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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/149/2025

JTAPI/57/2025 du 20.01.2025 ( MC ) , CONFIRME

Descripteurs : MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS);DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION;PROCÉDURE ÉCRITE
Normes : LEI.80.al3; LEI.76.al1.letb.ch1; LEI.75.al1.letb
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/149/2025 MC

JTAPI/57/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 20 janvier 2025

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Luc-Alain BAUMBERGER, avocat

 

contre

 

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 2003, est ressortissant sénégalais. Il est en possession d'un titre de séjour espagnol valable jusqu'au 7 mars 2028.

2.             Il a été condamné le 27 novembre 2024, par le Ministère public de Genève, à une peine privative de liberté de 60 jours, avec sursis, délai d'épreuve trois ans, pour vente de crack (art. 19 al. 1 let. c de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) et infractions aux art. 115 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

3.             Par décision du même jour, prise par le Commissaire de police, il lui a été fait interdiction de pénétrer dans le canton de Genève, pour une durée de douze mois, en application de l'article 74 al. 1 let. a LEI.

4.             M. A______ a été interpellé à Genève le 15 janvier 2025, en violation de l'interdiction précitée.

5.             Le 16 janvier 2025, M. A______ s'est vu notifier par l'office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM), une décision de renvoi, en application de l'article 64c LEI.

6.             Une demande de réadmission en Espagne a été immédiatement entreprise.

7.             Le 16 janvier 2025, à 15h10, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l’encontre de M. A______ pour une durée de quatre semaines.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il n'était pas d'accord de retourner en Espagne. Il était en outre d’accord « à ce que le Tribunal administratif de première instance renonce à la procédure orale », après que le commissaire de police avait attiré son attention sur la teneur de l’art. 80 al. 3 LEI.

Selon le procès-verbal du commissaire de police, la détention administrative pour des motifs de droit des étrangers avait débuté à 14h55.

8.             Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour, par courriel, à 17h02.

9.             A réception de l’ordre de mise en détention, le tribunal a invité le conseil de M. A______ désigné d’office pour la défense de ses intérêts (cf. art. 12 al. 2 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10), à lui communiquer ses éventuelles observations écrites d’ici au 17 janvier 2025 à 17h00.

10.         Par courriel adressé au tribunal le 17 janvier 2025 à 11h04, le conseil de M. A______ a présenté ses observations. Il a conclu principalement, au rejet de la demande de mise en détention et à ce qu'il soit pris acte que son client quitterait le territoire genevois par ses propres moyens, subsidiairement, à ce que la durée de la détention soit limitée au 21 janvier 2025 au plus tard.

M. A______ avait toujours accepté de quitter le canton de Genève, ce qu'il avait d'ailleurs indiqué dans sa déclaration à la police, le 15 janvier 2025. Le refus indiqué dans le procès-verbal était sans doute dû à une incompréhension car il ne parlait pas français et n'était pas assisté d'un traducteur. Au moment de son arrestation, il était en possession de CHF 182.-, ce qui était largement suffisant pour rentrer en Espagne par ses propres moyens. Le laisser quitter le territoire genevois par ses propres moyens respecterait le principe de proportionnalité et de célérité. Remplissant les conditions de l'art. 5 de l'Accord du 17 novembre 2003 entre la Confédération suisse et le Royaume d'Espagne relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière (RS 0.142.113.329) (ci-après : l'Accord), son retour en Espagne devait se faire sans formalité. Il pouvait ainsi être remis dans un avion à destination de l'Espagne, sans autre. En tout état, son temps de détention ne devait pas être de plus de quatre jours au vu des différentes possibilités de le renvoyer.

EN DROIT

1.             Le tribunal est compétent pour examiner d’office la légalité et l’adéquation de la détention administrative (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d LaLEtr).

2.             Selon l’art. 8 al. 3 LaLEtr, les ordres de mise en détention du commissaire de police sont transmis sans délai au tribunal pour contrôle de la légalité et de l’adéquation de la détention.

3.             Le tribunal statue ce jour dans le délai de nonante-six heures prévu par les art. 80 al. 2 LEI et 9 al. 3 LaLEtr, la détention administrative de M. A______ ayant concrètement débuté le 16 janvier 2025 à 14h55, comme l’indique le procès-verbal d’audition (cf. à cet égard arrêts du Tribunal fédéral 2C_618/2011 du 1er septembre 2011 consid. 2 ; 2C_206/2009 du 29 avril 2009 consid. 5.1.1 et les références citées).

4.             Toutefois, selon l’art. 80 al. 3 LEI, l’autorité judiciaire peut renoncer à la procédure orale lorsque le renvoi pourra vraisemblablement avoir lieu dans les huit jours suivant l’ordre de détention et si la personne concernée a donné son consentement écrit, étant précisé que si le renvoi ne peut être exécuté dans ce délai, la procédure orale a lieu au plus tard douze jours après l’ordre de détention.

Le message du Conseil fédéral relatif à cette disposition précise : « Dans la pratique, il s’avère de manière générale que la procédure en vue du prononcé d’une détention du droit en matière d’étrangers prend beaucoup de temps pour les autorités. C’est pour cette raison que l’alinéa 3 prévoit nouvellement que l’autorité peut renoncer à une procédure orale devant le juge de la détention lorsque le renvoi a lieu à bref délai et que la personne concernée a donné son accord écrit. Cependant, il faut lui accorder le droit d’être entendue. Dans ce cas, l’examen de la détention a lieu par écrit sur la base du dossier. S’il s’avère par la suite que le renvoi planifié ne peut pas être exécuté dans le délai prévu, la procédure orale doit avoir lieu après coup. Ainsi, un examen judiciaire complet est garanti » (FF 2002 3469, p. 3573).

Ainsi, s’il est possible de renoncer initialement à la procédure orale dans les conditions prévues par l’art. 80 al. 3 LEI, le tribunal reste néanmoins tenu d’examiner la légalité et l’adéquation de la détention au terme d’une procédure écrite.

5.             En l’espèce, tout porte à croire que le renvoi pourra avoir lieu dans le délai de huit jours précité, puisque les autorités sont dans l'attente d'un accord de réadmission des autorités espagnoles qui devrait intervenir tout soudain, avant qu'un vol ne soit réservé en sa faveur, à destination de l'Espagne.

Par ailleurs, M. A______ a donné par écrit son consentement à ce que le tribunal statue sur son sort sans l’entendre oralement.

Le tribunal se prononce donc sur la base du dossier du commissaire de police et après avoir donné la possibilité à M. A______, sous la plume de son conseil, de déposer des observations écrites.

6.             Le tribunal peut confirmer, réformer ou annuler la décision du commissaire de police ; le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger (art. 9 al. 3 LaLEtr).

7.             La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l’art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_413/2012 du 22 mai 2012 consid. 3.1) et de l’art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu’elle repose sur une base légale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_584/2012 du 29 juin 2012 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1). Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne peut être prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.1 ; 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

8.             Selon l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, en lien avec l'art. 75 al. 1 let. b LEI, une mesure de détention administrative peut être ordonnée si une décision de renvoi ou d'expulsion a été notifiée à l'intéressé et que celui-ci quitte la région qui lui est assignée ou pénètre dans une zone qui lui est interdite en vertu de l’art. 74.

9.             En l'espèce, M. A______ fait l'objet d'une décision de renvoi de Suisse prononcée le 16 janvier 2025 ainsi que d’une interdiction de pénétrer dans le canton de Genève prise à son encontre le 27 novembre 2024, valablement notifiée, et qu’il n’a pas respectée.

10.         La détention administrative est ainsi fondée dans son principe.

11.         Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de la personne concernée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

12.         Il convient dès lors d'examiner, en fonction des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi au sens de l'art. 5 par. 1 let. f CEDH est adaptée et nécessaire (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 ; 134 I 92 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_26/2013 du 29 janvier 2013 consid. 3.1 ; 2C_420/2011 du 9 juin 2011 consid. 4.1 ; 2C_974/2010 du 11 janvier 2011 consid. 3.1 ; 2C_756/2009 du 15 décembre 2009 consid. 2.1).

13.         Par ailleurs, les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi doivent être entreprises sans tarder par l'autorité compétente (art. 76 al. 4 LEI). Il s'agit, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février).

14.         En l'espèce, compte tenu du fait que M. A______ n’a pas respecté l'interdiction qui lui a été faite de pénétrer dans le canton de Genève, qu'il a déclaré ne pas être d'accord de retourner en Espagne et qu'il n'a aucune attache avec la Suisse, on ne voit pas pour quelles raisons, s’il était remis en liberté, il respecterait davantage cette interdiction, retournerait en Espagne et changerait de comportement. Sa détention administrative paraît être le seul moyen d’assurer son renvoi vers ce pays. Le fait que M. A______ ait indiqué, dans ses observations du 17 janvier 2025, qu'il était d'accord de retourner en Espagne, apparaît plus dicté par des motifs procéduraux que par un réel désir de quitter le territoire suisse pour son pays d'accueil. Par ailleurs, il est peu vraisemblable que son refus de retourner en Espagne, tel que protocolé dans le procès-verbal d'audition du 16 janvier 2025, soit dû à une incompréhension faute d'interprète présent. En effet, interrogé par la police préalablement, M. A______ a clairement indiqué ne pas avoir besoin d'un traducteur. Par ailleurs, son origine parle en faveur d'une bonne compréhension de la langue française. Enfin, les autorités suisses ont agi avec toute la diligence possible dès lors qu'elles ont immédiatement procédé à la demande de réadmission requise. A cet effet, le tribunal relèvera que s'il est certes vrai que la réadmission doit se faire sans formalité selon l'art. 5 de l'Accord, celui-ci prévoit expressément une procédure de réadmission dans son protocole d'application (art. 7 ch. 2 de l'Accord et art. 1 ss du protocole), procédure qui a été appliquée à la lettre par les autorités genevoises. M. A______ ne peut ainsi pas être remis dans un avion à destination de l'Espagne sans qu'une demande préalable n'ait été effectuée auprès des autorités espagnoles compétentes, lesquelles doivent encore donner leur accord formel à la réadmission, avant qu'un vol puisse être réservé en faveur de l'intéressé.

15.         Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l'obtention des documents nécessaires au départ auprès d'un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

16.         En outre, la durée de la détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

17.         En l’espèce, eu égard à l'ensemble des circonstances, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative pour une durée de quatre semaines, qui respecte l'art. 79 LEI et n'apparaît pas disproportionnée, étant rappelé que la détention prendra fin au moment du renvoi mais que si, pour une raison ou une autre, ce renvoi devait ne pas pouvoir se concrétiser rapidement, cette durée permettra aux autorités, cas échéant, de solliciter la prolongation de la détention.

18.         Cela étant, il sera souligné que si le renvoi n'a pas eu lieu dans le délai de huit jours suivant l'ordre de détention, M. A______ sera entendu par le tribunal au plus tard douze jours après l'ordre de détention (art. 80 al. 3 LEI). Dans cette perspective, il appartiendra au commissaire de police de faire savoir au tribunal, le 24 janvier 2025 au plus tard, si l'exécution du renvoi s'est concrétisée ou non.

19.         Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative émis par le commissaire de police le 16 janvier 2025 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de quatre semaines, soit jusqu'au 12 février 2025, inclus ;

2.             invite le commissaire de police à faire savoir au tribunal le 24 janvier 2025 au plus tard si l’exécution du renvoi a eu lieu ou non ;

3.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

Le greffier