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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/3669/2015

DCSO/394/2015 du 17.12.2015 ( PLAINT ) , REJETE

Descripteurs : VALEUR VEHICULE
Normes : LP.92; LP.97
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3669/2015-CS DCSO/394/15

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 17 DECEMBRE 2015

Plainte 17 LP (A/3669/2015-CS) formée en date du 19 octobre 2015 par M. A______, élisant domicile en l'étude de Me Jean-Charles SOMMER, avocat, place de Longemalle 16, 1204 Genève.

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du à :

- M. A______
c/o Me Jean-Charles SOMMER, avocat
Place de Longemalle 16

1204 Genève.

 

- CAISSE X_____.

 

- Office des poursuites.

 


EN FAIT

A.           a. M. A______, chauffeur de taxi, fait l'objet de plusieurs poursuites dirigées à son encontre par la CAISSE X______ (ci-après: la CAISSE).

b. Le 10 décembre 2013, dans le cadre de la série n° 12 xxxx32 B comprenant les poursuites nos 12 xxxx32 B, 12 xxxx82 H, 13 xxxx62 M, 13 xxxx58 S,
13 xxxx61 N, 13 xxxx60 P, 13 xxxx59 R et 13 xxxx63 L, l'Office des poursuites (ci-après: l'Office) a procédé à la saisie de l'automobile G______ immatriculée GE xxx9 en mains du poursuivi.

c. Neuf mois auparavant, le 11 mars 2013, cette voiture avait déjà fait l'objet d'une saisie dans le cadre d'une autre série. L'Office avait estimé la valeur du véhicule, mis en circulation le 2 juillet 2009 et comptant 180'000 kilomètres, à 6'000 fr.

d. Selon le procès-verbal de saisie du 10 décembre 2013, le poursuivi a indiqué que le nombre de kilomètres effectués avec sa voiture se montait alors à 215'000. Nonobstant ces déclarations, l'Office a retenu les mêmes éléments d'estimation que lors de la saisie antérieure, soit notamment un kilométrage de
180'000 kilomètres. Pour le surplus, il a établi l'absence de revenu saisissable, le produit de l'activité du poursuivi ne couvrant pas de 1'604 fr. ses charges familiales.

e. Le 12 octobre 2015, l'Office a adressé au poursuivi quatre avis d'enlèvement de sa voiture, pour les poursuites nos 13 xxxx62 M, 13 xxxx61 N, 13 xxxx63 L et
13 xxxx58 S.

B.            Par acte du 19 octobre 2015 expédié au greffe de la Cour de justice, complété par écriture du 27 octobre 2015 dans le délai imparti, M. A______ forme plainte contre cette décision, dont il demande l'annulation. Il conclut à l'annulation du procès-verbal de saisie du 10 décembre 2013 et à la condamnation de l'Etat de Genève aux dépens. Il fait valoir que le véhicule est son outil de travail et est donc insaisissable. Le kilométrage s'élève à présent à 260'000. En conséquence, en cas de vente, les frais de l'Office ne seraient pas couverts, la valeur de réalisation étant nulle.

La CAISSE a renoncé à se déterminer.

L'Office conclut au rejet de la plainte. Dès lors que l'occupation en tant que chauffeur de taxi du plaignant ne lui est pas rentable, le véhicule est saisissable.

 

 

EN DROIT

1. 1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures prises par l'office qui ne peuvent être attaquées par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP), telles l'exécution de la saisie ou l'ordre d'enlèvement.

La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP).

1.2 Si le débiteur considère qu'un bien insaisissable au sens de l'art. 92 LP a été saisi à tort, il doit le faire valoir par la voie de la plainte dans les dix jours suivant l'exécution de la saisie, respectivement la réception du procès-verbal de saisie. Il ne peut à cet égard attendre le dépôt d'une réquisition de vente (arrêt du Tribunal fédéral 5A_40/2008 du 31 mars 2008 consid. 3). S'il omet de former une plainte, il faut admettre une renonciation de sa part à invoquer l'insaisissabilité (ATF 97 III 7 consid. 2; Kren Kostkiewicz, Kurzkommentar SchKG, 2ème édition, 2014, Hunkeler [éd.], n° 13 ad art. 92 LP). La nullité d'une mesure de l'Office des poursuites peut toutefois être constatée en tout temps (ATF 117 III 39). Tel est le cas, en particulier, d'une saisie portant atteinte de manière manifeste au minimum vital du débiteur (ATF 114 III 78 consid. 3).

Dès lors qu'en l'espèce, le plaignant n'a pas contesté le procès-verbal de saisie du 10 décembre 2013 dans le délai de dix jours dès réception de celui-ci, sa plainte est tardive. La Chambre de céans ne peut ainsi entrer en matière sur la présente plainte que si ledit procès-verbal est entaché de nullité, ce qu'il convient donc d'examiner.

2. 2.1 Conformément à l'art. 92 al. 2 LP, les objets pour lesquels il y a lieu d'admettre d'emblée que le produit de leur réalisation excéderait de si peu le montant des frais que leur saisie ne se justifie pas sont insaisissables.

2.2 Selon l'art. 97 al. 2 LP, l'office ne saisit que les biens nécessaires pour satisfaire les créanciers saisissants en capital, intérêts et frais. A cette fin, l'office doit procéder à une estimation des objets saisis, en faisant appel si nécessaire à des experts (art. 97 al. 1 LP). Cette estimation est principalement destinée à fixer la mesure de la couverture et à orienter le créancier sur le produit prévisible de la réalisation (ATF 112 III 75 consid. 1a).

L'estimation des biens saisis doit être faite au moment de la saisie. Elle devra correspondre à la valeur présumée de ces biens lors de la réalisation, soit à leur valeur vénale, et non à leur valeur de rendement ou d'exploitation ou encore à la valeur que pourrait en obtenir le débiteur en cas de vente volontaire (ATF 99 III 52 consid. 4b). S'il existe une valeur de marché, c'est elle qui sera retenue (De Gottrau, in CR LP, 2005, Dallèves/Foëx/Jeandin [éd.], n° 6 ad art. 97 LP).

S'agissant de biens usuels, l'office peut les estimer lui-même et jouit d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 120 III 79 consid. 2).

2.3 En l'espèce, l'Office a constaté le 11 mars 2013 que le véhicule du plaignant avait effectué 180'000 kilomètres. Le 10 décembre 2013, le plaignant a déclaré à l'Office avoir parcouru avec son véhicule 35'000 kilomètres de plus. Dans sa plainte, il indique que le véhicule affiche 260'000 kilomètres et qu'il n'a dès lors plus de valeur de réalisation.

Il n'est pas contesté que le plaignant a pu continuer à utiliser son véhicule à titre professionnel après le 11 mars 2013. Au vu de sa profession de chauffeur de taxi, il paraît vraisemblable qu'entre le 11 mars et le 10 décembre 2013, il ait parcouru 35'000 km, puis depuis lors, en environ deux ans, encore 45'000 km. Les indications données à ce sujet par le plaignant paraissent vraisemblables. En considérant, lors de l'établissement du procès-verbal de saisie du 10 décembre 2013, que le véhicule affichait le même nombre de kilomètres que neuf mois auparavant, l'Office a retenu un élément manifestement erroné à la base de son estimation. Or, il est notoire que la valeur d'un véhicule automobile – hormis les voitures de collection ou présentant d'autres particularités, ce qui n'est pas le cas en l'espèce - diminue avec son utilisation et, en particulier, avec le nombre de kilomètres qu'il affiche. L'estimation opérée par l'Office le 10 décembre 2013 étant affectée d'un vice important, il y a lieu d'accueillir la plainte.

L'Office sera ainsi invité à procéder à une nouvelle estimation de la valeur de réalisation du véhicule au regard des informations complémentaires obtenues du débiteur, ce dernier étant soumis à un devoir de collaboration (art. 91 LP). Si cette valeur ne permet pas de couvrir la créance en poursuite, et qu'il n'y a pas d'autres biens saisissables, l'Office procèdera conformément à l'art. 112 al. 3 LP.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 19 octobre 2015 par M. A______ contre le procès-verbal de saisie établi le 10 décembre 2013 et les ordres d'enlèvement du
12 octobre 2015 dans les poursuites nos 12 xxxx32 B, 12 xxxx82 H, 13 xxxx62 M,
13 xxxx58 S, 13 xxxx61 N, 13 xxxx60 P, 13 xxxx59 R et 13 xxxx63 L.

Au fond :

Annule partiellement ledit procès-verbal de saisie en ce sens que l'Office est invité à procéder à une nouvelle estimation du véhicule saisi.

Annule les ordres d'enlèvement du 12 octobre 2015.

Rejette la plainte pour le surplus.

Siégeant :

Madame Florence KRAUSKOPF, présidente; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Christian CHAVAZ, juges assesseurs; Madame Angela FERRECCHIA PICCOLI, greffière.

 

La présidente :

Florence KRAUSKOPF

 

La greffière :

Angela FERRECCHIA PICCOLI

 


 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.