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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/13648/2020

AARP/211/2022 du 13.07.2022 sur JTDP/1176/2021 ( PENAL ) , REJETE

Recours TF déposé le 14.09.2022, rendu le 18.08.2023, ADMIS, 6B_1106/2022, 6B_1098/22, 6B_1106/22
Recours TF déposé le 14.09.2022, rendu le 18.08.2023, IRRECEVABLE, 6B_1098/2022, 6B_1098/22, 6B_1106/22
Descripteurs : LIBERTÉ DE MANIFESTATION;LOI COVID-19;PROPORTIONNALITÉ;OPPOSITION À UN ACTE DE L'AUTORITÉ
Normes : LPG.11F aOCOVID2; LMDPu.6; Ordonnance 2 COVID-19.7.letc; Ordonnance 2 COVID-19.10.letf
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/13648/2020 AARP/211/22

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 13 juillet 2022

 

Entre

A______, domicilié ______[GE], comparant par Me B______, avocate, ______ Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

 

appelants et intimés,

 

contre le jugement JTDP/1176/2021 rendu le 23 septembre 2021 par le Tribunal de police,

 

et

 

C______, domiciliée ______[GE], comparant par Me B______, avocate, ______ Genève,

 

 

D______, domicilié ______[VD], comparant par Me E______, avocate, ______ Genève,

F______, domiciliée ______[GE], comparant par Me G______, avocat, ______ Genève.

SERVICE DES CONTRAVENTIONS, chemin de la Gravière 5, case postale 104, 1211 Genève 8,

intimés.


EN FAIT :

A. a.a. En temps utile, le Ministère public (MP) appelle du jugement du 23 septembre 2021, par lequel le Tribunal de police (TP) a acquitté D______, F______, C______ et A______ de participation à un rassemblement de plus de cinq personnes (art. 7c al. 1 et 10f al. 2 let. a de l'ordonnance fédérale 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 13 mars 2020, état au 30 avril 2020 [ordonnance 2 COVID-19]), acquitté les trois premiers de refus d'obtempérer (art. 10 de de la loi genevoise sur les manifestations sur le domaine public du 26 juin 2008 [LMDPu]), mais condamné le dernier de ce chef, tout en l'exemptant de toute peine (art. 52 du code pénal suisse [CP]).

Le TP a par ailleurs condamné A______ aux frais de la procédure à hauteur de CHF 182.-, fixé l'émolument complémentaire à sa charge à CHF 400.- et condamné l'Etat de Genève à verser, à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice de leurs droits de procédure, CHF 1'475.- à D______, CHF 3'088.85 à F______, CHF 2'530.40 à C______ et CHF 998.- à A______.

a.b. Le MP conclut à l'annulation de ce jugement et à la condamnation de D______, F______, C______ et A______ à une amende de CHF 600.- chacun pour infraction aux art. 10f al. 2 let. a et 7c al. 1 de l'ordonnance 2 COVID-19 et refus d'obtempérer au sens de l'art. 10 LMDPu, subsidiairement de l'art. 11F de la loi pénale genevoise (LPG), frais de la procédure à leur charge.

b. A______ appelle également de ce jugement, concluant à son acquittement complet, frais à la charge de l'Etat, et à l'allocation d'une indemnité pleine et entière pour ses frais d'avocat.

c. Selon les ordonnances pénales n° 1______, n° 2______, n° 3______ et n° 4______ rendues par le Service des contraventions (SDC) le 22 mai 2020, il est reproché à D______, F______, C______ et A______ d'avoir, le mercredi 6 mai 2020, au 5, place de Cornavin, les trois premiers à 12h08, le dernier à 12h20 : "refus d'obtempérer à une injonction de la police dans le cadre d'une manifestation sur le domaine public. Se trouver dans un rassemblement de plus de cinq personnes dans l'espace public".

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Au printemps 2020, une coalition apolitique a lancé une pétition en ligne baptisée l’"Appel du 4 mai" pour demander aux élus réunis en session extraordinaire du 4 au 8 mai de prendre en compte leur volonté de voir émerger, après la pandémie de coronavirus, un autre monde, passant entre autres par une reprise économique plus sociale, locale et écologique.

b. Dans ce contexte, une initiative citoyenne appelée "#4m2" a vu le jour sur les réseaux sociaux, invitant les participants à occuper l'espace public de manière symbolique, en traçant au sol un carré de 4m2, à la craie ou au moyen de scotch par exemple, puis à s'y tenir immobile, en silence, de 12h00 à 12h15, chaque jour dès le 4 mai 2020.

A Genève, cette action devait notamment avoir lieu sur l'esplanade de la gare Cornavin.

c. Le 4 mai 2020 a eu lieu une première action, qui a attiré de très nombreuses personnes, de même que la presse. Il n'y a pas eu de débordements et la police n'est pas intervenue.

d. Le 6 mai 2020, sur appel de la Centrale d'engagement, de coordination et d'alarme (CECAL), la police est intervenue à la place Cornavin pour un rassemblement de six personnes, chacune se tenait au centre d'un des carrés dessinés au sol, dont deux sur les marquages de l'arrêt de bus.

A teneur des trois rapports rédigés par le gendarme H______, leur présence avait créé un attroupement important de badauds qui ne respectaient pas les distances sanitaires prescrites. Le rapport rédigé par le gendarme I______, concernant F______, ne fait en revanche pas mention de cette précision.

Selon ces rapports, deux participants ont quitté les lieux à l'arrivée de la police, sans être identifiés. Les rapports rédigés par H______ précisent qu'ils sont partis après y avoir été invités par un "police, circulez", alors que les autres participants ont refusé de bouger, raison pour laquelle un contrôle a été opéré.

e.a. D______ :

Selon le rapport de H______, D______ s'est identifié au moyen de son permis B. Le sergent-major J______ étant arrivé en renfort et ayant réitéré son ordre de circuler, sans succès, l'intéressé avait été déclaré en contravention sur le champ pour refus d'obtempérer.

Au premier juge, D______ a déclaré avoir participé à deux reprises à l'opération, dont celle du 6 mai. La police lui avait demandé fermement mais gentiment sa pièce d'identité, qu'il avait donnée, puis lui avait demandé de circuler. Les quinze minutes étant écoulées, il s'apprêtait à partir, lorsque son attention avait été attirée par F______ et A______, qui s'exprimaient d'une voix forte. Il était ensuite parti.

e.b. F______ :.

Selon le rapport de I______, les policiers avaient immédiatement demandé aux participants de s'identifier. F______ avait toutefois refusé de présenter ses papiers, refus qu'elle avait réitéré lorsque J______ l'avait sommée de le faire. Elle avait de ce fait été menottée et emmenée au poste, où la fouille de son sac avait permis de trouver sa carte d'identité.

Au premier juge, F______ a expliqué qu'elle avait eu connaissance de l'action "#4m2" par les réseaux sociaux et y avait participé dès le 4 mai. Lorsqu'elle était arrivée, le 6 mai à 12h00, trois à quatre personnes étaient déjà présentes et elle-même s'était installée dans son carré dans le même alignement, avec l'intention de partir à 12h15. Lorsqu'un policier lui avait demandé sa carte d'identité, elle avait à peine eu le temps de lui en demander la raison qu'il se détournait pour ordonner à quelqu'un qui filmait de cesser. Pendant ce temps, elle avait commencé à enlever le scotch qui délimitait son carré et à prendre ses affaires. Le policier était alors revenu et elle s'était retrouvée menottée et poussée dans la voiture de police.

e.c. C______ :

Selon le rapport de H______, elle s'est identifiée au moyen de sa carte d'identité. N'ayant pas circulé après l'injonction de J______, elle a été déclarée en contravention, à l'instar de D______.

C______ a expliqué au premier juge qu'elle avait coutume de participer aux rassemblements "#4m2", car c'était une chose de signer la pétition, mais qu'il était "essentiel d'aller au contact d'autres gens afin de leur permettre d'adhérer à ces convictions et d'être alertés sur la situation". D'habitude, les policiers venaient vers 12h13 et leur disaient qu'ils repasseraient deux minutes plus tard, sachant que les participants seraient partis. Le jour des faits, le policier qui lui avait demandé son identité s'était tourné vers F______ pendant qu'elle fouillait dans son sac. Elle l'avait ensuite attendu, précisant qu'elle comptait rester 15 minutes, quoi qu'il en soit. Le policier était revenu vers elle de manière très brutale, particulièrement énervé, en criant qu'elle ne lui avait pas donné sa carte d'identité, alors qu'elle la tenait à la main. Très vite après, elle était allée prendre les affaires de F______ restées à terre, puis s'était approchée de la voiture de police où celle-ci était assise, car elle ne voyait pas la raison de cette interpellation.

Une des photographies versées au dossier, dont il est indiqué qu'elle aurait été prise à 12h12, la montre debout au centre de son carré, en train de fouiller son sac, alors qu'elle n'a pas encore enfilé son manteau.

On la voit, sur la quatrième vidéo, en train de filmer, à l'aide de son téléphone portable, l'arrestation de A______.

e.d. A______ :

Selon le rapport de H______, A______ n'a donné suite ni à l'injonction "police, circulez" des gendarmes, ni à celle de J______. Au contraire, il a sorti son téléphone et s'est mis à filmer ce dernier, qui lui a demandé à plusieurs reprises de cesser, sans résultat. A______ continuant de vociférer diverses remarques à l'encontre des policiers, s'offusquant du contrôle dont il faisait l'objet et ne quittant pas les lieux, il avait été menotté et emmené au poste.

Au premier juge, A______ a affirmé qu'un policier lui avait courtoisement demandé ses papiers, qu'il avait donnés après que son interlocuteur lui ait expliqué qu'il s'agissait d'une manifestation non autorisée. Il s'était ensuite dirigé vers ses amis, sans se rappeler si ce policier ou un autre lui avait demandé de circuler. Il avait commencé à filmer lorsqu'il avait vu un policier interpeller F______. Il ne s'était pas éloigné, bien qu'un policier lui ait demandé à de nombreuses reprises de circuler, car il était agacé, ne voyant pas pourquoi il n'avait pas le droit d'être là alors que de nombreuses personnes faisaient la queue devant les commerces. Il était néanmoins resté calme et poli, alors que le policier avait une attitude provocatrice.

Une des photographies au dossier montrent trois participants, dont C______ au centre, alignés sur le trottoir, chacun dans un carré ; A______ ne figure pas parmi eux.

Les premières images video le montrent debout au centre d'un carré dessiné sur les voies de bus, devant celui de C______, en train de parlementer avec un policier, son téléphone à la main, qu'il utilise pour filmer son interlocuteur. A 50 secondes, A______ tend un document, vraisemblablement d'identité, à au policier, qui s'éloigne chercher un collègue. Ce dernier, à 1 minute 06, ordonne à A______ d'arrêter de filmer et de circuler, en précisant qu'il s'agit d'un ordre de police. Le prévenu, au bout d'1 minute 35 quitte son carré et s'éloigne de quelques mètres, tout en continuant de filmer. A 1 minute 55, le premier policier rend ses papiers à A______. La seconde video montre ce dernier, revenu à côté de C______, laquelle a entretemps enfilé un manteau, en train de parlementer avec le premier policier qui lui explique qu'il vient de prendre CHF 600.- d'amende, étant précisé que la scène dure 1 minute 22 et que l'on aperçoit, en arrière-plan, F______ décoller les scotchs délimitant son carré et prendre ses affaires pour partir. La troisième video montre A______, qui s'est éloigné sur la gauche, se faire menotter, sans que l'on puisse apercevoir d'autres participants à la manifestation.

f. Par courriel du 24 juillet 2020 concernant D______ et A______, H______ a précisé que, vu les actions précédentes et dans le but de faire respecter les mesures COVID alors en vigueur, leur hiérarchie leur avait donné pour instruction : d'identifier les participants ; ordonner à ceux-ci de se disperser en les rendant attentifs au fait qu'ils enfreignaient entre autres les ordonnances COVID ; déclarer en contravention ceux qui refusaient d'obtempérer ; en cas de persistance du refus d'obtempérer, procéder à une arrestation en flagrante contravention.

Par courriel du même jour concernant F______, I______ a indiqué que les participants interpellés le 6 mai 2020 provoquaient un attroupement de badauds. En outre, certains étaient installés sur l'arrêt de bus et entravaient la circulation de ceux-ci. L'action de la police sur place consistait à les identifier. Dans un souci de proportionnalité, lui et son collègue n'avaient toutefois pas agi immédiatement : les manifestants qui avaient choisi d'obtempérer n'avaient donc pas été identifiés. F______ avait été sanctionnée car elle avait refusé de donner suite à leurs injonctions, tout d'abord de quitter les lieux – ordre donné à plusieurs reprises – puis de s'identifier.

g. Entendu par le premier juge, H______ a expliqué qu'il faisait partie des primo-intervenants du poste de police K______. Il ne se rappelait pas si un ordre de dispersion avait été donné avant ou après la prise d'identité des participants, ou avant ou après l'arrivée de J______. Il ne pouvait non plus dire si les deux participants étaient partis en voyant la police arriver ou parce qu'ils y avaient été invités. A______ et C______, dont il pensait qu'ils se trouvaient côte à côte, avaient dans un premier temps refusé de décliner leur identité et il avait fallu insister. Il leur avait expliqué que la manifestation n'était pas autorisée et qu'il fallait quitter les lieux. A______ avait fait l'objet de plusieurs injonctions, raison pour laquelle il avait finalement été emmené.

h. Au TP, J______ – après avoir précisé qu'il faisait l'objet d'une procédure à la suite de la plainte pénale déposée contre lui par A______ – a indiqué qu'il était arrivé sur place quelques minutes après ses collègues. La manifestation avait causé un attroupement de badauds, qui s'étaient arrêtés pour y assister. Ayant en vain réitéré l'ordre de dispersion de ses collègues, il leur avait demandé d'identifier tout le monde afin de les amender pour refus d'obtempérer et infraction covid. Tout à la fin, il avait lui-même donné un coup de main et procédé à l'identification d'une des deux femmes, qui prenait ses affaires pour partir, et dont il ne se rappelait pas si elle avait refusé de décliner son identité ou n'avait plus rien dit. Ses collègues avaient dû la retenir et elle avait été identifiée au poste, étant précisé que son interpellation avait eu lieu après celle de A______.

i. Le TP a, entre autres, retenu que la police avait commencé par demander aux prévenus de se soumettre à un contrôle d'identité, avant de leur demander, dans un second temps, de circuler. D______ n'avait pas opposé de résistance et avait présenté ses papiers d'identité, certes très lentement mais calmement. Ensuite, lorsqu'il lui avait été demandé de circuler, il s'était exécuté, prenant un petit peu de temps pour le faire. Entre les versions contradictoires de J______ et F______, celle de cette dernière apparaissait plus vraisemblable, à la lumière des images vidéo. Considérant que les seules images de C______ la montraient en train de fouiller dans son sac, puis prête à partir, après avoir enfilé son manteau et repris son sac, il convenait aussi de retenir la version la plus favorable à la prévenue. En revanche, les images vidéo montraient que durant toute l'intervention, A______ avait discuté les ordres de la police, qu'il était resté un petit moment dans le carré situé à côté de celui de C______, puis s'était déplacé pour y revenir, pris dans une sorte d'altercation avec J______, qu'il filmait au moyen de son téléphone portable "de façon agaçante, voire provocatrice pour le policier". Ainsi, même si la police n'avait pas respecté les principes de proportionnalité et d'opportunité lors de son intervention, l'intéressé n'avait pas respecté l'ordre de se disperser, contrairement aux autres participants.

Le TP a relevé que D______ se trouvait à une certaine distance des autres participants et qu'il n'était pas possible d'établir où se trouvaient ceux qui étaient immédiatement partis à l'arrivée de la police. L'on ne pouvait dès lors retenir que les prévenus faisaient partie d'un rassemblement de plus de cinq personnes, ce qui justifiait de les acquitter du chef d'infraction à l'art. 7c al. 1 cum 10f al. 2 let. a ordonnance 2 COVID-19. En revanche, il s'agissait d'une manifestation non autorisée régie par la LMDPu, de sorte que la police était en droit de la disperser. Néanmoins, les principes de proportionnalité et d'opportunité auraient dû la conduire à agir avec plus de retenue, en laissant aux participants le temps de rassembler leurs affaires et quitter les lieux, plutôt que de les déclarer en contravention à 12h08, alors qu'elle n'ignorait pas que la manifestation était prévue pour ne pas durer au-delà de 12h15.

L'exemption de peine de A______ se justifiait, sa faute étant de peu de gravité. Il était en effet vraisemblable qu'il était resté sur place en raison de l'interpellation de F______, qui lui paraissait injuste. Il n'était par ailleurs pas établi que la police lui aurait clairement signifié que s'il ne quittait pas les lieux immédiatement, il serait interpellé.

C. a. La Chambre d'appel et de révision (CPAR) a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite.

b. Dans son mémoire d'appel, le MP soutient que le premier juge a établi les faits de manière inexacte et fait une application erronée du droit.

L'attroupement avait été provoqué par les manifestants, et non par la police ; celle-ci leur avait demandé de circuler avant de décliner leur identité, contrairement à ce qu'avait retenu le TP. C______, malgré les injonctions, n'avait pas "rapidement circulé", mais était demeurée sur place pour filmer l'intervention.

Sur le plan juridique, le nombre de manifestants était supérieur à cinq et il s'agissait donc bien d'un rassemblement interdit au sens de l'art. 7c al. 2 ordonnance 2 COVID-19, peu importe l'observation du respect des distances. Le fait que deux manifestants aient immédiatement quitté les lieux à l'arrivée de la police et n'aient, partant, pas été identifiés, démontrait que ceux qui avaient pu l'être n'avaient pas immédiatement respecté l'ordre de la police de se disperser. L'on ne pouvait à cet égard considérer l'intervention des forces de l'ordre comme disproportionnée du seul fait que la manifestation était destinée à ne durer que 15 minutes, la pandémie, qui venait de débuter, commandant un respect strict des lois. A titre subsidiaire, le comportement des prévenus était constitutif de refus d'obtempérer au sens de l'art. 11F LPG.

c. A______ persiste dans ses conclusions dans son mémoire d'appel. D'avoir qualifié sa façon de filmer de "provocatrice" lui imputait faussement une intention de susciter chez le policier une réaction violente, alors que son seul but était de conserver une preuve de la violation de ses droits fondamentaux et de manifester. L'on ne pouvait non plus considérer sans arbitraire que le caractère potentiellement "agaçant" de son attitude constituait en lui-même un refus d'obtempérer, alors qu'il tentait de discuter pour comprendre la situation – ce que le caractère illicite de l'intervention justifiait –, avait fourni sa carte d'identité et était sorti de son carré lorsque cela lui avait été demandé. Sa condamnation violait donc les art. 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et 22 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.).

Il a chiffré à CHF 2'455.56 ses prétentions en indemnité pour la procédure de première instance, et à CHF 4'725.33 celles pour la procédure d'appel, correspondant à 7h00 d'activité au tarif horaire de CHF 450.- pour son propre appel et 3h45 d'activité pour la réponse au MP (cf. infra let. f), dont 2h15 au tarif horaire de stagiaire de 250.-.

d. F______ conclut, dans un mémoire de sept pages, au rejet de l'appel du MP, frais à la charge de l'Etat. Le rapport de police faisait preuve d'exagération, notamment en mentionnant un "important attroupement", ce qui était démenti par les images figurant au dossier, étant rappelé que plusieurs arrêts de transports pulics se situaient à proximité. Il n'était pas non plus établi qu'un ordre de dispersion aurait été donné avant l'arrivée de J______. Une condamnation de ce chef était donc injustifiée, ce d'autant plus qu'elle violait sa liberté de réunion et que la CPAR avait, dans un cas similaire, confirmé les acquittements de manifestants pour ne pas s'être conformés aux injonctions de la police (cf. AARP/411/2021 du 23 décembre 2021).

Elle fait valoir des prétentions en indemnisation, sur la base de l'art. 429 CPP, de CHF 2'046.30, correspondant à 4h45 d'activité à CHF 400.-/heure.

e. C______ soutient, elle aussi, dans son mémoire de réponse (neuf pages), que l'attroupement a été causé par l'intervention de la police et qu'aucun élément n'indique qu'un ordre de dispersion aurait été donné avant l'arrivée de J______. Les images montraient en outre qu'elle avait quitté son carré une fois le contrôle terminé. Pour le surplus, dans le doute, il fallait retenir que les deux personnes qui n'avaient pas été identifiées participaient à un rassemblement distinct, ramenant à quatre celui des prévenus. L'action de la police étant en tout état disproportionnée et le prononcé de sanctions pénales contraire à la CEDH.

Elle fait valoir des prétentions en indemnisation de CHF 1'126.35, correspondant à 2h00 au tarif horaire de CHF 450.- et 0h35 au tarif horaire de stagiaire de CHF 250.-.

f. A______ dépose un mémoire de réponse (six pages) en grande partie identique à celui de C______.

g. D______, au terme d'un mémoire de huit pages, se rallie au motifs et conclusions des précités et chiffre ses prétentions au sens de l'art. 429 CPP à CHF 1'488.95 TTC, correspondant à 1h30 d'activité d'associé au tarif horaire de CHF 450.- et 2h50 d'activité au tarif horaire de stagiaire de CHF 250.-.

h. Le SDC soutient la démarche du MP, au mémoire d'appel duquel il se réfère.

i. Le TP conclut à la confirmation de son jugement.

D. A______ est né le ______ 1973, séparé et père de deux enfants. Il est cinéaste.

EN DROIT :

1. 1.1. Les appels sont recevables pour avoir été interjetés et motivés selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

1.2. Conformément à l’art. 129 al. 4 de la loi sur l’organisation judiciaire (LOJ), lorsque des contraventions font seules l’objet du prononcé attaqué et que l’appel ne vise pas une déclaration de culpabilité pour un crime ou un délit, la direction de la procédure de la juridiction d’appel est compétente pour statuer.

1.3. En matière contraventionnelle, l’appel ne peut être formé que pour le grief selon lequel le jugement est juridiquement erroné ou l’état de fait établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite (art. 398 al. 4 CPP). Il s’agit là d’une exception au principe du plein pouvoir de cognition de l’autorité de deuxième instance, qui conduit à qualifier d’appel "restreint" cette voie de droit (arrêt du Tribunal fédéral 1B_768/2012 du 15 janvier 2013 consid. 2.1).

Le pouvoir d'examen de l'autorité d'appel est limité à l'arbitraire en ce qui concerne l'établissement des faits (arrêt du Tribunal fédéral 6B_434/2019 du 5 juillet 2019 consid. 1.1). Il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266 et les références citées).

Le libre pouvoir de cognition dont elle dispose en droit confère cependant à l’autorité cantonale la possibilité, si cela s’avère nécessaire pour juger du bien-fondé ou non de l’application de la disposition légale, d’apprécier des faits que le premier juge a omis d’examiner, lorsque ceux-ci se révèlent pertinents (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1247/2013 du 13 mars 2014 consid. 1.3).

Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 143 IV 241 consid. 2.3.1 p. 244).

1.4. Le tribunal est lié par l'état de fait décrit dans l'acte d'accusation (immutabilité de l'acte d'accusation), mais peut s'écarter de l'appréciation juridique qu'en fait le ministère public (art. 350 al. 1 CPP), à condition d'en informer les parties présentes et de les inviter à se prononcer (art. 344 CPP).

2. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence garantie par l'art. 6 ch. 2 CEDH et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 Cst. et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; 127 I 28 consid. 2a).

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. La présomption d'innocence est violée lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que le prévenu n'a pas prouvé son innocence ou encore lorsque le juge condamne le prévenu au seul motif que sa culpabilité est plus vraisemblable que son innocence (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3 ; 127 I 38 consid. 2a p. 40).

Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).

Lorsque l'appréciation des preuves et la constatation des faits sont critiquées en référence au principe in dubio pro reo, celui-ci n'a pas de portée plus large que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 145 IV 154 consid. 1.1 p. 155 s. et les références citées).

3. 3.1. La liberté de réunion est garantie tant par l'art. 22 Cst. que par l'art. 11 CEDH.

Comme toutes les autres libertés fondamentales, elle n'a pas une valeur absolue et peut faire l'objet de restrictions lorsque celles-ci sont prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (art. 11 § 2 CEDH ; arrêt de la CourEDH Plattform "Aerzte für das Leben" c. Autriche, requête n° 10126/82 du 21 juin 1988 § 34).

Les Etats sont ainsi en droit de soumettre à autorisation le droit d'organiser une manifestation et de sanctionner ceux qui participent à une manifestation ne satisfaisant pas à cette condition. Une intervention de la police ne saurait dès lors être considérée nécessairement comme contraire à l'art. 11 CEDH, une manifestation, même initialement pacifique, étant susceptible de dégénérer et de représenter une mise en danger de la sécurité publique, au point de reléguer au deuxième plan la liberté d'opinion (ATF 144 I 281 consid. 5.4.1 ; 143 I 147 consid. 3.2).

Une situation illégale, telle l'organisation d'une manifestation sans autorisation préalable, ne justifie cependant pas nécessairement une ingérence dans l'exercice par une personne de son droit à la liberté d'expression. En l'absence d'actes de violence de la part des manifestants, il est important que les pouvoirs publics fassent preuve d'une certaine tolérance pour les rassemblements pacifiques, afin que la liberté de réunion garantie par l'art. 11 CEDH ne soit pas vidée de sa substance. Ainsi, une personne qui participe à une réunion pacifique ne saurait faire l'objet d'aucune sanction – même une sanction se situant au bas de l'échelle des peines disciplinaires – lorsqu'elle ne commet elle-même, à cette occasion, aucun acte répréhensible (cf. arrêt de la CourEDH Navalny c. Russie du 15 novembre 2018, requêtes n° 29580/12 et 4 autres, § 128).

3.2. L’organisation et la tenue de manifestations est régie, à Genève, par la loi sur les manifestations sur le domaine public (LMDPu).

L'art. 3 LMDPu soumet à autorisation l'organisation de toute manifestation sur le domaine public, par quoi il faut entendre tout rassemblement, cortège, défilé ou autre réunion (art. 2 LMDPu).

Conformément aux principes de proportionnalité et d’opportunité, la police procède à la dispersion des manifestations non autorisées ou qui ne respectent pas les conditions de l’autorisation (art. 6 al. 3 LMDPu). Celui qui ne se sera pas conformé à ses injonctions sera puni de l'amende jusqu'à CHF 100'000.-, en application de l'art. 10 LMDPu, disposition qui a été déclarée conforme à la Cst. et à la CEDH par le Tribunal fédéral (arrêt 1C_225/2012 du 10 juillet 2013 consid. 2.1 et 5 ss).

En dehors de ces cas, l'art. 11F de la loi pénale genevoise (LPG) prévoit que celui qui n’aura pas obtempéré à une injonction d’un membre de la police ou d’un agent de la police municipale agissant dans le cadre de ses attributions sera puni de l’amende.

3.3. Dès le 28 février 2020, le Conseil fédéral a édicté des mesures visant la population dans le but de diminuer le risque de transmission du coronavirus.

L'ordonnance 2 COVID-19, édictée au début de la pandémie, soit le 13 mars 2020, a rapidement subi des modifications, notamment en ce qui concerne les manifestations et autres rassemblements. Après avoir notamment interdit les manifestations publiques ou privées de plus de 100 personnes, puis totalement interdit celles-ci à dater du 17 mars 2020, le Conseil fédéral a encore durci ces mesures, en interdisant, dès le 20 mars 2020, les rassemblements de plus de cinq personnes dans l'espace public, notamment sur les places publiques, sur les promenades et dans les parcs (art. 7c al. 1).

L'art. 10f al. 2 ordonnance 2 COVID-19 sanctionnait par une amende toute infraction à cette disposition.

Ces dispositions étaient en vigueur à la date des faits.

Toutefois, dans un arrêt du 15 mars 2022 (Communauté genevoise d'action syndicale (CGAS) c. Suisse, requête n° 21881/20), la CourEDH a jugé qu'eu égard à l’importance de la liberté de réunion dans une société démocratique, et même si l’ingérence du Gouvernement suisse était motivée par un but sanitaire important, l’interdiction générale de se réunir publiquement prévue par l'ordonnance 2 COVID-19, la durée de cette mesure et la sévérité des sanctions encourues, n'étaient pas proportionnés. Elle a, partant, condamné la Suisse pour violation de la CEDH, rappelant au passage que les personnes exerçant leur droit fondamental de manifester ne devaient pas craindre de poursuites pénales et que lorsque de telles poursuites étaient engagées, elles appelaient une justification particulière.

3.4. Les juridictions genevoises se sont penchées à plusieurs reprises sur des cas survenus dans le cadre de manifestations organisées, avec ou sans autorisations.

Dans un arrêt AARP/159/2021 du 6 mai 2021 concernant des participants s'étant enchaînés aux grilles du Palais des Nations en mars 2018, la CPAR a confirmé leur condamnation pour refus d'obtempérer au sens de l'art. 10 LMDPu, considérant l'intervention de la police justifiée du fait des perturbations provoquées proportionnée, les policiers ayant demandé à plusieurs reprises aux manifestants de se disperser, en vain.

Dans un arrêt du 23 décembre 2021 (AARP/411/2021) concernant des participants à une manifestation pour le climat s'étant poursuivie, en juillet 2019, au-delà de l'heure et du lieu autorisés, la CPAR les a acquittés du chef de refus d'obtempérer, estimant que le défilé était pacifique et que rien ne justifiait le prononcé d'une sanction pénale. La cause est actuellement pendante devant le Tribunal fédéral.

Dans un arrêt du 23 mai 2022 (AARP/151/2022) concernant des participants à une manifestation "Critical mass" non autorisée, ayant réuni un millier de cyclistes en juin 2020, la CPAR a en revanche confirmé, en application de l'art. 11F LPG, la condamnation pour refus d'obtempérer d'un prévenu s'étant approché de policiers qui procédaient au contrôle d'un cycliste et n'avait pas donné suite à leur ordre de circuler.

Dans un jugement du 13 avril 2022 (JTDP/402/2022), le TP a pour sa part acquitté un participant qui, en marge de la "Critical mass" de mai 2020, était accusé d'empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 du code pénal) pour s'être enfui à la vue de la police au mépris des injonctions de cette dernière de s'arrêter. Le TP a en effet estimé que la présence du prévenu s'inscrivait dans l'exercice de son droit de participer à une réunion pacifique garanti par l'art. 11 CEDH, que son comportement avait été correct et que, les conditions d'une appréhension n'étant pas réunies, les policiers n'avaient pas valablement exercé l'autorité publique, l'un des éléments constitutifs de l'infraction n'étant pas réalisé.

3.5. En l'espèce, l'action "#4m2" à laquelle les prévenus ont pris part doit être considérée comme un rassemblement tant au sens de la LMDPu que de l'ordonnance 2 COVID-19, dans la mesure où la présence des participants sur les lieux n'était pas le fruit du hasard mais s'inscrivait dans un but de "pression citoyenne", peu importe la distance observée entre eux (cf. ACPR/771/2020 du 30 octobre 2020).

Aucun attroupement particulier n'est toutefois visible sur la photographie des manifestants postés dans leurs carrés figurant au dossier. Sur la base de celle-ci, il n'est pas non plus possible d'affirmer que certains des prévenus – et dans l'affirmative, lesquels – étaient installés sur l'arrêt de bus et entravaient la circulation de ceux-ci. C'est donc sans arbitraire que le premier juge a retenu que la manifestation était pacifique, qu'elle se déroulait dans le calme et que l'attention des badauds avait été attirée par l'intervention de la police.

Partant, les prévenus ne sauraient être condamnés sur la base de l'art. 7c al. 1 de l'ordonnance 2 COVID-19, indépendamment de la question de savoir si leur nombre était ou non supérieur à cinq.

L'appel du MP sera, partant, rejeté sur ce point.

3.6. En tant que le comportement des prévenus s'inscrivait dans le cadre d'une manifestation pacifique, fût-elle non autorisée, ils ne sauraient non plus faire l'objet d'une sanction pénale, que ce soit sur la base de l'art. 10f al. 2 ordonnance 2 COVID-19 ou l'art. 10 LMDPu.

En toute hypothèse, au vu du déroulement des événements, c'est sans arbitraire que le premier juge a estimé qu'il n'était pas établi que D______, F______ et C______ auraient refusé d'obtempérer. La loi ne fixe en effet pas, pour que l'infraction soit consommée, de délai entre l'ordre et son exécution. La question doit dès lors être résolue au cas par cas, en fonction des circonstances. L'action "#4m2" débutant à 12h00 et la police étant intervenue à la suite d'un appel de la CECAL, elle est forcément arrivée sur les lieux quelques minutes plus tard. Dans son rapport, I______ a situé le contrôle d'identité avant l'ordre de dispersion et n'est revenu sur cette chronologie que dans son courriel du 24 juillet 2020. H______, dans les instructions qu'il dit avoir reçues, a également placé le contrôle d'identité comme préalable à l'ordre de dispersion, pour ne plus se souvenir de la chronologie lors de son audition par le premier juge. Dans la mesure où rien n'indique que les deux participants non identifiés aient quitté les lieux à la suite de sommation et non pas simplement à la vue de la police, il était justifié de retenir la version la plus favorable aux prévenus et d'admettre que les ordres de dispersion ont suivi le contrôle d'identité, ou ont été concomitant. Or, un tel contrôle peut prendre plusieurs minutes, ce d'autant plus lorsqu'il concerne plusieurs personnes simultanément. En déclarant D______, F______ et C______ en contravention à 12h08, il faut admettre, à l'instar du premier juge, que la police n'a pas laissé suffisamment de temps aux manifestants pour s'éloigner et que, dès lors, l'on ne peut raisonnablement soutenir qu'ils n'ont pas circulé assez rapidement et refusé d'obtempérer.

L'appel du MP doit donc être également rejeté sur ce point.

3.7. C'est toutefois à juste titre que le TP a traité le cas de A______ à part. Ce dernier a en effet été sanctionné à 12h20, soit cinq minutes après la fin prévue de l'action. Il ne pouvait dès lors plus justifier sa présence sur les lieux et une éventuelle absence de sanction par son droit de manifester. Par ailleurs, son attitude, consistant à refuser de quitter les lieux tant que des explications ne lui seraient fournies, en ignorant les ordres réitérés de dispersion, puis en filmant de manière rapprochée et insistante l'intervention des policiers, était susceptible d'entraver ces derniers dans leur travail et de provoquer des troubles à l'ordre public, étant précisément relevé que l'une des vidéos le montre en train de parlementer sur les voies de bus.

Dans ce contexte, l'ordre de la police ne peut être taxé d'injustifié ou de disproportionné.

L'appel formé par A______ doit dès lors être rejeté et sa condamnation pour refus d'obtempérer confirmée.

Le comportement du prévenu et l'intervention de la police ne se situent néanmoins plus dans le cadre d'une manifestation, puisque ce n'est pas tant le refus de se plier à l'ordre de dispersion du rassemblement "#4m2" qui est reproché à l'appelant, que son insistance à demeurer sur les lieux une fois celui-ci terminé. C'est donc non pas sur la base de l'art. 10 LMDPu, mais sur celle de l'art de 11 LPG que son attitude doit être appréhendée. Le dispositif du jugement entrepris sera dès lors modifié dans cette mesure, les références à l'art. 10 LMDPu et à une rectification d'erreur matérielle devant être supprimées en ce qui le concerne.

4. Le premier juge a fait application de l'art. 52 CP pour l'exempter de toute sanction.

Selon cette disposition, si la culpabilité de l'auteur et les conséquences de son acte sont peu importantes, l'autorité compétente renonce, notamment, à lui infliger une peine.

L'importance de la culpabilité et celle du résultat dans le cas particulier doivent être évaluées par comparaison avec celle de la culpabilité et celle du résultat dans les cas typiques de faits punissables revêtant la même qualification ; en effet, il ne s'agit pas d'annuler, par une disposition générale, toutes les peines mineures prévues par la loi pénale (ATF 135 IV 130 consid. 5.3.3). La culpabilité de l'auteur se détermine selon les règles générales de l'art. 47 CP (ATF 135 IV 130 consid. 5.3.2), mais aussi selon d'autres critères, tel que l'écoulement du temps depuis la commission de l'infraction (ATF 135 IV 130 consid. 5.4).

Le MP, en concluant au prononcé d'une amende de CHF 600.-, conteste implicitement l'exemption de peine dont le TP a fait bénéficier A______. Son mémoire ne contient toutefois aucun développement concernant l'application de l'art. 52 CP. Le MP n'explique en particulier pas en quoi le raisonnement du premier juge, qui a considéré que la faute de l'intéressé était de peu de gravité, serait erroné, ou le résultat auquel il a abouti insoutenable.

L'appel portant sur une contravention et son pouvoir de cognition étant restreint, la Chambre de céans ne saurait par ailleurs examiner d'office cette question.

L'appel du MP sera donc rejeté sur ce point également.

5. Les appelants, qui succombent, supporteront les frais de la procédure envers l'Etat, y compris un émolument de décision de CHF 1'500.- (art. 428 CPP), à raison de ¾ à charge de l'Etat et ¼ à charge de A______.

6. 6.1. Selon l'art. 436 al. 2 CPP, si ni un acquittement total ou partiel, ni un classement de la procédure ne sont prononcés mais que le prévenu obtient gain de cause sur d'autres points, il a droit à une juste indemnité pour ses dépenses.

La question de l'indemnisation doit être traitée après celle des frais. Dans cette mesure, la décision sur les frais préjuge de la question de l'indemnisation (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2). Lorsque la condamnation aux frais n'est que partielle, la réduction de l'indemnité devrait s'opérer dans la même mesure (arrêts du Tribunal fédéral 6B_548/2018 du 18 juillet 2018 consid. 1.1.2 ; 6B_1238/2017 du 12 avril 2018 consid. 2.1).

Dans le cadre de l'examen du caractère raisonnable du recours à un avocat, il doit être tenu compte, outre de la gravité de l'infraction et de la complexité de l'affaire en fait ou en droit, de la durée de la procédure et de son impact sur la vie personnelle et professionnelle du prévenu (ATF 138 IV 197 consid. 2.3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_875/2013 du 7 avril 2014 consid. 4.3).

A Genève, La Cour de justice applique au chef d'étude un tarif horaire de CHF 400.- à CHF 450.- (arrêt du Tribunal fédéral 2C_725/2010 du 31 octobre 2011 ; ACPR/279/2014 du 27 mai 2014), au collaborateur un taux horaire de CHF 350.- (AARP/65/2017 du 23 février 2017) et aux avocats stagiaires un taux horaire de CHF 150.- (ACPR/187/2017 du 22 mars 2017 consid 3.2 ; AARP/65/2017 du 23 février 2017).

6.2. En l'occurrence, vu le rejet des appels, il n'y a pas lieu de modifier la répartition des frais décidée par le premier juge, ni la proportion de l'indemnité allouée à l'appelant (un tiers des frais de défense, l'acquittement prononcé visant un volet moins important en termes de gravité et de temps de préparation nécessaire à son conseil pour assurer sa défense).

En revanche, à l'instar des trois autres intimés, l'appelant peut prétendre à être indemnisé pour l'activité déployée par son avocat en lien avec l'appel du MP.

A ce titre, F______ prétend à l'indemnisation de 4h45 d'activité, D______ de 4h20 d'activité, A______ de 3h45 d'activité et C______ de 2h35 d'activité.

L'ampleur de cette activité paraît, sur le principe et vu les questions soulevées par la cause, conforme aux principes régissant le travail de l'avocat. Elle sera dès lors admise. Le tarif horaire pour l'activité déployée par les avocats stagiaires sera en revanche diminué à CHF 150.-, conformément à la jurisprudence.

L'indemnité allouée à F______ sera ainsi fixée à CHF 2'046.30, TVA à 7.7% comprise.

L'indemnité allouée à D______ sera fixée à CHF 1'099.50 TTC.

L'indemnité allouée à C______ sera fixée à CHF 987.50 TTC.

L'indemnité allouée à A______ sera fixée à CHF 1'012.50 TTC.

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit les appels formés par le Ministère public et A______ contre le jugement JTDP/1176/2021 rendu le 23 septembre 2021 par le Tribunal de police dans la procédure P/13648/2020.

Les rejette.

Condamne A______ au quart des frais de la procédure d'appel, en CHF 478.75, qui comprennent un émolument de CHF 1'500.-.

Laisse le solde à la charge de l'Etat.

Condamne l'Etat de Genève à verser à F______ CHF 2'046.30 TTC à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits pour la procédure d'appel.

Condamne l'Etat de Genève à verser à D______ CHF 1'099.50 TTC à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits pour la procédure d'appel.

Condamne l'Etat de Genève à verser à C______ CHF 987.50 TTC à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits pour la procédure d'appel.

Condamne l'État de Genève à verser à A______ CHF 1'012.50 TTC à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits pour la procédure d'appel.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant

"Acquitte C______ de refus d'obtempérer (art. 10 LMDPu) et de participation à un rassemblement de plus de 5 personnes (art. 10f al. 2 let. a et 7c al. 1 Ordonnance 2 Covid-19).

Acquitte D______ de refus d'obtempérer (art. 10 LMDPu) et de participation à un rassemblement de plus de 5 personnes (art. 10f al. 2 let. a et 7c al. 1 Ordonnance 2 Covid-19).

Acquitte F______ de refus d'obtempérer (art. 10 LMDPu) et de participation à un rassemblement de plus de 5 personnes (art. 10f al. 2 let. a et 7c al. 1 Ordonnance 2 Covid-19).

Acquitte A______ de participation à un rassemblement de plus de 5 personnes (art. 10f al. 2 let. a et 7c al. 1 Ordonnance 2 Covid-19).

Déclare A______ coupable de refus d'obtempérer (art. 11F LPG).

L'exempte de toute peine (art. 52 CP).

Condamne A______ aux frais de la procédure à concurrence de CHF 182.- (art. 426 al. 1 CPP).

Laisse le solde des frais de la procédure à la charge de l'Etat (art. 423 al. 1 CPP).

Condamne l'Etat de Genève à verser à C______ CHF 2'530.40 à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (art. 429 al. 1 let. a CPP).

Condamne l'Etat de Genève à verser à D______ CHF 1'475.- à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (art. 429 al. 1 let. a CPP).

Condamne l'Etat de Genève à verser à F______ CHF 3'088.85 à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (art. 429 al. 1 let. a CPP).

Condamne l'Etat de Genève à verser à A______ CHF 998.- à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (art. 429 al. 1 let. a CPP).

Déboute A______ et F______ de leurs conclusions en indemnisation pour le surplus.

[ ]

Fixe l'émolument complémentaire de jugement à CHF 400.-.

Met cet émolument complémentaire à la charge de A______."

Notifie le présent arrêt aux parties, soit pour elles leurs avocats respectifs, ainsi qu'au Ministère public.

Le communique, pour information, au Tribunal pénal et au Service des contraventions.

 

La greffière :

Dagmara MORARJEE

 

Le président :

Gregory ORCI

e.r. Pierre BUNGENER

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

 


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'493.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

0.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

340.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

0.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'915.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

3'408.00