Aller au contenu principal

Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

1 resultats
P/14767/2015

AARP/182/2016 (3) du 03.05.2016 ( REV ) , TOTAL

Descripteurs : RÉVISION(DÉCISION); MOTIF DE RÉVISION; RÉGIME DE LA DÉTENTION; CONTRÔLE DE LA DÉTENTION; DÉTENTION(INCARCÉRATION); SURFACE; CELLULE; PEINE; ATTÉNUATION DE LA PEINE; ASSISTANCE JUDICIAIRE; DÉFENSE D'OFFICE; INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL); HONORAIRES
Normes : CPP.410.1.a; CPP.412.1; CPP.412.2; CPP.412.4; CPP.388.c; CEDH.3
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/14767/2015AARP/182/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 3 mai 2016

 

Entre

A______, actuellement détenu à l'Établissement fermé de La Brenaz, chemin de Favra 12, 1226 Thônex, comparant par Me B______, avocat, ______,

demandeur en révision,

 

contre l'arrêt AARP/522/2014 rendu le 27 novembre 2014 par la Chambre pénale d'appel et de révision dans la P/3164/2012,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

cité.


EN FAIT :

A.           a.a. Par arrêt AARP/522/2014 rendu le 27 novembre 2014 dans la P/3164/2012, la Chambre pénale d'appel et de révision (ci-après : CPAR), statuant dans une composition différente de la présente, a, notamment, admis partiellement l'appel joint interjeté par A______ contre le jugement JTCO/148/2013 du 2 octobre 2013 - qui l'avait reconnu coupable d'infraction à l'art. 19 al. 2 let. a de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) -, mais uniquement en tant qu'il portait sur la peine, et l'a condamné à une peine privative de liberté de sept ans et six mois, sous déduction de 868 jours de détention avant jugement subis, son maintien en détention pour motifs de sûreté étant ordonné.

a.b. Dans le cadre de son appel, A______ avait conclu au prononcé d'une peine compatible avec un sursis partiel, non seulement en contestant la sanction qui lui avait été infligée de manière générale, l'estimant excessive, mais aussi en sollicitant expressément une réduction de peine en raison de ses conditions de détention qu'il jugeait contraires à l'art. 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101).

Cette prétention a été rejetée par la CPAR pour les motifs figurant sous considérant 6.3.1.2, qui est libellé comme suit :

"La juridiction d'appel a sollicité, à la requête de l'appelant A______, un rapport exhaustif sur ses conditions de détention à la prison de Champ-Dollon. Ce rapport révèle que seule la période comprise entre le 19 juillet 2012 et le 17 octobre 2012 est problématique au regard des douze nuits (du 19 au 31 juillet 2012) et quinze nuits (entre le 2 septembre 2012 et le 17 octobre 2012) passées dans un espace inférieur à 4 m2. Pour les autres périodes, la situation, certes difficile, n'a jamais atteint un stade compatible avec une violation de l'art. 3 CEDH, ainsi que l'a admis le Tribunal fédéral : « en cas de surpopulation carcérale telle que la connaît la prison de Champ-Dollon, l'occupation d'une cellule dite individuelle par trois détenus - chacun disposant d'un espace individuel de 4 m2, restreint du mobilier - est une condition de détention difficile ; elle n'est cependant pas constitutive d'une violation de l'art. 3 CEDH et ne représente pas un traitement dégradant portant atteinte à la dignité humaine des prévenus » (ibidem).

On doit inférer de ce qui précède que l'appelant A______, outre un nombre de nuits passées en sur-occupation bien inférieur au seuil posé par le Tribunal fédéral, n'a pas séjourné dans cette configuration de manière continue, les nuits où l'espace était excessivement restreint ayant été entrecoupées par d'autres où il bénéficiait de
4,60 m2 au pire et de 5,75 m2 au mieux.

La situation est ainsi assez loin de celle ouvrant la voie à une indemnisation selon les critères dégagés par le Tribunal fédéral, l'accès aux services de la prison étant par ailleurs globalement le même que dans les cas tranchés par le Tribunal fédéral. Au vu de ce qui précède, l'appelant A______ ne peut prétendre à une indemnisation pour ses conditions de détention difficiles et il sera ainsi débouté de ses conclusions."

La CPAR se fondait sur les éléments résultant du rapport du Directeur de la prison de Champ-Dollon du 22 mai 2014, tels que résumés sous lettre C. e. de la partie « En fait » de son arrêt, lequel contenait en particulier le paragraphe suivant :

"À partir de la mi-octobre 2012 jusqu'au 22 mai 2014, A______ avait été placé dans différentes cellules à des taux d'occupation tels que la surface disponible n'était jamais inférieure à 4 m2 par détenu."

La CPAR se référait ainsi aux cellules C1 dites individuelles de l'unité Sud de la prison, dont la surface nette était censée être de 12 m2, après déduction des sanitaires de 1.82 m2, offrant un espace individuel de 6 m2 et d'au moins 4 m2 selon qu'elle était occupée par deux ou trois détenus.

a.c. L'arrêt du 27 novembre 2014 n'a fait l'objet d'aucun recours au Tribunal fédéral et est donc entré en force de chose jugée.

B.            a. Le 31 juillet 2015, A______ a saisi la CPAR d'une demande de révision, aux termes de laquelle il conclut, préalablement, au bénéfice de l'assistance juridique et à la désignation de son conseil en qualité de défenseur d'office, à la recevabilité de sa demande, à l'obtention du Directeur de la prison d'un rapport détaillé sur son parcours cellulaire, à l'annulation de l'arrêt précité en tant qu'il le condamne à sept ans et demi de peine privative de liberté et, principalement, au prononcé d'une peine privative de liberté de six ans, sous déduction de la détention déjà subie.

À l'appui de sa requête, il fait en substance valoir qu'il avait été établi, à la suite d'un nouveau métrage destiné à déterminer la superficie exacte des diverses cellules construites à Champ-Dollon, que la surface nette des cellules de type C1 était de 10,18 m2 et non de 12 m2. Cela signifiait que, durant sa détention avant jugement, il avait séjourné au moins 516 nuits dans des cellules d'une surface individuelle de plancher inférieure à 4 m2, le plus souvent de 3.39 m2, le rapport de la prison du
22 mai 2014 n'étant cependant pas suffisamment détaillé pour déterminer exactement le caractère consécutif ou non desdits séjours.

Au plan juridique, il soutient qu'il s'agit d'un fait nouveau – découvert, selon lui, le 27 juillet 2015 – inconnu de la juridiction d'appel ayant statué le 27 novembre 2014 et de nature à motiver une condamnation sensiblement moins sévère, au sens de l'art. 410 a. 1 let. a du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP
- RS 312.0), que celle prononcée aux termes de la décision dont la révision était requise. La réduction de peine de dix-huit mois se justifiait dans la mesure où la CPAR en avait accordé une de six mois à son co-prévenu dans la P/3164/2012, C______, pour une période non conforme à l'art. 3 CEDH de 257 jours.

b. Invité à se déterminer sur la requête, le Ministère public (ci-après : MP) a fait savoir, par courrier du 26 août 2015, qu'afin de pouvoir se prononcer sur le fond, il convenait d'obtenir de la direction de la prison des informations complémentaires, afin de s'assurer de la véracité des correctifs de surface invoqués et de déterminer s'ils concernaient effectivement les cellules occupées par A______.

c. Par courrier du 1er septembre 2015, A______ a lui-même produit un rapport retraçant son parcours cellulaire que le Directeur de la prison avait établi le 29 juillet 2015 à l'attention de la Direction générale de l'Office cantonal de la détention. Il en résultait qu'abstraction faite de brèves interruptions de 4 jours au plus, il avait en réalité été détenu durant 707 jours dans une cellule lui procurant un espace individuel de plancher de 3.39 m2 [ndr : entre le 11 décembre 2012 et le 27 novembre 2014], avec une heure de sortie quotidienne. Ses conditions de détention ayant été plus mauvaises que celles envisagées lors du dépôt de sa demande, il concluait désormais à une réduction de peine de dix-huit mois (sic), sa condamnation devant ainsi être ramenée à cinq ans et demi (re sic) de peine privative de liberté.

d. Conformément à la demande de la CPAR, le Directeur de la prison de Champ-Dollon a, dans son rapport du 20 octobre 2015, confirmé l'exactitude des données contenues dans celui du 29 juillet 2015, précisant avoir sollicité, en été 2014, en raison des métrages réalisés par le passé par différents intervenants, la prise de nouvelles mesures par un mandataire externe pour vérification complémentaire. La première annexe produite reflétait ainsi les nouvelles surfaces en m2 et équipements de base des différentes cellules types, alors que la seconde déduisait de la surface brute non seulement les sanitaires, mais aussi les douches. À noter que cette problématique ne concerne pas les cellules individuelles de type C1 des unités Nord et Sud, dont la surface nette reste donc inchangée à 10.18 m2, puisqu'elles ne disposent pas de douche, les détenus occupant celles-ci ayant la faculté de se laver quotidiennement dans les douches collectives durant une quinzaine de minutes. Le
9 août 2012, A______ s'était inscrit sur la liste d'attente de la prison pour bénéficier d'une place de travail, mais avait refusé son transfert dans l'aile Est de la prison le
10 octobre 2012, s'agissant du processus préalable à l'octroi d'une place de travail et avait de ce fait été radié de cette liste. Il s'y était à nouveau inscrit le 22 décembre 2014, mais avait été transféré à l'Établissement de La Brenaz le 8 mars 2015, soit avant l'obtention d'une place de travail.

e. Dans sa détermination du 2 novembre 2015, le MP s'en est rapporté à justice quant à la recevabilité de la demande en révision et a conclu, sur le fond, que seule une période de 617 jours pouvait être prise en considération, dès lors qu'il convenait de déduire les 90 premiers jours pour les motifs exposés au considérant 6.4.4 de l'arrêt querellé et que, sur la base de la jurisprudence de la CPAR, la réduction de peine à opérer ne saurait dépasser six à huit mois au maximum. Il s'est référé à trois arrêts (AARP/122/2015 du 20 février 2015 consid. 4.4.3, AARP/223/2015 du 15 mai 2015 consid. 6.4.3 et AARP/403/2015 du 28 septembre 2015 consid. 3.4.2), dans le cadre desquels la CPAR avait accordé des réductions de peine de deux mois en réparation de conditions de détention illicites ayant duré six à sept mois.

f. Dans sa réplique du 9 novembre 2015, A______ relève, pièces à l'appui, que le tableau faisant état des nouvelles dimensions des cellules datait du 1er décembre 2014 et que, si la question de la prise en compte ou non de la surface des sanitaires pouvait éventuellement être une question de droit, il n'en allait pas de même de la surface de construction, qui était incontestablement une question de fait. Or, il résultait du plan des cellules de type C1 que leur surface brute était de 12.19 m2, murs compris, alors qu'elle n'était plus que de 11.86 m2 déduction faire de ceux-ci, aboutissant à une surface nette de 10.18 m2 en déduisant les sanitaires. Il relève encore qu'il serait contraire à la jurisprudence du Tribunal fédéral de tenir compte du refus d'une place de travail pour atténuer la responsabilité de l'État dans la violation des conditions de détention ou de déduire les 90 premiers jours de détention subie dans des conditions illicites de la computation du nombre total donnant lieu à une indemnisation. Il persiste en conséquence à solliciter que sa peine soit ramenée à cinq ans, les frais de la procédure de révision devant être laissés à la charge de l'État et une indemnité de CHF 7'200.- devant lui être octroyée pour les frais d'avocat encourus dans le cadre de celle-ci.

La note d'honoraires de son conseil fait état de 16 heures et 40 minutes d'activité au tarif de CHF 400.- l'heure, TVA en sus, comprenant notamment 510 minutes
(480 + 30) pour l'étude du dossier et la rédaction de la demande en révision,
120 minutes pour celle la rédaction de ses observations du 1er septembre 2015 et l'analyse du rapport de la prison du 29 juillet 2015, y compris l'établissement d'une feuille de calcul pour la mise en évidence des jours de détention illicites, 30 minutes pour l'analyse du rapport de la prison du 20 octobre 2015 et 90 minutes pour la rédaction de ses observations complémentaires de novembre 2015, ainsi que deux entretiens à la prison de La Brenaz de 90 minutes chacun.

g. Cette écriture a été communiquée au MP par courrier du 23 novembre 2015 avec la précision que la cause serait gardée à juger sous dizaine, sans que cela ne suscite de réaction de sa part.

 

EN DROIT :

1. La demande de révision a été formée par-devant l'autorité compétente et selon la forme prévue par la loi (art. 411 al. 1 CPP).

2. 2.1.1 L'art. 410 al. 1 let. a CPP permet à toute personne lésée par un jugement entré en force d'en demander la révision s'il existe des faits ou des moyens de preuve qui étaient inconnus de l'autorité inférieure et qui sont de nature à motiver l'acquittement ou une condamnation sensiblement moins sévère du condamné. Cette disposition reprend la double exigence posée par l'art. 385 CP, selon laquelle les faits ou moyens de preuve invoqués doivent être nouveaux et sérieux (cf. Message relatif à l'unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 1303 ad art. 417 [actuel art. 410 CPP]). Les faits ou moyens de preuve sont inconnus lorsque le juge n'en a pas eu connaissance au moment où il s'est prononcé, c'est-à-dire lorsqu'ils ne lui ont pas été soumis sous quelque forme que ce soit (ATF 137 IV 59 consid. 5.1.2 p. 66 s.). Les faits ou moyens de preuve sont sérieux lorsqu'ils sont propres à ébranler les constatations de fait sur lesquelles se fonde la condamnation et que l'état de fait ainsi modifié rend possible un jugement sensiblement plus favorable au condamné (ATF 130 IV 72 consid. 1 p. 73). Le fait que le recourant a eu connaissance des faits ou moyens de preuve au moment du jugement de condamnation n'importe pas (ATF 130 IV 72 consid. 2.2 p. 74 ; ATF 116 IV 353 consid. 3a p. 357 ; ATF 69 IV 134 consid. 4 p. 138). Unanime et non contestée dans la doctrine et la jurisprudence sous l'ancien droit, cette conception trouve sa confirmation dans l'énoncé légal de l'art. 410 CPP, qui parle de faits ou de moyens de preuve inconnus de l'autorité inférieure. Elle résulte en particulier du fait qu'en procédure pénale il incombe à l'accusation de prouver la culpabilité de l'auteur.

Comme cela résulte du texte même de l'art. 410 CPP, la voie de la révision
n'est ouverte qu'à l'encontre d'une décision portant sur le fond d'une affaire et non
pas contre celles qui sont d'ordre purement procédural (G. PIQUEREZ /
A. MACALUSO, Procédure pénale suisse, 3e éd., Zürich 2011, n. 2072). Les faits ou moyens de preuve visés par l'al. 1 de cette disposition doivent être susceptibles de corriger des erreurs de fait qui sont, par exemple, à l'origine du verdict de culpabilité et/ou du prononcé d'une peine ou d'une mesure.

2.1.2 Aux termes de l'art. 412 al. 1 et 2 CPP, la juridiction d'appel examine préalablement la demande de révision en procédure écrite. Elle n'entre pas en matière si la demande est manifestement irrecevable.

Il s'agit de la phase durant laquelle "la juridiction supérieure examine tout d'abord si les conditions nécessaires pour ouvrir une procédure de révision sont données. L'autorité supérieure constate (…) s'il existe des causes de révision "in abstracto"
(G. PIQUEREZ / A. MACALUSO, op. cit., Zurich 2011, n. 2108). L'examen préalable sert avant tout à déterminer si les motifs invoqués à l'appui de la demande en révision sont vraisemblables (Message, op. cit., FF 2006, notamment 1305 ad ancien art. 419 - actuel 412 CPP ; A. DONATSCH / T. HANSJAKOB / V. LIEBER (éds), Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung (StPO), 2ème éd., Zurich 2014, n. 1 art. 412 CPP).

La procédure de non-entrée en matière de l'art. 412 al. 2 CPP est en principe réservée à des vices de nature formelle (cf. M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER, Schweizerische Strafprozessordnung / Schweizerische Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, Bâle 2011, n. 7 ad art. 412 CPP). Il est toutefois également possible de prononcer une décision de non-entrée en matière lorsque les moyens de révision invoqués apparaissent d'emblée comme non vraisemblables ou mal fondés (arrêts du Tribunal fédéral 6B_415/2012 du 14 décembre 2012 consid. 1.1 et 6B_310/2011 du 20 juin 2011 consid. 1.6 ; N. SCHMID, Schweizerische Strafprozessordnung : Praxiskommentar, Zurich 2009, n. 1 ad art. 412 CPP ;
A. KUHN / Y. JEANNERET (éds.), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 3 ad art. 412 CPP).

2.2.1 Dans différents arrêts datés du 26 février 2014, le Tribunal fédéral a posé le principe de la limite au-delà de laquelle il fallait admettre que les conditions de détention à la prison de Champ-Dollon, liées à la surpopulation carcérale y régnant, étaient indignes et, partant, qu'elles ouvraient le droit à une réparation. Cette jurisprudence a été dûment mentionnée au considérant 6 de l'arrêt dont la révision est requise, de sorte que la CPAR entend s'y référer, tout en rappelant qu'il en résulte en substance que l'occupation d'une cellule dite triple par six détenus avec une surface individuelle de 3,83 m2, restreinte encore par le mobilier, est constitutive d'une violation de l'art. 3 CEDH si elle s'étend sur une longue période, à savoir une durée s'approchant de trois mois consécutifs, et si elle s'accompagne d'autres mauvaises conditions de détention, telles que le confinement en cellule 23h sur 24h (ATF 140 I 125 consid. 3.6.3 p. 138 s. ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_335/2013 du 26 février 2014 consid. 3.6.3).

2.2.2 Plus récemment encore, le Tribunal fédéral a certes considéré que la voie de la révision n'était pas envisageable pour faire constater une éventuelle violation de l'art. 3 CEDH durant la détention provisoire, mais cela concernait un cas où le prévenu n'avait pas agi en ce sens avant l'entrée en force du jugement au fond, puisqu'en pareille hypothèse l'intéressé connaissait ses conditions de détention avant jugement et n'avait aucune raison légitime de ne les faire valoir qu'après son entrée en force (ATF 141 IV 349 consid. 2.2 p. 353). Le cas d'espèce diffère ainsi de celui examiné, dès lors que le requérant a dûment sollicité, au stade de l'appel, une réparation du tort causé par des conditions de détention qu'il estimait illicites, mais a été débouté de ses conclusions pour les motifs exposés sous lettre A a.b. de l'état de fait du présent arrêt.

2.3.1 En l'occurrence, il est apparu, à la suite des nouveaux métrages réalisés au cours de l'été 2014 et destinés à déterminer la superficie exacte des diverses cellules construites à Champ-Dollon, que, déduction faite des murs et des sanitaires, la surface nette des cellules dites individuelles de type C1 des unités Nord et Sud de la prison était de 10,18 m2 et non pas de 12 m2. Or, il ressort du rapport de la prison de Champ-Dollon du 29 juillet 2015 qu'à partir de la mi-octobre 2012, le requérant a précisément occupé des cellules de ce type dans l'aile Sud de la prison, avec un codétenu jusqu'aux alentours de la mi-décembre 2012, puis un second, ne disposant plus alors que d'un espace individuel de 3.39 m2 au lieu de celui de 4 m2 pris en considération dans l'arrêt du 27 novembre 2014. Il s'agit bien d'un fait nouveau, dès lors qu'il était inconnu de la CPAR lorsqu'elle a statué à la date précitée, la juridiction d'appel n'ayant pas bénéficié d'une information privilégiée quant aux résultats des nouveaux métrages effectués à la prison avant que la presse locale ne s'en fasse l'écho début décembre 2014 (cf. p. ex. article de la Tribune de Genève du 5 décembre 2014). Il est aussi de nature à motiver une condamnation sensiblement moins sévère du requérant puisqu'il aurait permis de donner une suite favorable à sa demande de réduction de peine à l'instar de celle accordée à son co-prévenu. La demande en révision s'avère ainsi fondée dans son principe.

2.3.2 Comme cela résulte des pièces se rapportant au parcours cellulaire du requérant et du tableau récapitulatif établi par son conseil le 1er septembre 2015, entre le
11 décembre 2012 et le 27 novembre 2014 et abstraction faite de brèves interruptions de 4 jours au plus durant lesquelles il a pu disposer d'une surface de plus de 5 m2, le requérant est resté détenu durant 707 jours dans une cellule lui procurant un espace individuel de 3.39 m2, en bénéficiant uniquement d'une heure de promenade quotidienne et de la faculté de pratiquer une activité sportive durant quelques heures par semaine. De telles conditions de détention contreviennent à l'art. 3 CEDH et justifient l'octroi d'une réduction de peine. Il en irait de même s'il fallait exclure la période allant du 23 mai au 27 novembre 2014, soit postérieure au rapport pris en considération par la CPAR lorsqu'elle a statué, puisqu'il subsisterait 520 jours de détention dans des conditions illicites.

En revanche, pour la période antérieure, les motifs exposés dans l'arrêt entrepris conservent leur actualité, d'autant que la surface nette des cellules dites triples de type C3 occupées alors par le requérant s'est révélée plus grande avec les nouveaux métrages que celle prise en considération à l'époque. Ainsi, le requérant a finalement passé 9 nuits entre le 19 et le 27 juillet 2012 et 15 nuits entre le 30 septembre et le
14 octobre 2012 dans un espace légèrement inférieur à 4 m2, soit de 3.99 m2, mais ces périodes ont été entrecoupées, respectivement suivie, de 64 et 57 nuits durant lesquelles son espace individuel était supérieur à 4.75 m2, voire à 5 m2. Ces dernières périodes ont ainsi interrompu le départ du délai indicatif de trois mois
(cf. arrêt du Tribunal fédéral 1B_152/2015 du 29 septembre 2015 consid. 2.7.2).

2.3.3 Dans différents arrêts, la CPAR a considéré qu'un prévenu devait se laisser opposer le fait de n'avoir pas sollicité un poste de travail ou encore d'avoir refusé son transfert à l'aile Est de la prison réservée aux travailleurs, où les cellules sont plus spacieuses que dans les autres unités et, en dépit de la surpopulation carcérale, permettent de garantir une surface nette d'au moins 4 m2 par détenu, ce qui lui aurait ensuite conféré la possibilité, dès l'octroi d'une place de travail, de passer plusieurs heures par jour à l'extérieur dans le cadre de l'exercice de son activité. Toutefois, comme le relève le requérant, elle n'a pas été suivie en cela par le Tribunal fédéral, qui a en substance considéré que la simple possibilité d'alléger les conditions de détention ne suffisait pas à les rendre conformes à l'art. 3 CEDH (arrêt du Tribunal fédéral 1B_239/2015 du 29 septembre 2015 consid. 2.5.3, étant précisé qu'il s'agissait d'un cas où le prévenu avait refusé de s'inscrire sur la liste d'attente en vue de l'obtention d'un poste de travail et que la question de la surface supérieure des cellules de l'aile Est n'y a pas été abordée), de sorte qu'il n'y a pas lieu de revenir sur cette problématique en l'occurrence.

2.3.4 Il n'y a pas non plus lieu de déduire les 90 premiers jours de la computation du nombre total de jours donnant lieu à réparation, car, comme cela ressort de l'arrêt contesté (cf considérants 6.4.3 et 6.4.4), l'imputation de cette sorte de délai de carence n'était préconisée que dans l'hypothèse d'une diminution mathématique de la peine en fonction du quota de jours à prendre en considération à cet égard. Or, la CPAR a toujours privilégié une réduction de peine s'opérant en équité, en regard de l'ensemble des circonstances de l'espèce, par une application analogique du mode de réparation institué pour la violation du principe de la célérité.

C'est pourquoi il ne se justifie pas davantage d'accorder au requérant une réduction de peine dans une proportion équivalente à celle concédée à son co-prévenu, soit en fonction de la durée respective des conditions illicites qu'ils ont subies, d'autant qu'il ressort de l'arrêt entrepris que C______ avait été plus profondément éprouvé par celles-ci. En effet, il souffrait d'angoisses et d'insomnie et avait produit un rapport de suivi psychothérapeutique délivré par les Hôpitaux universitaires de Genève le
20 mai 2014, démontrant que le traitement mis en place lui avait permis d'améliorer sa symptomatologie dépressive. Ce document mentionnait aussi que le patient avait exprimé deux sujets de crainte principaux, liés l'un à la culpabilité qu'il éprouvait pour son absence auprès de ses enfants et de sa femme, l'autre ayant trait aux conditions de détention difficiles qui ne faisaient que renforcer ses préoccupations (cf. lettre C. f.a. de l'état de fait).

2.3.5 Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il convient d'accorder une réduction de peine arrêtée, en équité, à neuf mois, portant ainsi à six ans et neuf mois la peine privative de liberté prononcée à l'encontre du requérant.

La demande en révision sera ainsi admise dans cette mesure et l'arrêt entrepris annulé et modifié en conséquence (art. 413 al. 2 let. b CPP).

3. 3.1.1 Le requérant a conclu, à titre préalable, à l'octroi de l'assistance juridique et à la désignation de son conseil en qualité de défenseur d'office. Dans son écriture du
9 novembre 2015, il a cependant sollicité le paiement d'une indemnité pour les frais d'avocat encourus au tarif d'un conseil de choix. S'il est vrai que la conclusion précitée aurait pu donner lieu à une ordonnance présidentielle séparée, l'absence d'une telle décision ne pouvait être interprétée comme le refus d'y donner une suite favorable, d'autant que d'autres conclusions prises "préalablement" par le requérant ne pouvaient qu'être traitées avec le fond, à l'instar de celle tendant à l'annulation de l'arrêt du 27 novembre 2014 en tant qu'il le condamnait à sept ans et demi de peine privative de liberté. Du reste, la CPAR avait aussi admis au moins implicitement la recevabilité de la requête, puisqu'elle est entrée en matière sur celle-ci, en sollicitant une détermination tant du MP que du Directeur de la prison de Champ-Dollon.

3.1.2 Au demeurant, en matière de révision, la question de la désignation d'un défenseur d'office intervient dès l'instant où la juridiction d'appel entre en matière sur la demande, comme cela résulte de l'art. 388 let. c par renvoi de l'art. 412 al. 4 CPP. Or, une défense d'office se justifie en l'occurrence, puisque le requérant ne dispose pas de ressources suffisantes et que le recours aux services d'un avocat est en principe nécessaire pour traiter une demande de cette nature (cf. art. 132 al. 1 let. b et al. 2 CPP appliqué par analogie en vertu de l'art. 379 CPP).

3.2.1 Selon l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès, le règlement sur l'assistance juridique et l'indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale du 28 juillet 2010 (RAJ ; E 2 05.04) étant applicable à Genève. Selon l'art. 16 al. 1 RAJ, l'indemnité due à l'avocat et au défenseur d'office en matière pénale est calculée selon le tarif horaire de CHF 200.- pour un chef d'étude (let. c), débours de l'étude inclus, la TVA étant versée en sus si l'intéressé y est assujetti, de même qu'une majoration forfaitaire de 20% jusqu'à
30 heures d'activité consacrée aux conférences, audiences et autres actes de la procédure, pour la rémunération des démarches diverses, telles que rédaction de courriers, entretiens téléphoniques, prise de connaissance de décisions, etc.

3.2.2 En l'espèce, la note d'honoraires établie par Me B______ fait état de
16 heures 40 ou 1000 minutes d'activité au tarif d'un chef d'étude, TVA en sus. Sous réserve du temps consacré à la rédaction de sept courriers à raison de 10 minutes chacun, activité comprise dans le forfait pour l'activité diverse, l'état de frais produit par le défenseur d'office du requérant, considéré dans sa globalité, parait adéquat et conforme aux principes applicables en la matière, de sorte qu'il n'est pas nécessaire de reprendre le détail des postes qui le composent.

Ainsi, l'indemnité sera arrêtée à CHF 4'017.60 correspondant à 15 heures et
30 minutes d'activité au tarif de CHF 200.-/heure (CHF 3'100.-), plus la majoration forfaitaire de 20% (CHF 620.-) et l'équivalent de la TVA au taux de 8% en
CHF 297.60.

4. Le requérant obtenant pour l'essentiel gain de cause, les frais de la présente procédure seront laissés à la charge de l'État (art. 428 al. 1 CPP).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit la demande en révision formée par A______ contre l'arrêt AARP/522/2014 rendu le 27 novembre 2014 par la Chambre pénale d'appel et de révision dans la P/3164/2012.

L'admet et désigne Me B______ en qualité de défenseur d'office de A______ dans le cadre de la présente procédure.

Annule l'arrêt précité en tant qu'il condamne A______ à une peine privative de liberté de sept ans et six mois, sous déduction de 868 jours de détention avant jugement subis.

Et statuant à nouveau :

Condamne A______ à une peine privative de liberté de six ans et neuf mois, sous déduction de la détention subie à ce jour, exécution de peine comprise.

Ordonne la modification de l'inscription correspondante au casier judiciaire.

Laisse les frais de la présente procédure à la charge de l'État.

Arrête à CHF 4'017.60, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me B______, défenseur d'office de A______.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, à l'Établissement fermé de La Brenaz, à l'Office cantonal de la population et des migrations et au Service de l'application des peines et mesures.

Siégeant :

Madame Yvette NICOLET, présidente; Monsieur Pierre MARQUIS et Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, juges.

 

Le greffier :

Jean-Marc ROULIER

 

La présidente :

Yvette NICOLET

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète
(art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération du 19 mars 2010 (LOAP; RS 173.71), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).