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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/813/2025

JTAPI/286/2025 du 18.03.2025 ( MC ) , ADMIS

Descripteurs : DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION;MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS)
Normes : LEI.79; LEI.80
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/813/2025 MC

JTAPI/286/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 18 mars 2025

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Philippe CURRAT, avocat

 

contre



OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1992 et originaire du Nigéria, mais dépourvu de documents d'identité et de voyage, a déposé en Suisse, le 2 avril 2015, une demande d'asile, laquelle a fait l'objet d'une décision de non-entrée en matière et de renvoi. Dans le cadre de cette procédure, il avait été attribué au canton de Saint-Gall. L'intéressé a été transféré trois fois (les 28 juillet 2015, 18 décembre 2015 et 30 septembre 2022) en Italie dans le cadre des Accords Dublin. Il a par ailleurs fait l'objet de deux interdictions d'entrée en Suisse (IES) - qu'il n'a pas respectées -, la dernière, notifiée le 23 juillet 2022, étant valable jusqu'au 25 juillet 2025.

2.             Entre le 3 juillet 2015 et le 29 janvier 2024, M. A______ a été condamné à huit reprises, notamment pour entrée illégale, séjour illégal, opposition aux actes de l'autorité, délit contre la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121 ; trafic de cocaïne), non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminé (pour avoir violé la mesure prise à son encontre par le commissaire de police le 15 mai 2021) et rupture de ban – sous le coup d'une première mesure d'expulsion judiciaire d'une durée de trois ans ordonnée par le Tribunal de police (ci-après : TP) le 21 août 2023, mesure que l'autorité administrative compétente a décidé de ne pas reporter (décision notifiée le 23 septembre 2023) et qu'il n'a pas respectée. Le 29 janvier 2024, le TP a prononcé à son encontre une deuxième mesure d'expulsion judiciaire, pour une durée de sept ans, mesure que l'autorité administrative compétente a, derechef, décidé de ne pas reporter (décision notifiée le 11 juillet 2024).

3.             N'ayant pas quitté la Suisse, M. A______ a été à nouveau interpellé par la police le 8 novembre 2023. Il ressort notamment du rapport d'arrestation que l'intéressé n'a aucun lieu de résidence fixe en Suisse, ni aucun lien particulier avec ce pays, ni non plus aucune source légale de revenu.

4.             Durant sa détention pénale, les démarches relatives au rapatriement de M. A______ ont été diligentées. Le secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM) a indiqué que l'intéressé ne bénéficiait pas de la protection internationale en Italie, les autorités de ce pays ayant confirmé que sa demande d'asile avait été rejetée. Son renvoi devait être organisé à destination du Nigéria. Présenté à la délégation du Nigéria dans le cadre d'auditions centralisées, M. A______ a déclaré être originaire de la République démocratique du Congo. Sur la base du numéro de son passeport - dont l'autorité fédérale compétente avait connaissance - l'ambassade du Nigéria a pu procéder à des vérifications complémentaires, lesquelles lui ont permis d'identifier formellement M. A______ comme étant un ressortissant de ce pays. Selon les informations transmises par le SEM, un vol - DEPU et DEPA - pourrait donc être réservé le moment venu, étant précisé que pour l'heure, la Suisse n'avait prévu aucun vol spécial à destination du Nigéria, la participation à des vols Frontex demeurant possible, vols dont les dates n'étaient toutefois pas encore connues.

5.             Par ordonnance du 17 juin 2024, le Tribunal d'application des peines et des mesures a refusé la libération conditionnelle à M. A______. À cet égard, l'autorité précitée a retenu notamment ce qui suit: «  […] il a déjà été renvoyé à trois reprises vers l'Italie, la dernière fois en septembre 2022 après sa libération conditionnelle, ce qui ne l'a pas non plus dissuadé de revenir en Suisse. Ainsi, sa situation personnelle demeure inchangée et on ne perçoit aucun effort du cité pour la modifier, étant rappelé qu'il fait l'objet d'une interdiction d'entrée en Suisse d'une durée de sept ans et qu'il ne fait valoir aucun projet concret et étayé de réinsertion en Italie ou ailleurs. Ses projets professionnels ne sont pas concrets, pas plus que sa relation avec sa fiancée en Italie au sujet desquels il n'apporte aucune pièce, étant rappelé qu'en 2022, lors de l'examen de sa libération conditionnelle, il avait déclaré que sa fiancée vivait en Suisse et qu'il ne souhaitait pas retourner en Italie. Ainsi, rien n'indique que le cité saurait mettre davantage à profit une nouvelle libération conditionnelle et le risque qu'il commette de nouvelles infractions apparaît très élevé, étant précisé qu'à teneur des dernières condamnations figurant à son casier judiciaire, ce risque ne se limite pas à des infractions à la LEI ».

6.             Alors qu'il ne s'était pas opposé aux mesures d'expulsion prononcées à son encontre par le TP les 21 août 2023 et 29 janvier 2024, M. A______ a recouru contre la décision de non-report d'expulsion qui lui a été notifiée par l'office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) le 11 juillet 2024. À l'appui de son recours, l’intéressé a invoqué sa prétendue homosexualité. Le 23 août 2024, l'OCPM s'est déterminé sur le recours déposé par l'intéressé ; le Ministère public s'est également déterminé, en date du 30 août 2024.

7.             Durant la détention pénale de l'intéressé, la Brigade migration et retour a procédé, en faveur de l'intéressé, à la réservation d'une place sur un vol DEPA (avec escorte policière) à destination de Lagos, réservation pour laquelle swissREPAT a proposé un vol prévu le 28 octobre 2024.

8.             Le 2 octobre 2024, l'intéressé a déposé une demande d'asile en Suisse ;

9.             Le 7 octobre 2024, le SEM a informé les autorités en charge de l'exécution du renvoi de M. A______ de ce que celui-ci venait de déposer une nouvelle demande d'asile, dont il n'était pas exclu qu'elle puisse être traitée à temps pour que l'intéressé puisse embarquer à bord du vol de retour prévu le 28 du même mois.

10.         Le même jour, à sa sortie de prison, le 7 octobre 2024, M. A______ a été remis entre les mains des services de police en vue de son refoulement.

11.         Toujours le 7 octobre 2024, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de quatre mois, en application de l'art. 76 al. 1 let b ch 1 LEI, renvoyant à l'art. 75 al. 1 let b, c, f et g de cette même loi ainsi que de l'art. 76 al. 1, let. b ch. 3 et 4 LEI.

Entendu dans ce cadre, M. A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi au Nigéria.

12.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour.

13.         Devant le tribunal, lors de l’audience du 10 octobre 2024, M. A______ a souligné que sa demande d'asile récente était liée au fait qu'il était gay. Il était désolé s'il ne l'avait pas mentionné plus tôt, mais c'était une chose dont il lui était difficile de parler et de rendre publique et qui concernait des difficultés qu'il avait rencontrées dans son passé, notamment auprès d'amis et d'autres personnes.

Le tribunal a noté au procès-verbal que les déclarations de M. A______ avaient été accompagnées de l'expression d'une forte émotion et de larmes. Le conseil de M. A______ a déposé un chargé de pièces.

Sur question de son conseil, M. A______ a expliqué qu'il avait pu mettre un peu d'argent de côté durant sa détention, soit un peu plus de CHF 2'000.-. Son idée était d'utiliser cet argent pour trouver un hébergement dans un hôtel s'il était remis en liberté, jusqu'à ce qu'il puisse trouver un hébergement associatif. Sur question de son conseil, de savoir s'il tenterait de fuir ou de se soustraire aux forces de police s'il pouvait résider hors d'un établissement de détention, il a expliqué qu'il avait fait toute sa vie en Suisse et qu'il n'y avait pour lui aucune raison d'essayer de partir.

La représentante du commissaire de police a remis au tribunal une confirmation du vol prévu pour M. A______ le 28 octobre 2024 à destination de Lagos et a conclu à la confirmation de l'ordre de mise en détention administrative pour une durée de quatre mois.

M. A______, par son conseil, s'en est rapporté à justice sur le principe de la détention et a conclu à ce que la durée de la détention soit réduite à quatre semaines.

14.         Par jugement du 10 octobre 2024, le tribunal de céans a confirmé l’ordre de mise en détention du 7 octobre 2024 pris à l’encontre de M. A______ pour une durée de quatre mois, soit jusqu’au 6 février 2025 inclus (JTAPI/1007/2024).

15.         Le 18 octobre 2024, le SEM a demandé à l'OCPM d'annuler le vol à destination du Nigéria prévu le 28 octobre 2024 pour l'intéressé suite à sa demande d'asile.

16.         Le 12 décembre 2024, la chambre pénale de recours de la Cour de Justice a rejeté le recours contre la décision de non-report d'expulsion rendue le 11 juillet 2024, interjeté par l'intéressé le 18 juillet 2024 (ACPR/936/2024).

Le recourant s'opposait à son expulsion au triple motif qu'il serait chrétien, homosexuel et membre d'un groupe d'opposition. Or, ces trois éléments étaient déjà existants lors du prononcé du jugement du 29 janvier 2024 du TP, où le recourant avait explicitement acquiescé à son expulsion judiciaire. L'intérêt juridique à recourir de l'intéressé contre la mise en œuvre de la mesure paraissait ainsi douteux. Quoi qu'il en fût, force était de constater que les motifs allégués par le recourant semblait de pure circonstance. Il n'exposait en effet aucun élément rendant ne serait-ce que plausibles ses allégations. Il n'expliquait en particulier pas comment il avait pu, tout au long de la procédure, indiquer habiter chez sa « copine », respectivement vouloir retrouver sa « compagne » enceinte, avant de subitement soutenir qu'il serait homosexuel. Il n'avait en outre jamais évoqué dans la procédure, en particulier dans la procédure pénale, la problématique de sa religion ou de son appartenance à un groupe d'opposition pour s'opposer à son expulsion.

17.         Par requête motivée du 27 janvier 2025 adressée au tribunal, l'OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 6 mai 2025. Il demeurait dans l’attente d'une réponse du SEM quant à la demande d'asile formulée par l’intéressé. Cette mesure constituait l'unique moyen afin de mener à terme le rapatriement de l'intéressé à destination de son pays d'origine. Une telle durée ne violait par ailleurs pas le principe d'absence de proportionnalité eu égard au comportement adopté jusqu'ici par l'intéressé.

18.         Devant le tribunal, lors de l'audience du 4 février 2024, la représentante de l'OCPM a confirmé que la demande d'asile de M. A______ était toujours en cours auprès du SEM. Les auditions qui devaient avoir lieu le 16 octobre 2024 puis le 23 octobre 2024 n'avaient finalement pas eu lieu. À ce stade, ils restaient dans l'attente d'une date d'audience qui devait se dérouler dans son lieu de détention administrative, soit à Frambois. C'était là toute la difficulté.

Elle a relevé les difficultés liées à différentes contraintes pour organiser une telle audition par le SEM. Il fallait en effet un parloir dans le lieu de détention de l'intéressé et un interprète. Enfin, l'auditeur du SEM devait être disponible ainsi que le conseil de l'intéressé. Il était exact que M. A______ avait été transféré dans l'établissement de détention à l'aéroport de Zurich entre le 20 décembre 2024 et le 3 février 2025. Il serait désormais détenu auprès de l'établissement de Frambois. Elle a remis au tribunal un échange d'e-mails entre leurs services et le SEM relatif à l'organisation de cette audition. Selon l'entretien téléphonique qu'elle avait encore eu la veille, l'audition devrait avoir lieu en tous les cas en février 2025. Sur question du conseil de M. A______, elle a expliqué que suite à l'audition prévue le 16 octobre 2024, laquelle avait échoué faute de parloir, la date du 23 octobre 2024 avait ensuite été proposée, mais cette fois, c'était l'interprète qui n'était pas disponible. Pour le surplus, elle a conclu à l'admission de la demande de prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois.

Le conseil de M. A______ a indiqué que son client n'avait pas recouru contre l'arrêt de la chambre pénale de recours concernant la décision de non report d'expulsion du 11 juillet 2024.

M. A______ a expliqué, sur question de son conseil, qu'il n'avait pas évoqué son homosexualité avant le dépôt de sa dernière demande d'asile, car on ne lui avait pas posé la question. Il ressortait d'un PV d'audition devant la police qu'il aurait évoqué une copine en Italie. Or, la policière qui l'avait questionné n'avait manifestement pas compris son anglais. Il avait essayé de lui expliquer qu'il avait en Italie un ami bisexuel, en ce sens qu'il se sentait autant homme que femme. Il imaginait que c'était la raison pour laquelle la police avait compris que son ami était une femme. Il tenait à souligner qu'en tant qu'homme noir, il ne lui était pas facile de parler de son homosexualité et de l'extérioriser. Il ne pourrait par exemple jamais s'habiller en femme, où que ce soit, en raison des discriminations en général. Sur question de son conseil, il préférait se présenter comme on le voyait sans signes particuliers qui pourraient être la source de discriminions liées à son orientation sexuelle.

Le conseil de M. A______ a conclu au rejet de la demande de prolongation de la détention administrative.

19.         Par jugement du 5 février 2025, le tribunal a prolongé la détention administrative de M. A______ pour une durée réduite à six semaines, soit jusqu'au 20 mars 2025 (JTAPI/137/2025).

Les circonstances qui avaient conduit le tribunal, dans son jugement du 10 octobre 2024, à retenir que les conditions de la détention de M. A______ étaient remplies quant à son principe existaient toujours, étant relevé qu'une détention basée sur l'art. 75 al. 1 let. f LEI en lien avec l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI pourrait également être fondée.

Concernant l'exécutabilité de l'expulsion judiciaire de M. A______ à destination du Nigéria, elle n’était pour l'heure pas tranchée et dépendrait de la réponse apportée par le SEM à sa demande d'asile, en lien notamment avec la question de son homosexualité. Concernant le principe de célérité, il déplorait le retard qu'avait pris l'instruction de cette demande au vu de la privation de liberté que subissait l'intéressé et constatait que ce principe n'avait en l'occurrence pas été respecté, sans que cette violation ne conduise toutefois à elle seule à la mise en liberté de M. A______, vu l’importance de l’intérêt public à l'exécution de la mesure d'expulsion dont il faisait l'objet. Il prenait par ailleurs acte qu’une audition devrait intervenir durant le mois de février 2025.

La proportionnalité de la détention était confirmée en l’absence de circonstance nouvelle pertinente. Il en allait de même de sa durée. Cela étant, afin d'éviter qu'une violation du principe de célérité ne se répète, il s'imposait qu’il puisse se prononcer en toute connaissance de cause sur la justification d'une prolongation de la détention et que les autorités fédérales et cantonales compétentes fournissent toutes les informations permettant d'évaluer cette question. Un nouveau contrôle de la détention administrative devait pouvoir être effectué à relativement courte échéance sur la base de ces informations, de sorte que la prolongation de la détention n’était ordonnée que pour six semaines supplémentaires.

20.         Le 10 février 2025, le SEM a informé l'OCPM qu'une audition concernant la demande d'asile de l'intéressé avait été planifiée pour le mercredi 5 mars 2025.

21.         Par requête motivée du 10 mars 2025, l'OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois, précisant qu’il restait désormais dans l’attente de la décision du SEM sur la demande d’asile de l’intéressé.

22.         Devant le tribunal, lors de l'audience de ce jour, M. A______ a déclaré qu’il était toujours opposé à retourner au Nigeria. Il n’avait rien à ajouter et laisserait parler son avocat.

La représentante du commissaire de police a versé à la procédure la décision du SEM du 13 mars 2025 rejetant la demande d’asile de M. A______ et retirant l’effet suspensif à un éventuel recours contre cette dernière.

Le conseil de M. A______ a confirmé avoir connaissance de cette décision. Il n’avait pas encore eu l’occasion d’en discuter dans les détails avec son client, devant d’abord traduire ladite décision. Ils avaient d’ores et déjà déposé une requête en restitution de l’effet suspensif auprès du Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF), avec l’information qu’un recours suivrait. Il a versé à la procédure un bordereau de pièces dont copie de ladite requête.

La représentante du commissaire de police a indiqué ignorer le dépôt de la requête de mesures superprovisionnelles. Ils avaient d’ores et déjà entrepris des démarches auprès du SEM en vue de la réservation d’un vol à destination du Nigeria, avec un départ possible dès le 5 mai 2025 pour tenir compte de la possibilité d’un recours contre la décision du SEM et d’une éventuelle restitution de l’effet suspensif. Si le départ de M. A______ ne devait pas pouvoir se concrétiser à brève échéance en raison de la procédure ouverte devant le TAF, ils aviseraient. Elle a plaidé et conclu à l’admission de la demande de prolongation de l'ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois.

Le conseil de M. A______ s’en est rapporté à justice s’agissant du principe et de la durée de la détention, tout en invitant le tribunal à réduire cette durée à ce qui était strictement nécessaire et à contrôler régulièrement le bien-fondé de la détention de son client.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour prolonger la détention administrative en vue de renvoi ou d'expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. e de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             S'il entend demander la prolongation de la détention en vue du renvoi, l'OCPM doit saisir le tribunal d'une requête écrite et motivée dans ce sens au plus tard huit jours ouvrables avant l’expiration de la détention (art. 7 al. 1 let. d et 8 al. 4 LaLEtr).

3.             En l'occurrence, le 10 mars 2025, le tribunal a été valablement saisi, dans le délai légal précité, d'une requête de l'OCPM tendant à la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois.

4.             Statuant ce jour, le tribunal respecte le délai fixé par l'art. 9 al. 4 LaLEtr, qui stipule qu'il lui incombe de statuer dans les huit jours ouvrables qui suivent sa saisine, étant précisé que, le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger.

5.             La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l’art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et de l’art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu’elle repose sur une base légale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_584/2012 du 29 juin 2012 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

6.             A teneur de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, en lien avec l'art. 75 al. 1 LEI, lorsqu'une décision de renvoi de première instance a été notifiée, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée lorsqu'elle franchit la frontière malgré une interdiction d'entrer en Suisse et ne peut pas être renvoyée immédiatement (let. c) ou lorsqu’elle a été condamnée pour crime (let. h).

7.             Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI). Concrètement, dans ces deux circonstances, la détention administrative peut donc atteindre dix-huit mois (cf. not. arrêt du Tribunal fédéral 2C_560/2021 du 3 août 2021 consid. 8.1).

8.             La détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., qui se compose des règles d'aptitude - exigeant que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/189/2015 du 18 février 2015 consid. 7a).

9.             Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEI ; « principe de célérité ou de diligence »). Il s'agit d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les références citées).

Selon la jurisprudence, le devoir de célérité est en principe violé lorsque, pendant plus de deux mois, aucune démarche n'est accomplie en vue de l'exécution du refoulement par les autorités compétentes, sans que cette inaction soit en première ligne causée par le comportement des autorités étrangères ou celui de l'intéressé lui-même (ATF 139 I 206 consid. 2.1 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_18/2016 du 2 février 2016 consid. 4.2 ; ATA/567/2016 du 1er juillet 2016 consid. 7a).

10.         Selon l'art. 80 al. 4 LEI, l'autorité judiciaire qui examine la décision de détention de maintien ou de levée tient compte de la situation familiale de la personne détenue et des conditions d'exécution de la détention.

11.         L’art. 80 al. 6 let. a LEI prévoit que la détention est levée lorsque le motif de la détention n’existe plus ou l’exécution du renvoi ou de l’expulsion s’avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles. L'exécution du renvoi est impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus (arrêt du Tribunal fédéral 2C_984/2020 du 7 janvier 2021 consid. 4.1 et les références).

12.         Le juge de la détention administrative doit en principe seulement s'assurer qu'une décision de renvoi existe, sans avoir à vérifier la légalité de cette dernière. Ce n'est que lorsque la décision de renvoi apparaît manifestement inadmissible, soit arbitraire ou nulle, que le juge de la détention peut, voire doit, refuser ou mettre fin à la détention administrative (ATF 129 I 139 consid. 4.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1177/2013 du 17 janvier 2014 consid. 2.2).

13.         Selon l'art. 42 de la loi sur l’asile du 26 juin 1998 (LAsi - RS 142.31), quiconque dépose une demande d'asile en Suisse peut y séjourner jusqu'à la clôture de la procédure.

14.         La demande d'asile est rejetée si la qualité de réfugié n'est ni prouvée ni rendue vraisemblable ou s'il existe un motif d'exclusion au sens des art. 53 et 54 LAsi. L'art. 53 let. c LAsi prévoit que l'asile n'est pas accordé au réfugié qui est sous le coup d'une expulsion au sens des art. 66a ou 66a bis CP.

15.         Par ailleurs, le dépôt d'une demande d'asile n'a pas ipso facto d'effet sur la détention administrative, obligeant uniquement l'autorité à envisager une détention fondée sur l'art. 75 LEI si une détention en vue de renvoi (art. 76 LEI) a déjà été prononcée ou confirmée (Gregor CHATTON/Laurent MERZ, in Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE [éd.], Code annoté de droit des migrations, vol. II : loi sur les étrangers, 2017, n. 8 ad art. 76 LEI).

16.         En l'espèce, les circonstances qui ont conduit le tribunal, dans ses jugements des 10 octobre 2024 et 5 février 2025, à retenir que les conditions de la détention de M. A______ étaient remplies quant à son principe sont toujours d’actualité.

Il doit pour le surplus être relevé que, depuis sa dernière présentation devant le tribunal, M. A______ a finalement été auditionné par le SEM, le 5 mars 2025, lequel s’est déterminé sur sa demande d’asile, qu’il a rejetée, par décision du 13 mars 2025. Suite à ce prononcé, l’OCPM a aussitôt entrepris les démarches auprès du SEM en vue de la réservation d’un vol pour son refoulement au Nigéria, dès le 5 mai 2025. Le principe de célérité est ainsi respecté.

Concernant l'exécutabilité de l'expulsion judiciaire de M. A______ à destination du Nigéria, il ressort de la décision précitée du SEM que l’effet suspensif à un éventuel recours contre cette dernière a été retiré. Le SEM rappelle pour le surplus l’expulsion pénale dont il fait l’objet et relève qu’eu égard aux éléments du dossier et au caractère manifestement infondé de sa demande d’asile, l’intérêt public de la Suisse à l’exécution du renvoi prévaut sur l’intérêt personnel de l’intéressé à pouvoir séjourner en Suisse jusqu’à la clôture de la procédure. Dans ces conditions, les chances que le TAF accorde les mesures provisionnelles requises, respectivement admette le recours qui sera déposé contre la décision du SEM, apparaissent extrêmement ténues. En tout état, si la décision de rejet de sa demande d'asile n’est certes pas encore en force, cela ne saurait être considéré comme une circonstance repoussant pour une durée indéterminée l'échéance de son expulsion.

En l’absence de circonstance nouvelle intervenue depuis le prononcé des jugements précités du tribunal, la détention de M. A______ apparait de plus toujours comme la seule mesure susceptible d'assurer sa disponibilité effective au moment de l'exécution du renvoi.

Enfin, la prolongation de détention requise, de trois mois, apparait justifiée et proportionnée au vu des démarches en cours et encore à entreprendre. Elle portera celle-ci à 8 mois au total, ce qui n'atteint de loin pas la durée totale de dix-huit mois que peut atteindre une détention administrative selon l'art. 79 al. 1 et 2 LEI. Face à son droit à la liberté individuelle (art. 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950  ; CEDH - RS 0.101), l'intérêt public à l’éloignement de Suisse de M. A______, compte tenu de ses nombreux antécédents pénaux, l'emporte nettement.

17.         Au vu de ce qui précède, la demande de prolongation de la détention administrative de M. A______ sera admise pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 20 juin 2025 inclus.

18.         Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et à l’OCPM. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au SEM.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable la demande de prolongation de la détention administrative de Monsieur A______ formée le 10 mars 2025 par l’office cantonal de la population et des migrations ;

2.             prolonge la détention administrative de Monsieur A______ pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 20 juin 2025 inclus ;

3.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, à l’office cantonal de la population et des migrations et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière