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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/4169/2017

DCSO/180/2018 du 15.03.2018 ( PLAINT ) , REJETE

Normes : LP.92.al1.ch3; LP.92.al2; LP.97.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4169/2017-CS DCSO/180/18

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 15 MARS 2018

Plainte 17 LP (A/4169/2017-CS) formée en date du 17 octobre 2017 par A______, élisant domicile en l'étude de Me Olivier WASMER, avocat.

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par pli recommandé du greffier du 16 mars 2018
à :

- A______
c/o Me Olivier WASMER, avocat
Grand'Rue 8
1204 Genève.

- Office des poursuites.

 

 


EN FAIT

A.           a. A______ est associé gérant président de B______ Sàrl, sise à Genève et dont le but social est notamment l'exploitation de cafés et restaurants, soit un établissement situé à C______ à Genève.

b. A______ est le détenteur d'un véhicule D______, mis en circulation en janvier 2013 et qui affichait 45'000 km. au compteur en octobre 2016, puis 58'000 km. une année plus tard.

L'Office des poursuites (ci-après, l'Office) a évalué la valeur de ce véhicule en octobre 2016 à 16'782 fr. en se référant à un site Internet spécialisé.

A______ a produit une évaluation effectuée le 10 octobre 2017 par un garage genevois selon lequel cette voiture avait une valeur de base de 11'431 fr., dont il fallait déduire des "facteurs dévalorisants" en 5'050 fr. ("Dommages de carrosserie" 3'500 fr., "Pneumatique à remplacer" 800 fr. et "Service à prévoir" 750 fr.), ainsi que 337 fr. pour "état général du véhicule", la valeur résiduelle étant donc de 6'044 fr.

c. A______ est l'objet de plusieurs poursuites regroupées dans la série
81 16 xxxx70 E.

Dans ce cadre, il a été auditionné par l'Office le 17 octobre 2016. Il a mentionné être propriétaire du véhicule susmentionné. La case "insaisissable" a été cochée concernant ce bien, sans autre commentaire.

L'Office lui a demandé de produire notamment les pièces suivantes avant le
7 novembre 2016 : décompte de salaire pour lui-même et son conjoint, bilan pour les années 2014 et 2015, justificatifs de paiement du loyer et de l'assurance-maladie et décomptes bancaires des six derniers mois. Il ne s'est pas exécuté.

Un procès-verbal de saisie a été établi le 2 mars 2017, selon lequel le véhicule susmentionné, dont la valeur a été arrêtée à 16'000 fr., a été saisi, mais laissé en mains du débiteur. Ce document a été expédié à l'intéressé le 11 mai 2017, qui a été avisé pour retrait le 15 mai 2017 par la poste. Le pli n'a pas été réclamé.

Aucune plainte n'a été formée contre le procès-verbal de saisie.

d. Les 26, 27 et 28 juin 2017, l'Office a avisé A______ de la réception de trois réquisitions de vente de son véhicule demandées par des créanciers, soit E______ (poursuite 16 xxxx38 B), la CONFEDERATION SUISSE (poursuite 16 xxxx70 L) et la F______ (poursuite 16 xxxx03 Y).

Il n'a pas réagi.

e. Le 19 septembre 2017, l'Office a adressé, mentionnant, notamment, sous concerne les poursuites 16 xxxx38 B, 16 xxxx70 L et 16 xxxx03 Y, un avis d'enlèvement à A______ concernant les "objet/s saisi/s", qui aurait lieu le 9 octobre 2017 dans la journée.

Ni A______, ni l'Office n'ont précisé si l'enlèvement avait été exécuté.

B. a. Par acte expédié le 17 octobre 2017, A______ a formé une plainte, au sens de l'art. 17 LP, dans le cadre des poursuites 15 xxxx58 N, 16 xxxx31 C,
16 xxxx38 B, 16 xxxx03 Y, 16 xxxx40 M et 16 xxxx59 P. Il a, préalablement, conclu à l'octroi de l'effet suspensif et, principalement, à l'annulation de la saisie de son véhicule et à la notification d'un nouveau procès-verbal de saisie.

Il a exposé utiliser le véhicule saisi à des fins professionnelles, notamment pour l'approvisionnement de son restaurant et des visites à des fournisseurs et à des partenaires commerciaux. Il avait informé l'huissier de ce fait au moment de l'établissement du procès-verbal de saisie, puis avait tenté, sans succès, de contacter l'Office téléphoniquement dès le 26 septembre 2017. Il a relevé que l'avis d'enlèvement ne mentionnait pas expressément que son véhicule était concerné. Il avait demandé des arrangements de paiement sans obtenir de réponse.

Il a produit deux photographies de son véhicule sur lesquelles ne figure aucun dégât apparent. Dans la seconde photographie, le coffre de la voiture est ouvert et l'on discerne deux caisses et un chariot pliable à l'intérieur.

En outre, il a invoqué l'art. 92 LP, car son véhicule était insaisissable et car la valeur de réalisation excéderait de si peu le montant des frais que la saisie ne se justifiait pas.

b. Par ordonnance du 19 octobre 2017, la Chambre de surveillance a accordé l'effet suspensif à la plainte de A______, en ce sens qu'il était interdit à l'Office de procéder à la réalisation forcée du véhicule jusqu'à droit jugé sur la plainte.

c. L'Office a conclu au rejet de la plainte. Le débiteur n'avait pas démontré le caractère indispensable à l'exercice de sa profession de son véhicule, ni produit de justificatifs concernant sa société.

d. Le 9 novembre 2017, la Chambre de surveillance a transmis le rapport de l'Office à A______, celui-ci n'a pas réagi.

EN DROIT

1. 1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures prises par l'office qui ne peuvent être attaquées par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP), tels l'exécution de la saisie ou l'ordre d'enlèvement.

La plainte doit être déposée dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP).

En vertu de l'art. 138 al. 3 let. a CPC, applicable par renvoi de l'art. 31 LP, l'acte envoyé par recommandé et non retiré est réputé notifié à l'expiration d'un délai de sept jours (délai de garde) à compter de l'échec de la remise, pour autant que le destinataire dût s'attendre à recevoir la notification (arrêts du Tribunal fédéral 5A_653/2016 du 13 octobre 2016 consid. 2.2; 5A_677/2013 du 6 décembre 2013 consid. 2.1).

1.2 Si le débiteur considère qu'une saisie a été accomplie en violation des dispositions légales en matière de poursuite, en particulier qu'un bien insaisissable a été saisi à tort, il doit le faire valoir par la voie de la plainte dans les dix jours suivant l'exécution de la saisie, respectivement la réception du procès-verbal de saisie. Il ne peut à cet égard attendre le dépôt d'une réquisition de vente (cf. arrêt du Tribunal fédéral 5A_40/2008 du 31 mars 2008 consid. 3). S'il omet de former une plainte, il faut admettre une renonciation de sa part à invoquer l'illégalité de la saisie (cf. ATF 97 III 7 consid. 2; Kren Kostkiewicz, Kurzkommentar SchKG, 2ème édition, 2014, n. 13 ad art. 92 LP). La nullité d'une mesure de l'Office des poursuites peut toutefois être constatée en tout temps (ATF 117 III 39). Tel est le cas, en particulier, d'une saisie portant une atteinte flagrante au minimum vital, à telle enseigne que son maintien risquerait de placer le débiteur dans une situation absolument intolérable (ATF114 III 78 consid. 3; ATF 97 III 7; JdT 1973 II 20; ATF 71 III 148, JdT 1946 II 68; ATF 75 III 5 consid. 1, JdT 1946 II 103; ATF 76 III 34, JdT 1951 III 40; ATF 80 III 24/25, JdT 1954 III 102/103; ATF 84 III 36 consid. 5, JdT 1958 III 25).

1.3 En l'espèce, le plaignant pouvait s'attendre à recevoir le procès-verbal de saisie dont il a été avisé pour retrait le 15 mai 2017 et qu'il n'a pas réclamé, dès lors qu'il connaissait l'existence de poursuites dirigées contre lui et qu'il avait été auditionné à ce sujet quelques mois auparavant.

Par conséquent, la plainte déposée le 17 octobre 2017, soit cinq mois plus tard est tardive en ce qu'elle concerne les conditions de la saisie du véhicule du plaignant.

La Chambre de céans ne peut ainsi entrer en matière sur la présente plainte que si ledit procès-verbal est entaché de nullité, ce qu'il convient donc d'examiner.

2. 2.1 Selon l'art. 92 al. 1 ch. 3 LP, sont insaisissables les outils, appareils, instruments et livres nécessaires au débiteur pour l'exercice de sa profession.

Doit être qualifiée de profession, au sens de cette disposition, toute activité économique faisant appel de manière prépondérante au travail personnel et aux connaissances professionnelles de l'intéressé. On oppose à cette notion celle d'entreprise, dans laquelle l'élément prépondérant consiste dans l'exploitation d'un capital investi, que ce soit sous la forme de machines, de matériel, de main d'œuvre, etc. (ATF 91 III 52 consid. 2; Ochsner, Commentaire romand - LP, 2005, n. 90 et suivants ad art. 92 LP).

Pour que l'insaisissabilité soit admise, l'objet considéré doit être indispensable – et non seulement utile ou adapté – à un exercice rationnel et concurrentiel de la profession envisagée (ATF 113 III 77 consid. 2b; 110 III 53 consid. 3b). La réalisation de cette condition doit être examinée au regard de l'ensemble des circonstances concrètes du cas d'espèce, notamment de l'état de la technique et de la situation personnelle du débiteur (ATF 110 III 53 consid. 3b et 3c). Selon les circonstances, un véhicule automobile peut ainsi constituer un outil indispensable à l'exercice d'une profession, ce qu'il appartient toutefois au débiteur de démontrer (ATF 84 III 20; décision de la Chambre de surveillance DCSO/730/2006 du 20 décembre 2006 consid. 3a).

Enfin, le privilège de compétence prévu par l'art. 92 al. 1 ch. 3 LP ne peut être invoqué que dans le cadre d'une activité rentable. Cette condition vise aussi bien l'activité en tant que telle, qui doit couvrir les frais qu'elle entraîne et permettre, seule ou avec d'autres sources de revenu, d'assurer l'entretien du débiteur
(ATF 86 III 47 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_799/2015 du 9 novembre 2015 consid. 2.1), que l'utilisation de l'objet lui-même, qui doit répondre à des justifications économiques et concurrentielles (ATF 87 III 62; Vonder Mühll, Basler Kommentar - SchKG I, 2ème éd., 2010, n. 21 ad art. 92 LP).

L'ensemble des conditions d'application de l'art. 92 al. 1 ch. 3 LP doit être examiné au moment de la saisie (ATF 110 III consid. 3c).

2.2 Conformément à l'art. 92 al. 2 LP, les objets pour lesquels il y a lieu d'admettre d'emblée que le produit de leur réalisation excéderait de si peu le montant des frais que leur saisie ne se justifie pas sont insaisissables.

Selon l'art. 97 al. 2 LP, l'office ne saisit que les biens nécessaires pour satisfaire les créanciers saisissants en capital, intérêts et frais. A cette fin, l'office doit procéder à une estimation des objets saisis, en faisant appel si nécessaire à des experts (art. 97 al. 1 LP). Cette estimation est principalement destinée à fixer la mesure de la couverture et à orienter le créancier sur le produit prévisible de la réalisation (ATF 112 III 75 consid. 1a).

L'estimation des biens saisis doit être faite au moment de la saisie. Elle devra correspondre à la valeur présumée de ces biens lors de la réalisation, soit à leur valeur vénale, et non à leur valeur de rendement ou d'exploitation ou encore à la valeur que pourrait en obtenir le débiteur en cas de vente volontaire (ATF 99 III 52 consid. 4b). S'il existe une valeur de marché, c'est elle qui sera retenue (De Gottrau, Commentaire romand - LP, 2005, n. 6 ad art. 97 LP).

S'agissant de biens usuels, l'office peut les estimer lui-même et jouit d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 120 III 79 consid. 2).

2.3 En l'espèce, le plaignant se borne à déclarer que son véhicule serait nécessaire à l'exploitation de son restaurant. Ce faisant, il perd de vue que la société qui exploite celui-ci est une personnalité juridique distincte de la sienne et qu'elle n'est pas détentrice du véhicule. Si le véhicule était indispensable à la bonne marche des affaires de la société, elle devait en être détentrice. En outre, il ne s'agit pas à strictement parler de l'exercice d'une profession, mais plutôt de l'exploitation d'une entreprise, ce qui est différent. Ce deuxième cas de figure n'est pas couvert par l'art. 92 al. 1 ch. 3 LP.

De surcroît, s'agissant d'un restaurant situé en pleine ville de Genève, la nécessité de posséder un véhicule pour l'exploiter n'est pas évidente et a fortiori pas démontrée.

Enfin, il n'est pas démontré que l'activité du plaignant dans son restaurant serait profitable et justifierait donc de soustraire ce bien à la mainmise des créanciers. Il n'a produit aucune pièce à ce titre, malgré les demandes préalables de l'Office, de sorte qu'il faut considérer qu'il a échoué à en apporter la preuve.

Par ailleurs, le fait d'avoir invoqué préalablement lors de l'interrogatoire et par téléphone l'insaisissabilité et demandé des arrangements de paiement, ainsi que l'absence de mention expresse du véhicule sur l'avis d'enlèvement - alors que le plaignant a parfaitement compris qu'il s'agissait de son véhicule - sont irrelevants.

2.4 Le plaignant conteste l'estimation de la valeur de son véhicule effectuée par l'Office.

Celui-ci a effectué une estimation en utilisant un site reconnu et le résultat auquel il parvient est crédible, soit une valeur de quelque 16'000 fr.

Le montant allégué par le plaignant est certes fondé sur une estimation effectuée par un professionnel, mais il ne contient aucune explication sur le facteur de réduction de près de 5'000 fr. pour des "dommages de carrosserie", qui ne sont pas apparents sur les photographies produites. Le plaignant n'a pas détaillé la nature de ces dommages, de sorte qu'il faut les considérer comme insuffisamment démontrés. L'augmentation du kilométrage affiché au compteur n'est pas suffisante à elle seule pour justifier une diminution aussi drastique de la valeur vénale.

D'ailleurs, l'estimation produite par le plaignant est d'autant moins crédible qu'elle aurait été effectuée le lendemain (10 octobre 2017) de la date prévue pour l'enlèvement du véhicule (9 octobre 2017), même s'il est vrai que les parties n'ont pas démontré que le véhicule avait été effectivement enlevé à la date prévue.

2.5 Au vu de ce qui précède, la saisie n'était pas nulle, de sorte que la plainte sera rejetée, dans la mesure de sa recevabilité.

3. La procédure est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 17 octobre 2017 contre le procès-verbal de saisie série 81 16 xxxx70 E du 2 mars 2017.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Madame Marilyn NAHMANI et Monsieur Christian CHAVAZ, juges assesseur(e)s; Madame Véronique PISCETTA, greffière.

 

Le président :

Patrick CHENAUX

 

La greffière :

Véronique PISCETTA

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.