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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/9290/2020

ACPR/771/2020 du 30.10.2020 sur ONMMP/2405/2020 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : LOI COVID-19;ORDONNANCE DE NON-ENTREE EN MATIERE;FRAIS DE LA PROCÉDURE
Normes : CP.52; ordonnance 2 COVID 19; CPP.426.al2

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/9290/2020ACPR/771/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 30 octobre 2020

 

Entre

A______, domicilié c/o M. B______, ______, Genève, comparant par Me Laïla BATOU, avocate, rue des Pâquis 35,
1201 Genève,

recourant,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 13 août 2020 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié au greffe de la Chambre de céans le 27 août 2020, A______ recourt contre l'ordonnance du 13 août 2020, notifiée le 17 suivant, par laquelle le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière sur les faits visés par la procédure et condamné A______ aux frais de celle-ci, arrêtés à CHF 260.- (ch. 2 du dispositif).

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, préalablement, à ce qu'il lui soit octroyé un délai pour motiver son recours et, principalement, à l'annulation du chiffre 2 de l'ordonnance querellée, les frais de la procédure de première instance devant être laissés à la charge de l'État.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.        À teneur du rapport de renseignements de police du 22 mai 2020, la Centrale d'engagement, de coordination et d'alarme (CECAL) a demandé l'intervention de la police sur l'esplanade C______, le 4 mai précédent, en raison d'une manifestation non autorisée à laquelle participait une cinquantaine de personnes.

Sur place, les agents ont constaté la présence de nombreux individus, dont plusieurs étaient assis dans des carrés de 2 mètres sur 2 mètres délimités sur le sol avec des bandes de scotch. En raison de cet attroupement, l'accès à la circulation sur l'esplanade C______ avait dû être fermé et le trafic des TPG dévié sur un site réservé aux trams.

Parmi les personnes présentes, plusieurs étaient regroupées et ne respectaient pas les distances minimales imposées à cette date par l'Ordonnance 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus (ci-après : Ordonnance 2 COVID-19; RO 2020 773). Ces personnes n'avaient pas pu être formellement identifiées.

Après une trentaine de minutes, la police était parvenue à disperser les manifestants. L'identité de ceux encore présents sur les lieux, dont A______, avait été relevée. Leur rôle n'avait toutefois pas pu être clairement établi.

Des photographies des lieux prises par la police après la dispersion étaient jointes au rapport.

b.        A______ a refusé de répondre aux questions de la police lors de son audition du 4 juillet 2020.

c.         Il a consulté le dossier le 27 août 2020, après en avoir fait la demande la veille.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public, après avoir rappelé les faits ci-dessus, reproche à A______ d'avoir participé à un rassemblement de plus de cinq personnes dans l'espace public, sans respecter la distance de deux mètres imposée par l'ordonnance 2 COVID-19 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus.

La culpabilité du prévenu et les conséquences de son acte étant cependant peu importantes (art. 52 CP), il était renoncé à entrer en matière sur les faits (art. 8 al. 1 et art. 310 al. 1 let. c CPP). Néanmoins, compte tenu de l'acte illicite commis, les frais de la procédure étaient mis à sa charge.

D. a. Dans son recours, A______ soutient, au préalable, que ni lui ni son avocate n'ayant pu accéder au dossier avant l'échéance du délai de recours, il n'avait pas pu faire valoir l'ensemble de ses moyens de preuve, raison pour laquelle il sollicitait d'être autorisé à compléter son acte.

Au fond, il expose avoir le jour des faits dessiné, à la craie, un carré de 2 mètres sur 2 mètres, sur le trottoir devant la gare D______, dans lequel il entendait se tenir durant un quart d'heure. Il avait décidé seul du lieu où il se tiendrait et ne s'était coordonné avec personne. Ce geste s'inscrivait dans le cadre de la campagne "#4m2", pensée pour rendre possible l'exercice des libertés démocratiques dans le contexte des mesures sanitaires en vigueur et, tout particulièrement, le maintien d'une pression citoyenne sur les pouvoirs publics et les politiques pour qu'ils respectent leurs engagements pris dans le cadre de l'Accord de Paris sur le climat. Cette campagne invitait toute personne sensible à la question climatique à se tenir seule dans un carré de 4m2 durant quinze minutes, dans le lieu de passage de son choix, sans concertation avec autrui.

Il conteste avoir participé à un rassemblement de plus de cinq personnes dès lors qu'il ne s'était coordonné avec aucune des autres personnes présentes. Dans la mesure où il s'était en tout temps tenu à un minimum de 2m de distance d'autrui, il n'avait pas mis la santé d'autrui en danger.

Quand bien même il aurait pris part à un rassemblement de plus de cinq personnes, son comportement serait protégé par les art. 10 et 11 CEDH, ainsi que 16 et 22 Cst., aucun intérêt prépondérant n'ayant été mis en danger par son comportement. Il n'avait dès lors commis aucun acte illicite ni fautif.

Il aurait ainsi dû faire l'objet d'une ordonnance de non-entrée en matière fondée sur l'art. 310 CPP, de sorte qu'aucun frais de justice n'aurait dû être mis à sa charge.

b. La cause a été gardée à juger sans échange d'écritures ni débats.

 

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant sollicite l'octroi d'un délai supplémentaire pour compléter ses écritures.

De jurisprudence constante, la motivation d'un acte de recours doit être entièrement contenue dans l'acte de recours lui-même et ne peut être complétée ou corrigée après l'échéance du délai de recours, lequel ne peut être prolongé (art. 89 al. 1 CPP; arrêt du Tribunal fédéral 1B_183/2019 du 20 novembre 2012 consid. 2). Il n'y a ainsi pas lieu de faire droit à cette requête, quand bien même le recourant a eu accès au dossier le 27 août 2020, soit le dernier jour du délai de recours, rien ne l'empêchant de formuler sa demande d'accès plus tôt.

4.             Le recourant conteste devoir s'acquitter des frais de la procédure dès lors qu'il n'a commis aucun acte illicite.

4.1.                L'art. 7c de l'ordonnance 2 COVID-19 prévoyait, dans sa teneur en vigueur au moment des faits, que les rassemblements de plus de cinq personnes dans l'espace public, notamment sur les places publiques, sur les promenades et dans les parcs, étaient interdits (al. 1). Lors de rassemblements de cinq personnes au plus, celles-ci devaient se tenir à au moins deux mètres les unes des autres (al. 2).

4.2.1.          Lorsque le prévenu fait l'objet d'une ordonnance de non-entrée en matière, tout ou partie des frais de la cause peuvent être mis à sa charge, pour autant qu'il ait, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure (art. 426 al. 2 CPP).

Pour déterminer si le comportement en cause est illicite, le juge peut prendre en considération toute norme de comportement, écrite ou non écrite, résultant de l'ordre juridique suisse pris dans son ensemble, dans le sens d'une application par analogie des principes découlant de l'art. 41 CO. Le fait reproché doit constituer une violation claire de la norme concernée (ATF 119 Ia 332 précité).

4.2.2.          Quand la culpabilité de l'auteur et les conséquences de son acte sont peu importantes au sens de l'art. 52 CP, le ministère public est tenu (135 IV 130 consid. 5.3.2) d'ordonner une non-entrée en matière (art. 8 et 310 al. 1 let. c CPP).

4.2.3.          La condamnation d'une personne acquittée à supporter les frais doit respecter la présomption d'innocence, consacrée par les art. 32 al. 1 Cst féd. et 6 § 2 CEDH (ATF 144 IV 202 consid. 2.2).

L'art. 52 CP repose sur la prémisse selon laquelle l'auteur a commis une infraction, et partant un acte illicite, pour lequel il porte une part de culpabilité. L'ordonnance de non-entrée en matière fondée sur cette norme respecte, en l'absence de prononcé d'une condamnation, la présomption d'innocence dont bénéficie le prévenu. Néanmoins, il se justifie, au vu de l'acte illicite commis par l'auteur, de lui imputer les frais de la cause (ATF 144 IV 202 précité, consid. 2.3).

4.3.                À la lumière de ces principes, l'on relève que, dans la configuration d'une non-entrée en matière rendue en application de l'art. 52 CP, le même acte illicite fonde aussi bien la responsabilité pénale de l'auteur (dont la culpabilité est jugée peu importante) que l'imputation des frais à ce dernier, au sens de l'art. 426 al. 2 CPP.

Il convient donc d'examiner, en l'espèce, si le prévenu a pu éventuellement commettre l'acte illicite pour lequel sa culpabilité a été retenue, ce qu'il conteste.

4.4.                Au moment des faits, l'ordonnance 2 COVID-19 interdisait tout rassemblement de plus de cinq personnes dans l'espace public, indépendamment de la distance entre elles.

Or, les agents intervenus sur les lieux ont constaté la présence de nombreux individus, dont plusieurs étaient assis dans des carrés délimités au sol. Leur nombre exact n'est pas connu. Il ressort toutefois des photographies jointes au rapport de police que le nombre de carrés dessinés était largement supérieur à cinq et que ces derniers occupaient une grande partie de l'esplanade. Chaque carré ayant été occupé par un individu au moins, le nombre de personnes sur place dépassait ainsi largement celui de cinq.

Il n'a dès lors pas pu échapper au recourant que sa présence sur les lieux et son action, tout comme celle des autres personnes présentes n'était pas le fruit du hasard mais s'inscrivait dans un but de "pression citoyenne" et qu'il s'agissait, dès lors, bien d'un rassemblement interdit par l'ordonnance 2 COVID-19. Peu importe à cet égard qu'il n'ait pas eu l'intention initiale de se réunir avec les autres participants. Une fois constaté le nombre de personnes présentes, il lui était loisible de quitter les lieux afin de respecter ladite ordonnance. Or, il ne l'a à l'évidence pas fait puisque son identité a été relevée par la police en raison de sa présence sur les lieux après dispersion des participants.

Force est dès lors de constater que le recourant a eu un comportement contraire aux prescriptions de l'ordonnance 2 COVID-19.

Dans ces circonstances, le Ministère public était légitimé à fonder sa décision de non-entrée en matière sur l'art. 52 CP et à mettre les frais de la procédure à la charge du recourant.

5.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

6.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 500.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Monsieur Sandro COLUNI, greffier.

 

Le greffier :

Sandro COLUNI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/9290/2020

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

     

- délivrance de copies (let. b)

CHF

     

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

415.00

-

CHF

     

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

500.00