'OPair du 15 décembre 1997, entrée en vigueur le 1er mars 1998, a réduit les VLI des PM10 de 70 µg/m3 à 20 µg/m3 en moyenne annuelle et de 150 µg/m3 à 50 µg/m3, valeur percentile à 95 % en moyenne par 24 heures, une VLI qui ne devait pas être dépassée plus d'une fois par année. Les mises à jour ultérieures de l'OPair notamment du 14 octobre 2015 (RO 2015 4171) et du 11 avril 2018 (RO 2018 1687) n'ont pas apporté de modifications sur les différentes VLI des polluants concernés par les recours.

Les VLI fixées dans l'OPair ont été déterminées sur la base des résultats d'un grand nombre d'études scientifiques relatives aux effets de la pollution atmosphérique. La transposition des résultats ainsi obtenus en VLI conduit à définir deux types de valeurs : sur une courte période et sur une période longue. La valeur « courte » vaut pour les effets aigus (forte concentration sur une période brève), la valeur « longue » pour les effets chroniques (concentration « normale »). Les concentrations des valeurs « longues » sont forcément toujours inférieures aux valeurs « courtes » (OFEV, Les VLI de l'ordonnance sur la protection de l'air, Fiche d'information du 12 juin 2020 ; ci-après : Fiche d'information 2020). Les valeurs « longues » sont les plus significatives en termes de santé publique (Canton du Valais, Annexe au Plan cantonal de mesures pour la protection de l'air du 8 avril 2009, état au 18 juin 2014, p. 6). Les autorités suisses tiennent compte des études les plus récentes sur les effets de la pollution atmosphérique sur l'homme et l'environnement et réexaminent les dispositions légales à la lumière de ces nouveaux acquis. À ce jour, même les travaux les plus récents confirment la justesse des VLI applicables en Suisse. Ces valeurs correspondent aux valeurs qui sont recommandées par les organisations internationales (par exemple l'Organisation mondiale de la santé [ci-après : OMS]) et la commission fédérale de l'hygiène de l'air. D'une façon générale, si les VLI sont respectées, on peut estimer que dans la zone concernée, les immissions n'entraîneront pas d'atteintes nuisibles ou incommodantes. Cependant, les études scientifiques les plus récentes indiquent que, notamment pour les poussières fines, il n'y a pas de seuil d'innocuité pour l'exposition à long terme, où il n'y aurait aucun effet néfaste pour la santé humaine. Cela signifie que toute réduction des concentrations de poussières fines entraîne une amélioration en matière de santé. Le respect des VLI diminue toutefois déjà très fortement les effets néfastes. À l'inverse, à partir du moment où elles sont dépassées, on peut considérer qu'il y a un risque de dommages pour la santé humaine ou pour l'environnement, ce risque étant d'autant plus grave que le dépassement est important. Si ces dommages peuvent être immédiatement visibles, il arrive aussi qu'ils ne soient décelables qu'après une période plus ou moins longue. En tout état de cause, qu'il y ait ou non dommage apparent, tout dépassement des valeurs limites doit être interprété comme une menace pour la santé humaine et pour l'environnement (OFEV, Fiche d'information 2020).

L'art. 36 LPE prévoit que, sous réserve de l'art. 41, l'exécution de la LPE incombe aux cantons. Les cantons disposent d'une compétence en matière notamment de protection contre les immissions en général (François BELLANGER/Valérie DÉFAGO GAUDIN, in Pierre MOOR/ Anne-Christine FAVRE/Alexandre FLÜCKIGER [éd.], Loi sur la protection de l'environnement (LPE), 2010, n. 2.4 ad art. 36 LPE).

D'après l'art. 44a al. 1 LPE, lorsque plusieurs sources de pollutions atmosphériques entraînent des atteintes nuisibles ou incommodantes, ou si de telles atteintes sont à prévoir, l'autorité compétente établit dans un délai fixé un plan de mesures à prendre pour réduire ces atteintes ou pour y remédier (plan de mesures). Les plans de mesures sont contraignants pour les autorités auxquelles les cantons ont confié des tâches d'exécution. Ils distinguent les mesures qui peuvent être ordonnées immédiatement et celles pour lesquelles les bases légales doivent encore être créées (al. 2). Si le plan prévoit des mesures de la compétence de la Confédération, les cantons présenteront leurs propositions au Conseil fédéral (al. 3). Les plans de mesures apparaissent comme des instruments complexes et évolutifs, adaptés à une planification sur une large échelle et à la longue échéance, dans le respect des différents intérêts en présence (arrêt du Tribunal fédéral 1P.238/2000 du 26 janvier 2001 consid. 5a ; Pierre-Louis MANFRINI/Fabienne DÉLÈZE CONSTANTIN, in Pierre MOOR/ Anne-Christine FAVRE/Alexandre FLÜCKIGER [éd.], op. cit., n. 12 p. 7 ad. art. 44a LPE).

D'après l'art. 19 OPair, s'il est établi ou à prévoir que des véhicules ou des infrastructures destinées aux transports provoquent des immissions excessives, on procédera conformément aux art. 31 à 34 OPair. Les cantons surveillent l'état et l'évolution de la pollution de l'air sur leur territoire ; ils déterminent notamment l'intensité des immissions (art. 27 al. 1 OPair). Ils effectuent en particulier des relevés, des mesures et des calculs de dispersion (art. 27 al. 2 phr. 1 OPair). L'autorité apprécie si les immissions mesurées sont excessives (art. 30 OPair). Elle élabore un plan de mesures au sens de l'art. 44a LPE, s'il est établi ou à prévoir que, en dépit de limitations préventives des émissions, des immissions excessives sont ou seront occasionnées par une infrastructure destinée aux transports (art. 31 let. a LPE). Le plan de mesures indique les sources des émissions responsables des immissions excessives (art. 32 al. 1 let. a OPair), l'importance des émissions dégagées par les différentes sources par rapport à la charge polluante totale (let. b), les mesures propres à réduire les immissions excessives ou à y remédier (let. c), l'efficacité de chacune de ces mesures (let. d), les bases légales existantes et celles qui restent à créer pour chacune de ces mesures (let. e). Par mesures au sens de l'al. 1 let. c, il faut entendre pour les installations destinées aux transports, des mesures touchant la construction ou l'exploitation de ces infrastructures ou visant à canaliser ou à restreindre le trafic (art. 32 al. 2 let. b OPair). Les cantons contrôlent régulièrement l'efficacité des mesures et adaptent les plans en cas de besoin. Ils en informent le public (al. 3).

c. Le législateur suisse n'a pas fixé de valeurs d'alerte (ou d'alarme) pour les polluants atmosphériques.

En vertu de l'art. 65 LPE, tant que le Conseil fédéral n'aura pas fait expressément usage de sa compétence d'édicter des ordonnances, les cantons peuvent, après en avoir référé au département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication, édicter leurs propres prescriptions dans les limites de la présente loi (al. 1). Les cantons ne peuvent fixer de nouvelles valeurs d'immission, d'alarme ou de planification, ni arrêter de nouvelles dispositions sur l'évaluation de la conformité d'installations fabriquées en série et sur l'utilisation de substances ou d'organisme. Les prescriptions cantonales existantes ont effet jusqu'à l'entrée en vigueur de prescriptions correspondantes du Conseil fédéral (al. 2).

D'après le message du Conseil fédéral, l'art. 65 al. 1 LPE élargit le principe de la compétence législative concurrente des cantons à l'échelon des ordonnances du Conseil fédéral. Les valeurs d'immission, valeurs d'alarme et valeurs pour la planification sont exclues de la compétence concurrente prévue au 1er alinéa. Pour l'ensemble du pays, il faut disposer de normes unifiées fixant la limite des atteintes nuisibles ou incommodantes (Message relatif à une loi fédérale sur la protection de l'environnement du 31 octobre 1979, FF 1979 III 741, p. 821).

d. Dans un arrêt du 18 décembre 1995 (ATF 121 I 334), le Tribunal fédéral a examiné la validité d'une initiative populaire lucernoise réclamant la mise en oeuvre de diverses mesures de crise en cas de « smog » d'une densité extrême. Ces mesures, échelonnées selon le degré de pollution atteint, comportaient notamment des restrictions de chauffage et de circulation, ainsi que des limitations d'émission et de combustion de matières polluantes. Le Tribunal fédéral a constaté, en premier lieu, que la LPE ne définissait pas les situations de « smog » critiques et, hormis l'art. 16 al. 4 LPE sur l'obligation d'assainir des installations, ne réglait pas les moyens de lutte à court terme dans les cas d'urgence. Les mesures prévues aux art. 31 ss OPair ne poursuivaient pas cet objectif. Elle visait à garantir le respect à moyen et long terme des VLI. Les cantons restaient compétents pour intervenir lorsque les immissions étaient très excessives durant une brève période, en cas de danger immédiat et grave pour la santé, et pouvaient prévoir des instruments appropriés. Cette compétence découlait implicitement de l'art. 11 al. 3 LPE, en relation avec l'art. 1 al. 1 LPE, qui laissait aux cantons une compétence en cas de danger grave et immédiat pour la santé. Elle pouvait également relever de la clause générale de police (consid. 4c). La fixation de valeurs d'intervention pour agir dans des situations de crise pouvait ressortir de la compétence des cantons sur la base de l'art. 65 al. 2 LPE (consid. 12). Le Tribunal fédéral a néanmoins relevé que les valeurs limites d'intervention cantonales devaient être supérieures aux VLI de l'OPair, étant précisé que les critères des art. 13 et 14 LPE ne pouvaient pas servir de référence aux interventions de crise à court terme. D'après la Haute Cour, les seuils des VLI et ceux des valeurs d'intervention répondaient fondamentalement à des questions différentes et avaient des objectifs distincts. L'interdiction de fixer de nouvelles VLI n'affectait pas la compétence des cantons de fixer des valeurs d'intervention, sauf dans les cas dans lesquels la LPE déterminait elle-même de telles valeurs notamment lorsqu'il s'agit d'évaluer l'urgence des rénovations (art. 16 al. 2 et art. 20 LPE ; annexe 3 OPair ; ATF 121 I 334 consid. 12a). Ainsi, en principe, les cantons étaient autorisés, dans le cadre de leurs compétences et sous réserve du principe de proportionnalité, à prendre des mesures à court terme pour lutter contre les pics de « smog » si les VLI étaient dépassées de moitié (facteur 1,5). Le Tribunal fédéral a cependant considéré que les degrés d'intervention les plus bas contrevenaient au droit fédéral (consid. 14 ; François Bellanger/Valérie Défago Gaudini/Marc Fabrice Montini, La loi sur la protection de l'environnement, Jurisprudence de 1995 à 1999, in DEP 2001, p. 66 ss).

11. En l'occurrence, l'art. 13A al. 4 LaLPE prévoit un seuil de 80 µg/m3, en moyenne par 24 heures, depuis un jour à l'une ou l'autre des stations de mesure de la pollution de l'air cantonales, pour le NO; de 180 µg/m3 en moyenne horaire à l'une ou l'autre des stations de mesures de la pollution de l'air cantonales pendant trois heures consécutives, pour l'O3 et de 50 µg/m3, en moyenne par 24 heures, depuis un jour, à l'une ou l'autre des stations de mesure cantonales, pour les PM10. Ainsi, alors que le seuil d'intervention prévu pour l'O3 est une fois et demi supérieur (facteur 1,5) à la VLI fixée par l'OPair, les seuils d'intervention s'agissant du NO2 et des PM10 correspondent aux VLI fixées par l'OPair. La question se pose de savoir si un tel procédé est conforme à la LPE et à la répartition des compétences. Cela implique de déterminer sur quelle base légale le canton de Genève fonde sa compétence pour fixer des seuils à partir desquels des interdictions de circuler peuvent être mises en place.

a. Dans leurs observations au Conseil d'État du 15 juin 2018 (cf. EN FAIT supra consid. 20a), l'OFEV et l'OFROU ont estimé que les mesures cantonales urgentes relatives à l'information, aux transports publics et aux régimes différenciés ne portaient pas atteinte à la LPE. L'art. 32 al. 2 let. b OPair attribuait aux cantons une compétence d'exécution pour élaborer un plan de mesures qui, en matière de transport, pouvait se caractériser par des mesures touchant la construction ou l'exploitation des infrastructures ou visant à canaliser ou à restreindre le trafic. Ainsi, dans le cadre de cette compétence d'exécution, les cantons étaient libres de prévoir des régimes différenciés en cas de dépassement des VLI fixées par le droit fédéral.

Un telle position ne saurait être suivie. Conformément à la jurisprudence précitée, hormis l'art. 16 al. 4 LPE sur l'obligation d'assainir des installations, la LPE, et ses ordonnances d'exécution, ne réglementent pas les situations d'urgence exigeant la mise en place de mesures radicales de courte durée. Les mesures prévues aux art. 31 ss OPair ne poursuivent pas cet objectif (ATF 121 I 334 consid. 4 cf. supra consid. 10d).). Elles visent au contraire à un assainissement de l'air par la mise en place de mesures pérennes destinées à réduire ou canaliser durablement le trafic (art. 32 al. 2 let. b OPair). C'est, notamment, sur cette base que le canton de Genève a pris des mesures pour réduire le trafic pendulaire au centre de l'agglomération, en favorisant la mobilité douce et les transports publics (Plan OPair 2013-2016 p. 3). Il soutient ainsi des actions favorisant le développement du réseau cyclable, le stationnement P+R, le stationnement de vélos sécurisé, l'encouragement à utiliser des vélos et scooters électriques et la promotion de la conduite écologique (p. 27 ss). Or, pour les motifs sus-indiqués, le législateur cantonal ne peut se fonder sur l'art. 32 al. 2 let. b OPair pour légiférer en matière de mesures provisoires et urgentes en cas de pics de pollution.

b. On peut également se demander si des interventions cantonales urgentes pour l'assainissement de l'air dans des situations de crise peuvent être décidées en application de la clause générale de police (art. 36 al. 1 Cst. ; ATF 121 I 334 consid, 4c). Or, si le pouvoir exécutif, ou judiciaire, peut prendre des mesures sur la base de l'art. 36 al. 1 Cst. moyennant le respect de toutes les autres conditions d'application de la clause générale de police, il est difficilement concevable que le pouvoir législatif puisse, pour adopter des lois, se fonder sur une clause générale de police qui, comme en l'espèce, permettrait d'étendre les compétences cantonales au détriment de la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons. Le recours à une telle clause suppose, au demeurant, l'existence d'un danger grave et imminent, qui ne puisse être écarté par les moyens légaux ordinaires, et qui nécessite une intervention immédiate de l'autorité (ATF 134 I 322 consid. 2.7). De jurisprudence constante, il est exclu de faire appel à la clause générale de police lorsque le législateur s'est abstenu de légiférer alors qu'il avait connaissance du problème (ATF 136 IV 97 consid. 6.3.2 ; 121 I 22 consid. 4b.aa). Or, il n'est pas contesté que la survenance de pics de pollution constitue une problématique connue du législateur fédéral et du Conseil fédéral.

c. Reste à examiner si les cantons peuvent adopter des mesures urgentes sur la base de l'art. 11 al. 3 LPE, en relation avec l'art. 1 al. 1 LPE. Doctrine et jurisprudence admettent que cette disposition attribue une compétence implicite aux cantons en cas de danger grave et immédiat pour la santé, précisant toutefois que les cantons doivent se conformer au cadre défini à l'art. 65 al. 2 LPE. Cette disposition, qui élargit le principe de la compétence législative concurrentielle des cantons à l'échelon des ordonnances du Conseil fédéral, interdit aux cantons de fixer de nouvelles valeurs d'immissions, d'alarme ou de planification. Or si, comme exposé, le Conseil fédéral a fixé les seuils des VLI (cf. Annexe 7 OPair), il n'a pas voulu fixer de VA pour les polluants atmosphériques, car de telles valeurs ne respectent pas le sens de la LPE (OFEV, Fiche d'information 2020). Ce faisant, il a laissé aux cantons le soin d'occuper l'espace non couvert par la LPE. Ainsi, en l'absence de VA fixées par le droit fédéral pour les polluants atmosphériques, les cantons conservent une compétence - provisoire - en la matière (ATF 121 I 334 consid. 4c). La compétence cantonale est cependant limitée à la fixation de VA, à l'exclusion des VLI déjà prévues par le droit fédéral. Il convient donc d'examiner si le législateur genevois est resté dans le cadre de cette compétence législative.

D'après la définition de l'art. 14 LPE, les VLI des pollutions atmosphériques sont fixées de manière que, selon l'état de la science et l'expérience, les immissions inférieures à ces valeurs ne menacent pas les hommes, les animaux et les plantes, leurs biocénoses et leurs biotopes, ne gênent pas de manière sensible la population dans son bien-être, n'endommagent pas les immeubles et ne portent pas atteinte à la fertilité du sol, à la végétation ou à la salubrité des eaux. Ces valeurs indiquent un niveau de concentration maximal qu'il convient de ne pas dépasser sous peine de risques de dommage. À partir du moment où elles sont dépassées, on peut considérer qu'il y a un risque de dommages pour la santé humaine ou pour l'environnement, ce risque étant d'autant plus grave que le dépassement est important (cf. supra consid. 10b).

Les VLI doivent être distinguées des VA. Ces dernières indiquent un niveau de concentration à partir duquel on observe sur une majeure partie de la population des effets aigus si graves qu'il est impératif d'agir immédiatement. Ces valeurs annoncent une situation de crise. Dans sa publication sur la problématique des valeurs limites, l'ancien office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage (ci-après : OFEFP) précise que dans les pays où les valeurs d'alarme ont été retenues comme instrument de gestion de crise, les pouvoirs publics informent la population sur les dangers qu'elle encourt et lui indiquent comment se comporter pour limiter les risques. Parallèlement, ils déclenchent la mise en oeuvre immédiate de mesures d'urgence parfois radicales (par exemple, interdiction de circuler en véhicule à moteur, fermeture temporaire d'usines). Aussi les concentrations indiquées par les valeurs d'alerte ou d'alarme sont nettement supérieures à celles qui sont adoptées comme VLI. De fait, ces valeurs servent de signal pour l'engagement d'une action de crise destinée à circonscrire les effets dommageables de concentrations polluantes particulièrement élevées. Les VA sont placées à un niveau si élevé qu'il en devient alarmant et des effets néfastes apparaissent non seulement au-dessus, mais déjà avant le dépassement de ces valeurs. L'OFEFP a cité l'exemple de l'OMS, qui a estimé qu'en cas de concentrations élevées d'ozone - au-dessus de la VLI de 120 µg/m3 de la Suisse - les effets aigus suivants sont à craindre : à des concentrations de 400 µg/m3 (VA de Los Angeles) plus de 50 % de la population risque de souffrir d'irritations des muqueuses, des yeux qui brûlent ou de la toux. Pour une concentration d'ozone de 300 µg/m3, il y a environ 30 % de la population qui souffre de ces symptômes (OFEFP, Cahier de l'environnement, La signification des VLI de l'ordonnance sur la protection de l'air, 1992, p. 24 s.).

Au niveau européen, on retrouve également la distinction entre « valeur limite », soit un niveau fixé sur la base des connaissances scientifiques, dans le but d'éviter, de prévenir ou de réduire les effets nocifs sur la santé humaine et/ou l'environnement dans son ensemble, à atteindre dans un délai donné et à ne pas dépasser une fois atteint, et « seuil d'alerte », soit un niveau au-delà duquel une exposition de courte durée présente un risque pour la santé humaine de l'ensemble de la population et à partir duquel les États membres doivent immédiatement prendre des mesures (art. 2 ch. 5 et 10 de la Directive n° 2008/50/CE du 21 mai 2008 concernant la qualité de l'air ambiant et un air pur pour l'Europe ; ci-après : la directive). S'agissant en particulier du dioxyde d'azote, la valeur limite pour la protection de la santé humaine est fixée à 200 µg/m3, en moyenne horaire (annexe XI de la directive), alors que le seuil d'alerte est fixé à 400 µg/m3 (annexe XII de la directive). S'agissant de l'ozone, le seuil d'information (soit un niveau au-delà duquel une exposition de courte durée présente un risque pour la santé humaine des groupes particulièrement sensibles de la population et pour lequel des informations immédiates et adéquates sont nécessaires ; art. 2 ch. 11 de la directive) est fixé à 180 µg/m3 (annexe XII de la directive), alors que le seuil d'alerte est fixé à 240 µg/m3 (annexe XII de la directive). Quant aux PM10, la valeur limite est fixée à 50 µg/m3, en moyenne par 24 heures (annexe XI de la directive), aucun seuil d'information ni d'alerte ayant été retenu.

Dans le cas présent, le législateur cantonal s'est aligné sur les VLI prévues par le droit fédéral pour fixer les seuils des valeurs d'intervention du dioxyde d'azote et des poussières en suspension. Or, par définition, les valeurs d'intervention sont nécessairement supérieures à celles qui sont adoptées comme VLI. Le Tribunal fédéral l'a du reste rappelé dans son arrêt publié du 18 décembre 1995, dans lequel il a relevé que les VLI fixées par le droit fédéral et les valeurs d'intervention cantonales répondaient fondamentalement à des questions différentes et poursuivaient des objectifs distincts. Les premières visaient à assurer durablement la protection de l'homme et de l'environnement, alors que les secondes étaient destinées à gérer temporairement des situations de crise. C'est ainsi que le Tribunal fédéral a considéré qu'il allait de soi que les seuils fixés par le droit cantonal devaient être supérieurs à ceux fixés par l'OPair (ATF 121 I 334 consid. 12). La doctrine va également dans ce sens. D'après certains auteurs, il est clairement disproportionné d'imposer des mesures incisives, comme une interdiction de la circulation des véhicules sans catalyseur, en cas de dépassement peu important des VLI. La fixation d'une température maximale pour les locaux et une diminution du trafic de moitié en cas d'un dépassement modeste de 30 % des VLI sont aussi disproportionnées. En revanche, des restrictions de chauffage en raison d'un dépassement de 50 % des VLI, surtout pour le dioxyde d'azote, sont admissibles. Il en va de même de mesures programmatiques ou d'information de la population en cas de faible dépassement des VLI (François Bellanger/Valérie Défago Gaudini/ Marc Fabrice Montini, op. cit., p. 67).

Partant, en tant qu'il fixe des valeurs d'intervention correspondant aux VLI fixées par l'OPair pour les NO2 et les PM10, l'art. 13A al. 4 LaLPE empiète sur les compétences de la Confédération. Si le canton est certes compétent pour légiférer en matière de mesures urgentes pour l'amélioration de la qualité de l'air, impliquant des interdictions de circuler pour les véhicules motorisés (art. 11 al. 3 LPE, en relation avec l'art. 1 al. 1 LPE), il ne peut imposer de telles restrictions qu'en cas de dépassement de valeurs d'intervention (art. 65 al. 2 LPE). Or, ces valeurs indiquent un niveau de concentration à partir duquel on observe sur une majeure partie de la population des effets aigus si graves qu'il est impératif d'agir immédiatement. Ces valeurs sont placées à un niveau si élevé qu'il en devient alarmant et des effets néfastes apparaissent déjà avant le dépassement de ces valeurs. Tel n'est pas le cas des VLI fixées dans l'OPair. Un dépassement des VLI peut certes entraîner des effets dommageables pour la santé humaine ou pour l'environnement et doit, en tous les cas, être interprété comme une menace pour la protection des hommes et de leur entourage. On ne se trouve toutefois pas encore dans la situation dans laquelle une majeure partie de la population subit des effets aigus si graves qu'il est impératif d'agir immédiatement. D'après le Tribunal fédéral, suivi en cela par la doctrine (François Bellanger/ Valérie Défago Gaudini/Marc Fabrice Montini, op. cit., p. 67), une telle situation peut se présenter lorsque les VLI sont multipliées par 1,5. Le législateur cantonal peut donc s'y référer, cas échéant au moyen d'études récentes sur la question, étant précisé qu'un tel facteur reste largement en-deçà des exemples de VA mentionnées par l'OFEFP dans son rapport de 1992 et des seuils d'alerte fixés en droit européen.

Le recours doit donc être admis sur ce point. Reste à déterminer quelles conséquences doivent être tirées de l'inconstitutionnalité constatée, étant précisé que la chambre constitutionnelle est liée par les conclusions des parties (art. 69 al. 1 phr. 1 LPA). Devant la chambre de céans, les recourants n'ont pas conclu à l'annulation de l'art. 13A al. 4, 1ère et 3ème hypothèses LaLPE, se limitant à requérir la modification des taux fixés pour le dioxyde de carbone et les poussières fines. Or, compte tenu du caractère cassatoire du recours en contrôle abstrait des normes, cette conclusion a été déclarée irrecevable (cf. supra consid. 6). Cela étant, dans la mesure où les recourants ont pris une conclusion en annulation des termes « les régimes différenciés sont adaptés aux données actualisées de niveaux de pollution » de l'art. 13A al. 4 in fine LaLPE, on comprend qu'ils sollicitent la suppression des valeurs fixées dans cette disposition en tant que leur dépassement permet aux autorités de mettre en place les régimes différenciés. On relèvera, au demeurant, que dans le cadre du contrôle abstrait des normes, l'annulation ne doit porter, dans la mesure du possible, que sur les dispositions contraires à la Cst. (ATF 110 Ia 13 consid. 1e). Il convient donc de supprimer les hypothèses 1 et 3 de l'art. 13A al. 4 LaLPE. Formellement, cette disposition prend le libellé suivant :

« Lorsque la concentration d'ozone excède 180 microgrammes par mètre cube en moyenne horaire à l'une ou l'autre des stations de mesures de la pollution de l'air cantonales pendant 3 heures consécutives :

-          le Conseil d'État diffuse spontanément l'information sur cette pollution et ses conséquences potentielles sur la santé aux personnes vivant et travaillant à proximité de la station ou des stations de mesures concernées, incluant les moyens d'action des habitantes et habitants ;

-          les transports publics sont rendus gratuits et l'offre ponctuellement renforcée ;

-          les régimes différenciés sont adaptés aux données actualisées des niveaux de pollution. »

12. Les recourants soutiennent ensuite que les dispositions contestées empiètent sur la matière exhaustivement régie par la LCR et ses ordonnances d'application.

a. La Confédération légifère sur la circulation routière (art. 82 al. 1 Cst.). Elle exerce la haute surveillance sur les routes d'importance nationale ; elle peut déterminer les routes de transit qui doivent rester ouvertes au trafic (al. 2).

b. L'art. 82 al. 1 Cst. attribue à la Confédération une compétence législative étendue en matière de circulation routière. Néanmoins, cette compétence, même étendue, n'est pas exclusive. En effet, la souveraineté sur les routes appartient aux cantons qui en ont la propriété et le pouvoir d'en disposer et c'est à eux qu'il incombe d'en tracer le réseau, de construire et d'entretenir les routes. Comme on le verra, les cantons peuvent régler l'usage des routes, en particulier l'interdire ou le limiter pour les automobiles (art. 3 al. 2 à 6 LCR). La Confédération peut cependant surmonter ces interdictions ou limitations pour les routes qu'elle juge nécessaires au transit (Jean-François AUBERT/Pascal MAHON, op. cit., n. 4, 7 et 9 ad art. 82 Cst.). La compétence de la Confédération en matière de circulation routière est une compétence « globale », en ce sens qu'elle concerne la circulation routière dans son ensemble. Elle concerne la circulation routière dans son ensemble. Dans ce cadre, la Confédération peut édicter des prescriptions sur les règles de police pour la circulation sur les chaussées publiques et privées, l'octroi de permis de conduire et de circulation, les questions d'assurances et de responsabilité civile en matière de circulation routière et le droit pénal de circulation. Pour le reste, les cantons conservent la souveraineté en matière de routes. Des restrictions doivent toutefois être motivées par la sauvegarde d'intérêts publics notamment l'affectation de la route, l'aménagement du territoire ou la protection de l'environnement (Message 1996, FF 1997 I 1, p. 262-263).

13. Devant la chambre de céans, les recourants soutiennent que l'instauration de zones environnementales, permettant l'introduction de régimes différenciés pour les véhicules motorisés au sens des art. 13A al. 2 LaLPE, 13A al. 4, dernier tiret LaLPE et 15E à 15I LaLPE, ne peut pas s'inscrire dans le cadre de la législation fédérale sur la circulation routière. Pour justifier cela, ils développent différents arguments, qu'il s'agit d'examiner à la lumière des principes ci-dessus.

a. Dans un premier moyen, les recourants font valoir que la création de zones environnementales, par l'instauration d'une vignette écologique (macaron) à l'art. 15E al. 4 et 5 LaLPE, est contraire aux art. 2 al. 1 let. b et 5 al. 1 LCR. D'après les recourants, il résulte d'une lecture combinée de ces dispositions que la Confédération serait seule compétente pour ordonner, par des règles de droit, des limitations à la circulation des véhicules automobiles et des cycles applicables à tout le territoire national, sans devoir les matérialiser par des panneaux sur le réseau routier. Ils en déduisent que seule la Confédération peut instaurer un régime de vignette écologique sur tout le territoire suisse. Un projet de loi avait du reste été élaboré en ce sens, mais la Confédération y avait renoncé.

aa. Aux termes de l'art. 2 al. 1 let. b LCR, le Conseil fédéral peut, après avoir consulté les cantons, interdire temporairement, sur tout le territoire suisse, la circulation des véhicules automobiles ou de certaines catégories d'entre eux. Selon l'art. 5 al. 1 LCR, les limitations et prescriptions relatives à la circulation des véhicules automobiles et des cycles doivent être indiquées par des signaux ou des marques, lorsqu'elles ne s'appliquent pas à l'ensemble du territoire suisse.

ab. La Confédération s'est déterminée à plusieurs reprises sur la question des zones environnementales. Le 27 août 2010, le département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (ci-après : DETEC) a mis en consultation les bases juridiques requises pour l'instauration de zones environnementales par l'introduction d'un système de vignette. Le projet proposait l'adoption d'une nouvelle ordonnance sur la vignette écologique, l'introduction dans l'OSR d'un art. 19a intitulé « zone environnementale » et d'un art. 108a intitulé « instauration et aménagement de zones environnementales » ainsi que l'introduction à l'annexe 1 de l'ordonnance fédérale sur les amendes d'ordre du 16 janvier 2019 (OAO - RS 314.11) d'une nouvelle catégorie d'amendes. Ce projet a cependant été rejeté à une large majorité par les cantons, au motif notamment de l'absence de besoin, de la forte charge administrative et des doutes quant à l'efficacité et un trafic de contournement contre-productif. En janvier 2011, à la suite des réactions défavorables notamment de la part des cantons, le DETEC a abandonné le projet législatif « zones environnementales ». Une nouvelle motion a été déposée par la conseillère nationale Evi Allemann le 16 juin 2017 pour permettre la création de zones environnementales. Le Conseil fédéral a proposé de rejeter la motion, estimant que le contexte actuel était quasiment inchangé, de sorte qu'un nouveau projet législatif était inopportun (avis du Conseil fédéral du 16 août 2017 à la motion Allemann du 16 juin 2017 [17.3569 - Protection contre la pollution atmosphérique. Permettre la création de zones environnementales]). Une nouvelle interpellation portant sur l'introduction de la vignette écologique dans le canton de Genève a été déposée le 15 mars 2018 par le conseiller national Peter Schilliger. Dans son avis du 16 mai 2018, le Conseil fédéral a relevé que les cantons avaient en principe la compétence de signaliser, sous certaines conditions, des interdictions de circuler sur certaines routes. Afin de permettre aux cantons de mettre en oeuvre efficacement une éventuelle interdiction de circuler, il convenait de munir les véhicules autorisés à circuler d'une étiquette écologique. Il reviendrait à la Confédération d'autoriser un tel signe officiel. Le Conseil fédéral a cependant précisé que son opposition à l'instauration de zones environnementales et à l'introduction d'un système de vignette écologique restait valable. À sa connaissance, hormis Genève, aucune ville ou canton ne souhaitait introduire des systèmes de vignette écologique et de restrictions de la circulation (avis du Conseil fédéral du 16 mai 2018 à l'interpellation Schilliger du 15 mars 2018 [18.3271 - Canton de Genève. Vignette écologique et interdiction temporaire de circuler]).

ac. En l'occurrence, on ne voit pas quel argument les recourants entendent tirer de l'art. 2 al. 1 let. b LCR. Ainsi que le relève à juste titre l'intimé, on ne saurait déduire de cette disposition, qui attribue à la Confédération la compétence en matière d'interdiction temporaire sur tout le territoire suisse, l'exclusion d'une compétence cantonale s'agissant d'une restriction dont la portée géographique serait restreinte. C'est d'ailleurs dans ce sens que doit s'entendre l'art. 3 al. 2 LCR, selon lequel les cantons sont compétents pour interdire, restreindre ou régler la circulation sur certaines routes. L'art. 5 al. 1 LCR impose uniquement aux autorités de prévoir un signalement de toute prescription ou limitation relative à la circulation des véhicules par des signaux ou des marques lorsqu'elle ne s'applique pas à tout le territoire suisse. Or, la loi contestée se conforme à cette exigence, puisqu'elle prévoit que l'annonce des niveaux d'alerte et des mesures mises en place est faite notamment par le biais des panneaux de signalisation (art. 15D al. 4 LaLPE). Quant à l'argument tiré de l'abandon des travaux législatifs sur l'instauration de zones environnementales par l'introduction d'un système de vignette, il ne convainc pas. Contrairement à ce que laissent entendre les recourants, le projet législatif ne visait pas à pallier l'absence de compétence des cantons en la matière. Le projet de loi avait pour objectif de prévoir une réglementation uniforme pour toute la Suisse. Il s'agissait en particulier de mettre à la disposition des cantons un instrument leur permettant d'aménager une zone environnementale en fonction de leurs propres besoins. Il était prévu que la classification des véhicules dans les différentes catégories d'émissions soit réalisée de façon uniforme. Un système de vignette devait en particulier être instauré pour faciliter l'exécution des prescriptions fédérales (cf. DETEC, Bases légales s'appliquant à l'instauration de zones environnementales - Audition - Commentaires, 28 août 2010). L'abandon du projet, à la suite de l'absence d'intérêt des cantons, n'est ainsi pas assimilable à un silence qualifié et n'empêche pas les cantons de légiférer en la matière sur la base de leur propre compétence, en prenant des mesures adaptées aux situations locales.

Le grief tiré de la violation, par l'art. 15E al. 4 et 5 LaLPE, des art. 2 al. 1 let. b et 5 al. 1 LCR doit partant être écarté.

b. Dans la continuité de l'argument précédent, les recourants soutiennent que la création de zones environnementales est contraire au droit fédéral, faute pour celles-ci d'être délimitées par une signalisation conforme à l'OSR. Rappelant que, selon le droit fédéral, les limitations à la circulation des véhicules automobiles doivent être indiquées par des signaux ou des marques et que ceux-ci doivent être prévus par le Conseil fédéral, ils font valoir que les panneaux de signalisation genevois prévus par la loi cantonale n'ont aucune validité.

ba. Aux termes de l'art. 5 al. 3 LCR, sur les routes ouvertes à la circulation des véhicules automobiles ou des cycles, ainsi qu'à leurs abords, seuls peuvent être employés les signaux et marques prévus par le Conseil fédéral ; ils ne peuvent être placés que par les autorités compétentes ou avec leur approbation (al. 3). Cette disposition est reprise à l'art. 101 al. 1 OSR, selon lequel les signaux et les marques non prévus par la présente ordonnance ne sont pas admis ; sont réservés les art. 54 al. 9 et 115 OSR. La compétence de signalisation et de marquage appartient aux cantons (arrêt du Tribunal fédéral 1C_112/2014 du 25 septembre 2014 consid. 2.2). C'est un attribut de leur souveraineté routière, mais dans les limites du droit fédéral (André BUSSY/Baptiste RUSCONI/Yvan JEANNERET/ André KUHN/Cédric MIZEL/Christoph MÜLLER [éd.], CS-CR commenté, 4ème éd., Bâle 2015, n. 3.1 ad art. 5 LCR).

Les signaux, marques et réclames sur les routes et à leurs abords sont régis par l'OSR. Les signaux de prescriptions annoncent une obligation ou une interdiction (art. 16 al. 1 OSR). Selon l'art. 17 OSR, les exceptions aux prescriptions indiquées par des signaux seront mentionnées sur une plaque complémentaire selon les dispositions des art. 63 à 65 (al. 1). L'usage de plaques complémentaires, qui rendent plus sévères des prescriptions signalées, n'est autorisé que si la réglementation ne peut être signalée autrement (al. 2). Selon la doctrine, les exceptions concrétisées par des plaques complémentaires ne sont pas soumises à un numerus clausus (Bernhard Waldmann/Raphael Kraemer, in Marcel Alexander NIGGLI/Thomas PROBST/Bernhard WALDMANN [éd.], Strassenverkehrsgesetz, Basler Kommentar, 2014, n. 24 ad art. 5 LCR). Le but de l'art. 5 al. 3 LCR est de garantir une certaine uniformité des signaux et marques en Suisse, de manière à éviter les problèmes de compréhension par les automobilistes et, partant, l'insécurité des routes (Bernhard Waldmann/Raphael Kraemer, op. cit., n. 23 ad art. 5 LCR).

D'après l'art. 107 al. 1 OSR, il incombe à l'autorité ou à l'OFROU d'arrêter et de publier, en indiquant les voies de droit, les réglementations locales du trafic (art. 3 al. 3 et 4 LCR) suivantes : réglementations indiquées par des signaux de prescription ou de priorité ou par d'autres signaux ayant un caractère de prescription (let. a), cases de stationnement indiquées exclusivement par une marque (let. b). Les signaux et les marques visés à l'al. 1 ne peuvent être mis en place que lorsque la décision est exécutoire (al. 1bis). Lorsque la sécurité routière l'exige, l'autorité ou l'OFROU peuvent mettre en place des signaux indiquant des réglementations locales du trafic au sens de l'al. 1 avant que la décision n'ait été publiée ; ils ne peuvent toutefois le faire que pour soixante jours au plus (al. 2). Les réglementations locales du trafic introduites à titre expérimental ne seront pas ordonnées pour une durée supérieure à une année (al. 2bis). L'al. 3 énumère les signaux dont la mise en place ne nécessite aucune décision formelle ni aucune publication. Lorsqu'elles doivent être appliquées pendant plus de huit jours, les mesures temporaires prises par la police (art. 3 al. 6 LCR) doivent faire l'objet d'une décision et d'une publication de l'autorité ou de l'OFROU, selon la procédure ordinaire (al. 4). Selon l'art. 106 al. 1 OSR, peuvent faire l'objet d'une requête les signalisations et les marques qui ne sont pas conformes aux prescriptions, notamment lorsque des signaux ou des marques non prévus sont utilisés, lorsque des signaux ou des marques ont été placés alors qu'ils n'étaient pas nécessaires ou lorsqu'ils font défaut à un endroit où ils sont nécessaires (let. a) ; les signaux qui, selon l'art. 107 al. 1, 3 et 4, ne doivent faire l'objet ni d'une décision ni d'une publication, ainsi que les marques, dans la mesure où le requérant dénonce une infraction aux exigences légales posées pour leur mise en place. Est exclue toute requête contre des signaux et des marques dont la mise en place a été ordonnée ou admise par la Confédération (art. 104 al. 3 et 4 ; art. 13 al. 2, SDR en relation avec l'art. 19 al. 1 let. g et h ; let. b).

Le Tribunal fédéral a confirmé à plusieurs reprises qu'une limitation ou une prescription locale, même décidée par l'autorité compétente, ne valait que si et aussi longtemps qu'elle était signifiée sur place par un signal conforme à l'OSR (ATF 100 IV 71 consid. 2). Ce signal devait être reconnaissable facilement et à temps pour tout usager qui prête à la route l'attention voulue (ATF 104 IV 201 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_818/2008 du 10 juin 2009 consid. 2.1). En particulier, son sens devait être clair pour les usagers qui ne connaissent pas les lieux (ATF 106 IV 138 consid. 4). Si le signal n'était pas clairement et immédiatement compréhensible pour l'usager moyen qui l'apercevait pour la première fois, la limitation ou la prescription voulue par l'autorité n'avait aucune validité (ATF 106 IV 138 consid. 6 ; 100 IV 71 consid. 2).

bb. La législation fédérale en matière de signalisation routière permet à l'OFROU d'autoriser des dérogations à certaines dispositions, des modifications de symboles ou, à titre d'essai, de nouveaux symboles, signaux et marques ainsi que des panneaux portant le nom de cours d'eau, indiquant des chemins réservés au tourisme pédestre, etc. (art. 115 al. 2 OSR). Le Tribunal fédéral a eu l'occasion de préciser que cette disposition n'était pas contraire à l'art. 5 al. 3 LCR (ATF 108 IV 52 consid. 6).

bc. En l'occurrence, d'après l'intimé, l'art. 5 al. 3 LCR n'interdit pas l'adoption de plaques complémentaires par les cantons afin de tenir compte de spécificités au plan local. Rappelant que l'art. 3 LCR réserve la souveraineté cantonale sur les routes, il fait valoir que l'art. 5 al. 3 LCR ne doit pas être interprété de manière à exclure la compétence cantonale en matière de signalisation. Une telle lecture de la loi porterait atteinte aux objectifs de politique publique recherchés par le biais des restrictions de la circulation.

Cette position ne peut être suivie. L'interprétation de la loi faite par l'intimé ne trouve appui ni dans sa lettre, ni même dans son esprit. L'art. 5 al. 3 LCR, repris en cela par l'art. 101 al. 1 OSR, dispose sans équivoque que seuls peuvent être employés les signaux et marques prévus par le Conseil fédéral. On ne discerne ainsi aucune place pour une compétence cantonale. Le message relatif à la LCR précise d'ailleurs clairement que la signalisation routière est du ressort de la Confédération (Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant un projet de LCR du 24 juin 1955 ; FF 1955 II 1, p. 3 et 13). Compte tenu du caractère complet et exhaustif de la législation fédérale dans ce domaine, il ne subsiste aucune compétence cantonale en matière d'adoption de signaux et de marques. L'art. 17 OSR réserve certes l'usage de plaques complémentaires, mais il ne prévoit en la matière aucune délégation de compétence en faveur des cantons. Conformément à l'art. 5 al. 3 LCR, la compétence des cantons se limite au placement des signaux et marques prévus par le Conseil fédéral.

Ces constatations ne conduisent cependant pas à admettre le grief des recourants. L'instauration d'une zone environnementale doit certes être indiquée par des signaux ou des marques (art. 5 al. 1 LCR). Or, le nouvel art. 15D al. 4 LaLPE prévoit l'annonce des niveaux d'alerte et des mesures mises en place par le biais, notamment, de panneaux de signalisation. En cela, la loi attaquée est conforme aux prescriptions fédérales. Autre est la question de savoir si les panneaux de signalisation mis en place en cas de pics de pollution sont conformes aux prescriptions fédérales. Dans ce contexte, il ne paraît pas inutile de rappeler que, dans le cadre de ses compétences, l'OFROU peut autoriser, à titre d'essai, de nouveaux symboles, signaux et marques (art. 115 al. 2 OSR). Or, en l'état du dossier, il n'est pas contesté qu'aucune autorisation n'a été formellement accordée à ce jour par l'OFROU. À s'en tenir aux allégations de l'intimé, l'OFROU s'était d'ailleurs montré positif à l'égard du pictogramme genevois (cf. observations de l'intimé du 25 juin 2020, p. 2). Par ailleurs, en cas de signalisations ou marques qui ne sont pas conformes aux prescriptions fédérales, l'art. 106 al. 1 let. a OSR prévoit une procédure de requête. C'est notamment par cette voie que les signalisations ou marques ne correspondant pas aux prescriptions peuvent être contestées. Il appartient ainsi au canton de Genève de suivre une procédure lui permettant de valider l'utilisation de ce panneau.

Le grief des recourants tiré de la violation de l'art. 5 al. 1 et 3 LCR par les art. 13A al. 2, 13A al. 4, 15D à 15I LaLPE doit ainsi être écarté.

c. Les recourants font valoir que les cantons ne sont pas compétents pour adopter des normes générales et abstraites décrétant une restriction ponctuelle de circuler (art. 13A al. 2, 13A al. 4 et 15E à 15I LaLPE). Leur compétence en la matière ne peut en particulier se fonder sur l'art. 3 al. 1 à 6 LCR.

ca. Selon l'art. 3 LCR la souveraineté cantonale sur les routes est réservée dans les limites du droit fédéral (al. 1). Les cantons sont compétents pour interdire, restreindre ou régler la circulation sur certaines routes. Ils peuvent déléguer cette compétence aux communes sous réserve de recours à une autorité cantonale (al. 2). La circulation des véhicules automobiles et des cycles peut être interdite complètement ou restreinte temporairement sur les routes qui ne sont pas ouvertes au grand transit ; les courses effectuées pour le service de la Confédération sont toutefois autorisées (al. 3). D'autres limitations ou prescriptions peuvent être édictées lorsqu'elles sont nécessaires pour protéger les habitants ou d'autres personnes touchées de manière comparable contre le bruit et la pollution de l'air, pour éliminer les inégalités frappant les personnes handicapées, pour assurer la sécurité, faciliter ou régler la circulation, pour préserver la structure de la route, ou pour satisfaire à d'autres exigences imposées par les conditions locales. Pour de telles raisons, la circulation peut être restreinte et le parcage réglementé de façon spéciale, notamment dans les quartiers d'habitation (al. 4). Dans des cas exceptionnels, la police peut prendre les mesures qui s'imposent, en particulier pour restreindre ou détourner temporairement la circulation (al. 6).

cb. L'art. 3 al. 3 LCR n'impose aux cantons ni restrictions, ni conditions à leur pouvoir d'interdire complétement ou partiellement la circulation des véhicules automobiles et des cycles sur les routes qui ne sont pas ouvertes au grand transit au sens de l'ordonnance fédérale concernant les routes du grand transit du 18 décembre 1991 (RS 741.272). Les cantons sont libres d'agir comme ils l'entendent dans ce domaine (ATF 100 IV 63 consid. 1c ; André BUSSY/Baptiste RUSCONI/ Yvan JEANNERET/André KUHN/Cédric MIZEL/Christoph MÜLLER [éd.], op. cit., n. 4.4.1 ad art. 3 LCR). Lorsqu'une interdiction générale de circuler ne comporte aucune exception, la mesure relève de l'art. 3 al. 3 LCR (André BUSSY/Baptiste RUSCONI/Yvan JEANNERET/André KUHN/Cédric MIZEL/ Christoph MÜLLER [éd.], op. cit., n. 4.6 ad art. 3 LCR). Une interdiction de circuler peut se fonder, notamment, sur l'état d'une route - non conforme aux exigences et aux nécessités du trafic -, sur l'exigence de préserver un alpage de la poussière, ainsi que sur l'exigence de protéger une région d'une rare beauté, sur des buts d'aménagement d'une route historique de la ville (André BUSSY/ Baptiste RUSCONI/Yvan JEANNERET/André KUHN/Cédric MIZEL/Christoph MÜLLER [éd.], op. cit., n. 4.4.1 ad art. 3 LCR).

S'agissant des mesures de restriction fonctionnelle du trafic au sens de l'art. 3 al. 4 LCR, elles peuvent être adoptées dans la mesure où l'exigent notamment la protection des résidents ou des intéressés affectés par le bruit ou la pollution de l'air. Pour de tels motifs, le trafic peut en principe être réglementé dans les quartiers d'habitation. Les cantons et les communes peuvent prendre à cet égard toutes les mesures qui leur sont offertes par la réglementation routière fédérale et qui sont admissibles en vertu des principes de nécessité et de proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 2A.329/2006 du 10 octobre 2006 consid. 2.1 ; André BUSSY/Baptiste RUSCONI/Yvan JEANNERET/ André KUHN/Cédric MIZEL/Christoph MÜLLER [éd.], op. cit., n. 5.1 ad art. 3 LCR). Les mesures de restriction fonctionnelle du trafic visées par l'art. 3 al. 4 LCR ne peuvent être que des prescriptions de portée générale s'appliquant à un nombre indéterminé de personnes (ATF 94 I 138 consid. 3 = JdT 1969 I 97 André BUSSY/Baptiste RUSCONI/Yvan JEANNERET/André KUHN/ Cédric MIZEL/Christoph MÜLLER [éd.], op. cit., n. 5.2.3 ad art. 3 LCR). Selon le Tribunal fédéral, les mesures de limitation fonctionnelle prises sur la base de l'art. 3 al. 4 LCR ne peuvent consister qu'en des mesures de longue durée (« längerfristige Massnahmen »). Les mesures urgentes de courte durée (« kurzfristige Sofortmassnahmen ») ne peuvent en revanche être décrétées sur la base de l'art. 3 al. 4 LCR (ATF 121 I 334 consid. 6a.aa). Dans la casuistique des mesures admissibles de limitation fonctionnelles du trafic, la jurisprudence retient notamment la mise à sens unique d'une rue (arrêt du Tribunal fédéral 1C_150/2019 du 24 février 2020 consid. 3), les restrictions au stationnement (arrêts du Tribunal fédéral 1C_540/2016 du 25 août 2017 consid. 2.1.1 ; 2A.329/2006 précité consid. 2) et la mise en place de zones à 30 km/h (ATF 136 II 539 consid. 2.2 et 3.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_121/2017 du 18 juillet 2017 consid 3.2 ; 1C_206/2008 du 9 octobre 2008 consid. 2.1).

Quant à l'art. 3 al. 6 LCR, il s'agit de mesures temporaires prises par la police. Si ces mesures durent plus de huit jours, elles doivent faire l'objet d'une décision ou d'une publication de l'autorité ou de l'office fédéral, selon la procédure ordinaire (art. 107 al. 4 OSR). Des signaux placés sans publication ne pourraient être maintenus que pendant soixante jours et uniquement si la sécurité de la circulation est en jeu (art. 107 al. 2 OSR). Selon le Tribunal fédéral, les mesures fondées sur l'art. 3 al. 6 LCR doivent en revanche revêtir la forme de décisions (ATF 121 I 334 consid. 10b). Cette disposition peut en particulier servir de base légale aux alertes au « smog » (ATF 121 I 334 consid. 6b).

cc. En l'occurrence, les recourants soutiennent que le dispositif légal de fermeture partielle à la circulation prévu à l'art. 13A al. 2 et 4 LaLPE, respectivement aux art. 15E à 15I LaLPE, ne peut pas s'inscrire dans les al. 2 à 6 de l'art. 3 LCR. L'intimé considère quant à lui que le canton a tiré sa compétence pour adopter le régime de la circulation différenciée des art. 3 al. 3, 3 al. 4 et 3 al. 6 LCR.

À titre liminaire, il convient de préciser que les parties s'accordent sur le fait que l'art. 13A al. 2 LaLPE - selon lequel le Conseil d'État fixe les mesures à prendre par le canton et, conformément à la Cst. et à la loi, par les communes et les institutions de droit public, notamment l'introduction de régimes différenciés pour les véhicules motorisés, où les véhicules les plus respectueux des normes environnementales sont favorisés - ne vise qu'à instituer un régime de circulation différenciée applicable en situation de pics de pollution, et non à introduire un régime pérenne de circulation différenciée (cf. duplique de l'intimé du 11 mai 2020 [A/789/2019 et A/2610/2019] p. 13 et observations des recourants du 29 mai 2020 [A/789/2019 et A/2610/2019] p. 3 s.). C'est donc dans ce sens que doit être comprise cette disposition. Il convient ainsi de déterminer sur quelle base légale le canton fonde sa compétence pour instaurer un régime de circulation différenciée en cas de pics de pollution.

On peut d'emblée écarter l'argument de l'intimé, selon lequel les cantons peuvent se fonder sur l'art. 3 al. 6 LCR pour adopter une loi régissant un dispositif d'urgence en cas de pics de pollution. Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, cette disposition ne constitue pas une base légale permettant aux cantons de légiférer en matière de restriction ou de détournement temporaire de la circulation. Cette disposition attribue uniquement la compétence aux cantons de prendre des mesures urgentes sous la forme de décisions (cf. supra consid. 13c.cb).

En revanche, contrairement à ce que soutiennent les recourants, les cantons peuvent fonder leur compétence en la matière sur l'art. 3 al. 3 LCR. Cette disposition permet en effet aux cantons d'interdire complètement ou partiellement la circulation sur les routes qui ne sont pas ouvertes au grand transit. Or, il n'est pas contesté que la loi cantonale ne concerne pas les routes ouvertes au grand transit au sens de l'ordonnance fédérale concernant les routes du grand transit du 18 décembre 1991 précitée. L'art. 3 al. 3 LCR permet au demeurant aux cantons de restreindre la circulation des véhicules automobiles et des cycles de manière temporaire, ce qui est précisément l'objectif prévu par les dispositions contestées. La protection des habitants contre la pollution de l'air est certes spécifiquement prévue par l'art. 3 al. 4 LCR sous la forme de restrictions fonctionnelles du trafic. Or, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, les mesures de limitation fonctionnelles prises sur la base de cette disposition ne peuvent consister qu'en des mesures de longue durée (« längerfristige Massnahmen »), à l'exclusion des mesures urgentes de courte durée (« kurzfristige Sofortmassnahmen »). Or, comme déjà mentionné, les dispositions contestées ne visent qu'à instituer un régime de circulation différenciée applicable en situation de pics de pollution. Quoi qu'en dise l'intimé, il s'agit donc bien de mesures urgentes de courte durée. À cela s'ajoute que l'art. 3 al. 3 LCR n'impose aux cantons ni restrictions, ni conditions à leur pouvoir d'interdire complètement ou partiellement la circulation des véhicules automobiles et des cycles. Les cantons sont libres d'agir comme ils l'entendent dans ce domaine et ne sont pas liés par des conditions matérielles.

Les recourants contestent ce point de vue. Se référant à la doctrine (Eva Maria Belser, in Marcel Alexander NIGGLI et al. [éd.] Basler Kommentar-SVG, 2014, n. 29 à 31, 40 et 50 à 52 ad art. 3 LCR), ils font valoir que l'art. 3 al. 3 LCR ne peut porter que sur des interdictions totales de circuler, les interdictions ou restrictions partielles de circuler relevant exclusivement de l'art. 3 al. 4 LCR. Or, dans la mesure où les dispositions contestées visent à introduire des régimes différenciés en fonction des performances environnementales des véhicules, il ne s'agirait pas d'une interdiction totale de circuler au sens de l'art. 3 al. 3 LCR. Il est vrai qu'une interdiction totale de circuler ne pourrait pas être prise en application de l'art. 3 al. 4 LCR. Dans ce cas, la mesure relèverait de l'art. 3 al. 3 LCR (André BUSSY/Baptiste RUSCONI/Yvan JEANNERET/André KUHN/ Cédric MIZEL/Christoph MÜLLER [éd.], op. cit., n. 4.6 ad art. 3 LCR). Cela ne signifie cependant pas que les cantons ne peuvent pas restreindre partiellement la circulation sur la base de cette disposition. Le Tribunal fédéral l'a du reste expressément rappelé dans son arrêt publié aux ATF 100 IV 63 consid. 1a (cf. supra consid. 13c.cb). Il est d'ailleurs intéressant de noter que l'auteure citée par les recourants remet en cause la doctrine selon laquelle l'art. 3 al. 3 LCR ne pourrait porter que sur des interdictions totales de circuler. Belser critique en effet la « dichotomie », consistant, d'une part, à admettre que des interdictions de circuler, qui ne concerneraient qu'une partie des véhicules automobiles et des cycles, sont admissibles sur les routes ouvertes au grand transit en application de l'art. 3 al. 4 LCR, et, d'autre part, à obliger les cantons à limiter complètement la circulation sur les routes qui ne sont pas ouvertes au grand transit. D'après l'auteure, cette lecture de la loi ne peut être suivie : si les cantons sont libres d'interdire complètement la circulation sur les routes qui ne sont pas ouvertes au grand transit, alors il doit leur être loisible, dans le cadre de leur pouvoir d'appréciation, de prévoir des mesures moins contraignantes, dont la circulation différenciée impliquant une interdiction de circuler d'une partie du parc automobile (Eva Maria Belser, op. cit., n. 44 ad art. 3 LCR).

Il suit des considérants qui précèdent que l'art. 3 al. 3 LCR autorise les cantons à instaurer un régime de circulation différenciée en cas de pics de pollution. Sur ce point, les art. 13A al. 2 et 4 LaLPE, de même que l'art. 15E à 15I LaLPE, n'empiètent donc pas sur les compétences de la Confédération en matière de circulation routière.

d. Les recourants soutiennent ensuite que le système d'identification des véhicules au moyen de macarons prévu à l'art. 15E al. 4 et 5 LaLPE empiète sur les prérogatives exclusives de la Confédération découlant de l'art. 8 LCR. D'après les intéressés, la mise en application d'un macaron revient à obliger tous les véhicules circulant sur le territoire genevois à être munis d'un macaron, alors qu'un tel équipement n'est pas prévu par le droit fédéral. Le système serait par ailleurs contraire au principe fondamental de droit transitoire ancré à l'art. 4 al. 1 de l'ordonnance concernant les exigences techniques requises pour les véhicules routiers du 19 juin 1995 (OETV - RS 741.41), selon lequel les véhicules en circulation doivent répondre aux exigences techniques en vigueur au moment de leur première mise en service. Il violerait également la garantie fédérale de libre circulation des véhicules.

da. À teneur de l'art. 8 LCR, le Conseil fédéral édicte des prescriptions sur la construction et l'équipement des véhicules automobiles et de leurs remorques (al. 1). Il prend à cet égard les mesures indiquées en vue de sauvegarder la sécurité de la circulation et d'empêcher le bruit, la poussière, la fumée, l'odeur ainsi que les autres effets nuisibles ou incommodants qui résultent de l'emploi des véhicules. Il tient compte, de surcroît, des besoins des personnes handicapées (al. 2).

Sur la base de cette disposition, le Conseil fédéral a édicté l'OETV, qui règle notamment les exigences techniques requises pour les véhicules routiers (art. 1 let. c). Plusieurs dispositions sont consacrées aux équipements des véhicules, notamment l'art. 5 al. 1 let. b (équipement prévu par des prescriptions internationales relatives à des détails techniques de moindre importance) ; l'art. 7 al. 1 let. a (équipement additionnel d'un véhicule notamment la roue de rechange, le dispositif d'attelage ou l'outillage) ; l'art. 7 al. 1 let. b (équipement spécial en relation avec le poids d'un véhicule) ; l'art. 11 al. 2 let. h (équipements interchangeables des voitures automobiles de transport) ; l'art. 35 al. 5 (autocollant indiquant l'échéance du prochain entretien) ; l'art. 36 al. 3 let. b (équipement qui influe sur les émissions de gaz d'échappement à contrôler) ; l'art. 45 al. 1 (signe distinctif de nationalité) l'art. 52 (catalyseur), l'art. 80 al. 3 (équipement électrique et équipement utilisant des applications de radiocommunication) ; l'art. 90 al. 2 (triangle de panne) ; l'art. 92 (équipement d'assistance pour les personnes handicapées) ; l'art. 110 (feux bleus et sirène deux-tons) et l'art. 114 al. 2 (extincteur).

Selon l'art. 29 LCR, les véhicules ne peuvent circuler que s'ils sont en parfait état de fonctionnement et répondent aux prescriptions. Ils doivent être construits et entretenus de manière que les règles de la circulation puissent être observées, que le conducteur, les passagers et les autres usagers de la route ne soient pas mis en danger et que la chaussée ne subisse aucun dommage. Aux termes de l'art. 71 al. 1 let. b de l'ordonnance fédérale réglant l'admission des personnes et des véhicules à la circulation routière du 27 octobre 1976 (OAC - RS 741.51), le permis de circulation et les plaques seront délivrés si le véhicule répond aux prescriptions sur la construction et l'équipement et si les données nécessaires à l'immatriculation sont disponibles.

db. D'après l'art. 4 al. 1 OETV, les véhicules déjà en circulation lors de l'entrée en vigueur d'une modification de l'ordonnance doivent être conformes au moins aux exigences en vigueur au moment de leur première mise en circulation. Les dispositions transitoires qui prévoient une obligation d'équipement sont réservées.

dc. En l'occurrence, l'art. 15E al. 4 LaLPE prévoit que le règlement d'application définit, notamment, le système d'identification des véhicules par le biais de macarons, ainsi que les modalités de mise en oeuvre de ce dispositif de macarons. Ce système est fondé sur l'attribution d'un macaron en fonction des performances environnementales des véhicules, performances déterminées selon les spécifications techniques des véhicules basées sur les normes Euro. L'art. 15E al. 5 LaLPE précise que les véhicules sans macaron ont interdiction de circuler dans les zones définies à l'al. 2. Ils peuvent emprunter le réseau autoroutier. La zone définie à l'al. 2 porte sur l'intérieur du périmètre de la moyenne ceinture routière, telle que définie à l'art. 6 al. 2 de la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée du 5 juin 2016 (LMCE - H 1 21).

Il convient donc de déterminer si, comme le soutiennent les recourants, le macaron constitue un « équipement » au sens de l'art. 8 al. 1 LCR, lequel attribue la compétence au Conseil fédéral pour édicter les prescriptions en la matière.

En l'espèce, l'OETV ne contient aucune définition de la notion d'équipement. D'après la doctrine, constitue un équipement au sens de l'art. 8 al. 1 LCR toute partie montée sur le châssis ou la carrosserie d'un véhicule (Peter Sprenger, Basler Kommentar, op. cit. n. 3 ad art. 8 LCR). Les prescriptions édictées par le Conseil fédéral en la matière visent à sauvegarder la sécurité de la circulation et à empêcher le bruit, la poussière, la fumée, l'odeur ainsi que les autres effets nuisibles ou incommodants qui résultent de l'emploi des véhicules. À cette liste, non exhaustive (Peter Sprenger, op. cit., n. 3 ad art. 8 LCR), peut s'ajouter la lutte contre les émissions polluantes. L'introduction de catalyseurs et filtres à particules (art. 52 OETV) s'inscrit notamment dans ce cadre. Or, contrairement aux équipements prévus par l'OETV, l'acquisition d'un macaron n'a aucune incidence sur l'admission des personnes et des véhicules à la circulation routière (art. 71 al. 1 let. b OAC). L'absence de macaron apposé sur le pare-brise d'un véhicule implique uniquement l'interdiction pour ce véhicule de circuler dans la zone définie à l'art. 15E al. 2 LaLPE, soit à l'intérieur du périmètre de la moyenne ceinture routière, en cas de pic de pollution aux PM10, à l'O3 ou au NO2.

En cela, le système du macaron s'apparente au régime prévu en droit fédéral pour la vignette autoroutière. Le droit fédéral oblige, en effet, les véhicules à moteur et les remorques immatriculés en Suisse ou à l'étranger qui empruntent les routes nationales de première et de deuxième classes (routes nationales soumises à la redevance) définies par l'arrêté fédéral du 10 décembre 2012 sur le réseau des routes nationales à s'acquitter d'une redevance par l'achat d'une vignette autoroutière (art. 7 al. 1 de la loi fédérale concernant la redevance pour l'utilisation des routes nationales du 19 mars 2020 - LVA - RS 741.71). La vignette est collée directement sur le véhicule avant l'emprunt d'une route nationale soumise à la redevance (al. 2). Elle ne figure pas dans la liste des équipements prévus dans l'OETV. La raison à cela tient au fait qu'elle sert uniquement à identifier les véhicules autorisés à circuler sur les routes nationales. L'absence de vignette n'empêche aucunement la mise en circulation du véhicule et n'entraîne des conséquences pénales qu'en cas de circulation sur une route nationale.

Au même titre que la vignette autoroutière, le macaron constitue une modalité de mise en oeuvre de la circulation différenciée et sert à identifier les véhicules autorisés à circuler dans la zone de la moyenne ceinture routière genevoise en cas de pics de pollution. Il n'a pas pour but de créer une nouvelle catégorie ou une nouvelle classe de véhicules autorisés à circuler. Il n'instaure pas non plus d'interdiction générale de circuler dans la zone envisagée pour les véhicules qui n'en seraient pas munis, la restriction temporaire à la circulation étant subordonnée à l'occurrence d'un pic de pollution aux PM10, à l'O3 ou au NO2 (art. 15E al. 1 in initio).

Il suit des considérants qui précèdent que le macaron ne peut pas être considéré comme un équipement au sens de l'art. 8 al. 1 LCR. Par conséquent, en tant qu'il exige de disposer d'un macaron pour circuler dans la zone de la moyenne ceinture routière genevoise, l'art. 15E al. 4 et 5 LaLPE n'empiète pas sur la compétence fédérale en matière de prescriptions sur la construction et l'équipement des véhicules automobiles et de leurs remorques.

Les considérations qui précèdent permettent également de rejeter l'argument des recourants tiré de la violation de l'art. 4 al. 1 OETV. Comme on l'a vu, l'apposition d'un macaron ne relève pas de la compétence de la Confédération en vertu de l'art. 8 al. 1 LCR. L'introduction d'un tel régime en droit cantonal n'entraîne ainsi aucune modification du droit fédéral. L'art. 4 al. 1 OETV, qui suppose une modification de l'ordonnance, ne trouve donc pas application.

Quant au grief de violation de la garantie fédérale de libre circulation des véhicules, il doit également être rejeté. Une telle garantie n'existe pas en droit fédéral. L'art. 82 al. 1 Cst. attribue certes une compétence à la Confédération pour légiférer en matière de circulation routière, laquelle est concrétisée par la LCR. Ce mandat législatif global n'empêche cependant pas les cantons, qui restent souverains en matière de routes pour tout ce qui n'est pas expressément placé dans la compétence de la Confédération, de servir les mêmes intérêts publics et de sécurité en prenant des mesures de restriction du trafic. Or, comme on l'a vu, l'introduction d'un macaron afin de mettre en oeuvre la mesure de restriction de la circulation n'est pas contraire au droit fédéral. Dans ces conditions, on voit mal à quelle garantie fédérale l'art. 15E al. 4 et 5 LaLPE porterait atteinte.

Il suit des considérants qui précèdent qu'en tant qu'il prévoit l'introduction d'un macaron environnemental, l'art. 15E al. 4 et 5 LaLPE n'est pas contraire au droit fédéral. L'argument des recourants doit partant être rejeté.

e. Dans un dernier moyen, les recourants soutiennent que l'art. 15I al. 2 LaLPE empiète sur le domaine exclusif du droit fédéral en tant qu'il sanctionne par une amende de CHF 500.- au plus un comportement identique à celui que réprime la loi fédérale sur les amendes d'ordre du 18 mars 2016 (LAO - RS 314) à raison de l'interdiction de circuler.

ea. Selon l'art. 335 al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), les cantons conservent le pouvoir de légiférer sur les contraventions de police qui ne sont pas l'objet de la législation fédérale. Ils peuvent édicter des sanctions pour les infractions au droit administratif et au droit de procédure cantonaux (al. 2).

Selon l'art. 106 al. 3 LCR, les cantons restent compétents pour édicter des prescriptions complémentaires sur la circulation routière, sauf en ce qui concerne les véhicules automobiles et les cycles, les tramways et chemins de fer routiers.

eb. Selon l'art. 27 al. 1 LCR, chacun se conformera aux signaux et aux marques ainsi qu'aux ordres de la police. Selon l'art. 19 al. 2 OSR, deux symboles signifiant l'interdiction, voire trois s'il s'agit de routes secondaires peu importantes (art. 22 al. 4) ou de routes à l'intérieur des localités, peuvent figurer sur un signal, par exemple « circulation interdite aux voitures automobiles » (2.03) et « circulation interdite aux motocycles » (2.04).

À teneur de l'art. 1 al. 1 LAO, est sanctionné par une amende d'ordre dans une procédure simplifiée (procédure de l'amende d'ordre) quiconque commet une contravention à la LCR. La procédure de l'amende d'ordre n'est applicable qu'aux contraventions figurant dans les listes établies en vertu de l'art. 15 LAO (art. 1 al. 2 LAO). Le montant maximal de l'amende d'ordre est de CHF 300.- (art. 1 al. 4 LAO). Les contraventions aux prescriptions de la circulation routière qui sont punies par des amendes d'ordre sont indiquées avec les montants des amendes à l'annexe 1 de l'OAO (art. 1 OAO). Selon ladite annexe, les conducteurs de véhicules automobiles sont sanctionnés d'une amende de CHF 100.- lorsqu'ils n'observent pas le signal de prescription « circulation interdite aux voitures automobiles » (2.03 ; ch. 3) et « circulation interdite aux motocycles » (2.04 ; ch. 4).

ec. Selon la jurisprudence, les cantons peuvent prévoir dans leur législation de punir d'une amende des contraventions, tant que le droit fédéral ne protège pas le bien juridique concerné par un ensemble complet de prescriptions (ATF 138 IV 13 consid. 3.3.1 ; 129 IV 276 consid. 2.1 ; 89 IV 94 consid. 4a). En revanche, si le droit pénal fédéral laisse de côté tout un domaine du droit pénal, ou s'il ne sanctionne que certains comportements, abandonnant à chaque canton la liberté de réprimer ou de laisser impuni tel ou tel acte, pour tenir compte des différences régionales, alors il y a place pour des prescriptions cantonales relatives aux contraventions (ATF 129 IV 276 consid. 2.1 ; 116 IV 19 consid. 3 ; 104 IV 288 consid. 3 ; 89 IV 94 consid. 4a). 

Dans un arrêt publié aux ATF 104 IV 288, le Tribunal fédéral a relevé que l'art. 106 al. 3 LCR se trouvait en situation de lex specialis par rapport au droit commun. Il suivait de là que les cantons ne pouvaient édicter des prescriptions complémentaires instituant des contraventions de droit cantonal dans le domaine de la circulation routière que si elles ne concernaient pas les véhicules automobiles et les cycles, les tramways et les chemins de fer routiers. Dans ces conditions, la réglementation cantonale qui sanctionnait un automobiliste ayant attiré l'attention sur un contrôle radar par des appels de phares portait atteinte à la force dérogatoire du droit fédéral. De telles infractions figuraient déjà aux art. 54 et 57 LCR (consid. 3b).

ed. En l'espèce, l'art. 15I al. 2 LaLPE prévoit que tout contrevenant est passible d'une contravention de CHF 500.- au plus. Cette disposition constitue une base légale permettant de sanctionner les contraventions commises en violation du dispositif prévu pour lutter contre les pics de pollution de l'air. Elle institue une amende pénale et non administrative du fait de l'emploi du terme « contravention ». Elle est concrétisée par l'art. 15 al. 1 RPics qui prévoit qu'est passible d'une contravention de CHF 500.- au plus tout contrevenant à la loi (let. a), au règlement et aux arrêtés édictés en vertu de celui-ci (let. b) et aux ordres donnés par les autorités compétentes dans les limites de la loi, du règlement et des arrêtés édictés en vertu de celui-ci (let. c).

À rigueur de texte, l'art. 15 al. 1 RPics s'applique lorsque, en cas de pics de pollution aux PM10, à l'O3 ou au NO2, le macaron apposé à un véhicule ne correspond pas à la catégorie définie dans l'annexe au RPics (art. 5 al. 1 RPics), est collé en violation des al. 3 et 4 de l'art. 5 RPics, ou lorsqu'un véhicule circule sans macaron à l'intérieur du périmètre de la moyenne ceinture (art. 15E al. 5 LaLPE). Il s'applique aussi en cas de circulation dans la zone précitée sans le macaron approprié permettant d'y accéder conformément aux différents niveaux d'alerte définis aux art. 8 let. b, 9 let. b et 10 let. b RPics.

De cette énumération, il apparaît sans équivoque que les infractions visées par l'art. 5 al. 1, 3 et 4 RPics ne touchent pas au domaine de la circulation routière. Ces dispositions visent, au contraire, à sanctionner des infractions propres à la réglementation cantonale en matière de pics de pollution. Dans la mesure où le droit fédéral ne protège pas le bien juridique concerné par ces prescriptions, les cantons peuvent prévoir dans leur législation de punir ces infractions d'une amende.

Il en va en revanche autrement des infractions visées à l'art. 15E al. 5 LaLPE (véhicule circulant sans macaron à l'intérieur du périmètre de la moyenne ceinture) et 8 let. b, 9 let. b et 10 let. b RPics (circulation dans la zone précitée sans le macaron approprié permettant d'y accéder). Ces infractions touchent au domaine de la circulation routière, en particulier l'art. 27 al. 1 LCR, selon lequel chacun se conformera aux signaux et aux marques ainsi qu'aux ordres de la police. Or, comme on l'a vu, les niveaux d'alerte seront annoncés par le biais de panneaux de signalisation (art. 15D al. 4 LaLPE). Il n'est pas contesté qu'en cas de pics de pollution, ceux-ci comportent deux symboles signifiant l'interdiction, soit « circulation interdite aux voitures automobiles » (2.03) et « circulation interdite aux motocycles » (2.04). L'inobservation des signaux de prescription est prévue à l'annexe 1 de l'OAO et entraîne une amende de CHF 100.- (ch. 304.3 et 304.4). Il suit de là que les cantons ne peuvent édicter de prescriptions complémentaires instituant des contraventions de droit cantonal dans ce domaine que si elles ne concernent pas les véhicules automobiles et les cycles, les tramways et chemins de fer routiers (art. 106 al. 3 LCR). Or, tel n'est pas le cas en l'espèce, de sorte que les infractions visées aux art. 15E al. 5 LaLPE et 8 let. b, 9 let. b et 10 let. b RPics ne sauraient être sanctionnées en vertu du droit cantonal. Dans ce cas, l'amende se fonde exclusivement sur le droit fédéral. Les infractions précitées ne peuvent ainsi être sanctionnées que par une amende d'ordre de CHF 100.- (annexe I de l'OAO, ch. 304.3 et 304.4) dans le cadre d'une procédure simplifiée (art. 1 al. 1 LAO).

C'est ainsi à juste titre que les recourants ont relevé que l'inobservation des signaux de prescription ne pouvait pas être sanctionnée sur la base de l'art. 15I al. 2 LaLPE. Il sera néanmoins rappelé que, dans le cadre d'un contrôle abstrait des normes, il n'y a lieu d'annuler une norme cantonale que lorsque celle-ci ne se prête à aucune interprétation conforme à la Cst. ou au droit supérieur. Le juge constitutionnel ne doit pas se borner à traiter le problème de manière purement abstraite, mais il lui incombe de prendre en compte dans son analyse la vraisemblance d'une application conforme aux droits fondamentaux (ATF 143 I 1 consid. 2.3 ; 140 I 2 consid. 4 ; cf. supra consid. 7). Pour en juger, il lui faut notamment tenir compte de la possibilité d'obtenir ultérieurement, par un contrôle concret de la norme, une protection juridique suffisante (ATF 143 I 1 consid. 2.3 ; 140 I 2 consid. 4 ; cf. supra consid. 7). Dans le cas présent, l'art. 15I al. 2 LaLPE (lu en rapport avec l'art. 15 RPics) peut être interprété en ce sens qu'il ne vise à sanctionner tout contrevenant à la loi et au règlement, qu'en tant que les infractions visées ne sont pas réprimées par le droit fédéral. En résumé, les infractions visées à l'art. 15E al. 5 LaLPE (véhicule circulant sans macaron à l'intérieur du périmètre de la moyenne ceinture) et 8 let. b, 9 let. b et 10 let. b RPics (circulation dans la zone précitée sans le macaron approprié permettant d'y accéder) ne peuvent être sanctionnées que par une amende d'ordre de CHF 100.- (annexe I de l'OAO, ch. 304.3 et 304.4), alors que les infractions visées à l'art. 5 al. 1, 3 et 4 RPics (le macaron apposé à un véhicule ne correspond pas à la catégorie définie dans l'annexe au RPics ou est collé en violation des al. 3 et 4 de l'art. 5 RPics) peuvent être réprimées par une contravention de CHF 500.- au plus, sur la base de l'art. 15I al. 2 LaLPE.

En tant que, dans le cadre du présent contrôle abstrait, une interprétation conforme de l'art. 15I al. 2 LaLPE à la Cst. reste envisageable, il n'y a pas lieu d'annuler cette disposition. Le grief soulevé à ce titre par les recourants sera ainsi écarté.

14. Citant l'art. 27 Cst., les recourants se plaignent d'une violation de la liberté économique. Les restrictions de trafic prévues dans la loi attaquée constituent une atteinte grave à la liberté économique des personnes physiques ou morales professionnelles dans le secteur des transports notamment. Le dispositif de circulation différenciée prévu par le droit cantonal est également inapte à atteindre l'objectif d'intérêt public poursuivi et viole le principe de la proportionnalité.

a. Selon l'art. 27 al. 1 Cst., la liberté économique est garantie. Elle comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (art. 27 al. 2 Cst.). Elle a une fonction institutionnelle, en tant qu'elle exprime, conjointement avec d'autres dispositions constitutionnelles (notamment l'art. 94 Cst.), le choix du constituant en faveur d'un système économique libéral, fondé sur la libre entreprise et la concurrence (ATF 138 I 378 consid. 6.1), et une fonction individuelle, en tant qu'elle assure une protection contre les mesures étatiques restreignant la liberté d'exercer toute activité économique privée, exercée aux fins de production d'un gain ou d'un revenu, à titre principal ou accessoire, dépendant ou indépendant (arrêt du Tribunal fédéral 2C_380/2016 du 1er septembre 2017 consid. 5.1 ; Jacques DUBEY, Droits fondamentaux, vol. II, 2018, n. 2764 ss, 2821 ss, 2844 ss ; Pascal MAHON, Droit constitutionnel, 3ème éd., vol II, 2015, n. 121 ss et n. 123 ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, op. cit., vol. II, 3ème éd. 2013, n. 882 ss, 904 ss et 909 ss ; Klaus A. VALLENDER, in Bernhard EHRENZELLER et al. [éd.], Die Schweizerische Bundesverfassung, Kommentar, 2008, p. 594 ss ad art. 27 Cst.).

Au nombre des sous-aspects de la liberté économique, il sied ici de citer spécifiquement la faculté que celle-ci confère de choisir les modalités d'exercice d'une activité économique protégée, soit la liberté entrepreneuriale, comprenant la liberté de déterminer les moyens à mettre en oeuvre en vue de l'obtention d'un gain ou d'un profit, les moyens de production et les conditions de travail, la forme juridique et l'organisation interne de l'entreprise, la nature et la quantité des facteurs de production financiers, matériels ou personnels mis en oeuvre, les partenaires commerciaux (ATF 130 II 245 consid. 2.3 ; Jacques DUBEY, op. cit., vol. II, n. 2826 ss ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/ Michel HOTTELIER, op. cit., vol. II, n. 952 ; VALLENDER. op. cit., n. 13 ss ad art. 27 Cst.).

b. À moins d'être prévues par la Constitution fédérale ou fondées sur les droits régaliens des cantons, les atteintes portées au principe même de la liberté économique sont en principe inadmissibles, à savoir celles qui ont ouvertement ou effectivement pour but d'agir sur les conditions ou sur les résultats de la libre concurrence, non pour la préserver ou la favoriser mais pour la corriger ou la supprimer afin de préserver ou favoriser un autre intérêt public (Jacques DUBEY, op. cit., vol. II, n. 2869 ss ; Pascal MAHON, op. cit., vol. II, n. 125, 129 ss ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, op. cit., vol. II, n. 960 ss, 963 ss, 996 ss). Ne sont en revanche pas contraires au principe de la liberté économique, et donc admissibles à certaines conditions, les mesures dites de police, les mesures de politique sociale et d'autres mesures d'intérêt public. Les premières sont celles qui protègent l'ordre public, par quoi on entend la tranquillité, la sécurité, la santé, la moralité publiques et la bonne foi en affaires ; les deuxièmes sont celles qui tendent à procurer du bien-être à l'ensemble ou à une grande partie de la population ou à accroître ce bien-être par l'amélioration des conditions de vie, de la santé ou des loisirs (ATF 140 I 218 consid. 6 s. et les références citées) ; et les troisièmes sont celles dictées par des motifs relevant notamment de l'aménagement du territoire (ATF 111 Ia 93 consid. 3) et de la protection de l'environnement (ATF 125 I 182 consid. 5c ; Jacques DUBEY, op. cit., vol. II, n. 2879 ss ; Pascal MAHON, op. cit., vol. II, n. 126 p. 199 ss ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, op. cit., vol. II, n. 982 ss). La liberté économique ne saurait faire obstacle à des prescriptions qui, dans l'intérêt de la circulation routière, limitent ou excluent l'exercice d'une profession, même si l'employé est empêché de travailler (André BUSSY/ Baptiste RUSCONI/Yvan JEANNERET/André KUHN/Cédric MIZEL/Christoph MÜLLER [éd.], op. cit., p. 44 ad. art. 3 LCR).

c. Selon l'art. 36 al. 1 Cst., toute restriction d'un droit fondamental doit être fondée sur une base légale ; les restrictions graves doivent être prévues par une loi ; les cas de danger sérieux, direct et imminent sont réservés. Elle doit être justifiée par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui (al. 2) et être proportionnée au but visé (al. 3).

ca. Abstraction faite des cas d'application de la clause générale de police, toute limitation apportée à un droit fondamental doit reposer sur une règle générale et abstraite, qui ne doit cependant pas forcément être du niveau d'une loi formelle. En revanche, une restriction grave doit être prévue par une loi formelle. La distinction entre les atteintes simples et les atteintes graves tient à l'intensité de la restriction ; plus celle-ci est haute, plus le rang hiérarchique de la base légale doit être élevé. Une atteinte tend à être grave lorsqu'elle prive les titulaires d'un droit fondamental d'une grande partie ou d'un grand nombre des prérogatives subjectives que ce droit leur procure, selon une perception objective de la situation prenant en compte toutes les circonstances du cas d'espèce (Jacques DUBEY, op. cit., vol. I, n. 424 ss ; Pascal MAHON, op. cit., vol. II, n. 33 ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, op. cit., vol. II, n. 190 s.). La base légale requise, matérielle ou formelle, doit avoir un degré de précision suffisant pour que son application soit prévisible (Jacques DUBEY, op. cit., vol. I, n. 611 ss ; Pascal MAHON, op. cit., vol. II, n. 33 ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, op. cit., vol. II, n. 192 s.).

Le principe de la légalité s'applique de façon plus générale à l'activité de l'État régie par le droit (art. 5 al. 1 Cst.). En plus d'imposer l'exigence d'une base légale, impliquant que les autorités ne peuvent agir que si la loi le leur permet, le principe de la légalité comprend aussi celle de la suprématie de la loi, voulant que les autorités sont tenues de respecter l'ensemble des normes juridiques ainsi que la hiérarchie des normes (Jacques DUBEY, op. cit., vol. I, n. 498 ss ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, n. 467 ss).

La loi ne peut et ne doit pas contenir tous les détails, mais au moins les règles essentielles et les principaux droits et obligations, la mise en oeuvre, soit l'exécution, étant, quant à elle, de la compétence de l'exécutif (David HOFMANN, Le Conseil d'État dans la constitution genevoise du 14 octobre 2012, in David HOFMANN/Fabien WAELTI [éd.], Actualités juridiques de droit public 2013, 2013, p. 142).

Se déduisant du principe de la légalité, l'exigence de densité normative suffisante renvoie au degré de clarté et de précision que des dispositions générales et abstraites doivent avoir pour que leur application soit prévisible (ATF 140 I 168 consid. 4 ; 119 Ia 362 consid. 3a ; 115 Ia 333 consid. 2a ; 108 Ia 33 consid. 3a ; Jacques DUBEY, op. cit., vol. I, n. 611 ss ; Andreas AUER/ Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, op. cit., vol. II, n. 193).

cb. Il incombe prioritairement aux autorités législatives et exécutives de déterminer l'intérêt public poursuivi par des normes qu'elles édictent ainsi que d'évaluer leur proportionnalité, mais aussi d'établir et exposer les faits étayant les réponses données à ces questions, de façon générale (art. 42 Cst-GE) et en particulier au cours du processus normatif (art. 109 al. 3 Cst-GE). La chambre constitutionnelle doit faire montre d'une certaine réserve dans la vérification de l'intérêt public poursuivi. Il lui faut cependant s'assurer que l'intérêt public invoqué concerne une réelle problématique appelant une intervention étatique, et que des éléments probants suffisants soutiennent les mesures édictées (ACST/22/2017 du 3 novembre 2017 consid. 9b et 12b ; ACST/6/2017 du 19 mai 2017 consid. 14a ; ACST/17/2015 précité consid. 15a).

cc. Les restrictions apportées à un droit fondamental doivent en outre respecter le principe de la proportionnalité, c'est-à-dire être aptes à atteindre le but visé, être nécessaires à cette fin dans le sens que le but visé ne peut pas être atteint par des mesures moins incisives, et respecter un rapport raisonnable entre les effets de ces dernières sur la situation des intéressés et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public. La chambre constitutionnelle doit faire montre d'une certaine réserve dans l'appréciation de l'adéquation et de la nécessité de restrictions (ACST/22/2017 précité consid. 9b et 12b ; ACST/6/2017 du 19 mai 2017 consid. 14a).

15. En l'espèce, en tant qu'elles interdisent temporairement la circulation à l'intérieur du périmètre de la moyenne ceinture routière en cas de pics de pollution à certaines classes de véhicules en fonction de leurs performances environnementales, les restrictions prévues aux art. 15D à 15H LaLPE portent atteinte à la liberté économique des personnes physiques ou morales dont l'activité professionnelle implique le déplacement au moyen de véhicules. À noter que des exceptions à cette restriction de circulation sont prévues dans le règlement d'application (art. 15E al. 1 in fine). Il en va en particulier ainsi des véhicules destinés au transport professionnel de personnes (art. 5 al. 5 let. d RPics). Le point de savoir si une telle restriction peut être qualifiée de grave, eu égard notamment aux exceptions prévues par le règlement d'application, du périmètre limité de la zone concernée et du caractère temporaire de la mesure, peut demeurer indécis, au vu des considérants qui suivent.

Les recourants remettent tout d'abord en cause l'existence d'une base légale suffisamment précise pour restreindre la liberté économique des personnes physiques ou morales dont l'activité professionnelle implique le déplacement au moyen de véhicules. Ils font valoir que les termes de « pics de pollution », de « classes de véhicules motorisés » et de « circulation différenciée » ne sont pas suffisamment définis dans une loi au sens formel. Cet argument, avancé par les recourants dans leur mémoire du 25 février 2019, a perdu de sa pertinence depuis l'adoption, le 9 avril 2019, de l'art. 13A LaLPE. En effet, s'agissant des « pics de pollution », l'art. 13A al. 4 LaLPE fixe, pour les PM10, l'O3 et le NO2, les seuils de concentrations dans l'air du polluant concerné à partir desquels des mesures urgentes peuvent être prises. Il ne précise certes pas en détails les différents seuils applicables à chaque niveau d'alerte. L'art. 13A al. 4 LaLPE prévoit cependant le seuil minimal à partir duquel des mesures urgentes, telles que la circulation différenciée, peuvent être prises par les autorités (art. 13A al. 4 in fine LaLPE). En cela, la loi cantonale apporte une définition suffisamment claire et précise de la notion de « pics de pollution ». S'agissant ensuite de la notion de « classes de véhicules motorisés », l'art. 15E al. 4 LaLPE précise qu'elles se définissent en fonction de leurs performances environnementales sur la base des normes Euro. Cette disposition prévoit également la définition de cinq classes, au minimum. Cette exigence vise ainsi à donner un sens aux trois niveaux d'alerte prévus par la loi cantonale. Quoi qu'en disent les recourants, ce cadre est suffisamment précis et délimité pour respecter l'exigence de la densité normative, et cela quand bien même l'art. 15E al. 4 LaLPE laisse à l'autorité d'application une certaine marge de manoeuvre lors de sa concrétisation. La notion de « circulation différenciée » est précisée à l'art. 13A al. 2 LaLPE, selon lequel les régimes différenciés servent à favoriser les véhicules les plus respectueux des normes environnementales. On comprend ainsi aisément que le terme « différenciée » se rapporte aux différentes catégories de véhicules motorisés, classés en fonction de leurs performances environnementales. La circulation différenciée se distingue en cela de la circulation alternée, qu'elle remplace. Contrairement à ce que soutiennent les recourants, la loi contestée ne laisse subsister aucun doute quant au fait que ce système implique une restriction temporaire de circulation de certaines classes de véhicules, en fonction de leurs performances environnementales (art. 15E al. 1 LaLPE). Il s'ensuit que les dispositions attaquées, dont il n'est pas contesté qu'elles figurent dans une loi au sens formel, constituent une base légale suffisante au sens de l'art. 36 al. 1 Cst.

Pour le reste, les recourants ne contestent pas l'existence d'un intérêt public. Ils se plaignent en revanche d'une violation du principe de la proportionnalité. Se référant aux seuils d'alerte prévus en droit européen (soit 240 µg/m3 pour l'O3 et 400 µg/m3 pour le NO2 ; cf. supra consid. 11c), ils font valoir en premier lieu que ceux-ci n'ont jamais été atteints dans le canton de Genève durant les dernières années. Le dispositif prévu aux art. 15D ss LaLPE serait ainsi inapte à atteindre l'objectif d'intérêt public poursuivi.

Ce raisonnement perd cependant de vue que les mesures prévues par la loi contestée constituent des mesures urgentes qu'il incombe aux autorités cantonales de prendre immédiatement. Elles sont destinées à gérer des situations critiques d'urgence qui ne devraient que rarement se présenter. Ainsi que l'a rappelé la commission des transports du Grand Conseil, si les mesures d'assainissement qui visent un plus long terme devenaient efficaces, les mesures urgentes seraient plus rares (IN 169-B, p. 75 à 80). Si les concentrations des différents polluants baissent régulièrement depuis plusieurs années, cette diminution ne préserve pas d'un risque de pic de pollution. D'autres facteurs, notamment les conditions météorologiques, la situation géographique particulière de Genève en forme de cuvette, l'augmentation du nombre de kilomètres parcourus estimés à 13 % dans l'agglomération genevoise et de celle du parc automobile (le nombre de voitures de tourisme était en augmentation de 5 % en 2017 par rapport à 1990, celui des voitures de livraison et des camions de 51 %, celui des deux-roues de 38 % (cf. office cantonal des transports [ci-après : OCT], Annuaire statistique des transports - Synthèse des données, édition 2018) favorisant ces concentrations. Les mesures prévues par la LaLPE, en particulier la circulation différenciée, visent à réduire rapidement une concentration alarmante de polluants entraînant de graves effets de santé publique sur une majeure partie de la population. Sur la base des résultats dans les pays européens ayant mis en place des LEZ, il appert que de telles mesures permettent de ramener rapidement les concentrations de pollution en dessous des VA (cf. en particulier : supra EN FAIT consid. 8 : https://fr.urbanaccessregulations.eu/low-emission-zones-main, consulté le jour de l'arrêt). Il y a donc lieu d'admettre que la circulation différenciée constitue une mesure efficace pour lutter contre les situations de crise.

Cette conclusion vaut, certes dans une moindre mesure, lorsque le pic de pollution est causé par un dépassement de la valeur seuil pour la concentration de l'ozone. L'OFEV a rappelé que les mesures d'urgence locales déclenchées en période de pollution élevée ne contribuaient que de façon limitée à une réduction immédiate du niveau de pollution du moment (OFEV, Fiche - Ozone : poursuivre la baisse des précurseurs, 24 avril 2020, p. 3). Ce constat sert avant tout à mettre l'accent sur l'importance de l'action préventive en matière de la lutte contre la pollution de l'air (cf. OFEFP, Cahier de l'environnement, op. cit., p. 27). Il n'en demeure pas moins que, comme le relève l'intimé, un dépassement de la VA de l'ozone expose les personnes à une situation si grave que toute baisse, même limitée, de la concentration de l'ozone est de nature à réduire les effets dommageables sur la santé des personnes concernées.

Les recourants soutiennent enfin que des restrictions locales du trafic basées sur les performances environnementales des véhicules n'ont qu'un effet très limité sur l'abaissement des valeurs des PM10. Ils exposent que la part des PM10 due à la combustion des moteurs des véhicules (environ 4,5 %) est très faible par rapport à celle due aux frottements (17,3 %). En l'occurrence, les valeurs mesurées en Suisse de 2000 à 2014 révèlent que les émissions de PM10 issues de l'abrasion représentent environ 2/3 des émissions totales de PM10, alors que les émissions issues de la combustion en représentent 1/3 (DETA, Stratégie de protection de l'air 2030, approuvée par le Conseil d'État le 16 décembre 2015, p. 16 ss). Ces chiffres ne permettent toutefois pas de conclure, comme le font les recourants, qu'une mesure de circulation différenciée serait inefficace pour lutter contre les dépassements de VA s'agissant des PM10. En effet, outre que l'on ne voit pas de mesure moins incisive - les recourants n'en proposant d'ailleurs pas -, leur raisonnement perd de vue que les émissions de particules issues de la combustion sont les plus dangereuses pour la santé (DETA, Stratégie de protection de l'air 2030, op. cit., p. 18ss). Or, ainsi que le relève l'intimé, la part des émissions des PM10 (combustion) dues au transport a été estimée à 30 % en 2018 (cf. OFEV, Switzerland's Informative Inventory Report 2020, p. 51). Force est ainsi d'admettre que l'interdiction temporaire de circuler imposée aux véhicules les moins performants constitue une mesure efficace et ciblée pour lutter contre les concentrations nocives des PM10.

Il appert, en définitive, que la mesure de circulation différenciée en cas de pics de pollution est apte à produire le résultat escompté, à savoir la réduction des pics de pollution pour sauvegarder la santé des personnes et qu'aucune mesure moins incisive n'entre en ligne de compte. Le dispositif contesté poursuit un intérêt public de protection de la santé, en particulier des personnes à risque (enfants, femmes enceintes, personnes souffrant de problèmes cardiaques et respiratoires). Il relève d'une tâche publique d'État qui est un corollaire au droit fondamental à un environnement sain que le Constituant genevois a reconnu à toute personne habitant ce canton (art. 19 Cst-GE). L'intérêt privé des professionnels travaillant dans le canton doit être relativisé, dès lors que le dispositif est temporaire et limité à une zone spécifique. Il est introduit de manière progressive selon le niveau de pollution constaté et en fonction des performances environnementales des véhicules. Les interdictions de circuler ne concernent par ailleurs qu'un pourcentage réduit du parc automobile genevois (cf. document non daté du SABRA, d'où il ressort qu'en cas d'alerte 2, seuls 16 % du parc total genevois serait concerné par l'interdiction de circuler ; supra EN FAIT consid. 15). La loi attaquée prévoit en outre des exceptions à la restriction, qui sont concrétisées dans son règlement d'application (art. 5 al. 5 RPics). Y figurent notamment les véhicules munis du macaron handicapé (let. b), les véhicules agricoles (let. c), les véhicules destinés au transport professionnel de personnes (let. d), les convois spéciaux (let. f) et les voitures automobiles de travail (let. h). Une période transitoire de deux ans est, en outre, prévue pour les véhicules de transport de choses pour leur permettre, cas échéant, de prendre des dispositions (art. 18 al. 2 RPics). En adoptant le dispositif de circulation différenciée, le législateur genevois a ainsi cherché à concilier le droit fondamental à un environnement sain que le Constituant genevois a reconnu à toute personne habitant ce canton, notamment s'agissant des personnes les plus vulnérables, et la liberté économique des professionnels des transports et des autres usagers de la route. La solution choisie parvient à un équilibre entre ces droits fondamentaux. L'intérêt public de sauvegarde de la santé des personnes en cas de pics de pollution l'emporte ainsi sur les intérêts privés des professionnels du secteur des transports.

La restriction à la liberté économique étant justifiée, le grief des recourants en lien avec la violation de cette liberté sera écarté.

16. a. Il suit des considérants qui précèdent que le recours formé dans la cause A/2610/2019 est partiellement admis et les hypothèses 1 et 3 de l'art. 13A al. 4 LaLPE sont annulées.

Vu l'issue donnée au litige, un émolument - réduit - de CHF 500.- sera mis à la charge des recourants, pris solidairement (art. 87 al. 1 LPA), qui succombent en partie. Une indemnité de procédure de CHF 4'000.- leur sera allouée, à la charge de l'État de Genève. Aucune indemnité de procédure ne sera, en revanche, allouée au Grand Conseil qui agit par lui-même et n'est pas représenté par un mandataire professionnel (art. 87 al. 2 LPA).

b. Le recours formé dans la cause A/789/2019 est rejeté.

Vu l'issue donnée au litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge des recourants, pris solidairement (art. 87 al. 1 LPA), qui succombent. Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

préalablement :

ordonne la jonction des causes nos A/789/2019 et A/2610/2019 sous le numéro de cause A/789/2019 ;

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 25 février 2019 par Monsieur A______, l'Association suisse des transports routiers, section Genève et le Touring Club suisse, section Genève contre la loi du 23 novembre 2018 modifiant la loi d'application de la loi fédérale sur la protection de l'environnement du 2 octobre 1997 (LaLPE - K 1 70) ;

au fond :

le rejette ;

admet partiellement, dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté le 8 juillet 2019 par Messieurs A______ et B______, l'Association suisse des transports routiers, section Genève et le Touring Club suisse, section Genève contre la loi du 9 avril 2019 modifiant la loi d'application de la loi fédérale sur la protection de l'environnement du 2 octobre 1997 (LaLPE - K 1 70) ;

annule les hypothèses 1 et 3 de l'art. 13A al. 4 de ladite loi ; formellement, cette disposition prend le libellé suivant :

« Lorsque la concentration d'ozone excède 180 microgrammes par mètre cube en moyenne horaire à l'une ou l'autre des stations de mesures de la pollution de l'air cantonales pendant 3 heures consécutives :

-          le Conseil d'État diffuse spontanément l'information sur cette pollution et ses conséquences potentielles sur la santé aux personnes vivant et travaillant à proximité de la station ou des stations de mesures concernées, incluant les moyens d'action des habitantes et habitants ;

-          les transports publics sont rendus gratuits et l'offre ponctuellement renforcée ;

-          les régimes différenciés sont adaptés aux données actualisées des niveaux de pollution. »

rejette le recours pour le surplus ;

met un émolument global de CHF 1'500.- à la charge solidaire de Messieurs A______ et B______, l'Association suisse des transports routiers, section Genève et le Touring Club suisse, section Genève ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 4'000.- à Messieurs A______ et B______, à l'Association suisse des transports routiers, section Genève et le Touring Club suisse, section Genève, solidairement entre eux, à la charge de l'État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Nicolas Wisard, avocat des recourants, ainsi qu'au Grand Conseil, et, pour information, au Conseil d'État.

Siégeant : M. Verniory, président, Mmes Krauskopf, Lauber et McGregor, M. Knupfer, juges.

Au nom de la chambre constitutionnelle :

le greffier-juriste :

 

 

 

I. Semuhire

 

 

le président siégeant :

 

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :