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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1767/2024

JTAPI/1284/2024 du 20.12.2024 ( DOMPU ) , ADMIS PARTIELLEMENT

ATTAQUE

Descripteurs : ÉVACUATION DES DÉCHETS;PRINCIPE DE CAUSALITÉ;TAUX D'OCCUPATION(TRAVAIL);IMPÔT FORFAITAIRE
Normes : LGD.16.al1; LGD.33
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1767/2024 DOMPU

JTAPI/1284/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 20 décembre 2024

 

dans la cause

 

A______, représentée par Me Julien WAEBER, avocat, avec élection de domicile

 

contre

B______ -C______

 


EN FAIT

1.             L’Étude d’avocats A______ (ci-après : l’étude) est une société simple dont le siège se trouve au D______ 1______, à Genève.

2.             Le 3 avril 2024, la Ville de E______ (ci-après : la ville), soit pour elle son service de la sécurité et des sports, a adressé à l’étude une facture de CHF 346.80 relative à la levée au forfait pour l’année 2024 de ses déchets (facture n° 2______). Cette facture retenait que, selon le nombre d’emplois renseigné auprès du répertoire des entreprises du canton de Genève (ci-après : REG), le nombre d’employés de l’étude s’élevait à 7 (EMP).

Toute contestation devait être formulée par écrit avec accusé de réception ou par courriel dans un délai de 30 jours après réception de la facture.

Une notice était jointe à la facture, indiquant que la collecte et la facturation des déchets urbains des entreprises comptant moins de 250 postes à temps plein (ETP) effectuée par la ville étaient prévus à compter du 1er janvier 2023. La facturation pour l’année 2023 n’avait pas pu être effectuée. Le nouveau règlement était entré en vigueur le 1er février 2024 et la facture avait été établie pro rata sur 11 mois de 2024.

3.             Par lettre du 17 avril 2024 rédigée sur son papier à en-tête, l’étude a contesté la facture, au motif qu’elle comptait 2 EMP et non 7 comme retenu ; la facture était ainsi fondée sur un état de fait incorrect. Elle demandait l’annulation de la facture.

Sur ledit papier à en-tête figuraient Maîtres F______, G______, H______, I______ (avocate-stagiaire) et J______ (conseil).

4.             La ville a répondu à l’étude le 23 avril 2024.

Selon le règlement sur la gestion des déchets, annexe 4, la facturation au forfait était établie annuellement au mois d’avril de chaque année pour l’année en cours, sur la base des informations du nombre d’emplois extraites du REG en date du 31 mars de l’année en cours. À cette date, l’étude était enregistrée comme ayant 7 emplois.

Si ces informations étaient incorrectes, il lui aurait appartenu d’effectuer les modifications de ce répertoire. Ces dernières pourraient être prises en compte pour la facture 2025 mais, pour 2024, elle ne pouvait pas l’annuler car les modifications auraient dû intervenir avant le 31 mars 2024.

5.             Par acte du 22 mai 2024, l’étude a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre la décision sur réclamation de la ville du ______ 2024, concluant à son annulation et à l’annulation de la facture n° 2______, cela fait au renvoi de l’affaire à la ville pour nouvelle facture au sens des considérants, sous suite de frais et dépens.

La ville considérait à tort qu’elle comptait 7 EMP au 31 mars 2024. Elle comptabilisait effectivement 2 EMP depuis plusieurs années, à tout le moins depuis mars 2024. En retenant 7 EMP. La ville avait fondé sa décision sur un état de fait erroné et avait manifestement facturé un montant supérieur à celui qui aurait dû être calculé. Ceci était d’autant plus inadmissible que la ville avait maintenu sa facture malgré la réclamation.

Par ailleurs, la ville ne pouvait admettre que l’indication EMP signifiait le nombre de travailleurs sans égard au taux d’occupation, sans violer le principe de l’égalité de traitement. Cela reviendrait à facturer davantage une entreprise qui avait décidé de répartir un poste à temps plein entre plusieurs travailleurs à la différence d’une entité préférant attribuer le poste à temps plein à une seule personne ; il n’existait aucun motif objectif justifiant de traiter les entreprises de manière inégale. Elle serait elle-même désavantagée du seul fait qu’elle avait décidé de répartir le poste de secrétaire entre trois employés, lesquelles couvraient ensemble un 100%. Au surplus, cela n’avait aucune incidence sur la quantité de déchets effectivement générée.

Enfin, la décision était arbitraire puisqu’elle reposait incontestablement sur une indication erronée au REG. Malgré la réclamation, la ville avait maintenu sa facture : à supposer qu’elle eut eu des doutes au sujet du nombre de EMP, elle aurait à tout le moins pu et dû solliciter des compléments en vue de clarifier la situation. Il était tout à fait insoutenable de s’écarter de la réalité factuelle et de se fonder uniquement sur des données inscrites sur un simple répertoire qui n’avait vraisemblablement pas subi de modifications depuis de nombreuses années. Le but du législateur étant de facturer les entreprises en fonction des EMP, la ville n’avait aucun motif légitime de refuser la révision du montant de la facture qui concernait, pour le reste, une période à venir. Cette décision heurtait par ailleurs le sentiment de justice.

6.             La ville a répondu au recours le 27 juin 2024, concluant à son rejet et à la confirmation de la facture n° 2______ du 3 avril 2024.

Eu égard à son règlement LC 21 911, elle s’était fondée à juste titre sur les informations du nombre d’emplois de la recourante extraites du REG en date du 31 mars 2024, soit 7 emplois. En outre, dans ses courriers de 2022,elle avait déjà expressément attiré l’attention des entreprises présentes sur son territoire sur le fait qu’il convenait de mettre à jour leurs données dans le REG avant le 31 mars 2023. Il revenait donc à la recourante de le faire, à défaut de quoi les informations résultant du REG au 31 mars 2024 faisaient foi.

La recourante avait vraisemblablement commis une erreur en ne mettant pas à jour son inscription dans le REG au 31 mars 2024 et elle ne pouvait la tenir pour responsable.

7.             La recourante a répliqué le 19 août 2024, persistant dans ses conclusions.

L’extrait du REG produit par la ville désignait précisément, sous « ETA – Nbe de travailleur » qu’elle employait 3 travailleurs, sans préciser le taux d’occupation de chacun des employés. Ce nombre de travailleurs correspondait au surplus aux informations exposées dans l’extrait du REG, qui indiquait qu’elle comptabilisait en son sein, entre 3 et 5 travailleurs.

La ville aurait très bien pu se douter que les informations contenues dans le REG étaient erronées au jour de la facturation ; en effet, on ne comprenait pas comment trois travailleurs seraient en mesure de couvrir 7 emplois.

La notion de EMP telle qu’elle la comprenait se référait au nombre d’emplois à temps plein, notion sur laquelle la ville ne se déterminait pas.

L’autorité intimée déduisait à tort que le nombre de EMP était supérieur à 2 en se référant à son site internet. Retenir le nombre d’employés sans tenir compte du taux d’occupation violait le principe de l’égalité de traitement.

Enfin, l’autorité intimée n’indiquait pas pourquoi la facture litigeuse ne pourrait pas être réajustée dans le cadre de la procédure de réclamation.

8.             La ville a dupliqué le 13 septembre 2024, concluant au déboutement de la recourante.

Il n’existait aucune base de données consultable par les communes genevoises avec l’information du nombre d’ETP dans les entreprises se trouvant sur leur territoire. L’office cantonal de l’environnement, dans son « Aide à l’exécution – déchets urbain des entreprises » recommandait d’utiliser les données du REG pour le calcul de la facturation au forfait.

Sa facture était conforme aux information qui ressortaient du REG au 31 mars 2024, à savoir 7 emplois, soit 3 employeurs et 4 travailleurs. Tant les employeurs que les travailleurs étaient comptabilisés dans le REG et pris en compte lors de la facturation des déchets de l’entreprise. Ainsi qu’il ressortait d’un courriel annexé, au 11 septembre 2024, la recourante comptabilisait 2 employeurs et 4 travailleurs, soit 6 emplois alors qu’au 31 mars 2024 elle comptait 3 employeurs et 4 travailleurs : sa facture était donc correcte.

9.             Le 8 novembre 2024, le tribunal a invité la recourante à lui communiquer, pièces à l’appui, la liste des collaborateurs déployant une activité auprès d’elle à la date du 31 mars 2024, en indiquant la profession exercée, le taux d’activité, ainsi que le statut (salarié ou indépendant).

10.         Le 18 novembre 2024, la recourante a répondu qu’au 31 mars 2024, elle salariait, au sens du droit du travail, quatre personnes à savoir :

-        Me I______, avocate-stagiaire, à un taux de 100 % ;

-        Madame K______, étudiante en droit, à un taux de 40 % ;

-        Monsieur L______, étudiant en droit, à un taux de 30 % et

-        Madame M______, étudiante en droit, à un taux de 30 %

Les deux associés (Me Julien WAEBER et N______) déployaient une activité indépendante. Me H______ exerçait dans sa propre structure. Me O______ travaillait exclusivement sur mandat et à distance. Il n’avait guère travaillé ces dernières années. En conséquence, elle occupait deux ETP (100 % + 40 % + 30 % + 30 %). Si les deux indépendants devaient être inclus dans le calcul des emplois, sa structure plafonnerait à 4 ETP et non ETP pris en compte dans la décision attaquée.

11.         Par pli du 4 décembre 2024, la ville a persisté dans ses conclusions.

S’agissant du nombre d’emplois déterminant, la seule base de données à laquelle elle avait accès était le REG, lequel ne contenait pas d’information relative au nombre de postes à plein temps. Renseignements pris auprès du canton de Genève, il s’avérait que les communes n’avaient accès à aucune base de données hormis le REG. Enfin, la recourante avait admis qu’elle avait sollicité la modification du nombre d’emploi auprès du REG après le 31 mars 2024, date qui faisait foi pour la facturation des déchets des entreprises par la ville.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par la ville en application de la loi sur la gestion des déchets du 20 mai 1999 (LGD - L 1 20) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 50 LGD).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             La législation suisse en matière de déchets se fonde sur la LPE et sur l'ordonnance fédérale sur la limitation et l'élimination des déchets du 4 décembre 2015 (OLED - RS 814.600).

La mise en œuvre de cette législation est du ressort des cantons. Les cantons intègrent les prescriptions fédérales dans leur législation cantonale et, généralement, confient aux communes le soin de les exécuter. Quant à ces dernières, elles sont chargées de préciser l'organisation, les compétences, les devoirs, les taxes, etc. dans des règlements et des ordonnances au niveau communal (Office fédéral de l'environnement [ci-après : OFEV], Financement de l'élimination des déchets urbains. Aide à l'exécution relative au financement de l'élimination des déchets urbains selon le principe de causalité - ci-après : OFEV, Financement -, in L'environnement pratique, 2018, n° 1827, p. 59).

4.             Selon le principe de causalité, celui qui est à l'origine d'une mesure prescrite par la LPE en supporte les frais (art. 2 LPE). Le détenteur des déchets assume le coût de leur élimination ; font exception les déchets pour lesquels le Conseil fédéral prévoit des dispositions particulières (art. 32 al. 1 LPE). Les cantons veillent à ce que les coûts de l'élimination des déchets urbains, pour autant que celle-ci leur soit confiée, soient mis, par l'intermédiaire d'émoluments ou d'autres taxes, à la charge de ceux qui sont à l'origine de ces déchets. Le montant des taxes est fixé en particulier en fonction du type et de la quantité de déchets remis (art. 32a al. 1 let. a LPE). Sous réserve de l'art. 41 LPE, l'exécution de la LPE incombe aux cantons (art. 36 LPE).

5.             En vertu de l'art. 32a LPE, l'élimination des déchets urbains doit être financée en application du principe de causalité précité. Celui-ci signifie que les coûts de l'élimination des déchets urbains sont mis à la charge de ceux qui sont à l'origine des déchets. Il n'est qu'exceptionnellement possible de déroger à ce principe. L'art. 32a LPE laisse aux collectivités publiques une marge d'appréciation importante dans l'application du principe de causalité. La loi permet ainsi aux cantons et aux communes d'adapter leur mode de taxation en tenant compte des particularités régionales ou locales. Toutefois, elle prévoit expressément que le montant des taxes soit fixé en fonction du type et de la quantité de déchets remis. Les taxes à la quantité (notamment la taxe sur les ordures) répondent à ces exigences et sont combinées de manière appropriée avec des taxes de base (OFEV, Financement, p. 22, 39 et 40).

6.             Le mode de taxation recommandé pour les entreprises de moins de deux cent cinquante ETP est la taxe à la quantité. Le critère de calcul se fait selon le critère du volume ou du poids des déchets remis. Il incombe aux cantons de faire appliquer l'art. 32a LPE. Les cantons doivent donc veiller à ce qu'un financement de l'élimination des déchets urbains selon le principe de causalité conformément à l'art. 32a LPE soit introduit sur leur territoire (OFEV, Financement, p. 53). En pratique, il y a lieu de convertir tous les postes à temps complet et à temps partiel en équivalents ETP et d'utiliser cette donnée pour différencier les types de déchets. Les cantons et les communes peuvent se référer au Registre des entreprises et des établissements (ci-après : REE) pour obtenir des indications sur l'IDE et les équivalents ETP. Si les pouvoirs publics ne sont pas en mesure de se prononcer sur l'exemption d'une entreprise du monopole d'élimination sur la seule base des données disponibles, l'entreprise en question est tenue de leur fournir les renseignements nécessaires à l'application de la législation et, s'il le faut, de procéder à des enquêtes ou à les tolérer (art. 46 al. 1 LPE ; OFEV, Financement, p. 17).

7.             Le Tribunal fédéral, revenant sur sa jurisprudence antérieure, a jugé que l'art. 32a LPE obligeait les cantons à prévoir un effet incitatif dans leur législation d'application. Une taxe forfaitaire par ménage ne déploie aucune incitation à réduire la quantité de déchets, puisque, dans un tel système, deux ménages comprenant un même nombre de personnes peuvent produire une quantité de déchets différente et payer la même taxe. Un règlement communal prévoyant une telle taxe est contraire à l'art. 32a LPE (ATF 137 I 257 consid. 6.1.1 et 6.3 ; ATA/1191/2017 du 22 août 2017). Les taxes doivent tenir compte du type et de la quantité de déchets remis (art. 32a al. 1 let. a LPE ; ATF 137 I 257 consid. 6.1.1 et 6.3). Toutefois, elles ne doivent pas être exclusivement proportionnelles à la quantité de déchets effectivement produite (ATF 138 II 111 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2P.266/2003 du 5 mars 2004 consid. 3). Les taxes sur les déchets doivent être aménagées de manière à inciter ceux qui produisent des déchets à les limiter, à les recycler ou à les éliminer d'une manière respectueuse de l'environnement (art. 30 LPE ; ATF 137 I 257 consid. 6.1.1 et 6.3 ; OFEV, Financement, p. 39). Elles doivent aussi respecter les principes d'égalité de traitement (art. 8 Cst) et de protection contre l'arbitraire (art. 9 Cst.). Elles doivent être fixées selon des critères objectifs. Les autorités d'exécution ne peuvent pas opérer des différences sans motif valable (OFEV, Financement, p. 39).

8.             Dans le canton de Genève, la collecte, le transport et l'élimination des déchets définis à l'art. 3 LGD, à l'exception des déchets ménagers, sont à la charge des particuliers (art. 16 al. 1 LGD). Tous les déchets dont l'élimination n'incombe pas aux collectivités publiques doivent être éliminés par leurs détenteurs dans des installations appropriées (art. 11 al. 1 LGD). La collecte, le transport et l'élimination des déchets ménagers sont organisés et assurés par les communes, sans taxes pour les ménages. Demeurent réservées les prestations particulières des communes (art. 12 al. 1 LGD). Intégrant le principe de causalité, la LGD prévoit que le détenteur des déchets assume le coût de leur élimination sous réserve des dispositions prévues par le droit fédéral ou par celle-ci (art. 33 LGD).

9.             La LPE ne définit pas la notion de déchets urbains, mais prévoit leur élimination et son financement (art. 31b et art. 32a LPE). Dans l'OLED, la définition de déchets urbains couvre les déchets produits par les ménages ainsi que ceux qui proviennent d'entreprises comptant moins de deux cent cinquante ETP et dont la composition est comparable à celle des déchets ménagers en termes de matières contenues et de proportions (art. 3 let. a OLED).

Le nombre d'ETP au sein des entreprises est déterminant pour différencier les déchets urbains des autres déchets. Ainsi, seules les entreprises comptant moins de deux cent cinquante ETP produisent des déchets urbains, à condition que la composition de ceux-ci soit comparable à celle des déchets ménagers en termes de matières contenues et de proportions (OFEV. Financement, p. 16). En principe, il s'agit de déchets générés par la consommation quotidienne des employés de l'entreprise, comme les déchets de papier (les journaux) ou les ordures, notamment le contenu des poubelles (OFEV. Financement, p. 18).

10.         Dans le canton de Genève, la LGD ne définit pas la notion de déchets urbains. Le règlement d'application de la LGD du 28 juillet 1999 (RGD - L1 20.01) prévoit, quant à lui, la notion de déchets urbains communaux qui correspondent aux déchets ménagers incinérables et aux déchets industriels ordinaires levés avec les collectes communales (art. 15 al. 2 RGD).

11.         La LGD a délimité en revanche les compétences des différentes autorités cantonales. La commission de gestion globale des déchets élabore le concept cantonal de gestion des déchets (art. 6 let. a LGD), propose un plan cantonal de gestion des déchets et ses mises à jour (let. b), plan qui a force obligatoire pour les autorités cantonales et communales (art. 7 al. 2 LGD). Le département informe et conseille les particuliers et les communes notamment sur les possibilités de réduire les déchets, sur la collecte, le tri, le recyclage, la valorisation et l'élimination des déchets (art. 8 al. 1 LGD). Il est l'autorité chargée de l'application de la loi et du règlement (art. 2 al. 1 RGD). Il peut, si nécessaire, par l'intermédiaire du service de géologie, sol et déchets (ci-après : GESDEC), émettre des directives, notamment sur la définition de certains types de déchets ou sur la gestion de déchets particuliers (al. 2) ainsi que des guides pour la gestion moderne des déchets dans les entreprises. Les communes ont la compétence d'édicter leur propre règlement communal en matière de gestion des déchets (art. 12 al. 4 LGD).

12.         Courant 2016, dans le cadre de la mise en œuvre du plan cantonal de plan cantonal de gestion des déchets 2014-2017, le GESDEC a adopté une directive cantonale sur la suppression des tolérances communales visant à mettre en conformité les pratiques communales en matière de déchets urbains des entreprises, de manière à garantir une égalité de traitement à ces dernières.

Reprenant l'art. 3 OLED, cette dernière définit les déchets urbains comme les déchets produits par les ménages ainsi que ceux qui proviennent d'entreprises comptant moins de deux cent cinquante ETP et dont la composition est comparable à celle des déchets ménagers en termes de matières contenues et de proportions. Pour l'identification des entreprises, elle recommande aux communes d'obtenir auprès du REG des informations pertinentes. La directive classe les entreprises genevoises en trois catégories : les micro-entreprises, les moyens producteurs et les gros producteurs. Les micro-entreprises sont définies comme des entreprises dont la production de déchets urbains est difficilement quantifiable. Font partie de cette catégorie notamment les entreprises comptant huit postes de travail ou moins. Leur facturation se fait selon un forfait annuel basé sur le nombre d'emplois dans l'entreprise tiré du REG.

13.         Dans un rapport du 21 décembre 2017 au Grand Conseil portant sur une motion déposée par un groupe de députés au sujet d'une gestion différenciée de la collecte des déchets urbains des entreprises (ci-après : M 2271-B), le Conseil d'État a souligné que la directive cantonale précitée avait prévu la possibilité pour les entreprises d'utiliser les infrastructures communales, moyennant le paiement d'une taxe forfaitaire calculée en fonction du nombre d'employés, pour les micro-entreprises comptant jusqu'à huit ETP. La directive cantonale, qui prévoit un forfait modulé en fonction du nombre d'ETP de l'entreprise, tient compte dans une certaine mesure de l'activité de cette dernière (M 2271-B, p. 5-6).

14.         Le 16 janvier 2024, le GESDEC a publié un document intitulé « Aide à l’exécution – déchets urbains des entreprises » à l’attention des communes.

S’agissant de la notion d’entreprise, ce document, se réfère à l’aide à l'exécution de l’OFEV, rappelle qu’il est déterminant de considérer globalement tous les postes à plein temps d'une entreprise, et pas uniquement le nombre de postes à plein temps d'une unité opérationnelle de ladite entreprise (par exemple succursale ou unité d'exploitation).

La facturation des entreprises comptant moins de 250 postes à plein temps peut s’effectuer à la quantité (pesée embarquée) ou en prélevant une taxe forfaitaire dépendant du nombre d’emplois. Le nombre de postes à plein temps est une information qui n'est pas disponible dans le fichier du REG. Dès lors, et pour des questions de proportionnalité et pour ne pas générer un travail administratif disproportionné, il est recommandé d'utiliser la donnée « nombre d'emplois » fournie par le REG, pour le calcul de la facturation au forfait.

15.         Les communes peuvent édicter des règlements communaux sur le bon fonctionnement de leurs infrastructures de collecte et sur leur gestion des déchets ménagers (art. 17 al. 1 RGD).

16.         Pour aider les communes à élaborer des règlements communaux sur la gestion des déchets ou modifier l’existant, notamment afin d’appliquer le principe du « pollueur-payeur » aux entreprises, le canton a mis à leur disposition un règlement communal type (https://www.ge.ch/document/dechets-documents-directives-communes-collectivites-publiques). Celui mis à jour le 25 septembre 2020 prévoit, dans la section 1 (consacrée aux déchets urbains des entreprises) du chapitre III (traitant de la gestion des déchets des entreprises), une disposition modèle qui définit les micro-entreprises comme des entreprises dont la production de déchets urbains est faible et difficilement quantifiable, et qui ne comptent pas plus de huit ETP.

17.         Le règlement de la Ville de Genève sur la gestion des déchets du 25 janvier 2024 (LC 21 911) prévoit des prestations selon les catégories d'entreprises qu'il définit. Ainsi, son art. 11 al. 1 prévoit que la ville assure, assure la collecte, le transport et l’élimination des déchets urbains des entreprises (principe du monopole communal).

Deux modes de facturation sont proposés aux entreprises : au poids (déchets quantifiables) ou au forfait (déchets non quantifiables). Dans le second cas, l’entreprise est facturée sur la base du nombre d’emplois qu’elle compte (art. 12 al. 1 et 3 du règlement). L’art. 12 al. 4 du règlement dispose que les tarifs en vigueur ainsi que les conditions générales de facturation sont indiqués dans les annexes 3 et 4.

À teneur de l’art. 4 al. 1 de l’annexe 4 au règlement, les informations nécessaires pour la facturation des prestations sont extraites du REG. Selon l’art. 4 al. 2 de l’annexe 4, toute entreprise est tenue de communiquer gratuitement à l’OCIRT les renseignements nécessaires à l'établissement et à la mise à jour des informations du REG. À ce titre, elle doit renseigner le nombre d’emplois. Au besoin, le service en charge de la collecte des déchets peut demander directement à l’entreprise des informations la concernant (art. 4 al. 3 annexe 4).

La facturation au forfait est établie annuellement au mois d’avril de chaque année pour l’année en cours, sur la base des informations du nombre d’emplois extraites du REG en date du 31 mars de l’année en cours (art. 5 annexe 4).

18.         De jurisprudence constante, les directives sont des ordonnances administratives dont les destinataires sont ceux qui sont chargés de l'exécution d'une tâche publique et non pas les administrés. Elles ne sont pas publiées dans le recueil officiel de la collectivité publique et ne peuvent donc pas avoir pour objet la situation juridique de tiers. Elles ne lient pas le juge, mais celui-ci les prendra en considération, surtout si elles concernent des questions d'ordre technique ; il s'en écartera cependant s'il considère que l'interprétation qu'elles donnent n'est pas conforme à la loi ou à des principes généraux (ATA/41/2019 du 15 janvier 2019 ; ATA/668/2015 du 23 juin 2015 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 420 ss n. 2.8.3). Par ailleurs, une directive ne peut pas sortir du cadre fixé par la norme supérieure qu'elle est censée concrétiser. En d'autres termes, à défaut de lacune, elle ne peut prévoir autre chose que ce qui découle de la législation ou de la jurisprudence (ATF 141 II 338 consid. 6.1 ; 140 V 343 consid. 5.2 ; ATA/1244/2017 du 29 août 2017).

19.         De plus, aussi de jurisprudence constante, la chambre administrative [et avant elle le tribunal] est habilitée à revoir, à titre préjudiciel et à l'occasion de l'examen d'un cas concret, la conformité des normes de droit cantonal au droit fédéral (ATA/1200/2017 du 22 août 2017 ; ATA/614/2017 du 30 mai 2017 ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. 1, 3ème éd., 2012, p. 345 ss n. 2.7.3). Cette compétence découle du principe de la primauté du droit fédéral sur le droit des cantons, ancré à l'art. 49 al. 1 Cst. (ATF 138 I 410 consid. 3.1 ; ATA/43/2016 du 19 janvier 2016). D'une manière générale, les lois cantonales ne doivent rien contenir de contraire à la Cst., ainsi qu'aux lois et ordonnances du droit fédéral (ATF 127 I 185 consid. 2 ; ATA/43/2016 précité ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. 1, 3ème éd., 2013, p. 786 n. 2337 ss). Le contrôle préjudiciel permet de déceler et de sanctionner la violation par une loi ou une ordonnance cantonales des droits garantis aux citoyens par le droit supérieur. Toutefois, dans le cadre d'un contrôle concret, seule la décision d'application de la norme viciée peut être annulée (ATA/614/2017 du 30 mai 2017 ; ATA/43/2016 précité ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, op. cit., p. 352 ss n. 2.7.4.2).

20.         Dans un arrêt du 10 septembre 2019 (ATA/1367/2019 du 10 septembre 2019 consid. 7), la chambre administrative a notamment jugé qu’une directive du GESDEC introduisant le critère d’emploi, pour définir la responsabilité et le financement de l’élimination des déchets urbains n’était pas conforme au droit supérieur qui se basait sur le critère de l’ETP, confirmant pour le surplus que les cantons et la commune pouvaient se référer au REG pour obtenir les informations y relatives et qu’il pouvait être imposé dans le règlement communal sur la gestion des déchets aux entreprises de mettre à jour leurs données dans le REG.

La chambre administrative a relevé que la notion d'emploi sans indication d’ETP retenue par la ville dans son règlement qui est une reprise de celle figurant dans la directive cantonale ne garantit ni l'égalité de traitement entre les micro-entreprises, ni l'application du principe de causalité, ni l'effet incitatif prévu par l'art. 32a LPE.

Cet arrêt a été confirmé par le Tribunal fédéral (1C_4485/2020 du 20 septembre 2020) lequel a par ailleurs validé le principe de la collecte et l’élimination des déchets urbains par la ville, pour les micro-entreprises, moyennant le paiement d’un montant forfaitaire.

21.         Découlant directement de l'art. 9 Cst. et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 ; ATF 137 I 69 consid. 2.5.1).

22.         L'abus de droit consiste notamment à utiliser une institution juridique à des fins étrangères au but même de la disposition légale qui la consacre, de telle sorte que l'écart entre le droit exercé et l'intérêt qu'il est censé protéger soit manifeste (ATF 138 III 401 consid. 2.2 ; 137 III 625 consid. 4.3 ; 135 III 162 consid. 3.3.1 ; 132 I 249 consid. 5 ; 129 III 493 consid. 5.1).

23.         Ce principe lie également les administrés. Ceux-ci ne doivent pas abuser d'une faculté que leur confère la loi en l'utilisant à des fins pour lesquelles elle n'a pas été prévue. Ce faisant, ils ne violent certes pas la loi, mais ils s'en servent pour atteindre un but qui n'est pas digne de protection (ATA/500/2011 du 27 juillet 2011 et les références citées).

24.         Le REG est une banque de données de référence accessible au public via Internet. Sous la responsabilité de l'OCIRT, elle fournit des informations sur l'activité exercée par le secteur privé, public et international du canton. Tous les lieux géographiques où l'activité de l'entreprise s'exerce y sont répertoriés.

25.         En l’espèce, la ville a établi la facture incriminée en se fondant sur les données du REG au 31 mars 2024, dont il ressort qu’à cette date, l’étude comptait 7 EMP, à savoir 3 employeurs et 4 travailleurs. Elle soutient que cette base de données fait foi et que si la recourante avait estimé qu’elle comportait des inexactitudes, il lui aurait appartenu de la faire corriger avant cette date.

L’étude ne partage pas le point de vue de l’autorité intimée. Elle considère qu’elle ne compte que 2, voire 4 ETP. Pour parvenir à ce résultat, elle additionne les taux d’occupation de ses employés. Cas échéant, il convient d’ajouter ceux de ses deux associés.

26.         La ville ne peut être suivie.

En effet, sa méthode de facturation, consistant à se fonder sur le nombre d’EMP sans égard à leur taux d’occupation se révèle contraire au droit fédéral, ainsi que l’a retenu la chambre administrative dans son ATA/3______ susmentionné.

Il y a dès lors d’additionner les taux d’occupation des employés de la recourante, à savoir 100 % (Me I______) + 40 % (Mme K______) + 30 % (M. L______) + 30 % (Mme M______). Il convient également de tenir compte des associés, Mes O______ et N______ et ce, à raison d’un taux d’occupation de 100 % chacun. En effet, la recourante ne prétend pas – et le démontre encore moins – qu’ils exerceraient une activité à temps partiel. Certes, elle soutient que Me N______ travaille exclusivement sur mandat et à distance. Cependant, cet allégué n’est aucunement démontré.

Il faut également prendre en considération Mes H______ et J______, car ils figurent sur le papier à en-tête de l’étude et sur son site internet, même si la recourante n’en fait pas état dans son courrier du 18 novembre 2024. En outre, leur numéro de téléphone est le même que celui des autres associés. À l’instar de leurs confrères et sans information contraire, il convient de retenir un taux d’occupation de 100 % chacun.

Dès lors, au total, l’étude occupe 6 ETP et non 7 EMP, comme l’a retenu l’autorité intimée.

27.         Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis partiellement et le dossier renvoyé à la ville pour qu’elle établisse une nouvelle facture sur la base de ce qui précède.

28.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui obtient partiellement gain de cause, est condamnée au paiement d’un émolument réduit s’élevant à CHF 200.-. Il est couvert par l’avance de frais de CHF 250.-, versée à la suite du dépôt du recours.

Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 800.-, à la charge de la Ville de Genève, sera allouée à la recourante (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 22 mai 2024 par l’Étude A______ contre la décision de la Ville de E______ du ______ 2024 ;

2.             l'admet partiellement, dans le sens des considérants ;

3.             met à la charge l’Étude A______ un émolument de CHF 200.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             ordonne la restitution à la recourante du solde de l’avance de frais de CHF 50.- ;

5.             condamne la Ville de E______ à verser à l’Étude A______ une indemnité de procédure de CHF 800.- ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Loïc ANTONIOLI et Damien BLANC, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière