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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/9412/2014

ACPR/313/2019 du 03.05.2019 sur OMP/17252/2017 ( MP ) , ADMIS

Recours TF déposé le 04.06.2019, rendu le 08.01.2020, REJETE, 1B_272/2019
Descripteurs : SÉQUESTRE(MESURE PROVISIONNELLE) ; CONFISCATION(DROIT PÉNAL) ; TIERS NON IMPLIQUÉ ; PRINCIPE DE LA BONNE FOI ; CONTRE-PRESTATION
Normes : CPP.263.al1; CP.70.al1; CP.70.al2

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/9412/2014ACPR/313/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 3 mai 2019

Entre

 

A______, domicilié ______, Russie, comparant par Me B______, avocat, ______,

recourant,

 

contre l'ordonnance de séquestre rendue le 11 décembre 2017 par le Ministère public,

 

et

 

[la banque] C______ SA, sise______, comparant par Me Philippe Vladimir BOSS, avocat, BIANCHISCHWALD SÀRL, avenue des Toises 12, case postale 5410, 1002 Lausanne,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.

 


EN FAIT :

A. a. Le 22 décembre 2017, A______ a recouru contre l'ordonnance du 11 précédent par laquelle le Ministère public avait ordonné le séquestre des avoirs en compte, à hauteur de CHF 330'000.-, sur le compte dont il est titulaire auprès de [la banque ] D______ SA (ci-après : D______).

Il a conclu, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette décision et à la levée immédiate du séquestre. Il a en outre versé les sûretés en CHF 1'500.-.

b. Par arrêt ACPR/249/2018 du 3 mai 2018, la Chambre de céans a rejeté le recours.

c. Sur recoursde A______, le Tribunal fédéral a, le 26 septembre 2018, annulé l'arrêt de la Chambre de céans et lui a renvoyé la cause pour examen de la réalisation éventuelle de la condition de la bonne foi posée à l'art. 70 al. 2 CP (arrêt 1B_269/2018).

B. Les faits pertinents pour l'issue du litige sont les suivants :

a. Le 6 mai 2014, la C______ SA (ci-après : C______) a déposé plainte pénale contre l'un de ses employés, E______, gestionnaire de fortune, pour gestion déloyale, abus de confiance, faux dans les titres, puis, selon un complément de plainte, blanchiment d'argent.

E______ a été informé le 27 mai 2014 qu'il était prévenu de ces infractions pour avoir, alors qu'il gérait les avoirs de plusieurs clients n'ayant pas octroyé de mandat de gestion à la banque C______, commis de nombreuses malversations entre 2010 et 2014. E______ a également été prévenu d'escroquerie, en septembre 2014.

b. Entendu le 25 septembre 2014 devant le Ministère public, le prévenu a reconnu avoir fait, en date du 20 décembre 2012, un virement bancaire de CHF 330'000.- du compte 1______, dont la titulaire était F______, sans l'accord de cette dernière, en établissant un faux contrat de prêt et de faux relevés de compte. Il avait ordonné le transfert de cette somme sur un compte ouvert auprès de [la banque] G______ LDT (ci-après : G______) au nom de la société H______SA (ci-après : H______). Ce paiement visait à rembourser un prêt d'un montant identique accordé par A______, étant précisé qu'il avait emprunté cette somme pour compléter l'acquisition d'un appartement à I______ [VS] et que A______ était derrière H______.

C. À teneur de l'ordonnance querellée, le Ministère public a informé la banque D______ instruire une procédure pénale des chefs d'abus de confiance (art. 138 CP), escroquerie (art. 146 CP), gestion déloyale (art. 158 CP) et faux dans les titres (art. 251 CP) à l'encontre, en particulier, de E______.

Le séquestre a été ordonné sur les avoirs en compte à hauteur de CHF 330'000.-, les documents d'ouverture usuels, les relevés de compte et du dossier titres ainsi que l'état des avoirs pour la relation dont A______ était titulaire auprès de la banque. Ce dernier pouvait être informé de la mesure.

D. a. Dans son recours, A______ a exposé avoir connu E______ lorsque celui-ci était son gérant de fortune au sein de la banque J______, jusqu'à la fin des années 2000. Depuis lors, ils étaient restés en contact téléphonique "de temps en temps". En 2011, il lui avait prêté CHF 380'000.- pour lui permettre d'acquérir un appartement à I______. Conformément à sa demande, il avait fait verser la somme sur le compte de Me K______, notaire en Valais. Il avait effectué ce transfert depuis le compte que sa société H______détenait auprès de la banque G______. Le montant du prêt lui avait été remboursé par paiements de CHF 50'000.- du 15 juin 2012 et de CHF 330'000.- du 20 décembre 2012. Il n'avait toutefois pas eu connaissance des avis de crédit y relatifs, ceux-ci lui ayant été adressés en poste restante. Ce n'était qu'après avoir eu connaissance de l'ordonnance de séquestre, le 15 décembre 2017, qu'il avait obtenu ces pièces bancaires auprès de G______. Il avait alors pu constater que les remboursements provenaient de deux comptes différents qui lui étaient inconnus.

Aux termes de son recours,A______ a contesté l'existence de soupçons suffisants pour fonder le séquestre, au sens des art. 197 et 263 CPP. Le Ministère public avait fait preuve d'une méconnaissance totale de la situation en ordonnant le séquestre. La mesure était donc fondée sur des soupçons extrêmement faibles malgré l'avancement de la procédure, qui avait débuté en 2014.

En outre, l'ordonnance attaquée ne permettait pas de considérer qu'un des motifs de séquestre posés par l'art. 263 al. 1 CPP était rempli. À cet égard, il n'avait lui-même commis aucune infraction et contestait être lié à une infraction que E______ aurait pu commettre. Les versements effectués par ce dernier en sa faveur se justifiaient par le remboursement du prêt qu'il lui avait consenti, de sorte qu'il ne s'était jamais douté de quoi que ce soit.

À l'appui de ses explications, A______ a produit :

- un relevé annuel d'un compte bancaire n° 2______ - sans indication du nom de la banque - pour l'exercice 2011, selon lequel un versement de CHF 380'024.60 a été effectué le 14 février 2011 en faveur de Me K______ ;

- un avis de débit du 14 février 2011, du compte n° 2______auprès de G______, concernant le versement du même jour en faveur de Me K______ et mentionnant comme motif de paiement "PPE 3______ du 4______, appartement 40; E______, L______ SA" ;

- un relevé annuel du compte bancaire n° 2______- toujours sans indication du nom de la banque - concernant l'exercice 2012, selon lequel les sommes de CHF 49'988.- et CHF 330'000.- ont respectivement été créditées les 15 juin et 20 décembre 2012, sans indication du donneur d'ordre et avec pour seule mention "PAYMENT" ;

- un avis de crédit du 15 juin 2012, pour la somme de CHF 49'988.-, avec la mention "mail retained", citant comme donneur d'ordre "M______ LTD, 5______ [adresse]" et comme motif de paiement "Research activities" ;

- un avis de crédit du 20 décembre 2012, pour la somme de CHF 330'000.-, comportant également la mention "mail retained", et citant comme donneur d'ordre "F______" sans aucune indication sous la rubrique relative au motif de paiement ;

- une lettre de G______ adressée le 22 décembre 2016 à H______ confirmant que le compte n° 2______, ouvert au nom de dite société, a été clôturé le 21 décembre 2016.

b. Invité à fournir ses observations, le Ministère public a conclu au rejet du recours.

A______ avait déposé un recours circonstancié sans avoir sollicité du Ministère public les motifs du séquestre, attestant ainsi qu'il connaissait parfaitement le contexte et les raisons de la mesure ordonnée.

Il existait des soupçons suffisants que la somme de CHF 330'000.- constituait le résultat d'une infraction commise au préjudice de C______, dont le produit, qui avait directement bénéficié au recourant, devait être séquestré. En effet, selon le procès-verbal d'audition de E______ du 25 septembre 2014, le transfert de CHF 330'000.- depuis le compte de F______ l'avait été sans instruction de cette dernière et sur présentation d'un faux contrat. Par ailleurs, les éléments bancaires figurant à la procédure révélaient que la somme de CHF 330'000.-, objet du séquestre :

- après avoir été débitée le 20 décembre 2012 du compte de F______, auprès de C______, avait été transférée sur le compte n° 2______ouvert auprès de la banque G______ au nom de la société H______, dont A______ était l'un des ayants droit ;

- une partie des avoirs détenus par H______ auprès de G______ avait été transférée sur le compte n° 6______ détenu par A______ auprès du même établissement bancaire ;

- les avoirs détenus par A______ auprès de la banque G______ avaient été transférés sur son compte personnel n° 7______ auprès de N______ SA (ci-après : N______), puis sur son compte personnel n° 7______auprès de D______ - où ils ont été séquestrés -, tandis que les relations bancaires auprès de la banque G______ avaient été clôturées en décembre 2016.

La question d'une éventuelle restitution au lésé ou d'une confiscation des valeurs séquestrées se posait. Dans la seconde hypothèse, la problématique de la bonne foi de A______ devrait être examinée à la lumière de la provenance clairement identifiée du remboursement des fonds, à savoir le compte bancaire de F______.

c. A______ a répliqué que sa bonne foi ne saurait être mise en doute au seul motif qu'il était au courant des raisons du séquestre. Il avait compris le contexte de cette mesure en faisant le lien avec la seule transaction effectuée en rapport avec E______, dont le nom était mentionné dans l'ordonnance de séquestre.

S'agissant des observations du Ministère public relatives aux mouvements des valeurs litigieuses, il s'en rapportait aux pièces bancaires dont il demandait la production, tout en précisant qu'elles étaient "irrelevantes" car "elles ne démontreront en rien la commission d'une quelconque infraction et pour cause [puisque lui-même] n'en a commis aucune. Jusqu'à preuve du contraire, les gens [étaient] encore libres de faire ce qu'ils souhait[ai]ent de leur argent ". Le Ministère public faisait en outre référence, s'agissant des déclarations de E______, à des faits et pièces qui lui étaient inconnus et qu'il contestait par conséquent.

Pour le surplus, il était de bonne foi, ignorant tout de la procédure pénale ainsi que des liens entreE______ et les titulaires des comptes qui avaient servi à rembourser le prêt. L'existence du prêt était démontrée. Celui-ci devait être remboursé et l'avait été, ce qu'il avait constaté sur les relevés annuels. Il ne savait pas de qui provenaient les versements puisqu'il ne recevait pas les détails des écritures, adressées en poste restante. Il n'y avait par ailleurs aucun soupçon sérieux d'une infraction qui puisse lui être reprochée et le séquestre avait été ordonné tardivement, le Ministère public ayant eu connaissance des circonstances du remboursement dès septembre 2014.

E. Dans son arrêt, la Chambre de céans a retenu que les conditions du séquestre étaient réalisées, même si le recourant apparaissait étranger aux faits dont le prévenu était soupçonné.

Statuant sur le grief de la bonne foi,que A______ avait soulevé sans toutefois faire explicitement référence à l'art. 70 al. 2 CP, la Chambre de céans a estimé que le précité se limitait à de simples affirmations, à l'appui desquelles il avait produit uniquement des extraits de compte attestant du versement de CHF 380'000.- à un notaire, en lien avec un appartement sis à I______. Il n'avait en revanche produit aucun document attestant du prêt allégué. Ainsi, bien que confirmé par les déclarations du prévenu, le prêt n'était pas établi par pièces. Compte tenu des rapports ténus que l'intéressé prétendait entretenir avec le prévenu et du montant en jeu, il paraissait surprenant qu'il n'existât pas un contrat, ou à tout le moins une reconnaissance de dette écrite, susceptible d'attester le prêt allégué. Dans ces circonstances, la preuve d'une contre-prestation adéquate, au sens de l'art. 70 al. 2 CP, n'était pas rapportée. Partant, la probabilité d'une confiscation ou d'une allocation au lésé subsistait et le séquestre demeurait justifié. En outre, le recourant semblait avoir profité directement du produit illicite provenant du forfait commis par le prévenu, auquel il était reproché d'avoir prélevé ces avoirs sans droit sur le compte de la victime. Les valeurs séquestrées étaient susceptibles d'être restituées à la lésée. Or, la question de l'éventuel conflit entre cette dernière et le recourant devrait selon toute vraisemblance être résolue par un juge du fond. Dans l'intervalle, la mise sous main de justice des valeurs délictueuses était légitime.

F. Le Tribunal fédéral a retenu qu'au regard de l'ensemble des éléments du dossier, un lien entre le versement de février 2011 [auprès du notaire] et celui de décembre 2012 [séquestre litigieux] pouvait être retenu, le premier apparaissant bel et bien comme la contre-prestation adéquate du second.

La question de la bonne foi du recourant au sens de l'art. 70 al. 2 CP, notamment à la réception des versements litigieux, n'ayant pas été examinée, la cause devait être renvoyée à la Chambre de céans pour qu'elle procède à cet examen.

G. Les parties ont été invitées à s'exprimer sur la suite à donner à l'arrêt de renvoi.

a. Le Ministère public conclut au renvoi de la cause en ses mains pour l'audition de A______, qui n'avait jusqu'ici jamais été entendu, en particulier sur ses liens avec E______, sur les circonstances ayant amené celui-ci à devenir son gestionnaire au sein de J______ et le type d'investissements intervenus alors. Le Procureur se dit "interpell[é]" par les circonstances du remboursement des fonds à A______, à l'aide de deux comptes dont les titulaires étaient inconnus du destinataire, ainsi que par le libellé pour le moins insolite des versements, soit, respectivement, "payment" et "research activities", alors qu'ils étaient supposés intervenir au titre de remboursements d'un prêt. Il convenait également d'instruire le versement du montant du prêt par A______, au bénéfice de E______, directement auprès du notaire et de garantir le droit des parties d'être entendues et de poser des questions, l'éventuelle allocation, voire restitution au lésé, ne pouvant être écartée. Partant, la question de la bonne foi de A______ ne pouvait être tranchée définitivement à ce stade.

b. A______ persiste dans ses conclusions et conclut au versement d'une indemnité de CHF 13'026.10, TVA comprise, pour ses frais de défense. Sa bonne foi ne pouvait être mise en cause. Son courrier bancaire demeurant en poste restante, il avait eu connaissance des deux versements litigieux fin 2012, à la lecture du relevé annuel, qui ne faisait état que de la mention "payment". Convaincu que ces virements provenaient de E______ en remboursement du prêt consenti une année plus tôt, il n'avait eu aucune raison de demander à consulter les avis de crédit pour savoir qui l'avait remboursé, ce d'autant moins qu'il ne devait recevoir d'argent de personne d'autre. Il n'avait pris connaissance des avis de crédit qu'après le séquestre de ses fonds. Il avait, par ailleurs, dûment collaboré en produisant, en toute bonne foi, ces avis à la procédure et n'avait à aucun moment tenté de dissimuler ou rendre plus difficile l'identification du produit de l'infraction.

c. C______, entendue en sa qualité de partie plaignante, conclut au rejet du recours, avec suite de frais et indemnité de procédure. N'ayant pas été entendue avant l'arrêt de la Chambre de céans, elle s'estime légitimée, nonobstant la conclusion de l'arrêt de renvoi sur ce point, à remettre en cause l'existence d'une contre-prestation adéquate. Elle conteste par ailleurs que A______ ait été de bonne foi. Le précité ne pouvait, pour fonder sa prétendue ignorance de la provenance des versements litigieux, tirer bénéfice de la clause de banque restante, les communications adressées sous cette forme lui étant opposables. Il convenait, par ailleurs, d'instruire de quelle manière il avait été informé que les deux versements litigieux, provenant de deux tiers différents, concernaient le remboursement du prêt consenti à E______. Tout portait à croire que A______ avait été informé par "son banquier" [G______] du remboursement du prêt et tout laissait à penser que, lors de cette discussion, le banquier l'avait questionné "quant à la circonstance que le prêt consenti à E______ [était] remboursé par des tiers". De plus, l'un des deux versements - de CHF 49'988.- - provenait de M______ LTD, alors même que E______ était mis en prévention pour des faits liés à la société O______, dont l'ancien nom était P______SA. Il convenait dès lors d'examiner l'arrière-plan de la transaction. Qui plus est, il résultait d'une reconnaissance de dette signée le 23 juillet 2014, que E______ avait reçu ce jour-là de A______ une somme de CHF 50'000.-. Il convenait d'instruire les raisons de ce nouveau prêt, consenti après l'ouverture de la procédure pénale, et son éventuel remboursement.

d.a. A______ réplique que son audition n'est pas nécessaire et aurait pu - voire dû, au regard du principe de la célérité -, intervenir plus tôt puisque E______ avait admis déjà en 2014 avoir utilisé le compte de F______ pour rembourser le prêt. Il "s'étonne" que C______ ait été invitée à s'exprimer sur le recours, alors qu'elle n'avait jamais été partie dans le cadre du présent litige. Le second prêt accordé, en 2014, à E______ n'était pas contesté, n'avait pas été remboursé et n'avait rien à voir avec le séquestre litigieux. Au demeurant, cette mesure portait sur le versement de CHF 330'000.- en provenance du compte de F______, de sorte que les théories échafaudées par C______ au sujet de la société O______, qu'il ne connaissait pas, étaient sans intérêt. Il n'avait nullement été averti par son banquier que le prêt avait été remboursé. Quant aux questions que celui-ci aurait, selon la plaignante, dû se poser s'agissant de la provenance des fonds litigieux, il relève que C______ avait elle-même autorisé le versement de CHF 330'000.- sans que cela ne lui pose manifestement de problème. Enfin, les règles sur la fiction de notification en poste restante citées par C______ s'appliquaient en matière civile et non en matière pénale.

d.b. C______ a répliqué.

EN DROIT :

1.             La recevabilité du recours ayant déjà été admise (ACPR/269/2018 précité, consid. 1), il n'y a pas lieu d'y revenir.

2.             Le recourant "s'étonne" du droit d'être entendu accordé, à ce stade de la procédure, à C______, partie plaignante, mais n'en tire aucun grief, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur ce point.

3.             L'arrêt de renvoi ayant admis l'existence d'une contre-prestation adéquate, au sens de l'art. 70 al. 2 CP, cette condition ne peut, conformément au principe de l'autorité de l'arrêt de renvoi (ATF 135 III 334 consid. 2 p. 335 ; ATF 131 III 91 consid. 5.2 p. 94; ATF 104 IV 276 consid. 3d p. 277 s.; arrêt du Tribunal fédéral 6B_440/2013 du 27 août 2013 consid. 1.1), être remise en cause. Les griefs de la partie plaignante sur cette question ne seront donc pas examinés.

4.             4.1. Aux termes de l'art. 70 al. 1 CP, le juge prononce la confiscation des valeurs patrimoniales qui sont le résultat d'une infraction ou qui étaient destinées à décider ou à récompenser l'auteur d'une infraction, si elles ne doivent pas être restituées au lésé en rétablissement de ses droits.

L'art. 70 al. 2 CP précise que la confiscation n'est pas prononcée lorsqu'un tiers a acquis les valeurs dans l'ignorance des faits qui l'auraient justifiée, et cela dans la mesure où il a fourni une contre-prestation adéquate ou si la confiscation se révèle d'une rigueur excessive.

4.2. Selon la jurisprudence, les règles sur la confiscation doivent être appliquées de manière restrictive lorsque des tiers non enrichis sont concernés (arrêt du Tribunal fédéral 1B_3/2014 du 5 février 2014 consid. 3.2 publié in RtiD 2014 II 227). L'esprit et le but de la confiscation excluent en effet que la mesure puisse porter préjudice à des valeurs acquises de bonne foi dans le cadre d'un acte juridique conforme à la loi (ATF 115 IV 175 consid. 2b/bb ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_664/2014 du 22 février 2018 consid. 8.3 et 1B_22/2017 du 24 mars 2017 consid. 3.1).

Les deux conditions posées à l'art. 70 al. 2 CP sont cumulatives. Si elles ne sont pas réalisées, la confiscation peut être prononcée alors même que le tiers a conclu une transaction en soi légitime, mais a été payé avec le produit d'une infraction. Le tiers ne doit pas avoir rendu plus difficile l'identification de l'origine et de la découverte des actifs d'origine criminelle ou leur confiscation. Pour qu'un séquestre puisse être refusé à un stade précoce de la procédure en application de l'art. 70 al. 2 CP, il faut qu'une confiscation soit d'emblée et indubitablement exclue, respectivement que la bonne foi du tiers soit clairement et définitivement établie (arrêt du Tribunal fédéral 1B_22/2017 du 24 mars 2017 consid. 3.1).

La notion de bonne foi pénale du tiers porte sur l'ignorance des faits qui justifieraient la confiscation, soit de son caractère de récompense ou de produit d'une infraction. Selon la jurisprudence, elle ne se rapporte pas à la notion civile consacrée à l'art. 3 CC. La confiscation ne peut ainsi pas être prononcée si le tiers sait simplement qu'une procédure pénale a été ouverte contre son partenaire commercial, mais ne dispose pas d'informations particulières. Il faut que le tiers ait une connaissance certaine des faits qui auraient justifié la confiscation ou, à tout le moins, considère leur existence comme sérieusement possible, soit qu'il connaisse les infractions d'où provenaient les valeurs ou, du moins, ait eu des indices sérieux que les valeurs provenaient d'une infraction. En d'autres termes, la confiscation à l'égard d'un tiers ne sera possible que si celui-ci a une connaissance - correspondant au dol éventuel - des faits justifiant la confiscation. La violation d'un devoir de diligence ou d'un devoir de se renseigner ne suffit pas pour exclure la bonne foi du tiers (arrêts du Tribunal fédéral 1B_22/2017 précité, consid. 3.1 et 1B_222/2015 du 10 novembre 2015 consid. 2.4 et les références citées).

La preuve de l'absence de bonne foi et de contre-prestation adéquate au sens de l'art. 70 al. 2 CP incombe en principe à l'accusation. Toutefois, le tiers qui se prétend de bonne foi doit collaborer à l'établissement des faits sur ce point et, en particulier, fournir les explications nécessaires, faute de quoi il peut être amené à subir les conséquences de l'absence d'éléments probants (arrêt du Tribunal fédéral 1B_312/2010 du 8 décembre 2010 consid. 3.2 et les références citées).

4.3. En l'espèce, aucun élément au dossier ne permet de retenir que le recourant savait, au moment de sa réception, que la somme de CHF 330'000.- versée par E______ sur son compte était le produit d'une infraction pénale commise par ce dernier. En 2012, la procédure pénale contre le précité n'était pas ouverte, de sorte que le recourant ne pouvait se douter que le remboursement du prêt provenait d'un versement frauduleux. Le Ministère public et la partie plaignante estiment que le recourant aurait dû nourrir des soupçons car l'avis de crédit relatif à la somme séquestrée mentionnait, comme donneur d'ordre, le nom d'une personne inconnue et que le prêt avait été remboursé par deux versements émanant de deux donneurs d'ordres différents et, pour lui, inconnus. Or, les intimés précités font, de la sorte, grief au recourant d'avoir violé un devoir de diligence ou un devoir de se renseigner, découlant de l'art. 3 CC, que la jurisprudence sus-citée considère insuffisant pour exclure sa bonne foi.

En l'occurrence, force est de constater que le recourant n'avait pas, au moment de la réception de la somme séquestrée, une connaissance, même assimilable au dol éventuel, des faits commis - et admis - par le prévenu.

Les actes d'instruction envisagés (audition du recourant pour déterminer ses liens avec le prévenu et les circonstances du prêt de 2011, investigation sur la manière dont le recourant aurait compris ou appris que la somme reçue était le remboursement partiel du prêt octroyé au prévenu en 2011, instruction sur ses liens éventuels avec la société O______ et sur les raisons du second prêt accordé au prévenu en 2014) ne sont pas de nature à renverser cette constatation.

En effet, seule la question de la bonne foi du recourant au moment de la réception du montant séquestré doit être examinée, de sorte que les raisons du prêt en 2011 et celles du prêt subséquent, en 2014, n'apparaissent pas pertinentes. Les liens noués par le recourant avec le prévenu avant le remboursement du prêt ne sont pas non plus de nature à renseigner sur la connaissance qu'il avait, au moment de la réception du remboursement, de l'origine délictuelle des fonds. En outre, la manière dont le recourant a compris, ou été informé, que les CHF 330'000.- reçus en décembre 2012 constituaient le remboursement partiel du prêt consenti au prévenu n'est pas de nature à renseigner sur son éventuelle connaissance de l'origine délictuelle des fonds, puisque, comme retenu ci-dessus, l'éventuelle violation de son devoir de diligence ou de se renseigner ne suffirait pas pour exclure sa bonne foi.

Les parties concernées ayant toutes eu l'occasion de s'exprimer, point n'est besoin non plus de renvoyer le dossier au Ministère public pour garantir leur droit d'être entendues.

La bonne foi du recourant peut dès lors, à ce stade déjà, être considérée comme établie. L'existence d'une contre-prestation adéquate ayant été admise par le Tribunal fédéral, la confiscation du montant séquestré, ou sa restitution à la lésée, ne sera pas possible.

5.             Partant, le recours doit être admis et le séquestre levé.

6.             L'admission du recours ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 1 CPP) et les sûretés seront restituées au recourant.

7.             Le recourant, tiers saisi ayant obtenu gain de cause, a conclu à l'octroi d'une indemnité de procédure de CHF 13'015,50, TVA incluse, plus CHF 10,60 de frais de courrier recommandé.

7.1. En vertu de l'art. 436 al. 1 CPP, les prétentions en indemnité dans les procédures de recours sont régies par les art. 429 à 434 CPP.

Selon l'art. 434 al. 1 CPP, les tiers qui, par le fait d'actes de procédure ou du fait de l'aide apportée aux autorités pénales, subissent un dommage ont droit à une juste compensation si le dommage n'est pas couvert d'une autre manière, ainsi qu'à une réparation du tort moral. L'art. 433 al. 2 CPP, qui prévoit que l'intéressé adresse ses prétentions - qu'il doit chiffrer et justifier - à l'autorité pénale, est applicable par analogie.

La Chambre de céans applique un tarif horaire de CHF 450.- (ACPR/112/2014 du 26 février 2014, renvoyant au tarif "usuel" de CHF 400.- ressortant de la SJ 2012 I 175 ; cf. aussi ACPR/279/2014 du 27 mai 2014, ACPR/21/2014 du 13 janvier 2014, ACPR/442/2012 du 17 octobre 2012) ou de CHF 400.- (ACPR/282/2014 du 30 mai 2014), notamment si l'avocat concerné avait lui-même calculé sa prétention à ce taux-là (ACPR/377/2013 du 13 août 2013).

L'indemnité n'est due qu'à concurrence des dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable des droits de procédure du prévenu (Message relatif à l'unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 1303, p. 1313 ; J. PITTELOUD, Code de procédure pénale suisse - Commentaire à l'usage des praticiens, Zurich/St-Gall 2012, n. 1349 p. 889). Le juge ne doit ainsi pas avaliser purement et simplement les notes d'honoraires qui lui sont le cas échéant soumises, mais, au contraire, examiner si l'assistance d'un conseil était nécessaire puis, dans l'affirmative, apprécier objectivement la pertinence et l'adéquation des activités facturées, par rapport à la complexité juridique et factuelle de l'affaire et, enfin, dire si le montant des honoraires réclamés, même conforme au tarif pratiqué, est proportionné à la difficulté et à l'importance de la cause, c'est-à-dire raisonnable au sens de la loi (cf. ACPR/140/2013 du 12 avril 2013).

7.2. En l'espèce, le recourant remplit les conditions à l'octroi d'une indemnité au sens de l'art. 434 CPP. Il chiffre l'activité pour la procédure de recours à 26 heures 50 au tarif horaire de CHF 450.-. Cette durée est toutefois excessive. En effet, le litige est circonscrit au séquestre, donc à des faits ne présentant aucune complexité, et la discussion juridique du recours (de 9 pages en totalité), tenait sur une seule page. Le recourant s'est ensuite exprimé par trois actes, soit des observations de 3 pages avant l'arrêt du Tribunal fédéral, des observations de 5 pages après l'arrêt du Tribunal fédéral et une réplique finale de 5 pages, pour répondre aux arguments de ses parties adverses portant sur les conditions du séquestre et de l'application de l'art. 70 al. 2 CP. Il s'ensuit qu'une durée totale de 12 heures paraît suffisante à la défense raisonnable des droits de procédure du recourant, à laquelle 1 heure 30 sera ajoutée pour l'entretien avec le client. L'indemnité sera donc fixée à CHF 6'075.-, étant relevé que les débours ne sont pas documentés et que la TVA n'est pas due, le recourant étant domicilié à l'étranger (ACPR/89/2018 du 19 février 2018).

8. Le prévenu et la partie plaignante, qui succombent, n'ont pas droit à une indemnité de procédure.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet le recours et annule l'ordonnance de séquestre du 11 décembre 2017.

Laisse les frais de la procédure à la charge de l'État.

Invite les services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ les sûretés en CHF 1'500.-

Alloue à A______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 6'075.- TTC pour ses frais de recours.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant (soit pour lui son conseil), à C______ (soit pour elle son conseil) et au Ministère public.

Le communique pour information à E______ (soit pour lui son conseil).

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente ; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI, juges ; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).