Aller au contenu principal

Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

1 resultats
A/19/2023

DCSO/339/2023 du 27.07.2023 ( PLAINT ) , REJETE

Descripteurs : Revenu saisissable; indépendant; investigation de l'office
Normes : LP.91; LP.93
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/19/2023-CS DCSO/339/23

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 27 JUILLET 2023

Plainte 17 LP (A/19/2023-CS) formée en date du 4 janvier 2023 par A______, élisant domicile en l'étude de Me Oana STEHLE HALAUCESCU, avocate.

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 31 juillet 2023 à :

-       A______

c/o Me STEHLE HALAUCESCU Oana

Rue de la Tour 2

1205 Genève.

- CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION

Service juridique

Rue des Gares 12

Case postale 2595

1211 Genève 2.

- B______ SA
c/o Me QUINODOZ Raphaël
Rue Verdaine 15
Case postale 3015
1211 Genève 3.

- Office cantonal des poursuites.

 


EN FAIT

A. a. A______ fait l'objet de deux poursuites 1______ et n° 2______, requises respectivement par B______ SA pour le paiement de 304'421 fr. en capital, intérêts et frais et par CAISSE GENEVOISE DE COMPENSATION pour le paiement de 9'507 fr. 20 en capital, intérêts et frais.

b. Les créanciers ayant requis la continuation de la poursuite, l'Office cantonal des poursuites (ci-après l'Office) a avisé le débiteur de la saisie le 5 septembre 2022 pour la première poursuite et le 10 octobre 2022 pour la seconde. Les avis de saisie mentionnaient la convocation du débiteur à l'Office le 11 octobre 2022. Le second avis, mal adressé, n'a pas été distribué et retourné à l'expéditeur.

c. A______ n'a pas déféré à la convocation.

d. L'Office a ordonné la saisie conservatoire des avoirs du débiteur auprès de la [banque] C______ le 19 octobre 2022 à concurrence de 315'000 fr.

e. Après avoir été informé de cette saisie par la banque, A______ s'est rendu à l'Office le 2 novembre 2022 pour s'informer de la situation.

L'Office lui a alors présenté les deux avis de saisie qui lui avaient été envoyés et a procédé sur le siège à son audition.

Il en ressort qu'il réaliserait des revenus nets de l'ordre de 11'000 fr. par mois d'une activité indépendante en qualité d'ingénieur en génie civil, qu'il est marié, père de jumeaux nés en 1993 (actuellement âgés de 30 ans), que son épouse est propriétaire du logement de la famille pour lequel des intérêts hypothécaires d'un montant de l'ordre de 2'800 fr. par mois sont versés à [la banque] D______. Ses primes d'assurance maladie mensuelles s'élèvent à 480 fr. et celles de son épouse à 490 fr.

Il serait titulaire de trois relations bancaires, auprès de la C______, de D______ et de [la banque] E______ [agence] H______. Les avoirs figurant en compte des deux premières relations auraient été séquestrés dans le cadre d'une procédure pénale.

Il a également déclaré être associé gérant et titulaire de sept parts sociales de 1'000 fr. d'une société à responsabilité limitée, F______ SARL, dont les comptes étaient toutefois séquestrés dans le cadre d'une procédure pénale.

Il a été invité par l'Office à fournir les pièces justificatives de ses revenus et charges dans un délai échéant le 9 novembre 2022.

Il a produit les justificatifs des intérêts hypothécaires versés et des primes d'assurance maladie pour lui-même, son épouse et leurs deux enfants majeurs.

f. L'Office a fait parvenir au débiteur, par courrier A du 12 décembre 2022, un "avis concernant la saisie de gains d'indépendant" l'enjoignant à opérer en ses mains une retenue de ses gains de 6'056 fr. par mois et à la verser à l'Office.

A______ allègue avoir reçu ce document le 20 décembre 2022.

B. a. Par acte expédié le 4 janvier 2012 à la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance), A______ a formé une plainte contre l'avis concernant la saisie de gains d'indépendant et notamment conclu à son annulation.

Il requérait par ailleurs que l'effet suspensif soit octroyé à la plainte.

En substance, le plaignant reprochait à l'Office d'avoir calculé la saisie de gains sur la base de déclarations approximatives au cours d'un interrogatoire auquel il ne s'était pas préparé et sans disposer des pièces justificatives. En l'absence de procès-verbal de saisie, il n'était pas possible de vérifier le calcul du minimum vital et de la quotité saisissable de ses revenus effectué par l'Office. En tout état, l'Office avait tenu compte d'un revenu de 11'000 fr. nets par mois qu'il réalisait dans le cadre d'un emploi pour G______ SARL qui n'avait duré que de janvier à septembre 2022. Depuis lors il avait repris l'activité indépendante qu'il déployait en 2021 et qui lui avait permis de réaliser un revenu mensuel net de 2'940 fr. En outre, il y avait lieu d'introduire dans ses charges les primes d'assurance maladie pour toute la famille, notamment ses enfants majeurs encore à charge. Il invoquait par conséquent une atteinte à son minimum vital.

Par ailleurs, il soutenait que "les irrégularités et diverses erreurs relevant des faits de l'Office des poursuites en p[ouvaient lui] porter préjudice. C'[était] la raison pour laquelle [il] sollicit[ait] l'annulation des actes entrepris en violation de ses droits".

Il produisait notamment à l'appui de sa plainte sa déclaration fiscale 2021 mentionnant un bénéfice net de son activité indépendante de 143'000 fr., dont à déduire 20'178 fr. de cotisations AVS/AI/APG/AF/AMat., et une projection fiscale pour 2021 à teneur de laquelle son revenu imposable en 2021 n'était que de 34'272 fr.

b. La Chambre de surveillance a rejeté la requête d'effet suspensif du plaignant par ordonnance du 6 janvier 2023 au motif que la plainte n'était vraisemblablement pas recevable en tant qu'elle ne visait que l'avis de saisie et non pas le procès-verbal de saisie. En outre, la plainte, les pièces produites ainsi que les déclarations du plaignant lors de son audition du 2 novembre 2022 ne permettaient pas de soutenir que les revenus du plaignant se limitaient au montant allégué de 2'940 fr. nets par mois.

c. L'Office a établi le 23 janvier 2023 le procès-verbal de saisie des revenus du plaignant, série n° 3______, à hauteur de 6'056 fr. par mois, du 12 décembre 2022 au 12 décembre 2023.

Il parvenait à une quotité saisissable des revenus du débiteur de 6'056 fr. sur la base du calcul suivant :

 

Revenus de la famille :

- Débiteur 11'000 fr.

- Epouse du débiteur 0 fr.

Total des revenus de la famille 11'000 fr.

Charges de la famille :

- Bases mensuelles d'entretien (1'700 fr. pour un couple) 1'700 fr.

- Logement 2'324 fr. 57

- Assurance maladie du débiteur 442 fr. 45

- Assurance maladie de l'épouse du débiteur 476 fr. 65

Total des charges incompressibles de la famille (minimum vital) 4'943 fr. 67

Quotités saisissables mensuelles

débiteur : 11'000 fr.– 4'943 fr. 67 = 6'056 fr. 33

La saisie ne concerne plus que la poursuite n° 1______, la poursuite
n° 2______ ayant fait l'objet d'un contrordre.

d. La CCGC a annoncé par courrier du 31 janvier 2023 renoncer à se déterminer.

e. Dans ses observations du 31 janvier 2023, l'Office estimait avoir correctement conduit les opérations de saisie et déterminé la quotité saisissable des revenus du débiteur compte tenu des éléments que lui avait apportés le débiteur lors de son audition du 2 novembre 2022 et dans le délai fixé pour compléter sa production documentaire. Il s'en rapportait toutefois à justice s'agissant de la recevabilité de la plainte et les conclusions au fond.

f. B______ SA (ci-après B______) a déposé des observations le 31 janvier 2023 concluant au déboutement du plaignant de ses conclusions.

B______ a contesté que le débiteur aurait cessé son activité indépendante pendant la période d'emploi auprès de G______ SARL. L'extrait de son compte bancaire auprès de E______ faisait en effet état de versements substantiels ne provenant pas de son employeur durant cette période. B______ soulignait également que l'extrait de compte E______ produit par le débiteur n'était pas le seul dont il disposait car certains de ses paiements n'y figuraient pas. En outre, ce compte ne figurait pas sur sa déclaration fiscale 2021.

g. A______ a répliqué le 10 février 2023, persistant à soutenir que ses revenus n'étaient pas conformes à ceux retenus par l'Office et que, de surcroît, depuis novembre 2022, il ne réalisait plus aucun revenu. Il persistait par conséquent dans ses conclusions.

h. B______ a répliqué le 23 février 2023, attirant l'attention de la Chambre de surveillance sur une écriture du 10 janvier 2023 du compte E______ du plaignant permettant de constater un virement depuis un compte lui appartenant, mais nulle part mentionné jusqu'ici. Elle persistait pour le surplus dans ses conclusions.

i. Par avis du 10 mars 2023, la Chambre de surveillance a informé les parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de l'article 17 LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre les mesures de l'Office ne pouvant être contestées par la voie judiciaire (al. 1), ainsi qu'en cas de déni de justice ou de retard à statuer (al. 3). L'autorité de surveillance doit par ailleurs constater, indépendamment de toute plainte et en tout temps (ATF 136 III 572 consid. 4), la nullité des mesures de l'Office contraires à des dispositions édictées dans l'intérêt public ou dans l'intérêt de personnes qui ne sont pas parties à la procédure (art. 22 al. 1 LP).

Le procès-verbal de saisie matérialise la décision de l'Office relative à la saisie préalablement exécutée. Il peut dès lors être remis en cause par la voie de la plainte dans les dix jours à compter de sa communication, par le débiteur comme par le créancier (art. 17 LP). Ceux-ci pourront se prévaloir à cette occasion de toute violation des règles relatives à l'exécution de la saisie (Jeandin, Sabeti, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 17 ad art. 112 LP).

Un "avis concernant la saisie" suppose une saisie valablement exécutée et ne constitue pas une saisie en tant que telle dont il n'est que l'acte d'exécution. A ce titre, il n'est pas une mesure au sens de l'art. 17 LP et n'ouvre pas la voie de la plainte (ATF 142 III 643 consid. 2 et 3).

1.2 La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP). Elle peut également être déposée en tout temps en cas de nullité de l'acte contesté (art. 22 al. 1 LP), de retard à statuer et de déni de justice (art. 17 al. 3 LP).

1.3 En application de l'art. 20a al. 2 ch. 3 LP, l'autorité de surveillance ne peut statuer au-delà des conclusions des parties, sous réserve du constat de la nullité au sens de l'art. 22 LP.

Ainsi, sous réserve de griefs devant conduire à la constatation de la nullité absolue d'une mesure, invocables en tout temps (art. 22 al. 1 LP), l'intégralité des moyens et conclusions du plaignant doivent être à tout le moins sommairement exposés et motivés dans le délai de plainte, sous peine d'irrecevabilité. La motivation peut être sommaire mais doit permettre à l'autorité de surveillance de comprendre les griefs soulevés par la partie plaignante ainsi que ce qu'elle demande. L'invocation de nouveaux moyens en cours de procédure n'est pas admise dans le cadre de l'examen d'une plainte au sens de l'article 17 LP (ATF 142 III 234 consid. 2.2;
126 III 30 consid. 1b; 114 III 5 consid. 3, JdT 1990 II 80; arrêt du Tribunal fédéral 5A_237/2012 du 10 septembre 2012 consid. 2.2; ERARD, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 32, 33 et 44 ad art. 17 LP).

La question de savoir si et dans quelle mesure l'enquête officielle menée par l'Office est défectueuse et son résultat inexact doit être examinée au regard des éléments qui ont été critiqués par le créancier dans le délai de dix jours dès la communication du procès-verbal de saisie (cf. ATF 127 III 572 consid. 3c,
JdT 2001 II 78; 86 III 53 consid. 1, JdT 1961 II 12). C'est sous la réserve de la nullité d'une mesure de l'Office des poursuites qui peut être constatée en tout temps (ATF 136 III 572 consid. 4), notamment la nullité d'une saisie portant une atteinte flagrante au minimum vital du débiteur et de ses proches (ATF 117 III 39; 114 III 78 consid. 3; décisions de la Chambre de surveillance DCSO/180/2018 du 15 mars 2018; DCSO/394/2015 du 17 décembre 2015; DCSO/513/2007 du 8 novembre 2007).

1.4 A qualité pour former une plainte toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou tout au moins touchée dans ses intérêts de fait, par une décision ou une mesure de l'office (ATF 138 III 628 consid. 4;
138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3).

1.5 En l'occurrence, la plainte respecte les exigences de forme prévues par la loi et émane d'une personne qui, si son argumentation devait être retenue, serait lésée dans ses intérêts juridiquement protégés. Elle est donc, à ces égards, recevable.

La Chambre avait relevé dans l'ordonnance sur effet suspensif que l'avis de saisie n'était pas une "mesure" contre laquelle une plainte était recevable, seul le procès-verbal de saisie revêtant cette qualité.

Depuis lors, l'Office a établi le procès-verbal de saisie et l'a produit à la procédure. La plainte sera par conséquent considérée comme recevable et les griefs adressés à l'avis de saisie seront examinés en relation avec le procès-verbal de saisie. Le plaignant n'a pas déposé de nouvelle plainte contre le procès-verbal de saisie et ne s'est pas prononcé spécifiquement sur cet acte dans sa réplique du 10 février 2023, de sorte que le cadre des débats reste celui posé par la plainte du 4 janvier 2023 et les griefs y sont exposés avec clarté, soit le montant des revenus du plaignant et les charges liées aux charges de ses enfants.

2. 2.1.1 Selon l'art. 93 al. 1 LP, les revenus relativement saisissables tels que les revenus du travail ne peuvent être saisis que déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille (minimum vital).

Pour fixer le montant saisissable – en fonction des circonstances de fait existant lors de l'exécution de la saisie (ATF 115 III 103 consid. 1c; 112 III 79 consid. 2; cf. infra 2.1.4) – l'Office doit d'abord tenir compte de toutes les ressources du débiteur; qu'après avoir déterminé le revenu global brut, il évalue le revenu net en opérant les déductions correspondant aux charges sociales et aux frais d'acquisition du revenu; enfin, il déduit du revenu net les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur et de sa famille, en s'appuyant pour cela sur les directives de la Conférence des préposés aux poursuites et faillites de Suisse (BlSchK 2009, p. 196 ss), respectivement, à Genève, sur les Normes d'insaisissabilité édictées chaque année par l'autorité de surveillance (ci-après : NI; publiées au recueil systématique des lois genevoises : RS/GE E.3.60.04; Ochsner, Le minimum vital (art. 93 al. 1 LP), in SJ 2012 II p. 119 ss, 123; Collaud, Le minimum vital selon l'article 93 LP, in RFJ 2012 p. 299 ss, 303; arrêt du Tribunal fédéral 5A_919/2012 du 11 février 2013 consid. 4.3.1).

Les revenus pris en considération sont les revenus réels du débiteur. L'Office ne peut en effet fixer le montant saisissable en se fondant sur un revenu hypothétique (ATF 115 III 103 consid. 1.c = JdT 1991 II 108; arrêt du Tribunal fédéral 5A_490/2012 du 23 novembre 2012 consid. 3; Kren Kostkiewicz, in KUKO SchKG, n° 17 ad art. 93 LP).

2.1.2 Le revenu tiré d'une activité professionnelle indépendante comprend toutes les prestations que le débiteur reçoit en contrepartie de celles qu'il apporte dans le cadre de cette activité, que ces contreparties soient en argent ou en nature (Kren Kostkiewicz, op. cit., n. 10 ad art. 93 LP). Pour établir ce revenu brut, l'Office doit interroger le débiteur sur le genre d'activité qu'il exerce ainsi que le volume et la nature de ses affaires; qu'il pourra se faire remettre par le débiteur, tenu de fournir les renseignements exigés (art. 91 al. 1 ch. 2 LP), la comptabilité et tous les documents utiles concernant l'exploitation de son activité. Lorsque l'instruction à laquelle procède l'Office ne révèle aucun élément certain, comme cela pourra notamment être le cas si le débiteur ne tient pas de comptabilité, il faut tenir compte des indices à disposition et, si nécessaire, procéder par comparaison avec d'autres activités semblables ou par appréciation (ATF 126 III 89 consid. 3a et jurisprudences citées).

Le caractère irrégulier des revenus d'un débiteur indépendant ne fait pas obstacle à la saisie d'un montant mensuel fixe, déterminé sur la base d'un revenu mensuel moyen. L'Office, qui encaisse les mensualités fixes, ne pourra toutefois procéder à leur distribution en faveur des créanciers participant à la saisie qu'à la péremption de celle-ci et après détermination du montant effectivement saisissable
(ATF 112 III 19 cons. 2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_328/2013 du 4 novembre 2013 consid. 5.4.1; 5A_16/2011 du 2 mai 2011 consid. 2.2). Le montant mensuel fixé par l'Office peut par ailleurs être révisé pendant la durée de la saisie, sur requête ou d'office, en cas de modification déterminante des circonstances, et notamment des revenus perçus par le débiteur (art. 93 al. 3 LP; arrêt du Tribunal fédéral 5A_16/2011 déjà cité; Ochsner, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, n° 209 ss. ad art. 93 LP).

2.1.3 Les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur se composent en premier lieu d'une base mensuelle d'entretien, fixée selon la situation familiale du débiteur, qui doit lui permettre de couvrir ses dépenses élémentaires, parmi lesquelles l'alimentation, les vêtements et le linge, les soins corporels, l'entretien du logement, les frais culturels, la téléphonie et la connectivité, l'éclairage, l'électricité, le gaz, les assurances privées, etc. (art. I NI; Ochsner, Le minimum vital, op. cit., p. 128). D'autres charges indispensables, comme les frais de logement (art. II.1 et II.3 NI), les primes d'assurance maladie obligatoire (art. II.3 NI), les contributions d'entretien dues en vertu de la loi (art. II.5 NI) ou les frais de formation des enfants (art. II.6 NI), doivent être ajoutées à cette base mensuelle d'entretien, pour autant qu'elles soient effectivement payées (Ochsner, Commentaire Romand, op. cit., n° 82 ad art. 93 LP).

La base mensuelle d'entretien est fixée sous forme de forfaits attribués au débiteur et aux membres de sa famille en fonction de la composition du groupe familial. Pour un débiteur vivant seul il s'élève à 1'200 fr., pour un débiteur monoparental à 1'350 fr., pour un couple marié, deux personnes vivant en partenariat enregistré ou un couple avec enfants à 1'700 fr., pour les enfants, par enfant, à 400 fr. jusqu'à l'âge de 10 ans et 600 fr. après 10 ans (art. 1 NI), sous déduction des allocations familiales (Ochsner, Le minimum vital, op. cit., p. 132).

L'entretien d'un enfant majeur n'est inclus dans le minimum vital du débiteur (base mensuelle d'entretien et assurance maladie de base) que pour autant que les parents assument une obligation légale à cet égard. C'est notamment le cas lorsque l'enfant n'a pas achevé lorsqu'il atteint la majorité une première formation appropriée correspondant à un plan de carrière planifié avant d'avoir atteint la majorité (Ochsner, Le minimum vital, op. cit., p. 130-131).

2.1.4 Les revenus du travail ne peuvent être saisis que pour une durée d'une année à compter de l'exécution de la saisie (art. 93 al. 2 LP). Si, durant ce délai, l'Office a connaissance d'une modification déterminante pour le montant de la saisie, il adapte l'ampleur de celle-ci aux nouvelles circonstances (art. 93 al. 3 LP). L'application de cette disposition suppose ainsi un changement dans la situation du poursuivi par rapport à celle qui existait – et qui avait été constatée par l'Office – au moment de la saisie (GILLIERON, Commentaire LP, n° 140 ad art. 93 LP).

C'est avant tout au débiteur qu'il incombe d'informer l'Office de toute modification des circonstances propre à entraîner une modification de l'ampleur de la saisie (WINKLER, Kommentar SchKG, 2017, Kren Kostkiewicz / Vock [éd.], n° 82 ad art. 93 LP). Dès qu'il a connaissance de telles circonstances, par le débiteur ou d'une autre manière, l'Office doit immédiatement les élucider et, le cas échéant, rendre une nouvelle décision (arrêt du Tribunal fédéral 5A_675/2011 du 19 janvier 2012 consid. 3.2; WINKLER, op. cit., n° 83 ad art. 93 LP). Cette décision ne déploiera toutefois ses effets que pour le futur, la saisie antérieure continuant à s'appliquer jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle décision de l'Office (KREN KOSTKIEWICZ, KUKO SchKG, 2ème éd., 2014, n° 72 ad art. 93 LP).

Lorsqu'elle est saisie d'une plainte, l'autorité de surveillance vérifie uniquement si la retenue fixée par l'Office ou le calcul qu'il a effectué est conforme aux faits déterminant la quotité saisissable des revenus du débiteur, compte tenu des circonstances existant au moment de l'exécution de cette mesure (ATF 121 III 20 consid. 3, JdT 1997 II 163). Si le plaignant souhaite invoquer des faits nouveaux, il lui appartient de les faire valoir par la voie de la révision de la saisie auprès de l'Office et non par la voie de la plainte (art. 93 al. 3 LP; ATF 108 III 10; VONDER MÜHLL, Basler Kommentar SchKG I, n° 54 ad art. 93 LP; DCSO/243/2015 du 20 août 2015 consid. 2.2 et 2.3).

2.1.5 Bien qu’à teneur de l'art. 91 al. 1 LP, le débiteur soit tenu d'indiquer tous les biens qui lui appartiennent, même ceux qui ne sont pas en sa possession, l'Office doit adopter un comportement actif et une position critique dans l'exécution de la saisie, de sorte qu'il ne peut s'en remettre, sans les vérifier, aux seules déclarations du débiteur quant à ses biens et revenus. Afin de pourvoir au meilleur désintéressement possible des créanciers, l'Office doit procéder avec diligence, autorité et souci de découvrir les droits patrimoniaux du poursuivi. Il est doté à cette fin de pouvoirs d'investigation et de coercition étendus (Gilliéron, Commentaire de la LP, n° 12 ad art. 91 LP). Il doit donc interroger le poursuivi sur la composition de son patrimoine, sans se contenter de vagues indications données par ce dernier, ni se borner à enregistrer ses déclarations. Il doit les vérifier en exigeant, et en obtenant, les justificatifs correspondants. Si le créancier mentionne des pistes concernant les biens saisissables du débiteur, l'Office doit les creuser. Les investigations doivent être particulièrement poussées lorsque le débiteur est indépendant; elles devront notamment porter sur le genre d'activité, la nature et le volume des affaires. Lorsque l'instruction menée par l'office n'a révélé aucun élément certain, il faut tenir compte des indices à disposition. Si le débiteur ne tient pas de comptabilité régulière ou que les éléments comptables fournis ne sont pas fiables, le produit de son activité indépendante doit être déterminé par comparaison avec d'autres activités semblables, au besoin par appréciation. Le salarié qui est employé d'une société dont il est l'actionnaire ou l'animateur principal doit être assimilé à un indépendant (arrêts du Tribunal fédéral 5A_976/2018 du 27 mars 2019; 7B.212/2002 du 27 novembre 2002;
ATF 126 III 89; 121 III 20, JdT 1997 II 163; 120 III 16, JdT 1996 II 179;
83 III 63; Ochsner, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 25ss et 82 ss ad art. 93 LP et les références citées).

Si le débiteur exerce une activité lucrative indépendante, l'Office l'interroge sur le genre d'activité qu'il exerce, ainsi que sur la nature et le volume de ses affaires; il estime le montant du revenu en ordonnant d'office les enquêtes nécessaires et en prenant tous les renseignements jugés utiles; il peut en outre se faire remettre la comptabilité et tous les documents concernant l'exploitation du débiteur, qui est tenu de fournir les renseignements exigés (Mathey, La saisie de salaire et de revenu, thèse Lausanne 1989, p. 188 ch. 394, p. 191 ch. 402 ss et p. 195 ch. 414 avec les références de jurisprudence).

2.2.1 En l'espèce, les explications du plaignant concernant ses revenus sont contradictoires et partiellement incompatibles avec les pièces produites. L'allégué contenu dans la plainte selon lequel il ne réaliserait qu'un revenu annuel net de 34'272 fr. et mensuel net de 2'940 fr. ne ressort d'aucune pièce probante et n'est pas expliqué. La pièce produite à l'appui, soit une projection fiscale pour 2021, est sans portée. Il ressort de la déclaration fiscale 2021, établie par le débiteur, lui-même, que ce dernier a réalisé en 2021 un revenu annuel net de 143'000 fr., dont il y a lieu de déduire des cotisations AVS/AI de 20'178 fr., soit un revenu mensuel net saisissable de 10'235 fr. Il allègue lui-même dans sa plainte avoir repris cette activité indépendante et réaliser des revenus du même ordre que ceux réalisés en 2021. Il a allégué un revenu de cet ordre lors de son interrogatoire, correspondant à son revenu mensuel moyen tel qu'il le tirait en 2021 de son activité indépendante, puis en 2022 de son activité au service de G______ SARL.

Dans ces circonstances, l'Office était fondé à retenir les déclarations spontanées du débiteur lors de son audition du 2 novembre 2022 pour établir ses revenus à 11'000 fr. Tout comme la Chambre de surveillance peut se fonder sur son allégué selon lequel ses revenus d'indépendant actuels sont les mêmes que ceux de 2021, lesquels ressortent de la déclaration fiscale qu'il produit. Prétendre qu'il ne gagne plus rien depuis novembre 2022, comme il le fait dans sa réplique, n'est pas crédible au vu des explications a fournies dans un premier temps à l'Office et dans sa plainte, ce d'autant plus qu'il n'explique pas pourquoi ses revenus auraient subitement subi une telle diminution.

De surcroît, le fait que le plaignant explique ne réaliserait plus aucun revenu depuis novembre 2022, exposé pour la première fois dans sa réplique du
10 février 2023, est un élément nouveau qui doit être annoncé à l'Office qui en tiendra compte pour le futur s'il devait se révéler exact. Il n'est pas recevable dans le cadre de la présente procédure qui se fonde exclusivement sur les éléments en mains de l'Office et existant au moment d'établir la quotité saisissable des gains.

B______ souligne par ailleurs le fait que les diverses sociétés gravitant autour de l'activité professionnelle du plaignant sont pour la plupart administrée par la même personne et que certaines de ces sociétés ont également pour organe un organe de la société F______ SARL appartenant au plaignant. Ce dernier obtiendrait par conséquent vraisemblablement des revenus par divers canaux et structures peu transparentes, pouvant évoluer au cours du temps. En l'occurrence, le plaignant n'a en effet pas expliqué les raisons l'ayant conduit à accepter une activité dépendante pendant quelques mois en 2022, vraisemblablement au sein d'une société qui lui est proche (il est débiteur de G______ SARL à teneur de sa déclaration fiscale), avant de se faire licencier et reprendre son activité indépendante, étant précisé qu'il a poursuivi des mandats personnels lui procurant de substantiels revenus pendant sa période d'emploi salarié, à teneur des extraits de compte E______.

Le plaignant n'a pas été transparent non plus s'agissant de ses comptes bancaires et des flux financiers personnels et/ou professionnels le concernant. Il apparaît en effet que le compte E______, dont des extraits ont été produits, n'est pas représentatif de l'entier des flux le concernant, puisque n'y figurent notamment pas les versements à D______ pour l'amortissement et les intérêts du prêt hypothécaire ayant permis l'acquisition du domicile de la famille. Les comptes mentionnés dans la déclaration fiscale ne sont vraisemblablement pas plus exhaustivement exposés puisque le compte E______ dont les extraits sont produits n'y figure pas (un autre n° compte E______ est mentionné). La déclaration fiscale fait d'ailleurs état de plusieurs autres comptes dont il n'est pas certain qu'il s'agisse des seuls comptes bloqués par la procédure pénale évoquée par le plaignant.

Finalement, B______ relève que la déclaration fiscale du débiteur mentionne des revenus locatifs d'immeubles, notamment en Colombie, dont le débiteur n'a pas fait état.

L'estimation de l'Office à 11'000 fr., correspondant aux premières déclarations spontanées du débiteur, apparaît ainsi correcte et sera admise.

2.2.2 La base mensuelle d'entretien et les primes d'assurance maladie des enfants majeurs du débiteur n'entrent pas dans son minimum vital au vu de leur âge
(30 ans) et de l'absence d'explications circonstanciées sur le fait que le plaignant serait encore légalement tenu de pourvoir à leur entretien aux conditions rappelées ci-dessus.

2.2.3 En conclusion, la quotité saisissable des revenus du débiteur, calculée par l'Office dans le procès-verbal de saisie du 23 janvier 2023, sera confirmée.

3. Le plaignant semble vouloir se prévaloir de l'adressage erroné de l'avis de saisie dans la poursuite n° 1______. Il ne développe toutefois pas suffisamment ce grief pour qu'il soit recevable. La Chambre de surveillance relèvera néanmoins que cette informalité a été réparée par la remise dudit avis lors de l'interrogatoire du 2 novembre 2022 et, en tout état, les opérations de saisie ont été valablement entreprises sur la base de l'avis de saisie correctement adressé dans la poursuite n° 2______. Finalement, la mesure de l'Office réellement attaquée étant le procès-verbal de saisie, le plaignant n'a subi aucun préjudice du fait de l'adressage erroné de l'avis de saisie poursuite n° 2______, au vu des griefs qu'il entendait soumettre à la Chambre de surveillance en relation avec la saisie de ses gains.

Dans la mesure où elle comporterait d'autres griefs que ceux examinés ci-dessus, la plainte est insuffisamment motivée, de sorte que ces griefs sont irrecevables.

4. La procédure devant l'autorité de surveillance est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

Rejette, dans la mesure de sa recevabilité, la plainte du 4 janvier 2023 de A______ contre la saisie de ses revenus opérée le 12 décembre 2022 par l'Office cantonal des poursuites dans le cadre de la série n° 3______.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Ekaterine BLINOVA et
Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.